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La disposition semble la même que du côté sud avec un chapiteau central très différent des autres, le seul avec personnages, encadré par trois chapiteaux ne montrant que des oiseaux et de la végétation. Ici la disposition est inversée : en entrant dans le déambulatoire on trouve un chapiteau avec des oiseaux, puis le chapiteau à personnages puis, après un chapiteau à feuillage, de nouveau des oiseaux ; alors que du côté sud le chapiteau central était précédé par deux chapiteaux différents. Ce qui donne un rythme 1-2 pour le nord et 2-1 pour le sud, donc, une certaine symétrie, mais pas telle que nous la concevons en général.

1 - Oiseaux (Ntd) (fig.132)

Quatre oiseaux sont disposés de façon symétrique : deux adossés au centre de la face principale, un sur chacune des faces latérales. Le plumage de leurs queues se développe en bouquets de feuillages sur les deux angles de la corbeille. Ils tournent la tête dans cette direction et semblent picorer une feuille. Au centre de la face principale, à l’emplacement du dé, une tête animale, le museau en avant et la gueule entr’ouverte, semble émerger derrière les oiseaux.

Les différents commentateurs dissertent surtout sur des oiseaux particuliers, comme l’aigle, le pélican, etc. auxquels ils attribuent une signification symbolique, mais les oiseaux ordinaires sont peu commentés. L’idée générale est celle d’élévation, en rapport avec le ciel ; ou bien ce sont les plumes ou les ailes qui donnent lieu à des comparaisons. Par exemple Grégoire le Grand dans ses morales sur Job456, dit que les oiseaux sont « les esprits qui ont la sublime sagesse des choses du ciel » ; Eucher 457

précise que ce sont les saints. Mais, comme l’a bien étudié Jacques Voisenet458, chaque idée est

ambivalente et si certains se servent des oiseaux pour signifier l’élévation spirituelle, d’autres s’en serviront pour signifier l’orgueil. Et comme d’habitude c’est Raban Maur qui semble résumer toutes les occurrences459 : les oiseaux peuvent représenter aussi bien les anges que les démons, ou bien

encore les saints. Mais ici les oiseaux poussent comme des plantes. Ils ne sont donc pas aériens mais terrestres, ce qui apparaît comme une contradiction par rapport à leur nature même. Il faut sans doute revenir aux idées traditionnelles et penser que l’oiseau, en général, signifie l’esprit. Dans les

commentaires sur l’Héxaméron, lors de leur création, ils sont opposés aux poissons et représentent, pour les exégètes, les hommes spirituels alors que les poissons sont les hommes terrestres : Hildebert

456 GRÉGOIRE LE GRAND S. C. 212, p. 47. 457 P. L. 50, 748.

458 VOISENET 2000, p.136-138.

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de Lavardin (ý vers 1133) précise que par les poissons et les oiseaux sont désignés deux sortes de fidèles. Les premiers sont attachés au siècle, ils sont appelés poissons, et la mer c’est le monde. Les autres sont des oiseaux, c’est-à-dire ceux qui volent au ciel avec les ailes de vertu460.

Ceci ne nous aide guère pour trouver la raison de leur hybridation sur le chapiteau, et encore moins la présence énigmatique de la tête d’animal. Ces oiseaux semblent empêchés de voler à cause de leur partie végétale, si l’on tient compte des réflexions précédentes on pourrait penser qu’il s’agit d’exprimer la double nature de l’homme : capacité de son esprit à s’élever entravée par sa nature terrestre. D’où peut-être l’idée que l’homme est bivalent : un esprit destiné à l’élévation spirituelle mais freiné par son corps terrestre. Mais là aussi rien n’explique la tête placée derrière eux. 2 - Deux figures ailées (Nd1) (fig.133)

Deux personnages nus et ailés tenant des boucliers semblent voler au-dessus de la couronne de feuillage d’acanthes occupant le bas de la corbeille. Leurs têtes sont placées aux angles et leurs corps occupent les faces latérales. Au centre de la face principale, une petite tête est placée sur le dé médian, derrière les boucliers. Le chapiteau est très dégradé et, pour examiner les détails il faut se référer à d’autres exemples.

Cette iconographie se rencontre dans plusieurs églises (Notre-Dame-du-Port, Saint-Julien de Chauriat, Saint-Avit, etc.) mais à Saint-Pierre de Mozac (fig. 134) on trouve deux exemplaires presque identiques qui sont à la fois mieux conservés et d’exécution plus habile. C’est donc en les examinant que l’on pourra comprendre celui de Saint-Nectaire.

Tous les auteurs ont répété inlassablement la même lecture : ce sont des images issues de l’Antiquité romaine qui représentent des victoires gravant leur bouclier. Pourtant il faut noter des détails incompatibles avec cette lecture. D’abord les victoires gravant des boucliers, dans la sculpture romaine, sont toujours des femmes habillées et debout, d’autre part elles font le geste d’écrire. Or, ici, les personnages sont nus, en position de vol et les mains posées à plat sur les boucliers. On pense alors plutôt aux génies funéraires des sarcophages qui, placés de chaque côté de l’imago clipeata sur laquelle est placée l’image du défunt, l’élèvent au-dessus de la terre souvent représentée sous la forme de figures allégoriques. Mais ici la tête de personnage est bien derrière le bouclier et à Mozac on distingue nettement l’ébauche d’un vêtement sous son cou, il ne peut donc y avoir allusion à la victoire sur la mort comme sur les sarcophages.

Un autre détail parait important : ces figures ailées ne sont pas casquées, comme certains ont pu le dire, mais portent une sorte de bonnet phrygien qui, en général, indique l’origine orientale du personnage (par exemple les rois mages qui viennent d’Orient sur les sarcophages romains). Dans leur article analysant une peinture romane de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé, représentant le banquet d’Hérode, L.J. Bord et B. Pilot461 montrent que cette coiffe identifie les personnages qui les portent à

des princes orientaux. Sur le chapiteau, ce bonnet indiquerait donc l’origine orientale de ces sortes d’anges.

Il faut alors se rappeler l’étude de Franz Cumont sur « les anges du paganismes »462 que l’on

ne peut que citer largement : « Ces dieux anges ne peuvent évidemment être ni juifs ni chrétiens […] les anges du paganisme sont en effet regardés comme des conducteurs des âmes […] les troupes syriennes portèrent le culte des anges en dehors de leur patrie […] le culte des anges appartenait au

460 P. L. 171, 925, sermon 131. 461 BORD PILOT 2014, p.10.

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paganisme sémitique aussi bien qu’au judaïsme et a été propagée par les fidèles des dieux syriens en même temps que par les adorateurs de Jéhovah […] les mystères de Mithra et les cultes syriens ont propagé l’adoration des anges dans les provinces romaines […] ils sont les agents de toute l’œuvre divine dans l’univers […] les messagers de Dieu […] des auxiliaires dans l’acte perpétuel de la création […] il existe des anges démiurges qui préside à toute génération. Suivant la conception antique, l’âme est une essence divine tombée du ciel dans la matière et introduite dans le corps au moment de la naissance. Les anges sont chargés de l’escorter dans sa descente vers la terre […] Pendant cette existence terrestre, ils continuent à veiller sur l’âme dont ils ont la tutelle. Ils sont ses gardiens […] ils ont pour mission d’aider l’âme délivrée de sa prison charnelle à remonter vers les cieux […] ».

On retient de tout cela que, dès l’origine on trouve la notion d’ange gardien, d’ange messager de Dieu, et on note évidemment l’origine orientale de toutes ces notions. Sur les chapiteaux il devient plus évident que ce sont ces aspects qui sont mis en évidence : le bonnet phrygien les identifie comme orientaux; les boucliers renvoient à leur rôle de protection ; et la petite tête placée derrière les boucliers met en évidence leur rôle d’ange gardien. Mais pourquoi alors ne pas avoir montré un ange gardien chrétien ? Pour montrer une croyance révolue ? C’est sans doute en examinant le contexte dans lequel est placé ce chapiteau, et donc les autres sculptures, que l’on trouvera peut-être une réponse.

3 - Feuillages (Nd2) (fig. 135)

Comme sur le chapiteau précédent, une couronne de feuilles d’acanthes occupe la moitié inférieure de la corbeille. Au-dessus, un caulicole avec sa collerette sort au centre, derrière cette première rangée, et soutient un large calice de feuilles qui occupe toute la largeur de la corbeille. De nombreux chapiteaux adoptent ce système en Auvergne et, ici, rien de particulier n’est à signaler. Peut-être ce chapiteau est-il placé à cet endroit pour séparer les chapiteaux qui l’encadrent, comme on l’a vu, par exemple, dans le rond-point de Notre-Dame-du-Port, mais ici ce n’est pas évident. Il faut simplement remarquer que c’est le seul chapiteau végétal du déambulatoire.

4 - Aigles (Nd3) (fig. 136)

Trois aigles occupent chacun une des faces du chapiteau. Ils sont perchés chacun sur une feuille d’acanthe ; deux autres feuilles, plus longues, forment les angles de la corbeille. L’aigle de la face centrale se présente frontalement et étale largement ses ailes ; ceux des faces latérales tournent la tête en direction de l’aigle central.

L’aigle est sans doute l’oiseau le plus cité dans les commentaires, mais ses significations sont multiples et s’adaptent au contexte, ce qui rend souvent difficile d’en fixer le but. Les idées se regroupent dans quelques directions principales, mais l’idée d’élévation spirituelle domine : les qualités de rapidité et d’élévation qui peuvent devenir négatives, la référence privilégiée au baptême ou à la résurrection. Il est utilisé pour représenter soit l’homme, soit l’Écriture, soit le Christ. Comment choisir alors ? Il faudra revenir sur ce sujet important après avoir recensé les exemplaires des autres églises.

Dans cette partie nord du déambulatoire, il clôture le cheminement qui a été ouvert par les oiseaux à feuillage mais, placé à l’entrée de la chapelle axiale, il fait face aux personnages

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et plus particulièrement vers le miracle du passage du Tibre. Ces aigles pourraient-ils faire référence à l’élévation spirituelle de saint Nectaire qui lui a permis de faire le miracle ?