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Méthodologie de recueil des données : L’observation des pratiques d’enseignement du karaté en EPS, à partir de la pré-

Introduction : rappel de la première partie et des questions de recherche

Séance 1 cycle Karaté, classe de 4°, thèmes : kihon et kihon ippon kumite

4. Méthodologie de recueil des données : L’observation des pratiques d’enseignement du karaté en EPS, à partir de la pré-

étude du cas Nicolas

Au cours de cette phase de notre recherche, nous nous sommes intéressés aux pratiques « ordinaires » d’enseignement en EPS. Ces pratiques « ordinaires » revêtent une dimension souvent extraordinaire dans la mesure où, d’une part, l’observation par le chercheur introduit un biais dans l’aspect routinier de la séance et, d’autre part, l’activité karaté est très peu enseignée en EPS. L’enseignement du karaté en milieu scolaire est toujours le fait d’un enseignant « expert » car il est au moins ceinture noire, voire souvent professeur de karaté en club. S’intéresser aux rapports aux savoirs d’un enseignant, c’est s’intéresser aux différentes relations qu’il établit avec le savoir qu’il enseigne ou qu’il veut enseigner. En effet, comme nous l’avons déjà étudié dans le cadre conceptuel, les intentions de l’enseignant questionnent aussi bien les rapports personnels aux savoirs, (la prise en compte de la dimension du sujet ou pour reprendre des auteurs comme Beillerot, Blanchard-Laville et Mosconi en 1996 ; Charlot, 1997), que les rapports institutionnels à l’école (Chevallard, 1989). Cela justifie notre choix méthodologique de recueil des données : les enseignants sélectionnés sont observés à la première séance du cycle (pour accéder ainsi à l’entrée personnelle de l’enseignant dans l’activité et à ses intentions), et à la dernière, car la séance d’évaluation représente un moment institutionnel fort du cycle où l’on peut penser que l’enseignant fait des choix justifiés dans les savoirs évalués. Il existe alors un assujettissement de l’enseignant à l’institution scolaire par le biais de l’évaluation, car il est obligé de noter ses élèves et de rendre compte de ses notes, voire de les justifier auprès des différents acteurs (famille, hiérarchie, élèves même parfois !).

Nous avons procédé à une analyse du discours des professeurs. Autrement dit, les communications de chaque enseignant, au cas par cas, sont analysées, au cours des trois temps de la méthodologie de la didactique clinique : le déjà là (planifications, entretien ante séance), l’épreuve (l’acte d’enseignement et d’évaluation, entretiens post séance) et l’après-coup (entretiens d’après-coup). Afin de rendre compte de la dimension temporelle si essentielle dans ce processus d’analyse, Terrisse, Carnus et Sauvegrain ont synthétisé les trois temps du recueil des données en didactique clinique sous la forme du tableau suivant (tableau 23) :

Temporalité Déjà-là Epreuve Après-coup

Enseignant Planification Mise en oeuvre Remaniement

Tableau 23 : les trois temps du recueil des données (Terrisse, Carnus, Sauvegrain, 2002)

Ces trois temps ont un aspect linéaire pour l’enseignant au niveau temporel car le premier est celui de la planification de l’enseignement à dispenser où l’enseignant précise la nature du savoir à transmettre en termes de compétences à acquérir. Ce temps renvoie à ces propres conceptions, à la logique qu’il attribue à l’activité et à la connaissance des élèves qui composent la classe. Le deuxième temps, celui de la mise en œuvre (cf. tableau 23), correspond à la phase d’enseignement proprement dite, où l’enseignant va devoir adapter ce qu’il a prévu de faire aux réactions in vivo des élèves, à leur vitesse réelle d’apprentissage, elle-même dépendante de leur motivation, leur intérêt, leur attention ou autrement dit de leur adhésion à l’enseignement dispensé. Le troisième et dernier temps est celui des « remaniements après-coup, puisqu’il tente, par la demande du chercheur à travers les entretiens a posteriori et d’après-coup, de donner une logique à son enseignement et un sens à ce qui s’est passé » (Terrisse, in Loizon, 2005). Ces trois temps facilitent la mise en évidence de la référence, car à chaque étape, mais surtout dans l’après-coup, l’enseignant a pu prendre de la distance et procède à une reconstruction des événements. Pour le chercheur, la méthodologie de recueil et de traitement des données va suivre la temporalité que nous avons décrite pour l’enseignant sans s’y confondre. Le premier temps lui permet en effet d’accéder au déjà-là de l’enseignant, à son expérience d’enseignant, à son expertise de pratiquant dans l’activité qui sert de référence au cycle enseigné, éventuellement à son histoire personnelle, dans le cas où l’enseignant accepte de se livrer et à sa conception de l’activité à enseigner. C’est le temps où le chercheur tente d’accéder au savoir à enseigner, par des entretiens ante séance et l’analyse des planifications écrites fournies par l’enseignant. Le deuxième temps de la méthodologie correspond à la confrontation du sujet enseignant à l’épreuve même de transmission du savoir. Le chercheur procède à un recueil des données obtenu à l’aide des outils vidéo et/ou audio, ceci afin d’avoir accès à la fois à ce que fait et ce que dit l’enseignant pendant la leçon et aussi un temps post séance où l’enseignant est invité à un entretien afin d’avoir ses analyses « à chaud » de l’enseignement produit. Le troisième et dernier temps est celui pour le chercheur de l’interprétation des données ou comme le dit Terrisse « de la recherche de la cause qui constitue le résultat du travail de recherche » (Terrisse, 2005). Dans

cette quête de compréhension de l’activité de l’enseignant, la notion d’après-coup va être capitale « puisqu’elle est un moyen incontournable d’analyse des choix de l’enseignant par lui-même » (ibid.). L’entretien d’après-coup est réalisé longtemps après la séance observée, de telle sorte que le chercheur ait eu le temps de traiter les données et de les interpréter, afin de mettre en place son questionnement. En nous inspirant du précédent tableau, nous l’agrémenterons afin de prendre en compte l’activité du chercheur, de la manière suivante :

Temporalité Déjà-là Epreuve Après-coup

Enseignant Planification Mise à l’épreuve Remaniement

Chercheur

Recueil des données

▼ ▼ SAE-SAEV SRE-SREV Traitement des données ▼ Interprétations

Tableau 24 : la différence entre les trois temps de l’enseignant et les temps de la

méthodologie du chercheur

Pour notre recherche, la clinique en didactique va nous permettre de trouver à chaque étape de l’enseignement des traces des savoirs (SAE, SRE, SAEV, SREV) et de pointer ensuite les écarts. Afin d’identifier les savoirs qui font l’objet d’un enseignement, nous avons utilisé des enregistrements audio et vidéo de six leçons d’EPS. Nous avons ainsi observé trois professeurs d’EPS en situation d’enseignement « ordinaire ». Ces enseignants étaient en lycée pour l’un (classe de BEP) ou en collège (classes de quatrième et de troisième) pour les deux autres. Notre corpus est donc composé pour une grande partie du verbatim de ces six leçons d’EPS (deux par professeur d’EPS).

Nous avons aussi utilisé une autre technique de recueil des données : l’entretien semi dirigé (De Ketele, Roegiers, 1996). Celui-ci sera réalisé en début de chaque séance (entretien

ante séance - EAS), puis à la fin de celles-ci (entretien post séance - EPS). Ces entretiens semi

dirigés ante séance et post séance nous ont permis de recueillir les intentions didactiques des professeurs d’une part, leurs interprétations de l’enseignement dispensé au cours de chaque séance d’autre part. Un autre entretien sera également réalisé plusieurs mois après la fin du cycle, (cf. tableau 25) : l’entretien d’après-coup (EAC). Nous avons questionné les enseignants dans l’après-coup, car comme le souligne A. Terrisse : « à la manière des

cliniciens, nous postulons que seul le sujet peut rendre compte de ses actes » (Terrisse, 2005). Ce concept d’après-coup fréquemment employé par Freud, permet d’accéder aux significations accordées par le sujet à ses actes : « Freud a remarqué que le sujet remanie après-coup les événements passés et que c’est ce remaniement qui leur confère un sens et même une efficacité » (Laplanche, Pontalis, 2002). Ce concept a également été repris par Chevallard dans sa théorie anthropologique du didactique : « Il semble bien que l’importation dans l’analyse didactique du concept d’après-coup, appliqué alors à des réorganisations cognitives, soit très éclairante » (Chevallard, 1991). Notre corpus est donc constitué pour une autre grande partie de ces différents entretiens. Avec pour chaque enseignant un entretien ante séance et un post séance, puis un entretien d’après-coup, il y en a cinq par enseignant, soit quinze au total. Ils sont volontairement semi dirigés de manière à laisser un maximum de liberté d’expression aux enseignants, tout en guidant leur discours sur le thème de la recherche. Par exemple, l’entretien post séance peut commencer en donnant à l’enseignant l’opportunité de faire un bilan de sa leçon, au niveau didactique. Au niveau méthodologique, les entretiens ante séance ont pour but de fournir des informations sur le déjà-là, sur le choix des savoirs à enseigner et à évaluer, et les effets attendus par les enseignants en termes d’acquisition de savoirs par les élèves. C’est pourquoi nous interrogeons en premier lieu l’enseignant sur son expérience du karaté (pratique et enseignement), dans l’EAS1. Puis nous posons une question sur ses intentions lors de la séance et plus généralement du cycle. Enfin, nous revenons éventuellement sur un aspect du projet de cycle fourni par l’enseignant afin qu’il explicite le plus précisément possible ses intentions didactiques. Par exemple, nous avons demandé à Nicolas dans l’EAS1 pourquoi il avait choisi de rentrer dans l’activité par le kihon et kihon ippon kumite, comme il l’annonce dans sa planification. L’enseignant répondra : « le kihon pour moi, c’est le travail de base, la répétition des gammes techniques

indispensables avant je pense de passer au travail à deux. Le kihon ippon kumite, c’est une première étape avant de faire du combat ».

Au niveau des entretiens post séance, la première question demande à l’enseignant de faire un bilan de sa séance. Puis nous l’interrogeons sur l’écart entre le projet de séance fourni et ses réalisations effectives. Enfin, les questions suivantes vont concerner l’entrée dans l’activité, et des précisions sur certaines situations proposées, afin d’amener l’enseignant à ce qu’il exprime sa référence, voire à ce que le chercheur puisse en faire émerger plusieurs.

Dans les entretiens d’après-coup, nous revenons avec l’enseignant sur les écarts repérés. Le plus souvent, nous le faisons en mettant en contradiction un extrait de verbatim avec une réalisation effective au cours d’une des séances ce qui permet au chercheur de mettre en évidence un écart et les raisons qu’en donne l’enseignant. Il peut aussi arriver que nous utilisions un extrait vidéo, afin que l’enseignant se replace bien dans le contexte, ce qui fonctionne alors comme un rappel stimulé. Dans certains cas, la vidéo peut aussi apporter la preuve d’un écart, entre ce qu’a fait effectivement l’enseignant et ce qu’il dit faire ou avoir eu l’intention de faire. Mais dans cette démarche, il ne s’agit pas de mettre l’enseignant mal à l’aise en pointant un dysfonctionnement mais simplement lui donner l’occasion d’expliquer les raisons de la remédiation effectuée. C’est en effet l’intérêt premier de l’après-coup pour le chercheur : expliquer, accéder à l’implicite en donnant la parole à l’enseignant pour qu’il délivre son analyse et les raisons de son choix. Après l’analyse longitudinale du cas Michel, nous avons pu organiser différemment les questions de l’entretien d’après-coup des autres études de cas. Ainsi, pour concevoir ceux de Giovanni et d’Alain, nous avons notamment jugé opportun de commencer l’entretien par des questions plus personnelles sur la pratique du karaté pour orienter peu à peu l’entretien vers l’enseignement de l’activité en EPS. Cette méthode, du personnel au professionnel, pourrait-on dire, permet à notre sens d’ouvrir cet entretien sur le sujet, de lui permettre de se livrer en donnant la parole non pas au professeur qu’il est mais au sujet singulier, pratiquant de karaté. De plus, cela permet sans doute d’instaurer un rapport d’écoute et de confiance entre l’enseignant et le chercheur et de donner à l’entretien l’orientation clinique voulue, en mettant en valeur la singularité du sujet et les raisons personnelles de ses choix.

Pour reprendre la terminologie de J.M. Van der Maren, ces différentes modalités de recueil des données « invoquées » (planifications), « suscitées » (entretiens) et « provoquées » (enregistrements vidéo et questionnaires), (Van der Maren, 1996), seront croisées dans la phase d’interprétation sous forme de « triangulation des données » (Huberman et Miles, 1991; Pourtois et Desmet, 1988), ceci afin de contrôler a minima la subjectivité du chercheur. Le tableau suivant (tableau 25) propose une vue synoptique du protocole chronologique du recueil de données.

Recueil Enseignant Première séance Entretiens ante et post Séance d’évaluation Entretiens ante et post Entretiens d’après- coup EAC1 EAC2 Pré étude de cas : Nicolas

22-06-2005 Non prévus au protocole

Michel 13-12-2005 13-02-2006 06-11-2006

Alain 01-03-2006 17-05-2006 27-12-2007 24-01-2008

Giovanni 07-03-2006 06-06-2006 20-12-2007 17-01-2008

5.

Méthodologie de traitement des données : l’analyse des