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En quoi et comment une pratique d’enseignement du karaté en EPS renvoie-t-elle à une référence, et laquelle ?

3. La connaissance de l’activité karaté : les références au savoir

3.3.3. Les différents domaines du karaté do

La pratique du karaté présente plusieurs aspects qui sont en interdépendance totale les uns des autres. Comme le soulignent G. Chemama et H. Herbin « c’est par le respect rigoureux d’une recherche totale dans tous les domaines du karaté que le pratiquant pourra estimer se situer dans la quête d’une certaine voie » (Chemama et Herbin, 1999). Nous proposons dans ce chapitre de les détailler et de les expliquer afin de pouvoir montrer ensuite comment leur combinaison permet un apprentissage réaliste, sans danger et efficace du karaté.

3.3.3.1. Le kihon : travail individuel imposé

Traditionnellement, le kihon s’exécute seul. Etymologiquement, « ki » désigne l’énergie interne et « hon » de base. On emploie ce terme « pour désigner les formes d’entraînement aux techniques de base d’un art martial avec une utilisation optimale de l’énergie interne. Au sens général : répétition des techniques de base, entraînement fondamental, en général dans le vide » (Habersetzer, 2000). Les adversaires sont donc imaginés ou supposés. Cette forme de travail permet au pratiquant de découvrir et de perfectionner les différentes techniques propres au karaté : les techniques de mains, de jambes, les blocages…C’est essentiellement un travail de répétition. De ce fait, on peut le comparer aux gammes et divers accords que répète un musicien.

3.3.3.2. Le kata : archives du karaté do

Le karaté possède un arsenal complet de techniques extrêmement efficaces de défense et de contre-attaque, mais il dépasse largement le stade de l’autodéfense lorsque ces techniques sont combinées en longs enchaînements de mouvements, les « katas ». Ces séquences sont des suites de positions, d’esquives, de coups et de parades liés ensemble par des actions plus complexes, pivotements, mouvements simultanés d’attaque et de défense, projections et feintes. Etymologiquement, « kata » signifie forme, moule ou encore canevas. Il « désigne dans les arts martiaux traditionnels une séquence de techniques dont le déroulement reproduit un schéma de combat contre un ou plusieurs adversaires attaquant sous des angles différents. L’élément central de la tradition dans les arts martiaux japonais, liant directement ce qui est pratiqué aujourd’hui à ce qui le fut autrefois, techniquement et spirituellement, est le kata ». (Habersetzer, 2000). Chaque kata a un nom particulier. Il en existe treize dans le

style Goju-ryu et dix-huit dans le style Shorin ryu, et plus de soixante en Shito-ryu. Les katas s’exécutent comme une chorégraphie. Chaque détail est enseigné au karatéka et les enchaînements durent quelques minutes tout au plus. Une grande importance est accordée à la perfection de l’exécution des moindres détails. La précision, l’équilibre, l’économie des moyens et l’harmonie de la respiration, du corps et de l’esprit sont les objectifs de celui qui exécute un kata. Ainsi l’exécutant ne fait face qu’à lui-même et le combat délivré est surtout un combat contre soi-même. Comme le souligne Maître Nakahashi, « les kata sont la base du karaté. Leur étude est le droit chemin dans le karaté pour améliorer son niveau » (Nakahashi, 1985). L’étude purement technique du kata n’est cependant pas suffisante. C’est un peu comme si l’on connaissait un texte par cœur sans connaître le sens de ce texte. De la même façon, il est nécessaire de connaître l’application du kata en situation de combat codifié, à deux.

Le « bunkaï » est ainsi un travail d’interprétation d’une technique de combat associée à l’expérimentation de son application pratique. Le « bunkaï kumite », aussi appelé « kata kumite » est « l’exercice d’application de tout ou partie de mouvement extrait du kata, avec partenaire. L’échange technique représente une phase de combat (kumite) mais les partenaires respectent le canevas posé par le kata et cherchent donc à progresser ensemble dans la compréhension de la forme. Le bunkaï kumite rejoint ainsi la famille des assauts conventionnels, aux techniques et rôles pré-arrangés » (Habersetzer, 2000). Kata et kata- kumite sont donc deux aspects indissociables de l’apprentissage et de l’enseignement du karaté. Se pose alors le problème du combat libre (kumite), un autre des aspects du karaté, situation à incertitude maximale. On peut se demander comment l’apprenant va faire la liaison entre ce qu’il apprend dans le travail précédent et le combat libre… Une réponse est peut-être dans l’alternative que nous proposons plus loin et qui est détaillée dans le document des annexes à la thèse (cf. annexe 3). Dans cette acception de l’activité karaté, et sachant que nous allons devoir la traiter d’un point de vue didactique dans le prochain chapitre, il nous paraissait important de clarifier notre conception du karaté : la transposition didactique que nous proposerons par la suite en est la résultante.

3.3.3.3. Les assauts conventionnels

Dans les yakusoku (conventionnels) kumite (assauts), on convient à l’avance du type et du nombre d’attaque. Suivant la forme d’assaut travaillée, le défenseur a plus ou moins

connaissance de ces facteurs. Ce sont des formes codifiées permettant une approche rigoureuse et progressive du combat. G. Chemema et H. Herbin parlent « d’approche technique » (Chemama et Herbin, 1999). Nous ne pourrons être que partiellement d’accord avec cette définition car si l’on met effectivement en pratique un certain nombre de techniques travaillées dans les contextes du kihon et du kata, la première finalité des assauts conventionnels n’est pas technique mais stratégique et affective :

- stratégique, parce que le pratiquant va devoir adapter sa conduite à celle de son adversaire et organiser sa défense.

- Affective, parce que « la présence réelle de l’adversaire introduit des éléments émotionnels créant une implication personnelle plus importante » ; peur d’être blessé, de perdre, dureté des contacts… » (ibid.). En cela, nous sommes entièrement d’accord avec les auteurs. Ces derniers soulignent aussi que « ces formes vont se singulariser, chacune, par une augmentation progressive du degré d’incertitude existant et permettant de s’approcher graduellement et rationnellement de l’assaut totalement libre » (ibid.), autrement dit le combat. Les incertitudes sur lesquelles on va pouvoir intervenir sont au nombre de trois :

- l’arme (technique d’attaque utilisée). - La cible (le niveau visé).

- Le rythme (dans le cas où il y a un enchaînement de plusieurs attaques, comme par exemple en sambon Kumite).

Sont classés dans ces formes d’entraînement au combat : le kihon ippon kumite, ippon kumite, sambon kumite et gohon kumite. Dans le kihon ippon kumite, tori et uke sont en « yoï », en position d’attente. La situation est sans incertitude car uke a connaissance de l’arme et de la cible. L’incertitude temporelle est minime car si tori déclenche son attaque quand il le veut après l’avoir annoncée, il n’y a pas de notion de rythme, l’attaque étant unique, et sur un pas. Dans la forme ippon kumite, les deux combattants sont en garde, et ils peuvent se déplacer pour ajuster leur distance ou pour que tori crée une opportunité d’attaque. Une incertitude spatiale vient donc d’emblée s’ajouter ici. On peut de plus faire varier cette forme d’assaut et la complexifier en ajoutant une incertitude à uke : tori n’annonce par exemple que la cible et il a tout le choix de l’attaque qu’il va porter. Nous parlerons dans ce cas d’assaut non imposé, dans la mesure où soit l’arme soit la cible est laissée libre à l’attaquant. Dans le sambon et le gohon kumite enfin, uke doit faire face, cette fois, à un enchaînement de plusieurs attaques. Dans le cas du sambon kumite, tori enchaîne trois

attaques et dans le cas du gohon kumite, il en enchaîne cinq. Tori n’étant plus limité à une seule action, la notion de rythme va être ici prépondérante et donc constituer une incertitude sur laquelle on va pouvoir jouer, en plus de celle de l’arme ou de la cible. Nous reviendrons plus loin dans la perspective éducative à cette progression par la manipulation de l’incertitude en assauts car elle représente à notre avis une option didactique intéressante à mettre en œuvre pour l’enseignement du karaté en EPS.

3.3.3.4. Les assauts libres

Les assauts libres comprendront dans notre acception, et à partir de tout ce que nous avons développé plus avant, toutes les formes d’assauts décrites dans lesquelles l’incertitude est totale, c’est-à-dire que uke ne connaît ni l’arme que va utiliser tori, ni la cible visée. Eventuellement, pour les assauts sur plusieurs pas, il ne connaîtra pas non plus le rythme que va imposer tori dans l’enchaînement de ses attaques. Le combat libre ne pourra être compris dans ces assauts libres car la différence fondamentale entre l’assaut et le combat réside encore dans une incertitude : en effet, dans l’assaut il y a une notion de restriction du nombre d’attaques alors que le combat est à ce niveau beaucoup plus incertain, les combattants n’étant pas limités dans leurs enchaînements. Les différentes formes d’entraînement au combat que nous avons décrites ne peuvent néanmoins pas être prises séparément, pour la simple raison que l’entraînement en karaté ne le conçoit pas. Les différents domaines de la pratique sont liés entre eux : le passage d’une forme à l’autre doit se faire dès les premiers instants de la pratique afin que le pratiquant donne du sens à ce qu’il fait et règle les problèmes inhérents à la pratique au fur et à mesure que ceux-ci se présentent à lui. Il est alors nécessaire d’étudier maintenant ces liens inhérents aux différents domaines d’entraînement du karaté.