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Saint-Saturnin est situé à environ 20 km au sud de Clermont-Ferrand. L’église domine le village dans la proximité immédiate du château. Elle est construite en arkose claire extraite sans doute des carrières proches de Monpeyroux, et la lave noire est utilisée pour le décor. Elle est la plus petite des églises dites « majeures », et la moins décorée. Une chapelle, dédiée à sainte Madeleine et également romane, a été placée à peu de distance au nord-est du chevet, dans l’ancien cimetière. Points de repère historiques et chronologie

Au XIIIe siècle il y a à Saint-Saturnin un prieuré dépendant d’Issoire. La période précédente

n’est connue par aucun document. Le château est une possession de la famille de La Tour d’Auvergne, importante dans la région163, et l’église était incluse dans son périmètre. On peut donc supposer que

cette famille a joué un rôle dans l’implantation du prieuré, dont il reste, dans la sacristie actuelle, au sud de la nef, ce qui devait être la salle capitulaire et une triple arcature avec chapiteaux (fig. ).

D’après Georges de Bussac, c’est Odilon, abbé de Souvigny, qui aurait fondé un prieuré de bénédictins à cet emplacement en 1040164. Si le renseignement est précis, sa source reste inconnue

parce que non référencée. Ambroise Tardieu parle simplement d’une dépendance de l’abbaye

d’Issoire165. Les premiers documents connus remontent au XIIIe siècle et confirment ce point. De plus,

la situation de l’église dans l’enceinte du château, permet de penser qu’elle était sous la protection de la famille de La Tour d’Auvergne.

L’ensemble de la construction ne présente aucune reprise, il faut donc en conclure que le chantier s’est déroulé en une seule campagne. Les arguments de datation proposée par des historiens lors de visites ponctuelles, se basant sur la sculpture, en font une église tardive par rapport aux autres églises étudiées ; il faudra évidemment revenir sur ce point. Si l’unité architecturale semble acquise, les témoignages photographiques montrent des transformations récentes. D’une part, la couverture du clocher, reprise après sa destruction à la Révolution, a été refaite par les restaurateurs du XIXe siècle ;

d’autre part, l’aspect extérieur du chevet a changé à la même époque, l’appareil de blocage utilisé entre les contreforts a été recouvert par un appareil en pierres taillées qui lui donne un caractère plus sophistiqué166. De plus, la chapelle du transept nord a été modifiée et, en 1847 et un devis précise que

11 petits chapiteaux de l’extérieur vont être changés, il s’agit en particulier d’un certain nombre de ceux des petites arcades correspondant aux tribunes de la nef167.

G. De Bussac pense que la chapelle Sainte-Madeleine, située au nord-est de l’église (fig. ), était la première église du prieuré168, mais l’analyse des sculptures reste à faire. Elle pose aussi un

problème d’usage. En effet, sa dédicace ne plaide pas en faveur d’une utilisation baptismale, comme il le pense169 à cause d’un usage tardif allant dans ce sens et de la tradition orale ; et son emplacement

dans le cimetière la destinait sans doute plutôt à un rôle funéraire. Il faudra aussi examiner s’il y a une relation stylistique ou iconographique entre cette chapelle et l’église. Il faut aussi noter que, lors de la fortification du village, une tour a été construite sur son chevet.

163 Catherine de Médicis est la fille de Madeleine de la Tour d’Auvergne et possède le château à partir

de 1518. 164 DE BUSSAC 1959, p. 27. 165 TARDIEU, 1877, p. 318. 166 Ibid. p. 9. 167 GUILLAUMONT 2012, p. 8. 168DE BUSSAC 1959, p. 26. 169 Ibid. p. 26.

60 Présentation de l’église (fig. 40)

Le bâtiment est composé d’une nef avec bas-côtés, d’un transept saillant et d’un chœur à déambulatoire. Le chœur à déambulatoire ne possède aucune chapelle rayonnante, mais deux

chapelles, orientées vers l’est sont placées dans les bras du transept. La croisée, surmontée d’un massif barlong, est couronnée par un clocher qui, mise à part la toiture, est d’origine. Le parti de la simplicité semble avoir dominé la conception de l’ensemble.

L’entrée ouest se fait par une porte en plein cintre ouverte dans une façade austère (fig. 41). Seuls deux contreforts viennent rompre la monotonie de cette surface, faite de moellons noyés dans le ciment. À la verticale de la porte une petite baie, dont le seul décor est l’alternance des claveaux clairs et foncés de l’arc, permet un faible éclairage au fond de la nef. À l’intérieur, pas de réelle avant-nef mais une travée qui prolonge la nef dont elle est séparée par un doubleau. Sur le mur ouest, au niveau des tribunes, un étroit passage reliant les deux côtés des tribunes, est construit en saillis au-dessus de la porte et repose sur deux arcs soutenus par un corbeau central Les tribunes nord et sud, à ce niveau, ne comportent que deux baies, la troisième étant remplacée par une porte ouvrant sur ce passage (fig. 42).

La nef est longue de trois travée elle est couverte d’un berceau continu limité à l’ouest par un doubleau et à l’est par le mur diaphragme de la croisée du transept (fig. 43). Les tribunes ouvrent sur la nef par trois baies à chaque travée. L’alternance de claveaux clairs et foncés en est les seuls décors. Comme d’habitude, les murs du vaisseau central sont lisses et prolongent cette voûte jusqu’au sol. Une sorte de colonne, coudée à son extrémité supérieure, au niveau de la première travée, vient rompre cette belle unité : une cheminée d’aération des tombeaux qui occupent tout le sous-sol du fond de l’église, ajoutée sans doute au XVIe ou au XVIIe siècle. Au nord, une porte ouvre sur l’ancien

cimetière, alors qu’au sud on accède à l’ancienne salle capitulaire par un couloir qui longe le transept. Il reste de cette salle capitulaire une triple arcature avec quatre chapiteaux (deux par support) (fig. 44).

À l’extérieur, les contreforts, éléments utilitaires nécessaires à contrer la poussée des voûtes, ont été englobés dans un décor posé en placage qui reprend la structure de l’intérieur de la nef : grandes arcades au niveau inférieur, trois petites arcades par travée au niveau supérieur (une baie est ouverte dans l’arcature centrale, les deux autres étant aveugles) (fig. 45). Ces petites baies sont réunies par un cordon de billettes qui court tout au long de l’extrados des arcs et séparées par un arc en mitre qui marque chaque travée. À ce niveau des tribunes, la régularité n’est qu’apparente : les deux premières travées utilisent l’alternance de claveaux clairs et foncés alors que les deux dernières sont uniformément claires ; des colonnettes en pierre noires sont placées de façon aléatoire. Á noter également que, du côté sud, la travée proche du transept ne comporte qu’une seule baie, le massif englobant l’escalier menant aux tribunes étant construit à cet emplacement.

La croisée du transept ouvre sur la nef et les bras du transept par trois arcs diaphragmes et sur le chœur par un arc en plein cintre retombant sur des colonnes engagées dans les piliers d’angle. La coupole montée sur trompes est contrebutée par les demi-voûtes du massif barlong. Des absidioles voûtées en cul-de-four sont ouvertes à l’est sur chacun des bras.

À l’extérieur, c’est la hauteur importante du massif barlong qui s’impose. Il est souligné par une rangée continue d’arcatures soulignée par un cordon à billettes, et deux niches, reposant sur une corniche moulurée, sont creusées au-dessus sur la face est. Le clocher à deux niveaux le surplombe. Des petits arcs en mitre, réunissant les baies, unifient stylistiquement l’ensemble. Au nord et au sud, les bras se terminent par des façades très différentes : au sud, la façade nue est seulement percée d’une baie soulignée par une moulure en accolade ; au nord, l’organisation à deux niveaux est similaire à celle de la nef.

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On accède au chœur par trois marches dont les contremarches sont ajourées en forme d’alpha et d’oméga (fig. 46). Cette disposition date d’une restauration de l’abbé Bayle (curé de 1894 à1911) qui, ayant entrepris de rendre à l’église sa configuration d’origine, fit défoncer le sol du transept et retrouva des éléments d’un ancien escalier avec marches ajourées.

Le rond-point est constitué de six colonnes avec chapiteaux sculptés de feuillages supportant des arcs surhaussés. La voûte du déambulatoire repose, pour sa partie extérieure, sur des colonnes engagées montées sur bahut.

À l’extérieur, le contraste est particulièrement marqué entre un mur plat, constitué par le transept et le massif barlong, et les volumes circulaires qui s’y appuient, constitués par les deux absidioles et l’abside centrale. On a déjà noté que les restaurations du XIX siècle ont fortement modifié l’aspect du déambulatoire comme en témoignent les photos anciennes : un appareillage en pierres taillées ayant remplacé l’appareil de blocage entre les contreforts (fig. 47).

L’accès se fait par deux escaliers ouverts à l’entrée des bras du transept. Elle reproduit le plan du chœur avec six colonnes correspondant à celles du rond-point, auxquelles il faut ajouter quatre colonnes plus fines au centre. N’étant pas complètement enterrée, elle est éclairée par trois fenêtres. Trois niches sont aménagées dans le mur ouest, sous l’escalier. Dans la niche centrale une margelle de puits ( ?) se voit au sol, et des feuillures ont dû accueillir des grilles.

Les études sur les sculptures

Les auteurs sont intéressés à cette église surtout parce qu’elle est arrivée complète jusqu’à nous, mais aucun ne parle des chapiteaux figurés qu’elle contient. Ceux qui abordent le sujet, dans les ouvrages généraux sur la sculpture romane en Auvergne, se contentent de signaler qu’il n’y a pas de sculptures intéressantes dans cette église.

Georges de Bussac170 publie le premier fascicule sur le village de Saint-Saturnin en 1959. Son

propos est orienté principalement sur l’histoire : le territoire est une possession de la famille de La Tour d’Auvergne, avec le château ; puis il étudie les monuments religieux, la chapelle et l’église ainsi que les restes du prieuré. Dans sa description de l’église, il consacre une demi-page aux chapiteaux, s’attardant surtout sur les aspects techniques. Pour ce qui est de l’iconographie, il explique : « les chapiteaux présentent un décor exclusivement végétal à l’exception […] de celui qui est sculpté des trois aigles, fréquents dans l’imagerie auvergnate ; et de trois autres […] »171. Dans l’ouvrage de

Zygmunt Swiechowski172, l’église est seulement nommée lorsque, au milieu de beaucoup d’autres, il

cite le chapiteau des aigles et celui des griffons autour du vase173.

En 2012, je décide donc de réparer cette injustice et publie un fascicule174 dans lequel les

chapiteaux tiennent une plus grande place, mettant en évidenceleur intérêt. Finalement, en 2013, B. Phalip consacre deux pages à cette église et parle de « refus de la figure sculptée », puis oppose les chapiteaux corinthiens du chœur à ceux de la nef : « une forme de rigidité s’empare des feuilles lourdes et épaisses, apparentées aux corbeilles à feuilles grasses ». Il conclut : « il n’y existe ni portail sculpté, ni cycle iconographique ni chapiteaux historiés175. »

170 DE BUSSAC 1959. 171 Ibid. p.32 172 SWIECHOWSKI 1973. 173 Ibid. p. 325 174 GUILLAUMONT, 2012. 175 PHALIP 2013, p. 112-115.

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La chapelle Sainte-Madeleine, placée à quelques mètres seulement de l’église, du côté du nord, est également romane et comporte un ensemble de chapiteaux dans l’abside. L’un d’entre eux, le seul à sujet figuratif, est particulièrement intéressant176.

Recencement des thèmes rencontrés et répartition dans le bâtiment (fig. 48) Église

Nef Aigles

Oiseaux autour d’un calice Tête sur tige avec oiseaux Têtes autour d’un arbre-croix

Animaux Animaux

Personnage +animaux Personnages

Chœur

Modillons transept Tête animale

Têtes de personnages Personnages Animal Chapelle

Nef

Choeur Personnage hybride Personnage

Tous les chapiteaux figurés de l’église se trouvent dans la partie nord de l’édifice. Les deux sujets les plus originaux, ceux qui jusqu’à présent ont été seulement nommés, sont situés de telle façon qu’ils encadrent l’entrée par la porte latérale qui donnait sur le cimetière ; les deux autres sont situés respectivement sur une des colonnes engagées dans les piliers immédiatement plus à l’est ou plus à l’ouest, semblant ainsi les encadrer à leur tour. Aucun texte biblique ne semble être illustré, il faudra donc chercher d’autres sources.

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B – Quatre églises incomplètes mais conservant un ensemble de