• Aucun résultat trouvé

c Quali, quanti, une cohabitation pacifique ?

Chapitre 2 : Pratiques actuelles de catégorisation

VI.1. c Quali, quanti, une cohabitation pacifique ?

Les deux types d’approches sont utilisés de deux manières différentes : de manière complémentaire ou de manière dissociée.

Les études qualitatives représentent un appareil méthodologique étendu. Elles ne s’opposent pas nécessairement au quantitatif dans la mesure où les deux types majeurs d’études peuvent être utilisés conjointement, l’un étant complémentaire de l’autre :

« Le plus souvent on emploie une méthode quantitative parce que c’est plus pertinent au niveau du nombre. Notre but, c’est d’avoir une photo de la société française, une vue globale, donc avec des questionnaires on peut travailler à grande échelle. Après, on fait du quali pour des choses plus

précises, lorsqu’on veut traiter d’un problème en particulier. Si on combine les catégories de base, ensuite, on peut faire une analyse plus fine. » (homme, 49 ans, ETU)

Pour autant, la distinction est faite par les enquêtés : qui "fait du quali" ne "fera pas de quanti"

Les enquêtés semblent spécialisés dans l’une ou l’autre des méthodes mais ne pratiqueront pas personnellement les deux en même temps. Ils s’appuieront pour cela sur des données pré-existantes :

« Sinon, pour une autre étude qui portait sur le roman sentimental, j’ai plutôt utilisé des entretiens de lecteurs et lectrices, parce qu’il y a aussi des lecteurs. Et là, j’ai essayé d’avoir un échantillon représentatif à partir d’enquêtes globales du ministère de la culture pour retrouver les catégories socioprofessionnelles des lectrices. Donc là, c’était des entretiens quali mais on tenait compte des résultats quanti. » (homme, 54 ans, UNIV)

La distinction existe à l’intérieur même des structures : quanti et quali peuvent être des méthodes employées de manière juxtaposée à l’intérieur de la même structure :

« Beaucoup de gens font du quanti, mais beaucoup de ce quanti est sous-traité. Nous on fait pas de quanti, sauf on-line. » (femme, 34 ans, ETU).

Pour les instituts quali qui travaillent également en quanti, les deux domaines se croisent au détour des recrutements :

« On a un panel quanti d’internautes inscrits. On travaille sur un thème ciblé, par exemple les jeux, et on envoie un mailing aux 18-25 ans, joueurs. S’ils sont intéressés, on les appelle pour leur faire passer un questionnaire de recrutement par téléphone et puis on programme l’animation de la réunion sur Internet pendant deux heures, et puis on a les scripts directement, on fait la mise à plat, l’analyse, et le rapport. » (femme, 34 ans, ETU).

Cependant, souvent les deux méthodes paraissent appartenir à des métiers différents :

« Lorsque l’on fait des enquêtes, on sous-traite souvent la passation des questionnaires avec des instituts de sondages, SOFRES, INSEE. Ils ont plus de facilité pour obtenir des échantillons importants. Mais en général on a une maîtrise de la construction des questionnaires » (homme, 49 ans, ETU)

Les enquêtés faisant du quanti ne nous ont pas parlé du quali. L’interaction entre instituts de quali et instituts de quanti est à peine soulignée.

Les enquêtés faisant du quali estiment que le quanti revêt un caractère important de technicité pour lequel ils ne s’estiment pas compétents :

« Je lui ai dit le quanti, je ne peux pas mais le quali, je veux bien te suivre. » (femme, 28 ans, UNIV)

Cette incompétence est parfois l’objet d’un regret, souvent balayé d’un revers de la main par la force des justifications qui mettent le quali sur un piédestal :

« Et tu n’a jamais voulu faire un quanti ?

Non, j’imagine qu’au début j’avais cette ambition, au tout début de ma thèse, justement parce que j’avais cette ambition de comprendre les différences culturelles, de faire un truc vraiment plus formel, et là, je me dis… non je n’ai pas les moyens techniques, matériels, financier, et en même temps, c’est pas… peut-être qu’à l’avenir, mais ce serait plus… non moi je m’en fous un petit peu. En fait moi, ce qui m’intéresse, c’est vraiment le vécu individuel, et comprendre comment les gens le vivent de l’intérieur et pas tellement savoir si… enfin, quelque part, je trouve mon compte dans les récits individuels. En fait, c’est peut-être une question… enfin moi en tant que X, j’y trouve mon compte… Et puis à quoi ça servirait de faire un quanti, si ce n’est pour le vendre par exemple à une boîte d’études qui veut mieux cerner un marché pour mieux vendre. Là, je n’ai pas envie que mes études servent forcément au capitalisme. Et puis même… Non, j’ai abandonné l’idée et ça ne me manque pas avoir ces résultats là. » (femme, 28 ans, UNIV)

Globalement, le quanti renvoie à tout ce qui est utilisation de données chiffrées. Si une certaine légitimité est reconnue au quanti, la méthode pêche par son caractère statique et sa volonté d’intégrer au maximum les données dans un corpus peut-être trop homogène. Certains chercheurs lui reprochent alors de gommer la variété :

« A l’époque on avait mis en place un logiciel beaucoup moins élaboré avec un algorithme simple.

Mais quand même ça allait à contre courant de ce qu’on faisait en analyse statistique quantitative où on pensait toujours en terme de moyenne types, de catégories. Après ils essaient de faire entrer les cas particuliers dans ces catégories alors que nous on essayait plutôt de voir à partir des cas particuliers. » (homme, 51ans, UNIV)

Pour les partisans du quali , le quanti est perçu comme réducteur, et notamment en termes de catégorisation sociale. Les indicateurs qu’il met en avant ne sont pas assez approfondis :

« Dans la méthodologie du quali on s’intéresse aussi à mettre en évidence les déterminants sociaux des comportements des consommateurs, mais contrairement à une approche quanti ça n’est pas le seul but.

Qu’est-ce que tu appelles les déterminants sociaux des comportements des consommateurs ?

Ben, c’est l’âge, le sexe, la situation matrimoniale, la catégorie professionnelle, le niveau de revenu, le niveau de diplôme. » (femme, 28 ans, ETU).

Au niveau des méthodes, plusieurs instituts peuvent être en relation pour faire du quanti/

quali, ou pour recruter la population à interroger :

« On a pris deux groupes par pays, un groupe d’utilisateurs, et un groupe d’acheteurs potentiels. On a acheté les fichiers à des boîtes étrangères qui font que ça pour l’Angleterre et l’Espagne, et on a fait une co-animation dans les trois langues avec une traduction simultanée en japonais et les relances du client. » (femme, 34 ans, ETU).

VI.2 Deuxième étape : les outils de