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c Le renouvellement de la nomenclature Insee : des CSP au PCS

Chapitre 1 : Historique

II. 3 1975-1995 : Remise en question et morcellement de l’analyse sociologique

II.3. c Le renouvellement de la nomenclature Insee : des CSP au PCS

Raisons et principes de reconstruction des CSP

L’existence de cette nomenclature entérine le rôle de l’Etat dans la définition progressive des statuts professionnels en France. S’il y a refonte en 1982, c’est en raison de profondes transformations économiques et sociales et de l’évolution des représentations que l’on essaie de prendre en compte. C’est aussi à cause de fortes critiques adressées à la nomenclature de 1954 sur certains découpages et l’arbitraire de certains recoupements. Par ailleurs, la multiplication des enquêtes socio-démographiques et socio-économiques ainsi que le progrès des techniques statistiques permettaient de faciliter ce renouvellement. Une des principales modifications est la réduction du groupe des actifs de 9 à 6 :

CSP PCS

Agriculteurs exploitants, Agriculteurs exploitants Salariés agricoles

Patrons de l’industrie et du commerce Artisans, commerçant et chef d’entreprises

Profession libérales et cadres supérieurs Cadres et Professions intellectuelle supérieure

Cadres moyens Professions intermédiaire

Employés Employés

Ouvriers Ouvriers

Personnel de service

Autres catégories (artistes, clergé, armée, police)

Nous pouvons remarquer ici la suppression du vocable de « cadres moyens », qui était fortement contesté, remplacé par l’appellation « professions intermédiaires », la création du terme de « professions intellectuelles supérieures » qui marque l’entrée dans une société de médias ou encore la suppression du vocable de « patrons » jugé obsolète. Par ailleurs, la décision est prise de procéder à la distinction entre les salariés de la fonction publique et les salariés de l’entreprise. En effet, l’hypothèse est faite que cette différence de statut correspond à des différences d’origine sociale, de formations scolaires, de revenus et de comportements culturels et politiques. La nomenclature des PCS est donc à la fin du renouvellement une classification multidimensionnelle fondée sur sept critères : la profession individuelle, le statut salarié/non salarié, la qualification pour les salariés, la position hiérarchique, l’importance de l’entreprise, le secteur d’activité, l’appartenance à la fonction publique/fonction privée.

PCS : Catégories nominales ou Groupes sociaux ?

Au-delà de ce renouvellement de la nomenclature, il est nécessaire de savoir si la classification en PCS, véritable institution nationale par l’usage massif qui en est fait et par l’influence qu’elle peut avoir sur les représentations collectives, correspond seulement à des catégories nominales ou a l’ambition d’identifier des groupes sociaux. Le créateur Jean Porte comme les chercheurs chargés du renouvellement de la nomenclature se défendent d’avoir seulement eu une approche nominaliste, c’est à dire d’avoir rassemblé des individus ayant des caractéristiques communes sans pour autant que ces individus forment un groupe réel et se sentent appartenir à ce groupe. Au contraire, il y a eu une volonté d’aller au-delà de catégories statistiques sans existence propre par la recherche d’une certaine homogénéité sociale et par

l’identification de groupes sociaux. Comme le remarque Laurent Thévenot7, un des concepteurs du renouvellement de la nomenclature, ils ont cherché « non à agréger des individus ayant des emplois jugés techniquement voisins mais à cerner autant que possible des groupes professionnels socialement constitués.»

Il faut donc se demander si les groupes sociaux qui sont identifiés par la nomenclature peuvent être identifiés aux classes et à un système de classe.

PCS et classes sociales : une seule et même démarche ?

Les PCS sont devenus en France le schème dominant de l’analyse de la différenciation sociale au moment même ou l’appartenance de classe et la croyance en l’existence d’un système de classe perdaient de leur consistance. Il serait tentant d’assimiler le code des PCS à la mise à jour des classes sociales mais en vertu des buts et des intentions de ces concepts, il semble impossible de tenir les groupes socioprofessionnels pour des classes et vice et versa.

En effet, le concept de classes sociales a pour but de repérer les groupes pertinents dans le jeu des rapports économiques sociaux et politiques alors que le code des PCS est utilisé pour classer tous les individus selon leur statut professionnel afin d’arriver à créer des sous-ensembles à l’homogénéité sociale la plus grande.

Cependant, pendant toute cette période, elle devient l’indicateur principal et tangible quoique imparfait des positions de classes. Elle permet par exemple à Pierre Bourdieu d’asseoir ses conclusions dans la Distinction et est en général un outil essentiel pour tous les chercheurs qui se concentrent sur l’étude des classes. Le code des PCS est donc un outil mixte qui tente d’arbitrer en plusieurs logiques (Marx, Weber, approche constructiviste) mais qui a permis dans une période de montée des analyses microsociologiques et micro-individuelles de continuer à avoir les moyens de faire une macro-sociologie centrée sur la mise à jour des déterminismes sociaux.

Au terme de l’analyse cette période de 20 ans quelques points sont à mettre en avant. Il faut d’abord souligner le pluralisme terminologique qui correspond à une pluralité d’approches et de tentatives d’envisager la différenciation sociale. Globalement, se dégage une représentation ternaire de la société : classes supérieures, classes moyennes, classes populaires qui se substitue à l’image bipolaire en terme de classes populaires /bourgeoisie. Ce modèle ternaire est accompagné de changements sémantiques importants puisque au terme de bourgeoisie se substitue celui de classes supérieures. Le terme de « classe moyenne » se

7 Thévenot, Laurent, 1983, « A propos d’une définition des couches moyennes et de la nouvelle nomenclature des professions et des catégories socioprofessionnelles », Revue française de sociologie, XXIV

substitue, lui, à celui de petite bourgeoisie alors que le terme de « classe populaire » reste en usage. Ce langage est adopté non seulement par les tenants de la stratification mais aussi par des sociologues attentifs à la théorie marxienne comme Pierre Bourdieu.

Par ailleurs, quatre questions sont l’objet principal des analyses et des débats : la nature des clivages de classes, la configuration des classes, l’homogénéisation ou la différenciation culturelle et la force plus ou moins grande de l’antagonisme de classes. Pour les deux premiers points, il s’agit de s’interroger sur les changements structurels à prendre en compte pour pouvoir donner une analyse pertinente de la société. Les deux dernières questions ont plus clairement comme enjeu l’affirmation ou la négation de la pertinence d’une analyse en terme de classes. Ceci est particulièrement aigu en ce qui concerne la question de l’homogénéisation culturelle. Alors que pour les sociologues qui restent attentifs à la théorie marxienne une certaine démocratisation de la culture et de l’éducation ne remet pas en cause les mécanismes de domination symbolique, elle va devenir pour d’autres un des arguments pour affirmer qu’il y a eu intégration différentielle des classes sociales dans un même univers socioculturel. Par conséquent l’idée même de classes sociales va être évacuée des problématiques sociologiques, voire niée comme nous allons le voir plus en avant.