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Cette première couronne de sculptures encadrant le rond-point présente des sujets variés mais qui semblent pouvoir être répartis en plusieurs groupes : ceux de la partie sud du déambulatoire parlent de maîtrise de soi et de changement de vie, de conversion, le centre en étant l’épisode de Zachée. Le deuxième groupe, c’est-à-dire le déambulatoire nord, ne contient que des êtres ailés (aigles, génies, démons) et de la végétation. Quant aux deux chapiteaux orientés vers l’est, faisant face au rond-point, ils encadrent l’entrée du chœur et, pour ceux qui sont à l’autel, ils encadrent l’ouverture vers la nef. Comme on l’a vu, l’un représente des personnages hybrides, à moitié végétaux, l’autre des aigles. On a donc une forte opposition entre l’idée de l’homme terrestre, entravé par son corps attaché à la terre, et celle de l’élévation spirituelle ou de la régénération (que ce soit la référence au baptême ou à la résurrection). Il est intéressant de faire le rapprochement avec la même disposition, mais dans un contexte différent, à l’église de Saint-Genès de Thuret. Le fidèle qui entre dans cette église par la porte

472 AUGUSTIN éd. RAULX, tome X, p. 91. 473Ibid. p. 179.

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ouest, au fond de la nef, se trouve face à deux chapiteaux, l’un à sa droite, (donc du côté sud du bâtiment), qui représente un singe attaché au sol par une corde, et s’appuyant sur un feuillage pour essayer de se redresser ; de l’autre côté, au nord, un aigle, perché sur une couronne de feuilles, étale largement ses ailes, comme à Saint-Nectaire. Dans une étude précédente475, nous avions montré que

ces deux chapiteaux ouvraient sur des bas-côtés très différents : du côté du singe, de nombreuses images sculptées représentant des épisodes bibliques ou non, mais très concrètes, avec personnages et animaux ; du côté de l’aigle, uniquement des feuillages et des chapiteaux représentant de magnifiques entrelacs. Nous avions alors conclu à deux idées montrées dès l’entrée de l’église : l’homme animalisé attaché à la terre, et l’homme spirituel, s’élevant vers le ciel ; l’un ayant besoin d’images concrètes, l’autre étant capable d’intellectualiser, d’intérioriser les notions.

Ce rapprochement nous incite à penser qu’une idée similaire est peut-être suggérée ici mais, cette fois, pour le religieux présent dans le chœur et qui, se tournant vers l’assemblée, se voit incité à penser à deux publics différents, à prendre en compte deux capacités de compréhension opposées. On peut aussi constater que, comme à Thuret, du côté des hommes charnels (déambulatoire sud) sont montrées des images plus concrètes parlant de la vie de l’homme et des attitudes qu’il doit adopter ; alors que du côté des aigles, c’est le déambulatoire nord avec végétation et êtres volants, dont la signification n’est pas évidente au premier regard et nécessite une culture religieuse plus importante. D’autres éléments d’organisation peuvent être mis en évidence dans la disposition des sujets dans chaque déambulatoire : au sud une organisation symétrique où des hommes portant ou chevauchant des animaux encadrent deux chapiteaux centraux montrant deux aspects d’une même idée, la

conversion ; au nord au contraire aucune symétrie, deux chapiteaux avec oiseaux semblant illustrer des idées très éloignées, encadrent deux chapiteaux qui, eux aussi, semblent très différents (feuillages et génies).

Si on se pose la même question de volonté d’organisation visuelle pour celui qui arrive de la nef et emprunte le déambulatoire, on voit que, au sud, en entrant il est encadré par deux chapiteaux très terrestres (feuillages et porteurs de moutons), alors que, s’il entre par le côté nord, il pénètre entre des oiseaux végétaux et des diables volant et emportant un pécheur. On aurait alors d’un côté une vision pouvant évoquer, au premier regard, la vie terrestre ordinaire faite de plantes qui poussent et d’hommes qui travaillent ; de l’autre, des images non naturelles, composées d’hybrides et de personnages non visibles en réalité. Donc, d’un côté du concret, de l’autre de l’imaginaire.

On peut donc avancer que, cette première couronne de sculptures semble présenter une autonomie de propos par rapport au rond-point, le seul point de contact étant l’épisode de Zachée qui, en tant que seul épisode biblique du déambulatoire, incité à chercher une correspondance avec les nombreux épisodes bibliques du rond-point.

eŔ Deuxième couronne : baies et chapelles rayonnantes

(fig. 141)

Les chapiteaux encadrant les fenêtres du déambulatoire et celles des chapelles rayonnantes sont encore plus modestes par leur taille, et ne comportent le plus souvent que deux faces, seuls les deux chapiteaux centraux de chaque chapelle, placés entre les ouvertures, possèdent trois faces visibles. Ils forment un troisième niveau d’images, une deuxième couronne autour du rond-point. Quelques-uns sont très endommagés, usés par le temps, mais laissent encore identifier les sujets. Ils

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sont tous composés de feuillages variés. Sur les vingt chapiteaux qui constituent cet ensemble, sept seulement présentent un élément, occupant le dé des faces ou les angles de la corbeille, qui peut les distinguer des autres : une tête crachant des feuillages (Nf2-1), deux têtes terminant une plante (Sch3), une fleur de lys, deux fleurs à cœur, deux fruits. Leur répartition semble aléatoire et aucune conclusion ne peut en être tirée.

Conclusion

Le dégradé constaté en s’éloignant du centre, du rond-point, aussi bien par la taille des chapiteaux, le nombre de faces décorées, la quantité de sujets figurés, correspond aussi à une

progression dans le choix des sujets représentés : dans le rond-point se trouvent des sujets bibliques et hagiographiques développés sur quatre faces; sur la première couronne, le déambulatoire, les sujets, installés sur une face principale et deux faces plus petites, parlent des hommes, de leur double nature, de leur capacité à se contrôler et à évoluer ; dans la deuxième couronne, il n’est question que de végétation donc de la terre, avec quelques incursions de l’homme. On constate une évolution en allant de l’extérieur du chœur vers l’intérieur, que l’on peut résumer ainsi : terre, homme, Bible. On part de l’extérieur, du monde naturel pour arriver au centre vers le monde surnaturel. L’homme est en position intermédiaire, ce qui rejoint la base même des croyances religieuses traditionnelles : l’homme est de passage sur terre, sa véritable patrie c’est le ciel, et c’est par une évolution vers le spirituel qu’il y arrivera.

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