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Chapitre 2 : Pratiques actuelles de catégorisation

VII.3. a Les médias

La presse

La première source d’information citée par les personnes interrogées est la presse. Ils distinguent souvent la presse d’information nationale et la presse spécialisée dans leurs domaines d’activités. Les informations contenues dans la presse donnent lieu à des traitements différents, essentiellement selon la taille et l’organisation de la structure professionnelle, c’est-à-dire selon l’existence ou non d’un service organisé de recueil et de conservation des informations. Ainsi des veilles thématiques peuvent être organisées à différents niveaux dans l’institution.

Quand il existe un service commun de documentation, celui-ci propose souvent des dossiers de presse sur les problématiques dominantes de l’institution et sur les grands phénomènes de société. Pour cela, ces services sont abonnés à la plupart des grands quotidiens nationaux, Le Monde, Libération, Les Echos, Le Figaro, à des hebdomadaires comme Le Nouvel Observateur, L’Express, à des publications régionales ou locales ainsi que des revues plus spécialisées dans leurs domaines. L’acteur dans cette organisation a donc accès direct à une information, qui peut déjà être organisée en revue de presse.

« La presse, on a tout parce qu’on a un service documentation qui nous fait de la pige. On a une revue de presse sur la société et la consommation, quelles sont les tendances en marketing, Internet, des méthodes, ce qui se passe au niveau économique dans des groupes. Qu’est-ce qui s’est passé dans la publicité, etc. Des articles, des magazines, des journaux spécialisés dans la distribution par exemple…

C’est tout ça, c’est toute la presse. » (homme, 40 ans, MKG)

Dans les unités de petites tailles, les cabinets d’études ou les laboratoires universitaires par exemple, ou encore lorsque la personne enquêtée travaille seule, c’est le cas pour les chargés d’études en free-lance ou les doctorants sans contacts avec leurs laboratoires, l’achat et la lecture des grands titres sont plus aléatoires. Les chercheurs achètent et lisent la presse en fonction des gros titres ou d’une rubrique notamment sur les sorties de livres, qui paraît un certain jour de la semaine.

« Je ne lis que les gros titres comme ça je vois s’il y a des articles qui peuvent m’intéresser et puis Le Monde quant il sort son supplément sur les livres, comme ça je me maintiens au courant de ce qui sort, des thèmes d’actualité. » (femme, 34, UNIV)

On peut distinguer dans une certaine mesure les différents traitements des informations contenues dans la presse. Ainsi, avec plus ou moins d’organisation et de méthode, la presse est conservée sous forme de dossiers, dans le but d’être facilement identifiable et consultable par la suite. Elle est alors archivée dans un lieu qui lui est dédiée, le service documentation pour les grandes unités, dans son bureau personnel dans les petites unités. Les articles peuvent parfois être référencés et alimenter une base de données thématique.

« On a un service de documentation qui nous fait la pige, et puis qui nous prépare des revues de presse sur les thèmes à la mode, porteurs. On peut ensuite aller les consulter quand on en a besoin ! » (homme, 40 ans, MKG)

Pour revenir aux types de presse consultés par les personnes interrogées, on note que tous les professionnels accèdent également à des revues spécialisées dans leurs domaines. Pour les acteurs des ressources humaines il s’agit par exemple de Liaisons Sociales, Carrières Emplois et Carrières et entreprises, mais aussi des journaux officiels pour les décrets concernant le travail. Les enquêtés spécialisés dans les ressources humaines sont pratiquement les seuls à citer des revues étrangères. D’après eux les Anglo-saxons sont plus avancés dans le domaine des ressources humaines mais des hebdomadaires tels Le Point ou Le Figaro, qui proposent régulièrement le classement des grandes écoles en fonction de certains critères comme le salaire des sortants, s’avèrent très intéressants.

Les universitaires et certains chargés d’études consultent régulièrement des revues des sciences humaines comme Actes de la Recherche en Sciences Sociales, la Revue Française de Sociologie ou des revues spécialisées dans un champ des sciences humaines : Sociologie du travail, de la communication… La consultation de ses revues n’est pas neutre et dans le discours sur les lectures des chercheurs, il peut s’agir parfois de marquer son appartenance à un courant et un positionnement théorique voire politique fort.

« Je suis abonné à une seule revue : Actes de la Recherche en Sciences Sociales, qui est la meilleure revue de loin, quand je vous dis cela , cela résume toutes mes convictions en sociologie. Je serais très critique pour ne pas dire pire sur la Revue Française de Sociologie.» (homme, 53 ans, UNIV)

Enfin, les professionnels du marketing ont des lectures très diverses, de Sciences-Humaines et Marketing Magazine à des magazines grand public et féminins. Comme les acteurs des institutions politiques, ils doivent se faire une idée de l’opinion publique et des phénomènes de société.

« Je vais à des conférences, à des salons, je lis la presse, de tout type, aussi bien grand public comme Marie-Claire que spécialisée, on est abonné à environ 150 revues ici, on est obligé de se tenir au courant parce que les micro-phénomènes peuvent venir de n’importe où. Par exemple, Maffesoli m’a donné le cadre théorique de réflexion à mes observations éparses. Je me tiens au courant de ce qui se fait en marketing et en sociologie parce que les deux s’influencent réciproquement. » (femme, 33 ans, MKG)

Il est intéressant de noter, et cet aspect se retrouve dans plusieurs entretiens, la diversité des lectures de certains enquêtés allant des revues grand public à des auteurs plus théoriques.

Cette distinction entre savoirs « vulgaires » et savoirs « savants » semble moins rigide pour les professionnels du marketing que pour les universitaires.

Les ouvrages généraux et théoriques

Le type d’ouvrages lu par les personnes rencontrées peut se subdiviser en deux groupes.

D’une part les ouvrages généraux, d’autre part les ouvrages théoriques.

Les ouvrages généralistes sont utilisés quand le chargé d’études a à traiter un sujet particulier. La lecture a pour but de constituer une culture générale sur le sujet, d’en délimiter les contours. C’est souvent l’apanage des services marketing qui développent des problématiques qui peuvent être très différentes d’une étude à l’autre.

« Je repars aussi sur des bouquins d’histoire sur la nourriture. On travaille sur le thé, l’historique du thé… toute la mythologie du thé, ça permet de retrouver des choses qui sont intéressantes. » (homme, 40 ans, MKG)

Les informations sont également recueillies dans des ouvrages que l’on pourrait dire plus théoriques, plus « savants ». Souvent donc, il s’agit d’ouvrages sociologiques qui donnent un cadre théorique à l’étude. Le recueil d’information est à observer en parallèle de la formation initiale. Ceux qui ont suivi un cursus universitaire orienté vers les Sciences Humaines mobilisent plus souvent, on peut le penser, des connaissances tirées d’ouvrages théoriques pour construire leurs objets de recherche.

« Quand je suis sur un sujet particulier… avant je travaillais sur le sport, j’ai utilisé Sociologie du sport, sport et civilisation – la violence maîtrisée, la passion du football… Je travaillais un moment sur des céréales pour les femmes donc à ce moment, j’ai repris un truc de Lipovetsky sur les femmes, un truc américain, faith popcorn evolution… des bouquins de socio, des bouquins de philo… » (homme, 40 ans, MKG)

Littérature et cinéma

Les sources d’informations dans le champ médiatique peuvent être moins formellement utilisées mais faire partie intégrante des réflexions et de la problématisation de l’objet d’étude.

C’est le cas de cette jeune doctorante qui mobilise l’environnement culturel, littérature et cinéma (et sa propre expérience), dans la construction de son objet d’étude et d’une catégorie naissante ; les jeunes trentenaires :

« J’ai choisi la catégorie 20-30 ans …c’est une catégorie pertinente par rapport au réel. Mais les frontières sont floues. Je suis en train de lire un bouquin là, d’un anglais qui s’appelle Turning thirthy, Devenir 30 ans, c’est ça le titre. C’est un mec qui se fait larguer par sa nana genre 6 mois avant son 30ème anniversaire et qui le vit hyper mal, Et il se sent hyper mal parce que du coup il retourne chez ses parents, et puis il arrête son boulot. C’est comme tous les bouquins de Bridget Jones. Elle aussi, c’est une trentenaire, une folle qu’arrête pas de sortir, et qui n’arrive pas à avoir de couple stable et qui parle des célibataires endurcis (…) Là, il y a un film qui vient de sortir qui s’appelle Tanguy. Pour moi, le fait qu’on commence à parler de tous ces gens intermédiaires qui revendiquent leur statut jeune, qui commence à dire, mais merde, nous on a 30 ans, on est supposé devenir adulte, remplir les critères socialement établis comme étant adultes, et on n’a pas envie, on ne veut pas devenir vieux et chiant…

Et donc on revendique ce statut intermédiaire où justement on commence à gagner de l’argent, on est indépendant, on n’a pas forcément d’enfants à charge, on est libre, on peut encore voltiger, avoir des relations à droite, à gauche. Pour moi, cette littérature, ces films, ça montre qu’il y a un éveil, les gens commencent à le dire quoi. (femme, 28 ans, UNIV)

VII.3.b Les cabinets d’études et les institutions comme