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I. Les réponses des employeurs 149

1)   Remplir les quotas d’emploi 156

Interrogés sur la politique menée en matière de handicap au sein de l’entreprise ou du service public dans lequel ils travaillent, les chargés de mission handicap mettent d’abord en avant leur mission de remplir les quotas d’emploi. D’emblée, pour expliquer les mesures prises pour favoriser l’insertion des travailleurs avec un handicap, ils abordent souvent le nombre de travailleurs handicapés présents dans l’entreprise ou dans l’administration, ainsi que les postes occupés par ces travailleurs. Ainsi, un chargé de mission handicap dans le secteur privé débute son discours par l’énumération des travailleurs handicapés en poste, ainsi que leurs services de rattachement.

« Alors, en matière de handicap, on a pas mal de travailleurs handicapés chez nous, plus de 100 au total, et ils sont à tous les échelons : ouvriers, employés, chefs de service. On en a dans le personnel administratif, à la vente, un peu partout en fait » (Chargé de mission handicap, entreprise privée)

En France, la plupart des responsables des missions handicap estiment que leur principale tâche est de veiller au respect des « 6% » d’obligation d’emploi. Ainsi, une chargée de mission dans la fonction publique de l’Etat considère que sa mission première est de garantir ce taux.

« Ma mission première, ça a été de prendre contact avec l'ensemble des personnes qui étaient identifiées, pour connaître un peu mieux leurs situations personnelles et aménager les postes si cela était nécessaire, afin de garantir le maintien dans l'emploi. Je suis garante des 6% de la structure et donc y a tout un paramètre... de gestion, qui s'inscrit dans la continuité : gestion individualisée, gestion administrative, […] pour que le taux des 6% soit maintenu. » (Chargée de mission handicap, fonction publique de l’Etat)

Dans la fonction publique hospitalière, tous les responsables handicap et des directions de ressources humaines au sein des établissements sanitaires et médico-sociaux témoignent de ce que le handicap des agents n’est devenu une véritable préoccupation qu’à partir du moment où le non-respect de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH)154

a induit des versements parfois très importants au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées de la fonction publique (FIPHFP), dans les suites de la loi du 11 février 2005. Un directeur des ressources humaines d’un centre hospitalier reconnaît en effet que la « gestion des situations de handicap » au sein de son établissement n’a véritablement vu le jour qu’à la suite d’un contrôle par le FIPHFP.

« L’établissement a fait l’objet d’un redressement par le FIPHFP, d’un contrôle sur les dossiers déclarés au titre de l’obligation d’emploi. […] Il y a eu une très forte amende infligée à l’établissement. […] Du coup, l’objectif a été assez rapidement de créer une structure très proactive. » (Directeur des ressources humaines, fonction publique hospitalière, enquête FIPHFP)

Certains établissements s’en tiennent au strict respect des quotas. Dans la fonction publique, en France toujours, ces quotas seront bientôt atteints dans de nombreux secteurs : en 2016, la fonction publique comptait 5,17 % de travailleurs handicapés parmi ses effectifs contre 3,74% en 2006155

. Ce respect croissant des quotas par les employeurs remet cependant en cause – paradoxalement – la pérennité de la politique d’insertion des travailleurs avec un handicap. En effet, comme le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées est financé par les contributions financières des établissements qui ne remplissent pas leurs obligations d’emploi, le respect des quotas par les employeurs pose la question de la pérennisation des moyens pour développer de nouvelles actions d’insertion dans l’emploi.

En France, cet objectif de remplir les quotas en vue de la Déclaration annuelle d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH) se traduit régulièrement par des actions qui incitent les travailleurs déjà en poste à déclarer leur handicap et à remplir les dossiers auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour obtenir la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), cette reconnaissance étant l’un des critères de reconnaissance du handicap qui permet de

154 Toute entreprise d’au moins 20 salariés a l’obligation d’employer au minimum 6% de personnes

bénéficiant de l’OETH au sein de son effectif. Voir à ce sujet : http://www.oeth.org

155 Les taux respectifs des trois fonctions publiques se répartissaient comme suit : Etat = 4,18 %;

dénombrer les travailleurs handicapés dans l’entreprise ou le service public. Une responsable de mission handicap explique comment le taux d’emploi est passé de 2,34% en 2012 à 4,97% en 2016, grâce aux déclarations de travailleurs déjà en poste.

Enquêtrice : - « Comment êtes-vous passé d’un taux d’emploi de 2,34% en 2012, à un taux de 4,97 aujourd’hui ? Des agents se sont déclarés ou vous avez procédé à des recrutements ? »

Enquêtée : - « Il y en a qui l'étaient déjà et y en a qui n'avaient pas fait les démarches. Donc pour certains agents, ça a été aussi un réel travail qui est fait avec l'assistante sociale également. C'est à dire qu'elle accompagne les agents qui le souhaitent euh... (hésitations) pour établir leur dossier au niveau de la MDPH. Et en fait c'est tout un travail de... de prise de conscience, c'est tout un travail aussi de mise en lien avec les établissements, pour faire remonter l'info à notre niveau. Des agents qui du coup découvrent qu'ils peuvent avoir un accompagnement, que ça peut déclencher quelque chose et du coup ils vont faire les démarches auprès de la MDPH, parce qu'ils ont rencontré le médecin de santé au travail qui leur en a parlé. Du coup, ils se lancent dans les démarches. Donc on a des agents qui pouvaient être reconnus, mais qui n'avaient pas fait les démarches, qui étaient déjà là depuis un certain temps ; d'autres agents qui l'étaient mais qui ne s'étaient pas fait connaître auprès de nous.... Comme on dit à chaque agent, y a aucune obligation de se faire connaître. C'est toujours mieux parce que ça peut apporter certaines choses : ça peut apporter un accompagnement, ça peut être une aide dans un aménagement de poste, ça peut jouer aussi sur le calcul de la retraite, hein... Mais l'agent n'a aucune obligation de se faire connaître auprès de nous, c'est vraiment de sa propre initiative. » (Chargée de mission handicap, fonction publique hospitalière)

Nombre d’employeurs s’appliquent à opérer, parmi leurs agents, un recensement des personnes susceptibles de remplir les conditions de la Reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés (RQTH). Le nombre d’agents se retrouvant en situation de handicap au cours de leur vie professionnelle pourrait en effet souvent suffire aux employeurs publics de santé pour remplir le quota des 6%.

« Les chiffres [du taux d’emploi] ont augmenté d’une manière artificielle, pour une bonne part. […] la course pour recenser les personnes porteuses d’une déficience, ayant une invalidité, ayant la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, dans les dernières années, c’est affolant. Donc vous avez des gens qui sont recensés, porteurs d’une RQTH ou d’une invalidité […], ils font partie des chiffres, mais la fonction publique ou l’employeur privé ne fait rien pour eux. Ils se contentent de les recenser. » (Représentante syndicale, fonction publique hospitalière en France, enquête FIPHFP)

Pour les employeurs et leurs représentants, le handicap peut ainsi être perçu, on l’a montré, comme une ressource, essentiellement financière. Pour cette raison, les employeurs, notamment dans la fonction publique hospitalière, conditionnent la plupart

du temps l’octroi d’une aide du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique en vue d’un « aménagement de poste » à l’obtention de la RQTH.

« Une infirmière qui avait des problèmes auditifs ou visuels, je ne sais plus. Ils [les membres de la direction] prennent contact et finalement, ils s’aperçoivent que la personne n’avait pas renouvelé sa reconnaissance de travailleur handicapé, alors que les aides pour aménagement de poste sont aussi accessibles avec restriction d’aptitude, que le médecin du travail avait déjà fait la préconisation. Je sentais que le service au niveau RH était volontaire, ils ont activé les bons trucs, mais au final, l’agent n’avait pas renouvelé. Donc, ils ont dit : “tant qu’elle n’a pas sa reconnaissance RQTH, pendant deux ans, on ne va pas pouvoir la comptabiliser, donc on stoppe l’aménagement de poste”. […] Pendant deux ans, ils vont devoir payer, et du coup, ils se disent : “l’agent n’a pas joué le jeu, on ne joue pas le jeu !” Mais pendant deux ans, l’agent va galérer. » (Référente handicap, fonction publique hospitalière en France, enquête FIPHFP)

D’autres dispositifs existent également pour remplir les quotas d’emploi : le recrutement direct de travailleurs handicapés, les stages d’apprentissages, l’externalisation de certaines missions à des Entreprises de Travail Adapté (ETA en Belgique) ou des Etablissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT en France). Néanmoins, la plupart des chargés de mission handicap s’accordent à dire que le nombre de travailleurs en interne qui répondent aux critères qui permettent d’introduire une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est souvent suffisant pour atteindre les quotas, voire les dépasser. Ce constat est particulièrement vrai dans les secteurs où les travailleurs acquièrent des déficiences au cours de leur vie professionnelle.156

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