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Intenter des procès pour défendre une acception élargie du handicap 124

II. Les avocats 103

4)   Intenter des procès pour défendre une acception élargie du handicap 124

Les avocats engagés envisagent le contentieux comme un moyen de redéfinir les frontières entre handicap et état de santé. A l’heure actuelle, les définitions proposées par la législation belge ne sont pas claires. Théoriquement, une attestation du médecin du travail déclarant un besoin d’aménagement suffit pour qu’un travailleur introduise une demande pour une adaptation de son poste de travail. Dans la pratique, la reconnaissance administrative du handicap semble être un passage obligé pour considérer qu’un travailleur peut faire valoir la législation en matière de non-discrimination en raison du handicap.

Par ailleurs, la délimitation des frontières entre handicap et état de santé ne paraît pas claire aux yeux des avocats qui défendent les travailleurs. Ainsi, une avocate militante considère que les procès sont un moyen de contraindre les juges à prendre position sur cette frontière, afin de permettre d’élargir la définition de handicap et d’inclure potentiellement plus de travailleurs.

« Parce que bon, dans ce cas-là [un dossier de refus d’aménagement d’un poste de travail d’un travailleur handicapé], il y a la question du handicap, mais pas seulement. Il y a également la question des gens qui n'ont pas un handicap mais qui sont dans un état de santé déficient qui va générer des incapacités de travail. Qu'est-ce qu'on fait avec quelqu'un qui est licencié exclusivement parce qu'il a été malade, parce qu'il a été en incapacité de travail ? Est-ce que ça rentre dans la réglementation discrimination ou pas ? Alors, est-ce que cette personne qui a été malade ou qui est malade a un handicap ou pas ? C'est aussi une autre question est c'est assez, évidemment, puisque... la définition est large, est-ce que c'est, probablement, de longue durée ? Et puis alors, on doit aussi partir du handicap supposé, donc l'idée que l'employeur pense que la personne va être en incapacité de longue durée alors que ce n'est pas forcément le cas. Bon, ben toutes ces questions- là... enfin nous, quand on va en justice, on essaie bien sur d’aider au mieux la personne, mais aussi d'avoir un éclairage, enfin une... oui, qu'on nous dise exactement comment fonctionne la réglementation. » (Avocate)

Le procès apparaît à ces avocats comme la seule issue possible pour faire évoluer les pratiques des employeurs en matière de licenciement de travailleurs en situation de handicap. Ils estiment qu’il est essentiel de défendre une acception élargie du handicap, qui doit nécessairement passer par des jugements dans lesquels les juges se positionnent de façon claire sur cette question. Les procès permettent alors, à travers la défense de dossiers individuels, de faire évoluer la jurisprudence et de bénéficier potentiellement à l’ensemble des travailleurs qui ont des problèmes de santé, que ceux-ci soient durables ou non.

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L’analyse des avocats qui défendent des clients avec un handicap dans les deux pays de notre enquête fait ressortir un investissement différencié autour du handicap. Certains se spécialisant dans le contentieux spécifique au handicap, devant toutes les juridictions ; d’autres dans le contentieux du droit du travail avec une attention particulière aux problèmes d’accidents de travail, de maladies professionnelles, de reclassement ou d’aménagements de poste ; d’autres encore essayant d’étendre les usages des législations en matière de non-discrimination à des dossiers relatifs au handicap et à l’état de santé, notamment à travers les aménagements raisonnables. En Belgique comme en France, les avocats qui s’investissent autour du handicap cherchent, à travers leur pratique, à articuler droit de la non-discrimination et droit social, estimant que les dispositions existantes dans le code du travail, notamment la force majeure médicale en Belgique, ne permettent pas de défendre les droits de leurs clients.

Le procès est souvent envisagé comme la seule alternative possible qui s’offre aux avocats, car ces derniers sont sollicités par les travailleurs après le licenciement en raison du handicap. Ils se trouvent alors contraints de demander uniquement une réparation pour un préjudice subi, mais regrettent de ne pas pouvoir jouer un rôle actif dans le développement d’une jurisprudence relative à l’inclusion des travailleurs handicapés dans l’emploi, par exemple autour de la question des aménagements. En effet, les avocats s’accordent à dire, des deux côtés de la frontière, que les dispositions en matière d’aménagements de postes de travail, raisonnables ou non, sont très peu utilisées par les travailleurs et les acteurs du monde du travail.

A travers leur travail de qualification juridique des injustices vécues par leurs clients, les avocats contribuent à produire différentes définitions du handicap : certains cherchent à étendre cette catégorie afin d’y englober des problèmes de santé qui ont un caractère durable, d’autres mettent en cause le caractère discriminatoire d’un licenciement d’un travailleur suite à un accident de travail et contestent ainsi les dispositions prévues dans le code du travail. Ils participent dès lors, par leur pratique du droit, à produire des cadrages différents du handicap et à transformer les possibilités d’action offertes par le droit pour traiter des problèmes de handicap au travail.

III. Les agents des organismes publics chargés de la lutte contre les

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