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b Mise en perspective des supports (techniques et théoriques) suivant les

Chapitre 2 : Pratiques actuelles de catégorisation

VI.3. b Mise en perspective des supports (techniques et théoriques) suivant les

Suivant la position de chacun des «professionnels du classement » sur l’échelle d’observation, niveau micro social et macro social, les supports du traitement de l’information, techniques et théoriques, vont varier.

Ainsi d’après ce que l’on a pu relever du discours des enquêtés, que ce soit du côté des chercheurs en milieu universitaire ou administratif mais aussi celui des professionnels du marketing, des ressources humaines et des études, on remarque que chacun d’entre eux, se positionnent sur l'échelle micro - macro et va marquer sa préférence un outil de catégorisation ainsi qu'un support de traitement de l’information plutôt qu'un autre.

Nous allons voir ainsi comment chacun de ces acteurs va se positionner respectivement sur l’échelle d’observation, en terme d’analyse des données suivant les divers supports d’analyse dont il va faire l’usage.

Les chercheurs

En ce qui concerne cette catégorie d’acteurs, il se trouve que les supports du traitement de l’information se résument aux outils méthodologiques qu’ils soient quantitatifs ou encore qualitatifs, quoique cette dernière méthode d’approche semble très répandue. En effet, le vécu individuel et l’interrogation des chercheurs face aux pratiques individuelles des enquêtés restent vives dans le cadre de la recherche qui les concerne.

« En fait moi, ce qui m’intéresse, c’est vraiment le vécu individuel, et comprendre comment les gens le vivent de l’intérieur et pas tellement savoir si… enfin, quelque part, je trouve mon compte dans les récits individuels. En fait, c’est peut-être une question… enfin moi en tant que X, j’y trouve mon compte… Et puis à quoi ça servirait de faire un quanti, si ce n’est pour le vendre par exemple à une boîte d’études qui veut mieux cerner un marché pour mieux vendre. Là, je n’ai pas envie que mes études servent forcément au capitalisme. Et puis même… Non, j’ai abandonné l’idée et ça ne me manque pas avoir ces résultats là. » (femme, 28 ans, UNIV)

Ainsi, dans la mesure où l’on va se placer dans une optique micro sociale de traitement de l’information, toute une palette de supports de l’analyse des données va se présenter au chercheur notamment et va placer sa focale d’observation suivant une vision plus individuelle pour l’observation de particularités que l’on ne verrait pas sous un angle plus macro social.

Les chercheurs vont ainsi utiliser plusieurs procédés de recherche de type sociologique comme l’interview individuel, l’observation sur le terrain d’enquête qui vont leur permettre d’observer des phénomènes particuliers aux individus du groupe auquel ils s’intéressent.

Les professionnels du marketing et des sondages

Dans les domaines du marketing et du sondage, l'optique d’étude de la population porte avant tout sur les comportements individuels, c'est-à-dire la compréhension des modes de fonctionnements et des particularités des individus. Il s'agit de répondre aux attentes du groupe d'appartenance des personnes auxquelles l'étude s'intéresse afin de faire un état des lieux des comportements et de constituer un corpus de données.

« Là je trouve qu’il y a une évolution en terme d’approche du réel. On passe de plus en plus d’une approche thématique qui passait par des logiciels ou par des méthodes à la main à une logique de fonctionnement individuel qui partirait plus d’une méthode compréhensive. Plus ça va, moins je trouve que l’analyse thématique ça marche. Il y a vraiment une sortie de la mise à plat thématique parce que ça te coupe du fonctionnement, de la logique interne de la personne. Du coup, maintenant, il y a tout un travail de retranscription qui est fait en amont et après on travaille sur les entretiens. (femme, 27 ans, MKG)

L’analyse thématique en plus c’est vraiment long et fastidieux. Le truc avec l’autre analyse sur les logiques individuelles, c’est qu’elle est risquée dans le sens où tu peux oublier certaines choses mais bon ça passe car in fine dans le MK il y ce postulat latent que ce sont les représentations des gens sur les produits qui déterminent leur comportement d’achat donc ça colle très bien avec l’analyse des logiques individuelles. » (femme, 27 ans, MKG)

Différents supports de traitement de l’information sont ainsi utilisés ainsi les grilles d’entretien individuel, les questionnaires plus ou moins larges Ces supports qui permettent de constituer un corpus d’information pour l’étude d’une population tournée vers des questionnements ou un produit de consommation, vont être particulières suivant leur contexte d’utilisation, c’est à dire leur domaine d’exploitation, l’orientation que va lui donner son utilisateur et les objectifs que ce dernier s’est donné.

« On n’a pas du tout une approche marketing. »

« Il peut arriver qu’on se trompe, qu’on ait pas utilisé la bonne grille d’analyse ou la bonne échelle géographique, ou encore le bon découpage et un problème dans l’accessibilité des personnes à interroger. Dans les questionnaires ou les entretiens, on essaie d’avoir le maximum d’informations, comme ça si on se rend compte que la grille est mauvaise, on peut quand même se retourner. » (homme, 31 ans, SOND)

Les limites de ces supports de traitement

Les limites portent essentiellement sur ce que peuvent apporter en terme de résultat les supports du traitement de l’information. Ainsi du moment où l’on va décider de se servir d’un moyen particulier de recueil de l’information, il y aura alors gain en information et en temps.

Ainsi, les individus participant à l’enquête vont devoir répondre individuellement et chacun de l’autre coté de sa machine à l’enquête. Ce qui permet à celui qui lance l’enquête d’atteindre en peu de temps et en grand nombre une population bien précise. Mais ce qui d’un autre côté ne lui permet pas de saisir toute la partie concernant les représentations individuelles et projectives qu’il aurait pu obtenir en faisant une réunion en tour de table avec un nombre d’enquêtés plus restreint.

« Comment vous recrutez votre population ?

On a un panel quanti d’internautes inscrits. On travaille sur un thème ciblé, par exemple les jeux, et on envoie un mailing aux 18-25 ans, joueurs. S’ils sont intéressés, on les appelle pour leur faire passer un

questionnaire de recrutement par téléphone et puis on programme l’animation de la réunion sur Internet pendant deux heures, et puis on a les scripts directement, on fait la mise à plat, l’analyse, et le rapport.

Tu disais que des fois ça marche et d’autres fois ça marche moins bien, qu’est-ce qui marche pas ?

On a du mal à faire tout ce qui est projectif, associations. En groupe ça marche mieux parce qu’il y a la dynamique de groupe. Sur Internet les gens ont le temps de rationaliser leur pensée avant de répondre.

Donc ça marche pas trop pour les marques, les images de marque. Mais ça marche pour ce qui est analyse de sites. » (femme, 34 ans, ETU).

« Je comprends pas bien pourquoi ça marche pas sur les marques ?

On travaille beaucoup sur l’image, donc qui implique un raisonnement irrationnel. Par exemple quand on demande de décrire MX., Est-ce qu’il est grand, petit, il a un cigare, etc. sur Internet les relances ne sont pas aussi spontanées. »(femme, 34 ans, ETU).

Ce qui montre bien la limite imposée par la méthode et les outils d’enquête, et qui se ressent dans le traitement de l’information mais qui fait en même temps partie intégrante de l’analyse en elle-même.

« Quels outils tu utilises pour analyser la société ?

[Silence] Dans mon boulot j’ai rarement à analyser la société. J’analyse des petites niches de population très ciblées au niveau de la population et au niveau de ce que se posent les clients. Il y a pas de grandes questions sociologiques. Qu’est-ce que telle cible pense de tel produit, ce qui d’ailleurs pour quelqu'un qui a fait de la socio est très peu stimulant, pas très passionnant parce qu’au bout d’un moment toutes les études se ressemblent. Ce qui est stimulant c’est l’analyse, on essaye d’aller au-delà des représentations qu’on nous donne, mais c’est tout. Par rapport au boulot d’un sociologue, c’est une ambition très limitée. » (homme, 28 ans, ETU).

VI.3.c Les résultats du traitement : introduction aux catégories

Dans ce qui va suivre, nous allons voir quelle place occupent les catégories dans le traitement de l’information suivant les professions concernées. D’un côté, nous aurons les

«marketeurs » qui vont s’adresser à une fraction de la population, dans le but de leur plaire pour que le produit qu’ils cherchent à promouvoir touche le plus grand nombre de personnes sensées être concernées par celui-ci. De l’autre, les chercheurs qui vont user des catégories dans leurs résultats d’étude dans un souci d’objectivation de la société suivant le phénomène qu’ils observent. Mais ils vont également pouvoir prendre comme point de départ des catégories de population déjà objectivées (CSP, Niveau de formation… etc. qui sont des

données fournies par des instituts d’étude comme l’INSEE) pour éventuellement les déconstruire, phénomène que l’on va observer plus en profondeur dans la partie qui suit sur les catégories construites.

Un découpage préétabli : Pour un produit un découpage, pour une problématique une catégorie (marketing, études…)

Que ce soit dans le domaine du marketing qui est tourné sur le type de produit qu’il va promouvoir ou qu’il s’agisse des professionnels dans le domaine du sondage, on peut noter qu’à un sujet d’enquête, une technique particulière va lui être adaptée. On a alors une population déjà bien définie issue d’un découpage qui a été fait au préalable.

Ce type d’analyse des données que l’on déduit à posteriori va par conséquent être fonction d’une population bien définie par rapport à une problématique déjà posée. Cette technique de traitement de l’information est le lot des professionnels du marketing qui procèdent de la sorte en adaptant leur campagne de promotion d’un produit suivant la cible concernée par ce même produit.

« Donc là encore c’est un autre type de discours qu’on peut leur tenir. Là, je vous dis ça pour ce type de produit. Si ensuite je vais partir sur un autre type de produit… je dis n’importe quoi… mais une pile électrique, cette segmentation ne sert plus à rien. Parce que sur les piles électriques, c’est autre chose qui marchera comme segmentation. » (homme, 40 ans, MKG)

« Dans les études on utilise des hypothèses différentes : sur les techniques utilisées pour le recueil des données (CATI –recueil des informations par téléphone-, CAPI – recueil des informations en face à face, CAWI – recueil par Internet-) c'est-à-dire qu’on adapte au sujet d’étude une technique qui semble la plus pertinente ; on utilise des méthodos différents qui peuvent avoir un angle d’approche qualitatif basé sur la psychologie sociale ou sur des concepts marketing… On fait plus de la microéconomie, du behaviorisme, on se sert de concepts de Ressources Humaines, de marketing… On utilise les modèles dominants… CSA est un institut généraliste, donc il n’a pas de modèles dominants comme certains qui ne travaillent qu’avec des méthodos centrées sur les styles de vie ou je ne sais quoi d’autre ! On n’a pas de modèles dominants si ce n’est le modèle commun à toutes les sociétés occidentales, le modèle judéo-chétien ! » (homme, 40 ans, SOND)

Le découpage : outil de traitement de l’information ou encore comme conclusion, en guise de résultats d’études (chercheurs, ADM, associations, les politiques)

Dans le cadre de la recherche, que ce soit en milieu universitaire ou dans les administrations, le découpage de la population est un exercice qui paraît important au préalable afin de mieux situer la population étudiée dans la population globale mais aussi pour mieux cibler l’objet d’étude. Le choix d’un «échantillon représentatif » au préalable paraît essentiel comme point de départ afin d’arriver à des solutions.

« L’INSEE propose des méthodes de croisements qui donnent des profils types. Il faut faire des choix pour avoir un échantillon représentatif.

(Comment avez-vous remédié à ces aberrations ?) On a fait le choix de faire moins de croisements avec des tirages aléatoires. Les vérifications sur la représentativité sont faites à posteriori par rapport à la population globale. (homme, 33 ans, ASSOC)

On n'est pas dans une démarche de marketing : on ne crée pas objets correspondant aux attentes. On n'est pas là pour donner aux gens ce qu'ils veulent mais pour leur proposer des solutions qu'on trouve bonnes au problème qui se passe. Si on faisait le contraire ce serait de l'hypocrisie, du couillonage.

C'est de la démagogie, pas de la politique ou alors celle des partis extrêmes qui surfent sur les attentes des gens. Notre but est de convaincre la cible de la pertinence de ce qu'on propose.

Quelle est votre cible ?

Notre cible sont les Français. » (homme, 35 ans, POL)

On part des catégories déjà établies au préalable, qu’elles soient officielles, c’est à dire fournies par l’INSEE, pour que dans un mouvement de construction et de déconstruction des catégories, on aboutisse à d’autres modes de classement de la population. On retrouve bien ici les catégories en début comme en fin d’analyse de l’information.

« Dans certaines enquêtes, j'avance avec un découpage plus avant de la société, de la population.

Par exemple, nous débutons une enquête sur les âges limites du faire – famille (sur les calendriers familiaux, les temporalités) : c'est à dire les âges auxquels on fait les enfants. On s'intéresse donc aux catégories d'enfants tardifs ou dits autrement de parents tardifs. Mais là, les catégories sociales fonctionnent à plein : les CSP, les questions de genre (comment les temps sociaux et professionnels inculquent de la différence de sexe), les rapports de classe (pour être dans un rapport à la norme de l'âge pour faire des enfants). Cette recherche résulte d'une réflexion sur l'évolution des parcours de vie comme façon d'appréhender les mutations sociales. Il y a aujourd'hui une déstandardisation des parcours de vie. Comment on se construit ses bons moments pour faire quelque chose ? Comment ces délimitations se construisent en pratiques (en choix et en non-choix) ! (…)On a une large marge de choix sur la problématique. On est parti des indicateurs statistiques utilisés comme catégories préalables pour voir quand les gens se considèrent comme parents tardifs (vers 40 ans en général pour les femmes, 45 ans pour les hommes). Ce ne sont pas nos catégories, on essaie de les déconstruire par rapport aux pratiques. Voir comment se construit la parentalité tardive ? Les CSP jouent à fond. La domination économique aussi, ainsi que les rapports de force dus au sexe. Les rapports homme – nature sont aussi à prendre en compte bien qu'il n'y ait pas d'enjeu pour cela en terme de catégorisation sociale. Il ne faut pas oublier la question ethnique : on ne peut pas tout ramener aux catégories du social. Il y a des spécificités dues à la biographie. » (homme, 37 ans, UNIV)

« J’utilise la méthode qualitative d’analyse de textes, de discours. Mais j’ai aussi eu recours à des méthodes quantitatives pour le traitement statistique de corpus de données individuelles qui m’ont permis de faire une sorte de modélisation. Cela a permis de procéder à une déconstruction / reconstruction des catégories qui passe par la compréhension des outils utilisés par les autres et des conséquences que l’utilisation des catégories par l’administration peuvent avoir. » (homme, 42ans,UNIV)

Les limites

Les limites sont de manière générale imposées par la méthode ( en ce qui concerne les chercheurs) par le produit et la cible (pour le marketing et les autres), ce découpage étant plus ou moins observable selon les cas rencontrés au grès de nos entretiens.

Comme le montre l’exemple qui va suivre lors de l’introduction d’un nouveau produit, qui est celui du marché de l’Internet encore peu expérimenté, à l’époque, dans le domaine public et qui semble poser des difficultés dans le domaine du marketing à cause du manque de recul que ceux-ci peuvent avoir en ce qui concerne ce secteur.

D’autre part, le traitement des données de l’enquête va également trouver ses limites dans les propres compétences techniques du « professionnel du classement ». Si celui-ci trouve nécessaire de faire une analyse quantitative pour étayer ses résultats et que sa formation ne lui permet de la faire, il se doit de faire appel à une tierce personne qui l’assistera dans cette voie.

Qu’il soit statisticien ou professionnel dans le domaine de l’analyse quantitative, ce dernier participera à la partie de l’étude qui jusque là dépassait les compétences l’instigateur de l’étude.

« [Et vous avez des statisticiens autour de vous ?]Oui, moi je ne suis pas statisticien. Je connais un peu la statistique bien évidemment, mais en tant qu’utilisateur. Moi, je m’en remets toujours à un statisticien. Par exemple, si je travaille pour un opérateur (téléphonique) et qu’il me dit «je veux une typologie des utilisateurs de téléphone », bien sûr je sais quelle méthode il faut, l’analyse factorielle, ensuite l’analyse typologique. J’irai voir le statisticien qui va me le faire grâce à son logiciel et son savoir. Parce que je suis simplement capable de dire «vous voulez une typologie, alors on a ça », «vous voulez comprendre le degré d’explication de telle variable, on va faire une régression »… Mais c’est un savoir superficiel que j’ai, et qui me permet simplement de pouvoir parler avec un statisticien. L’usage des méthodes statistiques dépend de l’objectif que vous avez en tête. Est-ce que vous voulez identifier telle partie de la population, est-ce que vous voulez expliquer tel type de comportements. Est-ce que c’est une analyse plus sophistiquée où il s’agira d’identifier cinq ou six groupes clés, etc. » (homme, 31 ans, SOND)

L’orientation théorique que le professionnel choisit d’avoir au cours de l’étude peut aussi l’amener à dépasser ses propres références méthodologiques d’analyse des données qui vont l’amener, comme précédemment, à faire éventuellement appel à une aide extérieur.

« Je cherchais une personne pour une intervention sur les nouveaux problèmes de sécurité, je n'ai trouvé personne : soit de grands arsenaux théoriques voire idéologiques soit des représentants d'un champ très délimité. Et ailleurs ? Dans les PVD, les sciences sociales sont plus modestes, plus pragmatiques. Les pays anglo-saxons aussi sont très pragmatiques ce qui a un avantage, celui de ramener des bouts de terrain pratique dans le débat public. C'est difficile d'entrer dans la recherche, il faudrait faire des équipes mixtes professionnels – chercheurs ; hybrider nos cellules de production de savoir. Je récuse la fracture épistémologique entre ceux qui pensent et ceux qui agissent. » (homme, 33 ans, SYND)

Qu’il s’agisse de la méthode de l’enquête, des compétences requises à l’élaboration de celle-ci ou encore de l’orientation théorique du professionnel du classement, tout ceci peut représenter à un moment donné une limite pour ce dernier dans le traitement de l’information.

Et enfin, dernière étape dans l’itinéraire de la méthode de catégorisation et qui concerne les résultats du traitement de l’information que l’on va voir à présent.

VI.4 Résultats des études : des catégories