• Aucun résultat trouvé

PARTIE I FABRIQUE DE LA RECHERCHE

1.1. Revue de la littérature

La tuberculose a fait l’objet de nombreuses études ethnographiques dans les pays des Suds où l’incidence de la tuberculose est très élevée33. Pour ma part, j’ai davantage mobilisé des études réalisées dans des pays des Nords partageant ainsi plus de point commun avec mon étude de cas. Parmi les analyses portant sur la tuberculose et la lutte contre la tuberculose dans les pays des Nords, plusieurs thématiques ont été abordées : la tuberculose chez les populations migrantes, les usages du contrôle dans la lutte contre la tuberculose, le caractère de maladie sociale de la tuberculose, les causes de l’infection et du dévelopement de la maladie (Ho 2004) et les raisons du déclin ou du retour de la tuberculose dans certains pays (Diveler & Pappas 1999; Ho 2003; Kehr 2011; Koch 2011 ; Park&Littleton 2007; Thebaud-Mony 1990). Les études socio-anthropologiques

32 Cyril Lemieux, « Problématiser », dans Serge Paugam (ed.), L’enquête sociologique, PUF, 2012, p.29

33 Notamment Buchillet 2001; Farmer et al. 1991; Farmer 2006; Green 2004;

Harper 2006, 2010; Nachman 1993; Nichter 1994; Porter & Grange 1999;

Vecciato 1997.

portant sur les patientes atteintes de tuberculose dans les pays des Nords analysent notamment les comportements et les représentations des migrantes affectées par la maladie, les impacts des facteurs culturels sur la perception de la maladie, l’accès aux soins et l’adhérence au traitement des personnes malades.

Plusieurs ethnographies de structures étatiques nationales de prévention et de soin de la tuberculose ont été menées dans les pays du Nords, dont quelques thèses (Kehr 2012b; Koch 2005; Machledt 2007). L’application du modèle de l’OMS de lutte contre la tuberculose, DOTS, a fait l’objet d’une analyse par Koch en Georgie (2005). Aux Etats-Unis, Ho a étudié des immigrantes chinoises vivant à New York (2004, 2006) et Roth (1963) l’organisation des hôpitaux pour tuberculeuses, notamment la dimension du temps en leur sein. Stephens (2011) a enquêté sur le contrôle de la tuberculose au Canada, tandis que Littleton et al.

(2008) se sont penchées sur la tuberculose des migrantes en Australie ; Park et Littleton en Nouvelle Zélande (2008). Kehr a effectué une comparaison de la lutte contre la tuberculose entre deux pays européens : la France et l’Allemagne (2012b). Enfin, adoptant une perspective transnationale, Machledt a produit une ethnographie de la lutte contre la tuberculose à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique (2007).

Le modèle DOTS a été étudié par Ogden et al. (2003) et l’application de ce modèle par Harper au Nepal (2006) et par Koch en Géorgie (2005). Dans son étude du contrôle biomédical de la tuberculose, Stephens (2011) fait émerger l’hégémonie du paradigme biomédical dans la stratégie internationale de lutte contre la tuberculose. Kehr s’est penchée sur la pratique du dépistage de la tuberculose (2011) et en particulier des migrantes en Allemagne et en France (2012a).

S’inspirant du concept de Lock de local biologies, Koch s’est intéressé à la microbiologie locale de la tuberculose dans son étude en Géorgie (2011) et encore a abordé la tuberculose comme étude de cas de la maladie cadrée comme une « security threat » (2008). Concernant le travail des professionnelles de santé dans la lutte contre la tuberculose, des chercheuses ont analysé leurs pratiques de contrôle, notamment les usages du pouvoir policier de l’institution de la santé publique et celles de décision dans un contexte d’incertitude (Roth 1974).

« It has become commonplace in a number of nations to identify immigrations as a ‘cause’ of the rising incidence of TB. » (King 2003:44) Ce constat a conduit plusieurs chercheuses à étudier la manière dont la tuberculose est associée à la migration dans les pays des Nords (King 2003; Kehr 2008; Ho 2003, 2004, 2006;

Littleton et al. 2008; Park et Littleton 2008). Ho a fourni une revue de la littérature sur la tuberculose des immigrées (2004) tout en ajoutant une étude de cas de personnes immigrées chinoises à New York. De cette étude, elle a analysé comment ces personnes combinent des pratiques de médecine traditionnelle chinoise avec la biomédecine (2006). Dans son article « Migratory Journeys and Tuberculosis Risk » (2003), Ho a mis en évidence que les parcours migratoires de ces immigrantes représentent un risque de tuberculose. King propose la notion de « geographies of difference » dans son analyse de l’articulation de l’immigration à la tuberculose (2003). Par ailleurs, Koch a étudié un autre groupe considéré également à risque de tuberculose par les expertes de santé publique : les prisonnières (2006).

« Exposure does not definitely result in infection » (Burke 2011 :30), un constat martelé par de nombreuses chercheuses en sciences sociales, met en lumière que ni les microbes, ni les perspectives purement biologiques expliquent à eux seuls la présence de cette maladie ou pour reprendre la formule de Bowker et Star « the disease has no single cause » (1999:171). Plus généralement, Inhorn et Brown soulignent qu’une « infection with a specific agent does not necessarily result in disease. […] Critical characteristics of the environment result largely from sociopolitical influences; thus, many infectious diseases, such as tuberculosis, are rightly considered “social diseases“[…]. » (2000:32-33) En parallèle, les chercheuses en sciences sociales énoncent systématiquement le fait que la tuberculose est une maladie guérissable depuis une soixantaine d’années (correspondant à la découverte d’un traitement antibiotique jugé efficace).

Soulignant pour sa part les inégalités sociales de santé, Farmer (2006) précise que la tuberculose est une maladie guérissable parmi certaines populations, tandis qu’elle demeure inguérissable parmi d’autres. Ces deux constats amènent plusieurs auteures à s’interroger sur les causes de la persistance de la tuberculose. Ho considère que

« The anthropologist’s role in tuberculosis research can be to provide ‘‘in-depth knowledge of the social, cultural, and ecological context of the research setting. Only with detailed anthropological observations of people going about life as usual is it possible to achieve a good understanding of the complex causal chains in disease etiology’’. » (2004:759)

Notant que les structures de santé publique mettent l’accent sur les facteurs biologiques pour contrôler la tuberculose chez les immigrées, Ho se base sur son ethnographie des immigrantes chinoises aux Etats-Unis, afin d’exemplifier ce qu’elle préconise : une approche théorique de la tuberculose prenant en compte des facteurs hétérogènes.

La tuberculose a été dépeinte comme fortement affectée par des dynamiques sociales par différentes chercheuses en sciences sociales (Barnes 1995; Dubos et Dubos 1987; Ho 2004 ; Kehr 2008, 2012a; Koch 2013) et par des acteures de santé publique. Qualifiée de « maladie sociale », voir de « extremely social disease » 34, elle en est venue à représenter la maladie sociale par excellence :

« The association of TB transmission with overcrowding and of TB morbidity and mortality with malnutrition, immunosuppressant infections, and physical stresses, all often associated with poverty, has made TB a classic social disease, and its incidence is thus linked to changing social and economic conditions within society. » (Packard 1989:xix)

34 G.F. Campbell « Some Reflection on the Evolution onf Medicine », Presidential Address, The Northern Ireland of British Medical Association, octobre 1945.

(Sigerist cité par Bryder et al. 2010)

Barnes dans son livre The Making of a Social Disease : Tuberculosis in Nineteenth-Century France, définit ainsi la maladie sociale:

« “social disase“ can mean many different things, even when applied to a specific illness such as tuberculosis. Later polemics would revolve around whether the terme meant a disease inherent in the lifestyle or the working classes or a disease determined by the dictates of industrial capitalism and wage labor. Moreover, the very notion of contagion added an inherently social dimension to the antituberculosis campaigns of the late nineteeth century. The singular achievement of Villermé and his fellow hygienists in the 1830s and 1840s was to establish that mortality in general and tuberculosis in particular were socially determined in that they were not randomly distributed throughout society. Simply put, social status conffered relative susceptibility to or immunity from disease. » (Barnes D. 1995:31) Dans les analyses socio-anthropologiques, l’association entre la tuberculose et le social est souvent mobilisée pour expliquer que les conditions sociales d’un groupe social ont un impact sur les taux de mortalité et d’incidence de la maladie en son sein. La tuberculose, affirment de nombreuses auteures, accompagne la précarité sociale : « as an infectious disease with a high degree of responsiveness to changing social conditions […] TB rates typically climb as social conditions erodes » (Burke 2011:31). Différents indices le montrent. Premièrement, l’infection, c’est-à-dire la transmission des bacilles de Koch, est encouragée par certaines situations sociales, notamment des logements précaires (peu aérés) et la promiscuité engendrée par des logements privés ou des institutions telles que les prisons. Deuxièmement, les facteurs sociaux interviennent pour expliquer le passage de l’infection à la maladie chez certaines et le fait que d’autres ne deviennent jamais malades. Enfin, nombreuses sont les professionnelles de la santé qui au XXe siècle pensaient que la tuberculose disparaîtrait, la cause de la maladie (un microbe) et un moyen de la combattre (une combinaison d'antibiotiques) ayant été découverts (Bryder et al. 2010; Gandy et Zumla 2002).

Le fait que ce ne soit pas le cas oblige à penser la tuberculose au-delà de la biomédecine et des solutions techniques.

Anthropologues et sociologues ont produit de nombreuses études de cas sur des maladies infectieuses, en particulier sur le SIDA (Inhorn 2000; Farmer 1997a).

Quelques études rétrospectives analysent la manière dont la prévention du SIDA a été conceptualisée et conduite et discutent les raisons des échecs de programmes de prévention (Singer et Weeks, 1996), ainsi que les théories forgées par des anthropologues sur le SIDA et leurs impacts. Elles soulignent les écueils passés de recherches anthropologiques sur les maladies infectieuses, en particulier le SIDA.

Singer et Weeks (1996) affirment que la majorité des centaines d’anthropologues ayant travaillé dans le cadre de recherche et de prévention autour du SIDA (Bolton et Orosco 1994) ont adopté un modèle de prévention axé sur un niveau individué.

Rares sont celles qui ont mobilisé un modèle de prévention axé sur un niveau social. Quinze ans après le début de la pandémie du SIDA, Farmer (1997) se livre

à une critique d’études de sciences sociales portant sur le SIDA réalisées durant les dix dernières années. Il relève différents problèmes que posent trois approches qu’il qualifie de réductionnistes et répandues dans ces études : culturelle, behavioriste et cognitive.

Plusieurs anthropologues (Farmer, Fassin, Ho) ont critiqué les études exclusivement fondées sur ce qu’elles considéraient relever de facteurs culturels des patientes. Elles ont alors analysé les impacts d’autres types de facteurs : sociaux, économiques, politiques et culturels. Concernant l’approche culturaliste, Farmer évoque une carence de ces études : elles ne prennent que rarement en compte le contexte politique et économique dans lequel est inscrit leur sujet d’étude, accordent une importance démesurée aux impacts de la culture, de sorte que l’analyse des facteurs culturels masque les effets des inégalités structurelles :

« the inability of the poor and underserved to obtain effective treatment for acute or chronic medical conditions is recast as a reflection of cultural difference […]. This conflation of structural violence and cultural difference has marred much commentary on AIDS, especially AIDS among the poor » (2006:523)

Comme exemple de ce qu’il nomme des théories présomptueuses que des anthropologues ont participé à alimenter, Farmer (2006) cite l’exemple de la

« promiscuité sexuelle » que des chercheuses ont développé concernant le SIDA en Afrique35.

Les répercussions de cette théorie ont été multiples. Packard et Epstein (1991) notent qu’« en concentrant l’attention sur la promiscuité sexuelle et sur d’autres comportements culturels, ces explications ont empêché l’observation d’autres co-facteurs […]» (cité par Fassin, 2000). En plus de limiter le champ de la recherche et la compréhension de la maladie, Fassin ajoute que ces études ont participé à réduire celui de la prévention. Il invoque deux conséquences « politiques » négatives de ces théories : d’une part, elles rendent les malades responsables de la transmission et de la prévention, s’inscrivant ainsi au sein de l’approche qui

« blâme la victime ». D’autre part, elles ont engendré un rejet de la part des décideurs et des populations en Afrique des discours et des stratégies de lutte contre le SIDA provenant des Occidentaux. Enfin, Farmer souligne que ces études dissimulent les conséquences des inégalités sociales quant à la distribution du SIDA. Afin de ne pas reproduire les erreurs identifiées dans le

35 « La “promiscuité sexuelle” devient l’explication unique de l’épidémie africaine, comme elle l’est de l’épidémie des homosexuels nord-américains — le rapprochement est clairement fait par certains —, aussi stigmatisante dans un cas que dans l’autre. L’identification de ce “facteur de risque”, l’abandon des autres pistes de recherche et l’absence de mise en perspective sociologique sur les conditions de vie plus globalement étudiées vont conduire à focaliser la demande de connaissances anthropologiques sur le seul thème de la sexualité. » (2006:50)

cadre d’études portant sur le SIDA 36, Farmer exhorte les anthropologues à ne pas réduire les phénomènes tels que la pauvreté ou les inégalités structurelles touchant des individus confrontés à la tuberculose à des différences culturelles.

Les approches behavioristes qui expliquent principalement les échecs de la prévention par la non-compliance des patientes et des groupes ciblés par la médecine et la santé publique ont aussi fait l’objet de critique, notamment par Farmer. Dans une étude sur la compliance au traitement des patientes atteintes de tuberculose en Haïti, ce dernier a analysé comment des facteurs économiques impactaient la tuberculose. Dans une région du pays, il a mis en place, en tant que médecin, un système de traitement, combinant prescription d’antibiotiques antituberculeux et soutien financier, afin de permettre une meilleure nutrition et de couvrir les coûts des déplacements à l’hôpital. Fort du succès de cette expérience, il a pu démontrer, d’une part, que les patientes étaient compliantes dès lors que les traitements étaient accessibles et, d’autre part, que leurs représentations culturelles sur la tuberculose ne présentaient pas un obstacle à la guérison. Il évoque enfin le fait que de nombreuses chercheuses tendent à « surestimer le libre arbitre » des individus infectés ou risquant d’être infectés par la tuberculose.

Farmer invite ses collègues chercheuses à étudier d’autres pistes de recherche que les seuls facteurs culturels, notamment les forces économiques participant à façonner l’épidémie de SIDA, et à affiner la compréhension des mécanismes « by which such forces as racism, gender inequality, poverty, war, migration, colonial heritage, and even structural adjustment programs become embodied as increased risk » (2006:524). Il souligne encore l’importance d’une approche systémique et critique : « tout modèle explicatif concernant les maladies infectieuses doit être dynamique, systémique et critique » (2006:94). Ses collègues et lui ont dû, explique-t-il, adopter une approche systémique pour comprendre le SIDA. Or selon lui, l’étude de la tuberculose nécessite un traitement similaire.

Se référant au SIDA et à la tuberculose, Farmer parle d’« une épidémie qui se soucie peu des frontières ». C’est pourquoi il ne limite pas son analyse aux frontières des Etat-nations, même lorsqu’il s’agit d’une étude ethnographique d’une région d’Haïti (2006). Il dit

« anthropological analysis tends to focus on local factors and local actors, running the risk of exaggerating the agency of the poor or otherwise marginalized. […] We need to link our ethnography to systemic analyses informed by history and political economy […] » (1997:525)

Fassin (2000:57) relève trois caractéristiques de l’approche critique identifiée dans différents travaux ayant émergé à la fin des années 1980, relevant d’une

36 Farmer cite Scheper-Hughes évoquant « […] les montagnes d’études en sciences sociales consacrées au SIDA, amas d’incantations répétitives et sans intérêt sur la stigmatisation, l’accusation et la différence » (1993:967).

analyse anthropologique de l’épidémie du SIDA. Premièrement, elle rejette et critique les préjugés et préconceptions des travaux qui ciblaient principalement les groupes et les comportements dits “à risque”. Deuxièmement, elle s’ancre dans une analyse des structures sociales et politiques, interrogeant notamment les facteurs influençant la répartition de l’épidémie et les programmes de la lutte contre le SIDA. Ces travaux, souligne Fassin, prennent en compte les rapports inégalitaires de classes et de genre ainsi que le contexte politique et économique des Etats touchés par l’épidémie. Troisièmement, elle étudie les conséquences des politiques économiques internationales en matière de santé sur l’épidémie du SIDA.

Plusieurs anthropologues ajoutent à la critique de l’approche culturaliste la contradiction suivante, qui préside à son fondement : les Autres ont des

“croyances“ sur les maladies qui sont culturelles, tandis que notre “savoir“

biomédical représente la réalité objective. Selon Ho (2004), certaines anthropologues (dont Carey et al. 1997), décrivent les “croyances“ des patientes comme erronées et le savoir biomédical comme vrai. Elles pensent que des croyances justes conduiront les individus à des comportements adéquats et qu’éduquer les patientes aux savoirs biomédicaux permettra d’augmenter leur compliance. Ces points de vue mènent à tenter de corriger les croyances des patientes décrites comme fausses. Ainsi, l’éducation des patientes (en particulier étrangères) est une prescription ou une recommandation relativement répandue dans des études et par des professionnels de la santé. Ho qualifie cette pratique de conversion des croyances profanes ou indigènes au savoir biomédical.

Un troisième biais de l’approche culturaliste, adoptée par des chercheuses et des planificatrices ou professionnelles de la santé, qui désigne la culture de la patiente comme une barrière au traitement et au contrôle du SIDA comme de la tuberculose est analysé. Ho témoigne du fait que la majorité des pourvoyeurs de santé publique aux Etats-Unis considèrent que la médecine chinoise dite traditionnelle est un obstacle au traitement de la tuberculose. S’opposant à cette représentation, Ho rapporte notamment les dires et les pratiques de ses informatrices chinoises vivant à New York. Celles-ci illustrent la compatibilité et la complémentarité entre les traitements biomédicaux de la tuberculose et la médecine chinoise. Diallo, se basant notamment sur les travaux de Hours et Banerji (1986), rapporte que les études en sciences sociales portant sur des malades dans le « Tiers Monde » analysaient principalement les « obstacles culturels des patients à l’adoption des comportements jugés adéquats selon le savoir des experts ». Or, il en va de même pour certaines patientes migrantes des pays des Nords. Cette approche se fonde sur deux postulats : d’une part, les problèmes médicaux auxquels les patientes font face sont à mettre sur le compte de leurs mauvaises conduites. D’autre part, la culture des patientes induit des représentations et des prescriptions erronées.

Farmer formule une quatrième critique, en démontrant comment les études en sciences sociales sur la tuberculose traitant des facteurs culturels masquent les dynamiques et les facteurs politicio-économiques, influençant la distribution de la maladie. Il critique les études sur la tuberculose qui tendent à négliger les

contraintes socio-économiques (de Villiers, 1991, Mata, 1985, Barnhoorn &

Adriaanse, 1992, Nichter, 1994).

Pour sa part, Fassin considère que de nombreuses acteures du champ de la santé publique culturalisent les sujets de la santé publique. Avec comme objectif une amélioration de leur “existence“, elles cherchent à modifier les pratiques et les représentations des sujets qu’ils visent. Pour ce faire, elles élaborent des énoncés et soutiennent des actions sur leur culture, créant

« avec [leur] public une relation d’altérité. Le même est du côté des savoirs, l’autre du côté des croyances […]. Faire œuvre de santé publique, c’est modifier les secondes pour les rapprocher des premiers. […] Le pauvre, l’immigré, l’ouvrier, le jeune, la femme indienne ou le paysan africain sont autant de sujets qui se prêtent, bien malgré eux, à ce travail de culturalisation. » (2006:45)

Les récits expliquant les causes d’un problème de santé publique ont des impacts sur les pratiques préventives ou de soins, sur la façon de répondre au problème.

Fassin donne l’exemple du saturnisme infantile : « résultant d’un trouble comportemental, la maladie invitera à des actions éducatives, alors que, conséquence des inégalités sociales, elle appellera des mesures structurelles… » (2006: 51). Selon lui, « les rares études qui traitent de l’épidémie parmi les populations étrangères vivant en France l’abordent sous l’angle des

« représentations de la maladie » (Trachet & Diallo 1994), soulignant ainsi sa spécification culturelle et la soustrayant à l’analyse des conditions d’existence des

« représentations de la maladie » (Trachet & Diallo 1994), soulignant ainsi sa spécification culturelle et la soustrayant à l’analyse des conditions d’existence des