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Les relations entre les différents domaines d’entraînement du karaté

En quoi et comment une pratique d’enseignement du karaté en EPS renvoie-t-elle à une référence, et laquelle ?

3. La connaissance de l’activité karaté : les références au savoir

3.3.4. Les relations entre les différents domaines d’entraînement du karaté

Le schéma suivant (schéma 3) propose de modéliser les interactions entre les différents domaines de l’entraînement du karaté. Comme nous l’avons étudié, chaque domaine permet d’acquérir un type de savoir, technique pour le kihon, esthétique pour le kata, stratégique pour les assauts. Cette analyse des relations entre les différents domaines du karaté va permettre aussi de mieux comprendre les liaisons qui peuvent s’établir entre les deux références principales du karaté, sportive et martiale.

KIHON

Liaison pragmatique Liaison technique

(Efficacité) Karaté do (Reproduction de formes)

ASSAUTS KATA Liaison heuristique

(Sens)

Schéma 3 : interactions des différents domaines de la pratique 3.3.4.1. Liaison kihon et kata

Le premier pont que nous allons détailler (cf. schéma 3) est peut-être celui qui paraît le plus évident mais c’est aussi celui qui est le plus difficile à faire pour le pratiquant. En effet, le kata impose tout, tandis que le kihon laisse libre cours à l’imagination. Il y a donc un double écueil à éviter qui est celui de la pertinence et de la cohérence. Les enchaînements du kihon doivent être cohérents dans la mesure où il est difficile de concevoir un enchaînement dans ce domaine qui ne vise pas un objectif précis, comme la liaison attaque pieds-poings. Les enchaînements du kihon doivent aussi être pertinents et envisager la présence imaginaire de l’adversaire. Cela renvoie à la pertinence interne du kihon, et plus généralement du travail dans le vide hors contexte. Des études ont en effet montré, notamment en volley ball, l’inutilité du travail du smash sans adversaires pour réceptionner et contrer. Ainsi, lorsqu’on prenait deux groupes tests qui pour l’un avait un entraînement à forte décontextualisation et

pour l’autre un entraînement au smash avec présence systématique d’adversaires soit au contre soit en réception, on s’apercevait que c’était finalement le deuxième groupe qui se révélait le plus efficace dans cette partie du jeu (Recopé, 1996). On peut donc poser la question de l’utilité du kihon en karaté, activité de combat où la non prise en compte de l’adversaire va à l’encontre de la logique interne de l’activité. Sans vouloir polémiquer, puisque ce n’est pas l’objet de cette étude, nous répondrons tout de même à cette question car elle renvoie directement au sujet de notre partie. D’abord, il ne faut pas oublier que traditionnellement, le karaté attache une importance à la perfection des techniques, garantes de l’efficacité et en étroite relation à l’étude quasi-scientifique qui en est faite, notamment d’un point de vue bio-mécanique et énergétique. Ensuite, c’est le lien que nous voulons établir qui va donner un élément de réponse, en ce sens que le kihon va permettre d’isoler des parties du kata pour les travailler de manière approfondie. Le kata est en effet constitué de multiples enchaînements, différents d’un kata à l’autre. Il est intéressant à un moment donné de l’entraînement, que se soit en apprentissage ou en perfectionnement, de séparer ces enchaînements et de les travailler en kihon. C’est la raison pour laquelle nous avons défini le lien qui unit le kihon et le kata de technique : le passage de l’un à l’autre se fait dans cette optique de perfectionnement de la maîtrise de l’exécution.

3.3.4.2. Liaison kihon et assauts conventionnels (cf. schéma 3)

A l’inverse du point précédent, ce pont est celui que le pratiquant a peut-être le moins de difficultés à envisager. En effet, la tradition de l’entraînement en karaté privilégie une étude analytique des mouvements, qui sera donc faite en kihon, puis l’applique dans un travail à deux. On passe donc d’un travail analytique à un travail d’application ou d’une situation très fermée à une situation plus ouverte. Nous qualifions ce lien de pragmatique car il s’agit en fait d’une véritable mise à l’épreuve des techniques apprises en kihon. Le pratiquant peut donc vérifier si les techniques apprises hors contexte fonctionnent en contexte, soit en présence d’un adversaire.

3.3.4.3. Liaison kata et assauts conventionnels (cf. schéma 3)

Le lien que nous voulons établir ici est un peu particulier par rapport aux autres dans la mesure où il trouve sa justification dans une forme de travail qui fait partie intégrante du kata et qui est le bunkaï. Comme nous l’avons déjà souligné, le bunkaï est l’application à deux

d’une partie ou de tout le kata. En fait, si l’on part des différents enchaînements que l’on trouve dans un kata et qu’on les isole pour les travailler un par un mais à deux, on retombe dans un travail d’assauts conventionnels. La différence pour le pratiquant se situe au niveau du sens qu’il va pouvoir donner à ce qu’il fait car dans le cas du bunkaï, il met à l’épreuve les enchaînements du kata dans un but de compréhension. La notion de recherche est aussi inhérente à cette forme de travail car il n’existe pas une application d’un enchaînement extrait du kata, mais plusieurs. En effet, certains blocages peuvent servir à parer un coup, mais aussi à se dégager d’une saisie ou encore attaquer dans l’attaque en cassant le membre dont se sert l’attaquant. Nous qualifions ce lien d’heuristique car il met le pratiquant en position de recherche de sens et d’explication. On est donc au-delà de la simple application des techniques.

3.3.4.4. Implications dans la recherche

Il apparaît que les différents aspects de l’entraînement en karaté concourent à la

préparation physique et psychologique du combattant en vue de l’épreuve du combat libre. Si cette logique est le plus souvent respectée en club, le travail reste néanmoins centré sur une dominante technique et décontextualisée (exemple du travail en kihon). Cette longue partie que nous venons d’expliciter sur les différents domaines d’entraînement du karaté permettra au lecteur néophyte de comprendre le fonctionnement et le poids de la méthode traditionnelle dont nous parlerons plus tard avec les enseignants que nous allons observer en cours. En effet, il s’avère qu’un entraînement type commence par du kihon puis les pratiquants appliquent à deux, dans le meilleur des cas. Ensuite peut suivre soit une phase de travail spécifique en combat soit un travail spécifique en kata. Dans l’optique d’un enseignement du karaté en EPS, cette conception de l’enseignement sera nécessairement modifiée dans la mesure où un travail essentiellement technique ne peut être envisagé du fait même de l’insuffisance du nombre d’heures de pratique dans un cycle d’EPS. Une dizaine d’heures ne sont en effet pas suffisantes pour aborder la complexité et l’exigence technique de l’activité.

A ce stade de notre recherche, il nous semble utile de détailler quelques aspects de l’enseignement du karaté en EPS, fruit de notre réflexion et de notre expérience, puisque nous avons conduits des cycles à tous les niveaux de classe de l’enseignement secondaire, sans compter notre participation à la formation continue des enseignants d’EPS. Nous sommes en effet quelque peu contraints de livrer notre propre travail, dans la mesure où l’on va se rendre

compte que les travaux existants sont très peu nombreux. Le karaté n’est que très peu représenté en tant qu’activité inscrite dans les programmations d’EPS, et pour cause, puisqu’il y a peu d’enseignants d’EPS spécialistes.

3.3.5. Présentation de travaux scientifiques et professionnels sur le karaté en rapport