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L’ACTIVITE KARATE

1. Options conceptuelles spécifiques utilisées en didactique clinique de l’EPS

1.3. La didactique : historique et définitions

J.P. Astolfi et M. Develay situent l’apparition de l'adjectif « didactique » vers 1554 (Astolfi et Develay, 1989). En 1649 parait l'ouvrage « Didactica Magna » de Comenius. Le substantif « Didactique » apparaît vers 1955 (Dictionnaire Le Robert) et l’époque présuppose que la didactique trouve son origine dans la mouvance de la psychologie génétique. A l'origine, elle n'est pas vraiment différenciée de la pédagogie. Elle s'en démarque par une volonté de rationalisation : les auteurs opposent l'approche « scientifique » de la Didactique à l'approche « doctrinaire » de la Pédagogie. Actuellement, le substantif didactique correspond à une prise en charge des contenus et s'intéresse à l'appropriation de savoirs précis ainsi que de développement des compétences. Dans cette optique, nous renverrons à un article paru dans « Education permanente » où est proposée une approche des compétences à travers l'activité dans les situations de travail. Ainsi, pour analyser les compétences et leur développement, en formation comme au travail, « la didactique professionnelle propose des concepts et des méthodes qui s'appuient sur une conception riche des situations de travail, où les acteurs réalisent des tâches en utilisant des instruments variés et en coopérant avec d'autres, dans un cadre déterminé par l'organisation du travail […] et engage un premier dialogue avec les spécialistes du travail et de la formation pour en susciter d'autres ». (Bouthier et al., 1995). Il apparaît que le concept de didactique est pluriel, et peut être envisagé dans plusieurs champs, d’où l’intérêt de bien cibler le domaine dans lequel nous nous en servons.

En ce qui concerne l'aspect historique, L. Cornu et A. Vergnioux évoquent également Comenius et son « Didactica Magna », puis précisent : « On sera sans doute surpris de trouver en 1729 la formule suivante, il est vrai sous la plume de Marsais, qui proposait une nouvelle méthode d'apprendre le latin : « le grand point de la didactique, c'est-à-dire de la science d'enseigner, c'est de connaître les connaissances qui doivent précéder, celles qui doivent suivre, et la manière dont on doit graver dans l'esprit les unes et les autres » (Cornu, Vergnioux, 1992). La didactique s'interroge donc sur l'ordre et la manière d'un enseignement. Y. Chevallard écrit en 1991 : « mais voici : la didactique des mathématiques ne sort pas du néant ; elle est l'effet d'un retard d'histoire. De ce retard et de cette filiation, l'idéologie qui

anime ses acteurs porte témoignage : c'est, au fond, celle des lumières, et de notre Révolution, celle-là même qui fit courir la plume de Condorcet » (Chevallard, 1991). Quant à G. Brousseau, il évoque dans sa thèse (Brousseau, 1986) le paradoxe du comédien en se référant à Diderot. On ne peut s'empêcher d'être troublé par cette convergence des références historiques. Curieusement J.J. Rousseau, qui a pourtant été l'auteur d'un célèbre traité sur « l'éducation », n'est pas évoqué. Nous avons pensé qu'un regard de ce côté pourrait être intéressant pour tenter de répondre à la question : Rousseau était-il didacticien ? Nous nous sommes penchés sur son livre « l'Émile » (Rousseau, 1762) comme l’a fait Brousseau lorsqu’il a « inventé» le contrat didactique en s’inspirant du contrat social de Rousseau (Terrisse et Léziart, 1997). Non seulement J.J. Rousseau s'est intéressé, tant en pratique que théoriquement, aux problèmes éducatifs, mais de plus, force est de constater que certains des thèmes à l'aspect novateur, d'inspiration constructiviste, que l'on rencontre chez les didacticiens, sont en fait déjà présents dans « l'Émile ». En effet, des remarques comme les suivantes ne sont pas sans évoquer des prises de positions modernes. En ce qui concerne par exemple l’importance de la construction personnelle des savoirs : « notre manie enseignante et pédantesque est toujours d'apprendre aux enfants ce qu'ils apprendraient beaucoup mieux d'eux-mêmes et d'oublier ce que nous aurions pu seuls leur enseigner ». Enfin sur l’importance du temps didactique : « oserais-je exposer ici la plus grande et la plus importante, la plus utile règle de toute l'éducation ? Ce n'est pas de gagner du temps c'est d’en perdre ». Ces deux exemples montrent bien en tous cas l’aspect novateur de la réflexion de Rousseau en matière d’éducation car les chercheurs actuels continuent bien à travailler sur ces questions. Selon S. Joshua et J-J. Dupin : « la didactique des mathématiques, la première, celles des autres sciences ensuite, sont historiquement nées de la décision de ne point s'en laisser compter en la matière » [en matière d'enseignement]. Elles se sont fondées par un choix radical qui devait les distinguer progressivement des autres approches concernant l'enseignement scientifique : la volonté et l'affirmation de la possibilité d'un abord raisonné, systématique, scientifique et spécifique des phénomènes d'enseignement dans ces domaines, visant à délimiter théoriquement et pratiquement les domaines du possible de ceux de l'inaccessible. Si on devait risquer une définition, on pourrait dire que la didactique d'une discipline est la science qui étudie, pour un domaine particulier, les phénomènes d'enseignement, les conditions de la transmission de la « culture » propre à une institution et les conditions de l'acquisition de connaissances par un apprenant. Le point d'entrée dans cette problématique, c'est « la réflexion sur les savoirs » (Joshua et Dupin, 1993). Ce dernier point de vue va nous intéresser au plus haut point car notre objet de recherche est justement centré

sur le rapport aux savoirs en karaté, et notamment celui de l’enseignant. De plus, le karaté en tant que « méthode scientifique du combat à mains nues » comme est défini l’art martial est en soi une didactique du combat, avec une progression vers la maîtrise des différents domaines de l’entraînement qui seront détaillées plus après, dans le chapitre consacré à la connaissance de l’activité.

Nous ne saurions clore ce chapitre sans apporter notre positionnement, car des nombreuses définitions données, on peut retenir que la didactique est donc l’étude scientifique des processus de transmission et d’acquisition des savoirs dans une discipline. Cette optique nous amène à la didactique des disciplines définie par Brousseau comme « l’enseignement d’un savoir constitué ou en voie de constitution à des fins d’appropriation par les élèves » (Brousseau, 1998). Elle s’intéresse à ce titre aux problèmes spécifiques liés à l’enseignement d’une discipline déterminée. Selon A. Terrisse, les recherches en didactique des disciplines scientifiques et technologiques ont en commun « un ensemble de concepts et de méthodes, une proximité qui les délimite en tant que champ scientifique […]. Ce qui les différencie, ce sont les objets sur lesquels portent ces recherches qui sont souvent des disciplines scolaires ou universitaires […] avec des contenus d’enseignement spécifiques et un rapport particulier au savoir de référence » (Terrisse, 2002). Nous reviendrons à notre question de recherche qui envisage la problématique du savoir enseigné en karaté et du savoir à enseigner en EPS et emprunterons une dernière définition à G. Vergnaud pour qui la didactique « décrit et analyse les difficultés rencontrées et propose des moyens pour aider professeurs et élèves à les surmonter et notamment faire du savoir enseigné un savoir fonctionnel et opératoire » (Vergnaud, 1990). Il va justement s’agir de montrer que le savoir en karaté enseigné en club n’est pas « fonctionnel » pour l’école mais pour autant qu’il existe et que les enseignants ne peuvent faire l’économie d’un traitement didactique pour le proposer transformé dans le cadre de l’EPS.