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INSTITUTION SCOLAIRE

SAVOIR ELEVE

1.6. Les trois études du rapport aux savoirs

1.6.2. Les savoirs en karaté

1.6.2.4. Les savoirs réglementaires

Ils peuvent d’abord concerner le respect du règlement de l’établissement. Si le cours d’EPS se fait dans un dojo, les règles spécifiques de ce lieu vont certainement s’appliquer. Ainsi, on doit toujours saluer en entrant dans l’endroit où l’on s’entraîne. C’est un signe d’humilité et de respect de ce lieu et la frontière avec le savoir éthique est certes proche. Une autre règle est le silence. C’est, en effet, traditionnellement dans le silence que le Maître fait passer sa connaissance. Dans le dojo, on ne doit pas poser de questions lorsque le Maître explique une technique. Cela s’explique par le fait qu’en karaté on apprend au pratiquant qu’il faut sentir avant de comprendre. Il y a une tradition de l’apprentissage en karaté qui veut que l’élève recherche les sensations, trouve en lui ce que lui enseigne le Maître, qui apprécie cette recherche de ses élèves à leurs actes. Cet aspect peut paraître accessoire à décrire dans ce travail mais en fait, nous verrons plus loin en troisième partie de la thèse qu’un des cas (Giovanni) l’intègre particulièrement à son enseignement du karaté en EPS. Cela permet alors de donner quelques codes de déchiffrage du karaté pour le lecteur néophyte dans cette activité.

Ensuite, un autre règlement concerne la tenue vestimentaire. En EPS, à moins d’avoir des kimonos à disposition, l’enseignant exigera la tenue de sport « traditionnelle ». Il faut savoir qu’en karaté, cette tenue est le « karaté gi », gi voulant dire « vêtement » en japonais. Le kimono est un terme qui est donc inexact à employer puisqu’il concerne la tenue que l’on se met le soir au japon quand on rentre chez soi. C’est une tenue d’intérieur, pourrait-on dire. Le langage commun a pourtant préféré ce terme. Au dojo, tous les élèves et le professeur sont en karaté gi blanc. La tenue et sa couleur deviennent un symbole : tout le monde est sur le même pied d’égalité, tant sur le plan social que sur le plan de la pensée. Le blanc est le symbole de la pureté et de l’esprit. Comme le souligne Didier : « seul le karatedo vit au sein du groupe et non l’individualité de chacun » (Didier, 1988). Giovanni, l’une de nos études de cas, évoquera cette spécificité de l’activité quant à la tenue vestimentaire, le karaté gi.

Une troisième règle qui s’applique au dojo et que l’enseignant d’EPS pourra ou non emprunter dans son cours est le salut. Il convient de distinguer au moins deux modes. L'un est un salut de respect ou de politesse, dans lequel on incline aussi la tête. L'autre est un salut envers le partenaire ou l'adversaire auquel on doit le respect, sans toutefois manquer de

vigilance. En ce cas, on ne doit pas le quitter des yeux pendant le geste du salut. Surtout dans le cas du combat, on peut recevoir une attaque au moment où l’on baisse le regard, puisque, selon la coutume du Budo, il s'agit d'une faute. Cependant, ceux qui comprennent que le salut avant le combat est la seule forme et saluent de cette manière dans le dojo, comme à l'extérieur, feront avec les meilleures intentions un geste offensif, désagréable pour l'autre et de ce fait irrespectueux. Puisque le karaté est un art martial qui vient du Japon, et que les pratiquants n’en sont que les héritiers ou les dépositaires, il convient de connaître les deux formes de salut afin de les appliquer selon la situation. De tout temps, le salut a fait partie d'une tradition guerrière. Que se soit pour prouver son obéissance à un chef, pour respecter son ennemi ou se faire reconnaître comme membre d'un clan par ce code, le salut a pris différentes formes à travers les âges et les civilisations. A la fin des guerres claniques ou tribales la signification du salut a évolué. Au Japon cette révolution est arrivée tardivement avec l'ère Meiji (1868), l'ouverture sur le monde occidental et l'interdiction du port du sabre. Les « Bu-jutsu » sont devenus « Budo » et l'art de guerre est devenu un art d'élévation personnelle. Le salut est devenu l'expression de notion de respect vis-à-vis des lieux, des enseignants et des partenaires. Il symbolise également les valeurs traditionnelles qu'une école veut perpétuer. Il nous semble important de le détailler ici car on s’apercevra au cours des études de cas que tous les enseignants l’ont intégré à leur enseignement. Il s’agit aussi d’un savoir technique propre dans sa mise en œuvre que Didier nous décrit : « c’est par le genou gauche que l’on commence à se mettre en position. Le genou droit vient se placer ensuite à côté de ce dernier à une distance de deux poings fermés. Le corps ne doit pas être avachi sur les jambes. Le ventre est fort. Les cuisses sont en tension de manière à pouvoir se relever rapidement. Les fesses ne reposent pas sur les talons. Il doit toujours y avoir un espace. Ceci est le témoignage d’une bonne attitude en suspension par la force du ventre et des cuisses. La colonne vertébrale est bien droite. La tête n’est ni inclinée en avant, ni en arrière, ni penchée sur le côté. Elle est donc droite avec le menton légèrement baissé afin d’obtenir un regard parallèle au sol. Le regard est devant sans fixer un endroit précis. Cependant tout doit être perçu dans le champ de vision maximum. Dans cette position, la concentration des forces est répartie dans tout le corps. La position prend alors une rectitude parfaite qui exprime une soumission volontaire à la pratique du karaté do. Pour saluer, il faut d’abord poser la main gauche au sol et ensuite la droite. Les deux mains décrivent alors le triangle formé par les deux mains. Les deux mains décrivent alors le triangle des forces. Lorsqu’on incline la tête, la nef vient au centre du triangle formé par les deux mains. En relevant le buste, c’est d’abord la main droite qui se repositionne sur la cuisse droite et ensuite la main gauche sur la cuisse

gauche. Les mains sont positionnées à plat sur les cuisses. Les doigts sont collés parfaitement les uns contre les autres de manière à ne former qu’un » (Didier, 1988). Cette coutume des mains vient des samouraïs qui se saluaient ainsi. En posant la main gauche au sol, il la posait sur le sabre posé devant eux avant le salut. La main droite venait ensuite sur la lame. Au moment du relevé de buste, la main droite se dégageait en premier de la lame et ils pouvaient s’emparer du sabre par son manche avec la main gauche, le combat pouvant commencer. Le salut est ainsi réalisé le plus souvent trois fois. La première au signal « shomen ni reï » qui veut dire littéralement : salut aux forces supérieures, en fait au Maître fondateur de l’école de karaté pratiquée. La deuxième au signal « senseî ni reï » qui signifie « salut au professeur ». La dernière est réalisé au troisième signal : « otagani reï » qui signifie « salut entre vous, entre les élèves ». Ce dernier salut n’est pas accompagné du professeur, alors qu’il fait les deux premiers avec ses élèves.