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La CVS à relation finale et la particule de fin de phrase le

Chapitre III La CVS à relation finale et la phrase complexe à subordonnée de but : comparaison sémantique et syntaxique comparaison sémantique et syntaxique

3.3 Une étude syntaxique de la CVS à relation finale

3.3.6 La CVS à relation finale et les marques d’aspect et de temps

3.3.6.2 La CVS à relation finale et la particule de fin de phrase le

Dans cette section, nous parlons de la portée de la particule de fin de phrase le dans la CVS de but. Pour ce faire, nous présentons d’abord la fonction de cette particule.

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Pour Li et Thompson (1981 : 240), la fonction communicative fondamentale de la particule de fin de phrase le est de signaler un « état relatif au présent » (currently relevant

state). Le est considérée comme une particule modale indiquant l’apparition d’une situation

nouvelle chez Zhu Dexi (1982 : 209). Xu Dan (1996 : 32-8) parle de deux fonctions aspectuelles de ce le, « l’une [+inchoatif] quand il s’emploie tout seul à la fin d’une phrase, l’autre [+accompli présent] lorsqu’il apparaît concurremment avec le1 ». Elle précise que le terme « inchoatif » met l’accent sur la nouvelle étape après changement. Le de fin de phrase asserte un changement survenant dans une situation, passée ou à venir ( Lǚ Shuxiang 1999 : 352) ou il exprime la réalisation d’une action ou le passage du non-accomplissement à l’accomplissement d’une action (Liu et al. 2001 : 379).

Voyons maintenant si l’emploi de le en fin de phrase donne lieu aux mêmes interprétations que la suffixation du V2 par -le.

Nous commençons par le cas de la finalité synthétique.

Dans le chapitre consacré à la particule finale le, Li et Thompson (1981 : 242) ont analysé une phrase de CVS à relation finale dans une conversation téléphonique :

(III108) 出去 东西 了。

chū-qu măi dōngxi le.

elle sortir-aller acheter chose CE

Elle est sortie faire des courses. (She’s gone shopping.) (Li et Thompson 1981 : 242)

« Elle est sortie faire des courses » est ici une réponse apportée à la personne qui téléphone et souhaite parler avec elle, mais celle-ci n’est pas là et ne peut donc pas répondre au téléphone. Un peu plus bas, ils ajoutent qu’en présence de le, la phrase ne parle pas de l’action de sortir ou de faire des courses, mais de la situation où elle est absente car elle est allée faire des courses (Ibid. : 243).

Dans la Grammaire active du chinois de Roche (2007), nous avons relevé une remarque à propos de le à la fin d’une CVS (appelé particule modale en fin de phrase) : « un changement de situation sera exprimé à l’aide de la particule modale du changement qui, bien que se plaçant en fin de proposition, porte sur tous les prédicats » (Roche 2007 : 255).

(III109) 他们 教堂 参加 弥撒 了。

tāmen dōu jiàotáng cānjiā mísà le.

ils tout aller église participer à messe CE Ils sont allés à la messe. (Roche 2007 : 255)

L’exemple est suivi d’un commentaire : « le changement de situation est, ici, leur départ à l’église pour la messe. En l’absence de particule modale du changement, la phrase signifierait : < Ils vont à la messe >, < Ils iront à la messe. > » (Ibid.)

Nous ne sommes pas d’accord que la particule porte sur tous les prédicats dans son exemple car celui-ci pourrait se prêter aux interprétations suivantes :

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a. Ils sont sur le chemin de l’église et la messe n’a pas encore commencé ;

b. Ils se trouvent déjà à l’église, mais la messe n’a pas encore commencé (peut-être attendent-ils l’arrivée du prêtre) ;

c. Ils se trouvent déjà à l’église et la messe a déjà commencé ; d. La messe est terminée et ils sont sur le chemin de retour.

Ces possibilités d’interprétation peuvent être corroborées par l’ajout des propositions suivantes en complément à la phrase discutée :

a. ... 大概还有十分钟就会到教堂了 … dàgài hái yǒu shí fēnzhōng jiù huì dào

jiàotáng le « Ils arrivent dans à peu près dix minutes. » ;

b. ... 到了教堂后,牧师还没有来 … dào-le jiàotáng hòu, mùshī hái méiyǒu lái « Quand ils sont arrivés, le prêtre n’était pas encore là. » ;

c. ... 弥撒结束后,他们又去看电影了 … mísà jiéshù hòu, tāmen yòu qù kàn diànyǐng

le « Après la messe, ils sont allés au cinéma. » ;

d. ... 可能已经结束了,正在回来的路上 … kěnéng yǐjīng jiéshù le, zhèngzài huí-lai de

lù-shang « Ils ont peut-être fini la messe et sont sur le chemin de retour. »

De là nous pouvons constater que le cha ngement de situation ne porte que sur le SV1 (le départ en vue d’aller à la messe) et n’implique pas la réalisation du SV2 : ils sont partis et ne se trouvent plus devant le locuteur. Seulement, sans l’ajout d’information supplémentaire annulant l’accomplissement de l’action2, l’interprétation par défaut est effectivement celle proposée par Roche.

Maintenant nous examinons si la finalité analytique reçoit la même interprétation que la finalité synthétique par l’ajout de le en fin de phrase. Voyons l’exemple suivant :

(III110) 学校 了。

zuò chē xuéxiào le.

il prendre voiture aller école CE Il a pris le bus pour aller à l’école.

Pouvons-nous dire que le changement de situation porte sur le SV1 et non sur le SV2 ? On peut ajouter à cette phrase la suite (b), mais pas (a) :

a. *…, 可是还没去学校 « mais il n’est pas encore allé à l’école » ; b. …, 可是还没到学校 « mais il n’est pas encore arrivé à l’école ».

L’impossibilité de la suite (a) montre que le changement de situation porte également sur le SV2. Nous ne pouvons pas dire « *Il a pris le bus pour aller à l’école, mais il n’est pas allé à l’école ». Si la suite (b) est possible, c’est que « aller quelque part » n’égale pas « arriver quelque part ». Il est logique de dire « Il a pris le bus pour aller à l’école, mais il n’est pas arrivé à l’école ».

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Donc, dans le cas de la finalité analytique, où on explicite le moyen de parvenir au but, la particule en fin phrase porte sur les deux SV, ce qui peut s’expliquer par le fait que ceux-ci occupent en effet le même intervalle de temps.

Le fait que le de fin de phrase ne peut pas indiquer la réalisation du but correspond au trait irréel du SV dénotant le but. Même en présence de le en fin de CVS, nous ne pouvons pas savoir si le but exprimé par le SV2 est effectivement atteint ou pas : il est possible d’exprimer la non-réalisation ou l’échec du but en ajoutant une suite à la CVS.

3.3.6.3 Le cas des CVS à relation finale dont le SV1 exprime un déplacement

Dans cette section, notre intérêt se porte sur l’acceptabilité de le après le V1 quand celui-ci est assuré par un verbe de déplacement.

Dans ce cas il existe plusieurs possibilités :

a. Si le SV1 est seulement un verbe de déplacement, simple ou composé, non suivi d’un argument locatif, le marqueur -le est exclu (voir John Dai 1990 pour le cas de lái, Smith 1994 pour le cas de qù et Wu Qizhu 1990 : 35 et Shang Xin 2009 pour les deux cas ; Rygaloff 1973 : 168 ; Zhao Shuhua 1990) :

(III111) (a) 他 来(*了) 上班。

lái-(*le) shàng-bān.

je venir-(*ACC) monter-poste Sans le : Il vient au travail. (John Dai 1990)

(III111)(b) 去(*了) 太极拳。

qù-(*le) tàijíquán.

je aller-(*ACC) jouer tai-chi

Sans le : Je suis allé faire du tai-chi. (I went to practice taijiquan.) (Smith 1994 : 125)

b. Si le SV1 se compose d’un verbe de déplacement et d’un argument désignant le terme, le cas se complique et les travaux sur la question divergent là-dessus :

Zhao Shuhua (1990) spécifie très clairement dans une étude consacrée exclusivement à la question, que dans le cas où le verbe du SV1 est le verbe de mouvement déictique lái « venir » ou qù « aller », il ne peut porter -le, qu’il soit suivi ou non d’un argument. -Le peut uniquement figurer après le V2, comme dans les exemples suivants :

(III112) (a) 小刚 借了 椅子。

Xiăo Gāng qù jiè-le liăng bă yĭzi.

Petit Gang aller emprunter-ACC deux CL chaise Petit Gang est allé emprunter deux chaises.

(III112)(b) 医院 看了 一 个 病号。

yīyuàn kàn-le ge bìnghào.

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Je suis allé à l’hôpital voir un malade.

Chen Zhong (2002), dans une étude mettant en avant la télicité du prédicat comme un facteur déterminant dans les règles conditionnant la présence du suffixe -le, mentionne les CVS à verbe de déplacement pour illustrer ce principe :

(III113) 去(*了) 商店 买了 东西。

qù-(*le) shāngdiàn măi-le diăn dōngxi.

il aller-(*ACC) magasin acheter-ACC CL chose Il est allé au magasin et a acheté quelque chose.

Chen explique que le verbe de déplacement qù présente les traits duratif et alélique et est donc incompatible avec -le, à moins qu’il y ait une expression de quantité comme le classificateur verbal 趟 tàng (décomptant les aller(retours)) :

(III114) 他 去了 商店 买了 东西。

tā qù-le tàng shāngdiàn măi-le diăn dōngxi.

il aller-ACC fois magasin acheter-ACC CL chose Il est allé au magasin et a fait quelques achats.

En somme, en présence d’une expression de quantité, le SV1 devient télique et compatible avec -le. Cette analyse appelle deux commentaires. Tout d’abord, nous tenons à préciser que l’affirmation de Chen à propos du trait atélique du verbe qù n’est pas pertinente. C’est en effet un verbe télique, qui est de plus ici suivi par le terme du déplacement « au magasin ». Ensuite, le classificateur verbal n’est pas indispensable pour la bonne formation de la phrase. La phrase suivante est pour nous acceptable :

(III115) 去了 商店 买了 东西。

qù-le shāngdiàn măi-le diăn dōngxi.

il aller-ACC magasin acheter-ACC CL chose Il est allé au magasin et a fait quelques achats.

Lee (2008), dans une étude consacrée au comportement de lái « venir » dans les séries verbales, estime que -le est interdit après le verbe de déplacement, ainsi que -guo et -zhe, et considère que dans le cas où lái (plus un SN locatif) forme une CVS avec le SV qui le suit, lái a connu une décatégorisation et s’est transformé en une quasi-préposition avec une signification proche de 到 dào « arriver » :

(III116) 来(*了) 市场 东西。

qù-(*le) shìchăng măi dōngxi.

je aller-(*ACC) marché acheter chose Je suis allé au marché faire des courses.

Outre l’impossibilité de suffixation aspectuelle, Lee étaye son affirmation aussi par l’impossibilité du redoublement de lái dans le même cas de figure. Nous ajoutons que cet argument de Lee n’est pas convaincant car lái ne se redouble jamais, même quand il est le seul verbe de la phrase.

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Peng Guozhen (2010) est d’avis que -le peut suffixer le verbe qù en position de V1 :

(III117) 他 去了 上海 联系 业务。

tā qù-le Shànghăi liánxì yèwù.

il aller-ACC Shanghai contacter affaires Il est allé à Shanghai pour des affaires.

-Le indique l’accomplissement du SV1 sans que l’information sur l’accomplissement du SV2

soit donnée.

Alors que les travaux examinés jusqu’ici sont d’accord sur l’impossibilité de suffixation aspectuelle du verbe de déplacement dans la séquence « verbe de déplacement + SN locatif + SV2 », nous essayons de montrer que -le est acceptable après le verbe de déplacement en commençant par des exemples de certains chercheurs :

(III118) 昨天 去了 图书馆 借了

zuótiān qù-le túshūguǎn jiè-le liǎng

je hier aller-ACC bibliothèque emprunter-ACC deux 书。(Dai Haoyi 1997 : 51)

běn shū.

CL livre

Hier je suis allé à la bibliothèque et ai emprunté deux livres.

(III119) 王洁 去年 暑假 到了 庐山

Wáng Jié qùnián shŭjià dào-le Lúshān

Wang Jie l’année.dernière vacances d’été arriver-ACC Montagne Lu 旅游。(Hu et Fan 1995 : 101)

lǚyóu.

voyager

L’année dernière, Wang Jie est parti en voyage à la Montagne Lu.

Au cours de la collecte de notre corpus, nous avons relevé plusieurs exemples attestant la possibilité pour le d’apparaître après le V1 (voir l’annexe II pour plus d’exemples ) :

(III120) 去了 成都 开会。(Miao Juan 2006 : ch. 20) (4/6)

qù-le Chéngdū kāi-huì.

je aller-ACC Chengdu en réunion Je suis allé à Chengdu pour une réunion.

Mais nous tenons à signaler que ces exemples ne sont pas nombreux dans notre corpus, et que nos informateurs sont divisés concernant l’acceptabilité de -le dans de tels énoncés. On peut donc en conclure que l’ajout de -le après un verbe de déplacement dans la CVS ne constitue vraisemblablement pas un emploi répandu et n’est pas accepté par tous les locuteurs.

Pour récapituler, si lái et qù figurent seuls en position de SV1, -le est interdit ; s’ils sont suivis d’un SN locatif, -le est possible. Seulement cet emploi n’est pas accepté dans les ouvrages que nous avons consultés et présentés plus haut, en particulier par plusieurs ouvrages destinés à l’enseignement de la langue, et est aussi exclu pour certains de nos

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informateurs. Nous jugeons par conséquent qu’il vaut mieux ne pas donner ce genre d’exemples dans l’enseignement du chinois langue étrangère.