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Militer de l’intérieur : porter la cause du handicap dans les organisations 153

I. Les réponses des employeurs 149

1)   Militer de l’intérieur : porter la cause du handicap dans les organisations 153

« Quand on est engagé dans des thématiques comme la diversité, forcément, on ne peut pas garder une étanchéité totale entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Il n’y a pas de hasard. Si j’ai pris un job comme ça, et que j’y suis toujours, c’est parce que ça me plaît et que mon engagement correspond à des attentes personnelles aussi. » (Manager de la diversité dans une multinationale)

Les chargés de mission handicap se définissent comme des acteurs investis autour du handicap à titre personnel et estiment qu’ils ont décidé de prendre cette fonction car ils voulaient améliorer la situation des travailleurs. Leur implication autour de la cause du handicap varie cependant selon les profils. Certains estiment que leur militantisme est antérieur à leur entrée en fonction et la raison principale qu’ils invoquent pour justifier leur choix d’occuper ce poste. Ils envisagent leur position comme le prolongement de leur engagement militant extra-professionnel. Ainsi, un référent handicap occupe la fonction de référent depuis 2008 dans une université. Handicapé de naissance, il a toujours été membre de nombreuses associations liées au handicap et auto-entrepreneur dans

l’accompagnement des entreprises dans le cadre du recrutement de travailleurs avec un handicap. D’autres chargés de mission handicap sont engagés autour de cette question en interne, mais pas forcément en dehors de l’entreprise. Leur activité autour du handicap se limite à leur travail, mais ils estiment qu’à travers l’exercice de leur métier, ils militent pour faire bouger les choses dans l’entreprise. Une chargée de mission, qui occupe cette fonction après avoir longtemps travaillé au service des recrutements de son entreprise, elle-même reconnue comme travailleuse handicapée, considère son activité comme une forme de militantisme « en interne ».

« En interne, je suis une militante du handicap je crois, oui. À l'extérieur, non. Je vais pas... aller protester. A l'interne oui. Les gens me côtoient assez facilement et... s’ils ont un problème, ils savent que ma porte est ouverte. J'ai aidé beaucoup de monde ici à bouger, à évoluer, en restant toujours très discrète sur les situations, les cas etc. Donc y a une confiance et une sorte de ‘fidélisation’, qui est instaurée... une crédibilité. Donc, par rapport au handicap, je pense que le message, du coup... ils sont confiants. Et du coup ça aide aussi à faire évoluer les choses en interne. Parce que voilà, les managers me connaissent aussi. Donc, je pense être une personne crédible. Du coup ça me permet de faire avancer les choses et du coup oui, je milite » (Chargée de mission handicap dans une entreprise privée du secteur de la grande distribution).

Une autre chargée de mission handicap dans la fonction publique considère qu’elle veut faire bouger les choses et que cela implique qu’elle soit engagée autour du handicap dans sa pratique quotidienne. Cependant, sa position en tant que cadre dans l’administration, la contraint de ne pas se limiter à un rôle de militante. Elle estime qu’elle doit aussi défendre les intérêts de son employeur.

« Enquêtrice : - « Est-ce que vous vous définissez comme une militante du handicap ? »

Enquêtée : - « Une militante ? Ah... Je ne sais pas ! Je pense qu'il y a un peu de ça, parce que si y'a pas un peu de ça, ben ça n'avance pas, en fait. (rires) Mais moi, je ne suis pas une militante au sens où on peut l'entendre, comme les militants des associations qui vont... s'enchaîner (rires) Je suis pas du tout comme ça ! Parce que moi je suis cadre dans une administration... (hésitations)... et que... que je travaille pour cette administration et que je dois aussi... Je peux pas être que militante. Je suis aussi ça. Je fais partie... Enfin voilà, quand je dis que les cadres devraient aller se former sur le handicap, je fais partie de ces cadres. Je ne suis pas extérieure à l'organisation. Je ne peux pas être qu'une militante... Un peu, mais... pas que. Je dois défendre les intérêts de mon administration et moi, je pense qu'en faisant ce que je fais, je les défends. Je fais partie intégrante de cette administration. Je ne suis pas... Un militant il est plutôt en dehors... Il y va avec sa pancarte, là... Moi, mes supérieurs, ils disent plutôt que je reviens toujours : quand j'ai une idée en tête, je dis : ‘Oui oui, d'accord’, et deux/trois semaines après, je dis : ‘Au fait ? Vous savez, je voulez vous reparler de...’ (rires). Je fais plutôt ça. Je suis quelqu'un qui respecte énormément la hiérarchie, qui respecte énormément le cadre qu'on lui a

donné. Voilà... C'est... (hésitations) Peut-être un peu... une forme de militantisme. » (Chargée de mission handicap, fonction publique territoriale).

Les personnes en charge du handicap se considèrent majoritairement comme des militants, au sein de leur organisation. Néanmoins, elles entretiennent un rapport différent au handicap, en fonction de leur socialisation et de leur investissement autour de la cause.

2) Gérer le handicap : accompagner les travailleurs, devenir manager

Tous les chargés de mission handicap estiment qu’ils ont pris cette fonction pour aider des personnes handicapées dans leurs démarches dans l’entreprise ou le service public dans lequel elles travaillent. Néanmoins, tous ne conçoivent pas tous leur rôle et leur fonction de la même manière. Deux profils peuvent être distingués : ceux qui valorisent les fonctions d’accompagnement des travailleurs et ceux qui donnent la priorité aux tâches de management du handicap.

Certains ont des trajectoires professionnelles marquées par un investissement dans des structures médico-sociales ou d’insertion professionnelle de publics spécifiques. Ils manifestent un intérêt prépondérant pour l’aide et l’accompagnement des travailleurs handicapés dans leurs démarches quotidiennes. Ainsi, une chargée de mission handicap a débuté sa carrière comme éducatrice dans un établissement pour enfants sourds, puis a travaillé plusieurs années dans des associations d’insertion socio-professionnelles de jeunes en situation de handicap. Ses expériences professionnelles antérieures l’ont amenée à considérer que les personnes handicapées n’étaient pas assez entendues pour exprimer elles-mêmes leurs besoins et leurs souhaits professionnels. Elle considère que son rôle, dans le service public où elle travaille aujourd’hui, est d’aider et d’accompagner les travailleurs au quotidien, pour faire en sorte qu’ils puissent bénéficier des meilleures conditions de travail possibles et qu’ils puissent introduire toutes les demandes nécessaires auprès de leur employeur. D’autres chargés de mission ont des trajectoires professionnelles marquées par un investissement dans les services de gestion des ressources humaines. Ils ont choisi d’occuper des responsabilités en matière de handicap parce qu’ils jugent qu’il s’agit d’un public de travailleurs particulièrement vulnérables et que l’investissement autour de cette question représente un nouveau défi professionnel. Un chargé de mission handicap a passé de nombreuses années dans la gestion des ressources humaines, il a décidé de prendre en charge les dossiers en matière de handicap lors du départ de sa collègue pour un autre service. Il envisage son rôle comme le prolongement de ses anciennes fonctions et estime qu’il joue le rôle de « lien » entre la direction et le personnel dont il gère les dossiers.

Les premiers dévalorisent fortement les tâches administratives liées à leur fonction, et souhaitent donner la priorité à un accompagnement au quotidien des travailleurs. Ils envisagent qu’ils ne peuvent pas travailler sans aller sur le terrain, rencontrer les travailleurs, les encadrants ou les responsables, et négocier les aménagements de poste nécessaires avec les parties concernées. Ils mettent en place des actions de tutorat des travailleurs qui vont être reconvertis, des missions

d’accompagnement, un suivi individuel de tous les travailleurs qui ont une RQTH, etc. Les seconds par contre acceptent plus facilement d’endosser toute une série de missions qui relèvent plus du management du handicap au niveau de l’organisation, plutôt que de l’accompagnement individuel des travailleurs. Ils mettent en place des actions, au niveau de l’entreprise ou de l’administration, sur différentes thématiques liées au handicap : des formations à destination des managers d’équipe sur la gestion du handicap dans les équipes, des actions de sensibilisations aux handicaps non visibles, etc.

Ces deux profils reflètent les deux facettes de ce métier, que les chargés de mission handicap endossent de façon variable en fonction de leur trajectoire professionnelle et de leur engagement autour de la cause du handicap. Ils investissent différemment leur fonction, et donnent la priorité à certaines missions au détriment d’autres, dans un contexte où les contours de leur intervention sont relativement flous. Ce sont eux qui façonnent la politique du handicap menée par leur organisation et la traduisent en actions concrètes et, à travers leurs pratiques, adoptent une attitude spécifique par rapport au droit et aux législations qui concernent le handicap et le travail.

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