• Aucun résultat trouvé

Chapitre III La CVS à relation finale et la phrase complexe à subordonnée de but : comparaison sémantique et syntaxique comparaison sémantique et syntaxique

3.2 Le débat autour du principe de séquence temporelle

3.2.3 Représentation diagrammique des phrases de but

mais sur l’intention qui conduit à cette action, le SV qù wài-mian est asserté, car il est incompatible avec la question en (III41) « Qu’est-ce qu’il fait ? », mais est compatible avec celle formulée de (III42).

(III43) 外面 抽烟。

wài-mian shì xiăng chōu-yān.

il aller dehors-côté être vouloir fumer-cigarette S’il est sorti, c’était qu’il voulait fumer.

Les analyses ci-dessus nous permettent de conclure que la structure à motivation, bien qu’elle soit considérée comme relevant d’une CVS dans la littérature consacrée à cette construction (Fan Xiao 1998 : 74 ; Gao Zengxia 2006 : 72), est fort différente de la CVS à relation finale. En effet, le SV1 y dénote souvent une action résultant de l’intention exprimée par le SV2 : cette structure ne consiste pas à exprimer le but, mais à expliquer l’intention qui a amené à une action donnée déjà constatée. Contrairement à la CVS à relation finale, le SV1 de la structure à motivation ne peut ni être nié, ni former une interrogation affirmative-négative ni s’employer dans une phrase impérative.

3.2.3 Représentation diagrammique des phrases de but

Dans cette section nous tâchons de représenter sous forme de diagramme les principaux composants entrant en jeu dans la représentation mentale du locuteur quand il utilise une phrase incluant une proposition finale. Nous nous inspirons pour ce faire de divers travaux.

Hwang (1997) conçoit dans son étude sur les propositions de but en anglais et en coréen trois étapes dans le but (pour les propositions de but) : le processus mental de but, l’action de la proposition principale et la réalisation (potentielle) du but.

(III44) He went out to look for his boy.

(III45) He went out intending to look for his boy.

Intending to look for his boy correspond au processus mental de but, l’action de went out

à l’action de la proposition principale, et to look for his boy, à la réalisation du but. Elle ajoute que les langues n’encodent pas ces trois étapes dans une même construction finale (pour des raisons d’économie par exemple).

Wyld (2001 : 167) traite de l’orientation des propositions finales de l’anglais : la relation de surface entre left early et in order to catch the first train up to London manifestée par la phrase complexe ne correspond pas à la relation sous-jacente :

(III46) John left early in order to catch the first train up to London. (Ibid. : 167)

Selon son analyse, la relation de surface consiste en : * < John - partir de bonne heure > entraîne <John - catch first train>.

108

Mais la relation sous-jacente est : <désir de John d’attraper le premier train> entraîne <John - partir de bonne heure>. Il existe une relation d’entraînement entre le désir et l’action.

Dans son article sur les 目的小句 mùdì xiăojù « propositions de but » du chinois, Ding Jian (2014a) représente par le diagramme suivant les diverses étapes allant de la naissance de l’intention jusqu’à la réalisation de l’action (nous avons traduit en français) :

Figure II (Ding 2014a) Manifestation

psychologique

Manifestation comportementale

Cette représentation nous paraît trop compliquée et inopérationnelle pour notre travail. Dans une lignée de pensée similaire à celle de Wyld, Schmidtke-Bode (2009 : 18-19), dans son étude typologique sur l’expression de la finalité dans les langues du monde, note qu’une action intentionnelle dotée d’une finalité (purposeful action) constitue un universel fonctionnel sur lequel on peut faire reposer une telle comparaison. Il propose un diagramme du but, auquel nous recourons pour rendre raison de la CVS à relation finale et de la structure à motivation. Ce diagramme articule les trois composants principaux de la finalité comme suit :

Figure III : la structure conceptuelle des buts (Schmidtke-Bode 2009 : 19)

Le premier composant, l’intention, joue un rôle de déclencheur de l’étape suivante, l’action que l’on effectue afin de parvenir à un certain but. Le troisième composant est le résultat souhaité par l’agent. Les « ingrédients conceptuels » entrant en jeu dans le « but » (purpose) sont pour lui les suivants : « l’intentionnalité, la direction vers un but, l’orientation vers le futur, et un état résultant hypothétique » (Ibid. : 19).

Par ailleurs, il affirme à propos de l’iconicité que le cas où la proposition finale suit la

Intention Action Résultat souhaité (desired result) Effectuation Réalisation Intention Action psychologique Résultat Action objective Stimulation Satisfaction

109

proposition principale est iconique car la première exprime le résultat de la deuxième. Il juge que le cas où la proposition finale est antéposée est aussi iconique, car la conceptualisation du but, soit l’intention, précède l’action (Schmidtke-Bode 2009 : 117).

Dans les usages réels, il n’est pas nécessaire pour les locuteurs d’encoder tous les composants. Ou comme le disent Gross et Prandi : « une relation finale, quelle que soit son expression, ne peut pas ne pas inclure dans son contenu l’intention et la décision d’un sujet. Mais cela n’implique pas que ces composantes soient nécessairement codées dans l’expression » (Gross et Prandi 2004 : 115).

Certaines phrases encodent les deuxième et troisième étapes : l’action encodée par le SV1 et la réalisation par le SV2. C’est le cas des phrases de CVS à relation finale. En voici un :

(III7) 我 图书馆 看书。

túshūguǎn kàn-shū.

je aller bibliothèque lire-livre Je vais lire à la bibliothèque.

Parfois les première et deuxième étapes sont encodées : l’action est encodée par le SV1et l’intention par le SV2. C’est le cas de la structure à motivation que nous venons de montrer (section 3.2.2). Il ne s’agit pas d’une CVS à relation finale. Ce qui distingue ces deux constructions, c’est le point de vue selon lequel est présentée la relation. Si l’on part de l’action et que l’on envisage le but qui en résulte, on va de l’action vers le but et on retient une construction consécutive. En revanche, si l’on part de l’action et que l’on remonte à l’intention qui engendre cette action, on adoptera une autre tournure dans le cadre d’une chronologie inversée, comme la structure à motivation. Voici deux illustrations :

(III47) 一菲 本来 拿出 手机 电话,

Yìfēi bĕnlái ná-chu shŏujī xiăng diànhuà,

Yifei au début prendre-sortir portable vouloir appeler téléphone Au début, Yifei a sorti son portable, voulant faire un appel,

叹了 放下 了。(Wei Zheng 2014 : ép. 17)

tàn-le kŏu qì yòu fàng-xia le.

soupirer-ACC CL souffle ensuite déposer-descendre CE elle a poussé un soupir, puis a déposé le portable.

Dans cet exemple de motivation, on décrit tout d’abord l’action ná-chu shŏujī « sortir le portable », puis on remonte à l’intention qui fait naître cette action, xiăng dă diànhuà « vouloir faire un appel ». La suite après la virgule démontre qu’elle n’a, en réalité, pas passé l’appel.

(III48) 今天 请客, 咱们 食堂 吃。(Chaijidan 2013 : ch. 4)

jīntiān qĭng-kè, zánmen qù shítáng chī.

110

Aujourd’hui je vous invite, allons manger à la cantine.

Dans cet exemple de CVS à relation finale, on décrit successivement l’action qù shítáng « aller à la cantine » et le but de cette dernière chī « manger », On part de l’action et on envisage ensuite le but résultant.