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A-Transept de Notre-Dame-d’Orcival

1 - Croisée du transept(fig. 221)

Les chapiteaux de la croisée du transept sont placés très haut, à 18 m du sol, ce qui pose un problème de lisibilité.

Les quatre chapiteaux de l’ouest, à l’entrée de la nef, sont ornés de végétaux. Des feuilles et des fruits caractérisent les deux qui sont orientés vers l’est, mais alors que sur celui du nord (N1E) les fruits, petits, ressemblent à des gouttes retombant à partir du sommet des, les fruits de celui du sud (S1E) sont grands, en fort relief, sculptés à la façon de pomme pin, et occupent les angles de la

corbeille. Au dé est placée une grande fleur à pétales ajourés. Les deux autres chapiteaux, placés face à face à l’entrée de la nef (N1S et S1N), sont presqu’identiques : un rang de grandes fleurs surmonté d’un rang de fleurs et de feuilles alternées. Les fleurs sont bizarrement dissymétriques, de longs pétales encadrant la tige.

À l’entrée du chœur, les deux chapiteaux orientés vers l’ouest (NtO et StO) sont assez semblables : deux couronnes de longues feuilles à nombreux lobes dentelés. Mais, sur la couronne du haut, les deux feuilles centrales s’inclinent vers l’intérieur pour encadrer une fleur pour celui du nord,

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et pour encadrer deux feuilles pour celui du sud. Les deux chapiteaux encadrant l’entrée du chœur sont au contraire très dissemblables. Celui du sud (StN) est composé d’une première couronne de grandes feuilles placées aux angles et encadrant un caulicole central étalant une feuille sommitale en forme d’éventail, et d’une deuxième couronne également composées de feuilles mais qui sont en grande partie recouvertes par la première rangée, alors que celui du nord (NtS) est le seul chapiteau figuré de l’ensemble de la croisée.

On remarque donc que l’ensemble est composé de paires, seul l’arc triomphal est surmonté de chapiteaux différents.

Chapiteau des anges (NtS)

Le chapiteau du nord (NtS) est donc le seul comportant un décor figuré. Deux anges occupent les angles de la corbeille : ils sont debout, leurs pieds posés sur l’astragale et leurs têtes auréolées touchant le sommet de la corbeille. Ils sont vêtus de la longue robe traditionnelle et tiennent, d’une main une grande trompe, de l’autre une lance. Celui de gauche tient de la main droite une trompe qu’il a portée à sa bouche (on peut donc supposer qu’il en sonne) et de sa main gauche une lance posée sur le sol pointe en haut ; celui de droite tient sa trompe verticalement sans en jouer et sa lance pointe en bas, soulevée du sol. On remarque aussi que sa lance est recourbée en haut comme si elle avait été tordue et, du coup, parait plus courte. On a donc deux anges identiques (ou presque puisque les plis des vêtements sont différents et celui de droite semble avoir une ceinture) qui font des gestes opposés.

Derrière les anges des bâtiments sont en partie cachés par leurs ailes. À droite, on distingue une sorte de tour à étages : en bas une galerie composée de colonnes à chapiteaux soutenant des arcs en plein cintre ; au-dessus trois ou quatre étages de colonnades peu lisibles ; en haut un édicule avec une porte et une fenêtre, coiffé d’un toit conique terminé par une pointe. Sur la face centrale, entre les deux lances, on aperçoit, en bas, une arcature avec des ouvertures en plein cintre, surmontée d’une corniche en relief ; ce schéma semble se répéter sur deux niveaux supplémentaires ; en haut un édicule semblable à celui de la face droite est coiffé d’un toit triangulaire couvert de tuiles et se terminant par une boule. Sur la face gauche un autre bâtiment est beaucoup plus dégagé et lisible : alors que les deux autres étaient cachés par les ailes des anges, celui-ci est placé devant l’aile de l’ange. Il ressemble à une tour dont l’extrémité droite est bien visible et arrêtée. En bas est représenté un mur d’enceinte crénelé à l’intérieur duquel sont placés les autres niveaux. Les deux étages sont des colonnades avec entablement et corniche. Le premier semble composé de forts piliers alors que le second montre des colonnes avec chapiteaux. Les arcs sont en plein cintre. En haut est posée une rotonde formée d’une arcature et d’un toit soutenu par une double corniche et terminé par une boule (rappelant les images du Saint-Sépulcre).

Il faut en conclure que l’on a trois constructions distinctes, leurs premiers niveaux étant différents. Mais ils se terminent tous les trois par un édicule couvert d’un toit conique ou triangulaire, le troisième montrant plus nettement une rotonde.

B.Craplet 529 voyait sur l’ensemble un édifice à quatre étages symbolisant la Jérusalem céleste.

Z. Swiechowski530 parle de « la représentation en abrégé de la nouvelle Jérusalem selon la version

byzantine avec les anges postés devant les portes de la Cité Éternelle. Ainsi le chœur d’Orcival est comparé à la Jérusalem céleste ? » et donne pour référence l’entrée du paradis de l’Hortus deliciarum d’Herrade de Landsberg montrant un ange avec une épée et une lance devant une porte.

L’idée de voir ici la Jérusalem céleste semble assez convaincante, mais pourquoi alors cette tour placée en avant dans la partie gauche ? Pourquoi cette différence d’action entre les deux anges ?

529 CRAPLET 1955, p. 75. 530 SWIECHOWSKI 1973, p. 34.

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Faut-il voir une évolution ou bien une opposition ? Pourquoi une lance tordue et renversée ? Y a-t-il un sens de lecture ou bien faut-il regarder les deux faces en même temps ?

Seule la grande muraille crénelée de la partie gauche correspond à la description de la Jérusalem céleste dans l’Apocalypse (XXI, 12) : « Elle avait une grande et haute muraille, ayant elle-même douze portes, et aux portes douze anges […] » D’après le texte il n’y a donc qu’un seul ange par porte, ce que respecte le dessin d’Herrade de Landberg. Cet élément renforce donc l’idée que les parties droite et centrale pourrait représenter un autre épisode, un autre bâtiment, ou une autre ville : une ville sans remparts pour la protéger, où l’ange semble avoir été vaincu et ne sonne pas la victoire. On songe alors à Babylone, image de la terre et du mal. La chute de Babylone est d’ailleurs annoncée deux fois dans l’Apocalypse. La première fois au chapitre quatorze531 : « Et un autre ange suivit, disant : elle est

tombée, elle est tombée, cette grande Babylone, qui a fait boire à toute les nations du vin de la colère et de la prostitution […] », et une seconde fois au chapitre dix-huit 532 dans des termes très semblables.

À chaque fois c’est un ange qui annonce sa chute.

L’hypothèse est de voir les deux cités représentées côte à côte mais, pour montrer que l’une arrive et que l’autre est éliminée, l’une est représentée en arrière de l’ange alors que l’autre est en avant. L’ange et ses gestes négatifs renverraient à la défaite de Babylone alors que l’autre sonnerait la victoire de la nouvelle Jérusalem. On peut alors revenir sur l’insistance du sculpteur à représenter une rotonde au sommet de la Jérusalem céleste alors que de simples édicules plats sont figurés à droite, cette rotonde renvoyant traditionnellement au tombeau du Christ et à la résurrection qui à permis de vaincre le péché et donc d’annoncer la défaite du mal, et donc celle de Babylone.

Ce serait cette victoire que l’on voit en arrivant à l’entrée du chœur, alors que la défaite est alors invisible et a été négligée par les historiens.

Ce chapiteau pose la question de sa lisibilité, en arrivant de la nef seul l’ange positif est visible et la grande hauteur permet difficilement de voir les détails, mais pour les clercs du Moyen Âge les actions des anges, seules visibles à l’œil nu, devaient suffire à la lecture de l’image, imprégnés qu’ils étaient de ces notions. Comme exemple de représentation des deux cités antinomiques côte à côte, on peut citer le cloître de Moissac, mais le propos est fort différent. L’appel du cor est lu d’habitude comme l’annonce du jugement et c’est la présence de l’autre qui, par opposition, précise la notion de victoire.

2 Ŕ Bras du transept et chapelles (fig. 222-223)

Les faces nord et sud sont décorées, au-dessus de la porte, d’une arcature aveugle à trois arcs. L’arc central est « en mitre », les deux autres en plein cintre. Les chapiteaux sont ornés de feuillages dans lesquels alternent, au dé, une fleur ou une feuille. Leur facture est de bonne qualité, montrant que ces parties, que l’on peut qualifier d’annexes, n’ont pas été négligées.

Une chapelle s’ouvre sur chacun des bras et quatre chapiteaux les décorent chacun : deux à l’entrée, deux au niveau de la fenêtre. La variété de leur décor montre également une grande attention pour la qualité de la sculpture, mais sans particularités dans l’iconographie puisqu’ils sont ornés de feuillages.

Conclusion

Le chapiteau avec les anges pose des problèmes de lecture comme tous les sujets pour lesquels on a peu de points de comparaison. En proposant une lecture nous sommes consciente que des points restent obscurs et que nous n’avons sans doute pas tout résolu.

531 Ap. XIV, 8. 532 Ap. XVIII, 1.