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Du savoir enseigné et évalué à la référence de l'enseignant d'EPS : étude didactique clinique en karaté

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THESE

En vue de l’obtention du

DOCTORAT DE L’UNIVERSITE DE TOULOUSE Délivré par l’Université Toulouse III - Paul Sabatier

Discipline : didactique des disciplines scientifiques et technologiques

Présentée et soutenue par

Frédéric HEUSER

Le 7 janvier 2009

DU SAVOIR ENSEIGNE ET EVALUE A LA

REFERENCE DE L’ENSEIGNANT D’EPS : ETUDE

DIDACTIQUE CLINIQUE EN KARATE

Membres du jury : Daniel BOUTHIER

Professeur en STAPS à l’IUFM d’Aquitaine, rapporteur Ghislain CARLIER

Professeur à l’Université de Louvain, rapporteur Joël LEBEAUME

Professeur des Universités à l’ENS de Cachan, rapporteur Chantal AMADE-ESCOT

Professeur en Sciences de l’Education à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, examinatrice

Pascal GIRODET

Chargé de mission pour la recherche à la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées, examinateur

Marie-France CARNUS

Maître de Conférences en Sciences de l’Education à l’IUFM Midi-Pyrénées, co-directrice

André TERRISSE

Professeur Emérite en Sciences de l’Education à l’IUFM Midi-Pyrénées, directeur

Ecole Doctorale C.L.E.S.C.O (Comportement, Langage, Education, Socialisation, Cognition), Université Toulouse Le Mirail.

Laboratoire de Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques Centre de Recherche sur l’Education, la formation et l’Insertion de Toulouse.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier, pour tout ce chemin parcouru :

- Monsieur André Terrisse, Professeur Emérite, pour son accompagnement précieux et suivi au cours de ce travail et sa grande disponibilité.

- Madame Marie-France Carnus, maître de conférence à l’IUFM Midi-Pyrénées pour son aide efficace en tant que co-directrice de thèse, et ses conseils avertis.

- Les enseignants d’EPS qui ont collaboré à mes travaux, ont accepté d’être filmés, observés dans le cadre des leçons d’EPS consacrées à l’enseignement du karaté, et ont donné de leur temps pour les différents entretiens.

- Tous les enseignants d’EPS qui ont pris la peine de répondre et de renvoyer le questionnaire préliminaire.

- Toute l’équipe du LEMME et notamment mes collègues de l’AP3E qui m’ont aidé et soutenu, et tout particulièrement Denis Loizon, qui a commencé le karaté pendant ma thèse et avec qui j’ai pu échanger et discuter à la fois de recherche et de karaté, ce qui est rare. De plus, j’ai eu l’honneur et l’immense plaisir de faire mes premiers pas en colloque chez lui à l’IUFM de Dijon, où j’ai ainsi réalisé ma première communication. - Les nombreux chercheurs que j’ai pu rencontrer au cours de séminaires et autres colloques, qui m’ont écouté et ont consacré de leur temps pour m’aider dans mon travail.

- Mon « senseî » Jean-Luc Clerget, qui m’a enseigné le karaté et donné envie de poursuivre dans « la voie », pour qu’elle devienne ma voie.

- Evelyne Lerude et son époux Christian, qui a pris le temps et la peine de lire ma thèse et de m’aider dans les dernières corrections.

- Claude Larnac, professeur de mathématiques à la retraite, qui est entré dans ma vie en janvier 2007 et est là depuis, tout simplement. J’admire son engagement dans la défense du site du Pont du Gard, qu’il raconte dans son ouvrage : « le Pont du Gard

l’a échappé belle ! » (Larnac, 1994).

- Serge Guignard, mon ami de toujours ; mes amis et mes collègues qui se sont révélés de bons critiques, des merveilleux soutiens. Qu’ils soient assurés de mon affection. - Ma famille, mon épouse Stéphanie et mes deux filles Kimberley et Beverly, qui m’ont

accompagné au jour le jour dans l’avancée de mon travail et motivé à continuer les jours de peine et/ou de relâchement. Sans elles, tout n’est que « kara », vide.

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Cette thèse est dédiée à ma mère, Nicole. Elle suivait mes

travaux avec fierté et attendait la soutenance de ma thèse :

décédée le 23 janvier 2007, j’aime à croire qu’elle en voit

l’aboutissement aujourd’hui…

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Maître Kun, (l’acteur Jet Li), expert en kung fu, dit à son

fils, après l’avoir surpris en train de se battre avec

d’autres garnements :

-

« Ecoute, nos techniques de combat sont sacrées, nous

devons les protéger, ne pas les divulguer… ».

« La légende du dragon rouge », de Wong Jing, 2003.

J’aime beaucoup cette citation issue d’un film avec Jet Li. Elle résume combien ce travail me tient à cœur, car je pense que les arts martiaux fonctionnent encore sur ce mode de transmission. Le savoir reste caché et n’est donné qu’à quelques élèves qui méritent par leur travail, leur abnégation et leur dévouement au Maître de le recevoir. En tant qu’enseignant et chercheur, je ne peux que chercher à lutter contre cette forme d’esprit qui est à l’opposé des conceptions modernes de l’enseignement. Aucun savoir ne mérite d’être protégé, un savoir ne sert justement que s’il est transmis ; sa logique propre est d’être enseigné et appris, sans quoi il ne sert à rien.

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Du savoir enseigné et évalué au savoir de

référence de l’enseignant d’EPS : étude

didactique clinique en karaté

SOMMAIRE

INTRODUCTION………...9

PREMIERE PARTIE : CADRE CONCEPTUEL ET CONNAISSANCE DE L’ACTIVITE DE REFERENCE : LE KARATE………35

DEUXIEME PARTIE : ETUDES PRELIMINAIRES ET OPTIONS METHODOLOGIQUES………..105

TROISIEME PARTIE : RESULTATS DE L’ETUDE DIDACTIQUE CLINIQUE……….. 165

CONCLUSION………...………...229

BIBLIOGRAPHIE………253

GLOSSAIRE DES TERMES JAPONAIS ET DES ABREVIATIONS………...271

INDEX DES TABLEAUX ET SCHEMAS……….279

ANNEXES………. 283

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1.

Origine de la recherche

La recherche qui va être présentée ici, comme de nombreux travaux de thèse de doctorat qui sont le fruit d’une longue réflexion peu à peu organisée, prend sa source au confluent d’une rencontre, d’une insatisfaction et d’une question.

1.1. La première rencontre avec la recherche : le mémoire professionnel de validation du CAPEPS : «intention stratégique et structure d’opposition en boxe française : de la

construction à l’enchaînement des rôles » (Heuser, 1997)

La rencontre, tout d’abord, fut celle avec la formation de l’IUFM Midi-Pyrénées de Toulouse lors de mon année de stage en situation, en 1996, et ce après l’obtention du CAPEPS (cf. glossaire). C’est en effet à cette occasion que le Professeur André Terrisse dirigea le mémoire professionnel que je désirais faire en sports de combat. Celui-ci, intitulé

«intention stratégique et structure d’opposition en boxe française : de la construction à l’enchaînement des rôles » met en oeuvre un protocole d’expérimentation centré sur une

classe de seconde, où j’ai tenté de trouver quelques pistes démontrant que l’aptitude au combat dépend d’une structure fortement liée à la conception que le pratiquant a de l’activité. Dans ma problématique théorique, en partant de la définition du « savoir combattre » (Terrisse, 1995), je me suis demandé si, dans un rapport d’opposition, la propension au combat, variable inter-individuelle, ne pouvait pas dépendre d’une structure cognitive déterminée. Pour répondre à cette interrogation, j’ai envisagé la question du schème du duel dans l’activité cognitive du combattant. Pour autant, je n’en étais pas encore à la question de la référence, qui est à mon sens plus large dans la mesure où elle intègre la conception, mais aussi bien d’autres influences comme l’expérience et l’expertise, ce que nous développerons plus tard. Pour revenir à mon travail de DEA, mon hypothèse était alors que les élèves confrontés à un cycle de combat intégreraient d’autant mieux la structure d’opposition que l’enseignement serait centré sur le pôle stratégique. En conclusion de ce travail à portée professionnelle nous avons mis en évidence que lorsqu’il agit dans un affrontement inter-individuel de type combat, l’élève est amené à distinguer son rôle et reconnaître celui de l’adversaire. La mise à l’épreuve du cycle de boxe française a démontré qu’avec quelques compétences minimales en combat, l’élève va apprendre à réaliser et comprendre l’opposition. L’intention stratégique est alors une notion à double entrée :

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- l’une est celle du professeur qui fonde son enseignement sur elle.

- L’autre est celle des élèves qui fondent leur capacité en combat à changer de rôles en jouant sur les variables de l’opposition.

Ce mémoire professionnel est venu clôturer une année riche car très formatrice. J’ai validé mon CAPEPS, et là où nombre de mes camarades étaient heureux d’être libérés de ce travail fastidieux de formation, pour ma part, j’étais heureux de démarrer une carrière mais aussi quelque peu frustré de ne pas pouvoir tout de suite m’investir dans la recherche. En effet, il me semblait important d’enseigner, d’abord parce que c’est ce que j’avais envie de faire en tout premier lieu, mais aussi d’acquérir de l’expérience et d’être confronté aux réalités de l’enseignement de l’EPS en milieu scolaire. Bien que marié, mon épouse ayant à cette époque son emploi sur Toulouse, je n’ai pu obtenir que l’Académie d’Orléans Tours et j’ai été muté en tant que titulaire académique au collège de Bonneval, dans l’Eure-et-Loir, à la rentrée 1996-1997. Là aussi, il y a eu intention stratégique, de partir seul, afin de capitaliser des points de rapprochement de conjoints, que j’ai acquis au bout de trois ans. En effet, à la rentrée 2000-2001, j’étais en poste à Toulouse et j’ai aussitôt recontacté le Professeur André Terrisse afin de m’inscrire en DEA et envisager un troisième cycle universitaire. J’avais en effet très envie de poursuivre ce travail commencé avec lui, car beaucoup de questions sur l’enseignement du combat en EPS me paraissaient sans réponses, et notamment les effets d’un enseignement stratégique sur les élèves, que je désirais analyser en prenant comme APSA (cf. glossaire) support le karaté que je commençais à enseigner en EPS au collège où j’avais été nommé.

1.2. L’insatisfaction née de la sensation de n’avoir pas fini mon travail de recherche : le mémoire de DEA « analyse de l’écart entre savoir transmis et savoir appris : le cas de l’enseignement du karaté en EPS » (Heuser, 2001)

Une insatisfactionest née à la suite de ce travail dans la mesure où j’avais l’impression d’avoir seulement commencé à explorer un thème source de nombreuses interrogations. De plus, mon expérimentation était effectuée en boxe française pour des raisons de faisabilité liées à l’établissement dans lequel j’intervenais et je souhaitais vivement continuer ce travail dans notre domaine de prédilection, le karaté, ne faisant pas encore l’objet de recherches en didactique des sports de combat. Ainsi, je m’interrogeais sur ce qu’est le savoir combattre en karaté, sur les formes de sa manifestation et sur la question de son enseignement en EPS. Mon

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travail de DEA a de ce fait pris comme point de départ un article paru en 1995 dans la revue professionnelle des enseignants d’Education Physique et Sportive (EPS), sous la plume de A. Terrisse et coll. intitulé : « le savoir combattre : essai d’élucidation » (Terrisse et coll., 1995). Ce compte-rendu de recherche met en évidence que le « savoir combattre » se manifeste dans « l’intention stratégique » du combattant que l’on peut définir comme sa capacité à changer de rôle (passer du rôle d’attaquant à celui de défenseur et inversement) dans l’épreuve du combat. Les auteurs montrent en outre, que même si les élèves sont confrontés à de réelles difficultés dans l’apprentissage d’un sport de combat, ce savoir est enseignable et peut même servir comme approche transversale et novatrice dans un domaine de l’EPS encore rarement représenté dans la programmation des cycles. Légitimement, c’est donc en tant que professeur d’EPS, mais aussi de karaté que j’ai voulu me pencher sur ce thème intéressant de l’appropriation du savoir combattre par des élèves, dans ma spécialité le karaté et ce, dans le cadre spécifique de l’enseignement de l’EPS. Par rapport à mon premier travail de mémoire professionnel déjà centré sur ce thème, mon désir fut de l’approfondir en adoptant notamment une démarche plus scientifique qu’elle ne pouvait l’être dans mon mémoire professionnel et en me centrant sur le rapport au savoir. Ce mémoire de DEA, est intitulé « analyse de l’écart entre savoir transmis et savoir appris : le cas de l’enseignement

du karaté en EPS » et a été soutenu en 2001 à l’Université de Toulouse-Le Mirail, en

Sciences de l’Education. Je me propose d’en résumer le contenu afin de bien cerner la place de la recherche actuelle ainsi que les étapes importantes qui l’ont jalonnée.

1.2.1. Problématique et objet de la recherche de DEA

En EPS, l’apprentissage ne se décrète pas et apprendre à combattre, particulièrement, soulève d’innombrables difficultés, tant les déterminants affectifs et/ou psychosociaux peuvent être prégnants : la peur de se blesser ou de blesser l’autre, de perdre la face, la non-violence prônée par notre société et imposée comme loi au sein de l’école constituent des obstacles à l’apprentissage que la recherche peut tenter d’élucider. Pour autant, combattre s’enseigne au même titre que toute autre compétence spécifiquement motrice. Ce savoir est enseignable et peut même servir d’approche transversale dans le groupement des activités de combat encore rarement représenté dans la programmation des cycles en EPS. A partir de là, la problématique postulait que l’on peut en trouver des traces chez les élèves. La réflexion était alors axée sur la question de recherche suivante : que devient ce savoir entre le moment où il est enseigné et celui où il est utilisé dans l’épreuve de combat par l’élève ?

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L’objet de recherche est de rendre compte du rapport qui peut exister entre le savoir qui a été enseigné aux élèves confrontés à l’activité karaté en EPS et celui qu’ils ont réellement appris et dont ils peuvent témoigner en combat. Il concerne ainsi les conditions de transmission des savoirs par l’enseignant, mais aussi de leur appropriation par l’apprenant, ce dont rend compte le concept de la transposition didactique, introduit initialement par M. Verret (Verret, 1975) et développé par Y. Chevallard (Chevallard,1985). Pour G. Brousseau, la recherche en didactique « n’a pas pour but immédiat de favoriser un acte d’enseignement, mais au contraire d’en connaître les conditions » (Brousseau, 1978). C’est pourquoi la question des traces est importante, car celles-ci vont nous renseigner sur ce qu’il reste du savoir enseigné. Ce thème de recherche m’a conduit à effectuer une analyse des travaux récents en sports de combat ne se limitant pas au karaté. Des résumés des communications présentées aux Journées de Réflexion et de Recherche sur les Sports de Combat et les Arts Martiaux (JORRESCAM) de 1996, 1998 et 2000, il ressort plusieurs types de travaux (Terrisse, 1996) dont ceux qui nous intéressent : « la transmission du savoir » qui englobe la transposition didactique, l’élaboration des contenus d’enseignement et « l’utilisation du savoir » dont les auteurs étudient les problèmes liés aux conditions de leur acquisition. Dans l’ouvrage dirigé par A. Terrisse, on retrouve une partie importante qui concerne la didactique et la pédagogie des sports de combat et des arts martiaux (Terrisse, 2000). J. P. Sauvegrain y propose une étude clinique (le terme est utilisé ici dans une acception non médicale mais renvoie à une démarche qui articule des options théoriques et méthodologiques spécifiques détaillées dans le premier chapitre de la première partie) à partir d’un cas d’élève en lutte sur l’intérêt de l’apprentissage de la défense plutôt que l’attaque. L’auteur précise ainsi que « le rôle de défenseur, conçu comme une attitude dynamique de recherche du renversement du rapport de force, est à la portée d’un élève débutant » (Sauvegrain, 2000). De plus, J.P. Sauvegrain, M.F. Carnus et A. Terrisse justifient « l’intérêt et l’utilisation de la méthodologie d’ingénierie didactique dans l’analyse des décisions d’élèves en situation d’opposition, en Education Physique et Sportive » (Sauvegrain, Carnus, Terrisse, 2002). L’objet de recherche est l’étude des décisions d’élèves en EPS et la méthodologie employée offre un cadre permettant de rendre compte du savoir utilisé dans l’épreuve du combat de lutte. L’observation effectuée montre que ce savoir est propre à chaque élève, d’où la nécessité de recourir à l’étude clinique au sein de la méthodologie d’ingénierie didactique.

Enfin, dans sa thèse, D. Loizon (2004) analyse les pratiques d’enseignement en judo et s’interroge notamment sur les savoirs réellement transmis par les enseignants en club et en EPS.

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Il s’avère que la recherche en didactique des sports de combat reste inégalement traitée en fonction de l’activité concernée. Elle est en effet bien avancée dans les sports de combat de préhension de type judo ou lutte, en bonne voie dans ceux de percussion comme la boxe, mais totalement naissante en karaté par exemple, ce qui est sans doute dû au fait que cette pratique est très peu représentée en EPS, car peu de professeurs de la discipline sont spécialistes de l’activité pour pouvoir l’enseigner.

1.2.2. Cadre conceptuel du DEA

C’est l’une des expressions de la transposition didactique que développe J.L. Martinand s’intéressant au passage du savoir enseigné au savoir appris, qui éclaire notre recherche (Martinand, 1989). En effet, l’EPS utilise largement cette notion définie comme « le passage du savoir savant au savoir enseigné » (Chevallard, 1985), mais en l’adaptant à sa spécificité : elle ne possède pas de savoir savant mais des savoirs d’experts et s’appuie sur des pratiques sociales et culturelles. Martinand introduit la notion de « pratique sociale de référence » (Martinand, ibid.) qui permet d’élargir la notion de transposition didactique utilisée en sciences. On peut ainsi dire qu’en EPS, ce processus permettra de passer des pratiques sociales de référence à l’enseignement de ces pratiques par la définition des contenus et des objets d’enseignement. Dans cette optique, «l’idée qu’introduit la transposition didactique est que le passage d’un lieu de production sociale et culturelle du savoir à l’institution scolaire le transforme […] et va suivre plusieurs étapes» (Terrisse, 2000) :

- « du savoir de référence au savoir à enseigner » (choix de l’enseignant en fonction notamment de sa conception de l’activité).

- « Du savoir à enseigner au savoir enseigné » (mise en œuvre du savoir à travers les contenus d’enseignement).

- « Du savoir enseigné au savoir appris ». C’est à ce niveau que se situe le point d’ancrage de notre travail, puisque ce passage constitue l’objet d’étude de ce DEA.

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1.2.3. Méthodologie de la recherche de DEA

1.2.3.1. Cadre méthodologique général : appréhender l’effet contingent des apprentissages par une méthodologie d’ingénierie didactique

Nous nous appuyons sur une méthodologie d’ingénierie didactique qui a émergé initialement en didactique des mathématiques. « Il s’agissait d’étiqueter par ce terme, une forme de travail didactique, celle comparable au travail de l’ingénieur qui pour réaliser un projet précis, s’appuie sur les connaissances scientifiques de son domaine » (Artigue, 1990). Cette méthodologie a permis la sélection de certaines variables et un cadre d’observation adéquat à l’enseignement de l’EPS. Le recueil des données s’appuie ainsi sur quatre phases (tableau 1) qui relèvent d’un fonctionnement structuré dans la mesure où elles incluent une stratégie évolutive de recueil et de traitement des données qui n’envisagent pas le passage linéaire d’une phase à l’autre :

- les analyses préalables : elles consistent en l’analyse du karaté à plusieurs niveaux où sont développées les différentes caractéristiques de cette activité : historique, sportive, artistique et éducative, qui en donnent une connaissance approfondie au regard de notre problématique.

- L’analyse a priori : elle permet, en partant du savoir de référence en karaté de concevoir un cycle d’enseignement. A ce niveau, s’effectue un travail de transposition didactique pour passer du savoir de référence au savoir à enseigner. Cela permettra de définir le karaté en tant que pratique scolaire, ainsi que des prévisions de transformations motrices (comportements attendus), issues des savoirs stratégiques retenus.

- La mise à l’épreuve est celle du cycle construit précédemment, donc de la mise en oeuvre du savoir à enseigner. Afin d’en rendre compte, les séances ont été enregistrées, au nombre de six de deux heures chacune, au moyen de l’outil vidéo. Cette phase est décrite dans la partie consacrée au cadre méthodologique de la recherche.

- L’analyse a posteriori : cette dernière phase sert à identifier le savoir utilisé par l’élève confronté à l’épreuve d’opposition. L’étude de cas permet d’appréhender la complexité et de rendre compte de la position singulière de chacun des élèves au regard du savoir enseigné.

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Analyses préalables Analyse a priori Mise à l’épreuve Analyse a posteriori - Analyse de l’activité de référence : caractéristiques historique, sportive, artistique et éducative. Pourquoi le karaté ? - Revue bibliographique de l’enseignement du karaté. - Option de traitement didactique de l’activité. - Traitement de l’activité : conception du cycle. Transformations attendues des élèves.

- Phase de négociation avec l’enseignant associé - Entretiens préliminaires élèves. - Planification. Projet. - Déroulement du cycle :

Six séances de deux heures.

Observation, enregistrement et bilan de toutes les séances. Evaluation du cycle et du savoir appris : - Trois situations-test, dont l’incertitude va croissante (assauts). - Une épreuve de combat libre. Vérification de la présence du savoir visé chez les élèves par l’étude de cas. Indicateurs utilisés : - Analyse des

résultats obtenus par chaque élève dans les situations-tests et dans l’épreuve du combat

-Analyse des verbatims issus des entretiens élèves de fin de cycle. Savoir de référence (SR) Savoir à enseigner (SAE) Savoir enseigné (SE) Savoir appris (SA)

Objet de la recherche : l’appréciation de l’écartentre SE et SA

Tableau 1 : les quatre phases de la méthodologie d’ingénierie didactique dans mon mémoire

de DEA

Afin de décrire la méthodologie utilisée, nous allons détailler ces phases, mais nous commencerons directement par l’analyse a priori car la phase des analyses préalables détaille surtout la connaissance de l’activité et de son enseignement, ce que nous faisons de manière bien plus exhaustive en première partie de la présente thèse.

1.2.3.2. Analyse a priori : la phase de négociation

Professeur d’EPS agrégé, l’enseignant volontaire pour collaborer à notre travail enseigne depuis onze ans. Il est en poste dans le lycée professionnel où est menée l’expérimentation depuis une année. Pratiquant le karaté depuis une dizaine d’années, la perspective d’avoir à travailler en karaté avec ses élèves l’a immédiatement séduit, d’autant

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qu’il avait déjà conduit des cycles de karaté en EPS. Afin de ne pas perturber son rôle futur, ni altérer l’ensemble du protocole de recherche, le projet lui a été présenté comme une «option

didactique de l’enseignement du karaté, que je voulais tester en milieu scolaire » (dixit). Il

paraissait primordial de préserver son impartialité pour la suite et notamment pendant la mise à l’épreuve du cycle. Ayant des conceptions proches, chercheur et enseignant associé sont tombés d’accord sur l’option du cycle envisagée, à savoir proche du karaté en tant qu’activité culturellement reconnue (art martial). La négociation est sans aucun doute une des phases la plus délicate du travail du chercheur compte tenu de ses enjeux. Il s’agit alors d’anticiper la distance entre les options du chercheur et celles de l’enseignant ce qui nécessite de prendre certaines précautions sans pour autant détourner les objectifs de la recherche. La négociation a surtout permis de déterminer dans un premier temps avec quelle classe nous allions travailler, une classe de Terminale BEP PRO MOD (métiers de la mode : couture, confection) constitué d’un petit effectif de neuf filles motivées par l’activité, puis préciser la trame du cycle et les savoirs à enseigner. Seule la séance d’évaluation a été rediscutée, pour les besoins de la recherche, puisque le collaborateur envisageait uniquement d’évaluer ce qu’il avait enseigné, c’est-à-dire rester sur des formes d’assauts conventionnels, alors qu’il fallait absolument une partie de l’évaluation sur des assauts libres, afin d’apprécier le savoir dont les élèves pouvaient témoigner en combat, ce qu’il a d’ailleurs accepté : «cela me va, mais on est

peut-être pas obligé de faire rentrer cette partie dans la note du cycle, ce serait les mettre en échec… » (Extrait de verbatim).

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1.2.3.3. Analyse du savoir enseigné dans la mise à l’épreuve

Le tableau suivant (tableau 2) propose un récapitulatif des séances, avec le détail pour chacune des objectifs et des savoirs enseignés.

Séances Objectifs Savoir enseigné 1

Découverte pratique et historique de l’activité

Aborder les bases du karaté

Terminologie. Historique. Code moral Positions. Distances. Rôles.

2

Apprentissage du kata

Sensibilisation à la notion de « kime » Travail de distance en assaut imposé

Enchaînements défense-contre attaque. Respiration. Equilibre Décalage / blocage / contre-attaque

3

Perfectionnement technique Renforcement du travail de distance en

assauts imposés sur deux pas

Suite de l’étude du kata Ajuster sa distance sur un adversaire

en déplacement

4

Travail kata solo et bunkaï (application par 2)

Varier les armes utilisées (poing ou pied) en assauts sur deux pas

Adapter sa distance en attaque et en défense

Adaptation de la distance suivant l’arme utilisée (poing ou pied)

5

Travail kata solo et bunkaï Travail de distance et de rythme en

assauts sur trois pas.

Idem séance 4

S’adapter au rythme imposé par l’attaquant. Rester à distance.

6 Evaluation finale ---

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1.2.3.4. L’analyse a posteriori : analyse de l’écart entre le savoir enseigné et le savoir appris à partir d’une option clinique

A. Terrisse a développé la « nécessité de la clinique en didactique des activités physiques et sportives » et présenté « l’éventail des réponses du sujet confronté à l’épreuve » (Terrisse, 2000). L’éventail des réponses (tableau 3) permet d’identifier ce rapport, au « cas par cas » (ibid.) : continuité et rupture renvoient au savoir que manifeste le sujet tandis qu’adéquation et inadéquation se réfèrent au sujet confronté à l’épreuve (du combat). Dans cette optique, un sujet élève « CA » manifeste un savoir en continuité avec le savoir enseigné : ce qui est appris par l’élève lui a été enseigné. Il réussit dans l’épreuve, est en adéquation à celle-ci. De la même manière, si le savoir que manifeste le sujet n’est pas en continuité avec le savoir enseigné, on peut dire que ce qui a été appris n’a pas été enseigné. Autrement dit, le sujet est en rupture avec le savoir enseigné et en « RI », il échoue en combat, d’où son inadéquation avec l’épreuve.

Savoir enseigné Epreuve CONTINUITE (C) RUPTURE (R) ADEQUATION (A) CA SA↔SE

Réussite dans l’épreuve

RA SA ≠ SE

Réussite dans l’épreuve

INADEQUATION (I)

CI SA↔ SE

Echec dans l’épreuve

RI SA ≠ SE

Echec dans l’épreuve

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L’axe CA / RI est celui de la loi générale car on considère comme logique qu’un sujet qui manifeste un savoir en continuité avec le savoir enseigné apprenne et réussisse dans l’épreuve. C’est la loi sur laquelle est fondé l’enseignement, auquel s’attend un enseignant (que l’élève apprenne ce qu’il enseigne). De même, si le savoir que manifeste le sujet est en rupture avec le savoir enseigné, le sujet n’a pas appris (ou autre chose que ce qu’on lui a enseigné) et échoue dans l’épreuve spécifique du combat qui nécessite en effet de la part de l’élève une adaptation aux stratégies mises en place par l’adversaire. L’utilisation « stricte » du savoir enseigné n’est donc pas forcément un gage de gain du combat.

L’axe CI / RA, par contre, est celui de la « contingence », car il interroge la validité du savoir au regard de l’épreuve. En effet, un sujet « CI » manifeste un savoir en continuité avec le savoir enseigné (ce qui a été enseigné est appris) mais il échoue dans l’épreuve. Un sujet « RA » est en rupture avec le savoir enseigné (il n’a pas appris ce qu’on voulait lui enseigner) mais réussit dans l’épreuve donc est en adéquation avec celle-ci.

Ce dispositif (tableau 3) semble pertinent pour notre étude de cas parce qu’il interroge à plusieurs niveaux :

- Au niveau de l’élève : de sa capacité à apprendre et utiliser un savoir enseigné. C’est là tout l’enjeu de la recherche en éducation : rendre compte de l’utilisation du savoir enseigné par l’élève. En effet, l’élève confronté à l’épreuve, qu’il réussisse ou qu’il échoue, peut ou non être en phase avec le savoir enseigné. Le résultat qui se manifeste dans l’épreuve est donc un indicateur du savoir utilisé par l’élève.

- Au niveau du savoir lui-même, à résoudre la situation et répondre aux exigences de l’épreuve.

L’étude clinique a permis dans ce travail de recherche d’appréhender les comportements et les discours des élèves. Nous nous proposons de présenter maintenant le mode de recueil des données.

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1.2.3.5. Modalités de recueil des données

La mise à l’épreuve du savoir à enseigner se compose de trois situations-test et d’une épreuve dont le principe organisateur est l’augmentation progressive de l’incertitude. On s’attache alors à l’analyse des facteurs imprévisibles en combat, liés à la présence de l’adversaire. Les sports de combat sont des sports dits « duels » dans le sens où il est impossible de pratiquer tout seul. Comme le soulignent Y. Kerlirzin « chaque combat se singularise par l’aménagement de cette dualité en organisant sa logique de l’affrontement » (Kerlirzin et Fouquet, 1996). Dans cette optique, les variables de l’action conditionnant l’affrontement par percussion en karaté sont :

- la distance : elle est constamment changeante, puisque dépendante à la fois des déplacements de l’attaquant et de ceux du défenseur.

- La cible visée : les zones de touches autorisées sont infinies puisque non restreintes en karaté du fait du principe de contrôle des touches.

- L’arme utilisée : l’attaquant a à sa disposition une multitude de techniques d’attaques possibles, que ce soit avec les pieds ou avec les poings.

- Le rythme imposé dans l’enchaînement éventuel des attaques.

Nous considérons que ces facteurs vont constituer des variables sur lesquelles l’enseignant va pouvoir agir pour simplifier ou complexifier la situation d’assaut. Nous avons procédé à la manipulation de celles-ci de la manière suivante :

- situation d’incertitude de niveau 1 : assaut sur un pas, arme et cible connues. - Situation d’incertitude de niveau 2 : assaut sur un pas, arme seule connue. - Situation d’incertitude de niveau 3 : assaut sur un pas, arme et cibles inconnues.

Dans ces trois situations dont la complexité va croissante, seul le défenseur marque des points, attribués de la manière suivante :

- un point lorsqu’il est touché par l’attaquant.

- Deux points lorsque le défenseur esquive, mais n’est pas en mesure de contre-attaquer (pas à distance ou blocage inefficace).

- Trois points lorsque le défenseur se décale, bloque et contre-attaque. C’est le comportement attendu dans la mesure où il y a là, utilisation d’un savoir stratégique puisque le défenseur

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renverse le rapport de force en devenant attaquant, selon la définition préalable (Terrisse et Coll., 1995).

Chaque assaut (A1, A2, A3) est constitué d’une attaque. Au niveau 1 d’incertitude, l’élève subit successivement trois assauts, un à chaque niveau (haut, milieu et bas). Au niveau 2 d’incertitude, comme l’arme est connue à l’avance du défenseur, l’attaquant a trois alternatives de cibles. Au niveau 3 d’incertitude, l’arme utilisée par l’attaquant ainsi que la cible visée sont inconnues du défenseur, ce qui rend la situation complexe. A tous les niveaux, l’attaquant joue donc un rôle, ce qui implique que le score obtenu par le défenseur (de un à trois points) ne tient pas compte de l’incertitude au niveau de l’adversité.

1.2.4. Résultats des élèves à l’épreuve : le combat libre

Les résultats que les élèves ont obtenus dans les situations tests, dans l’épreuve de combat libre et les entretiens de fin de cycle vont être maintenant présentés. Le tableau 4 propose un récapitulatif des résultats obtenus par les quatre élèves retenues pour leur assiduité dans le cycle. Situations ELEVE INCERTITUDE NIVEAU 1 INCERTITUDE NIVEAU 2 INCERTITUDE NIVEAU 3 SCORE PERSONNEL

Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3 (A1 + A2 + A3) X 3

EVE 1 2 3 3 3 3 3 3 3 24

MARIELLE 2 3 2 2 2 2 3 3 2 21

INGRID 2 1 3 1 2 2 3 1 3 18

FANNY 2 1 2 3 1 1 3 3 2 18

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L’épreuve est le combat libre. L’arme, la cible ainsi que la distance et le rythme sont aléatoires pour chacun des combattants. L’incertitude est ici maximale puisqu’elle prend en compte à la fois les dimensions spatiales (distance et cible), événementielles (arme) et temporelles (rythme). Par contre, ce n’est pas la compétition puisque le combat n’est pas codifié comme tel : il ne se déroule pas sur une aire donnée, n’est pas limité dans le temps et les techniques de touches employées ne sont pas limitées, pourvu qu’elles soient contrôlées par l’attaquant. Afin de situer chaque élève dans un niveau (tableau 5), nous nous sommes inspirés du travail réalisé en boxe française par J.M. Montussac (1993) :

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Niveau d’opposition Type d’opposition Tendance observable 1 « MARIELLE » Opposition subie Fuite Opposant défensif dominé DEFENSIVE Déplacement arrière Garde fermée Peu de coups donnés

2 « FANNY » Opposition acceptée Attentisme passif Opposant défensif Logique de protection 3 « INGRID » Opposition provoquée Attentisme actif Opposant défensif - offensif

OFFENSIVE Déplacement surtout avant

garde basse, ouverte

4 « EVE »

Opposition d’opportunité Provocation Opposant offensif

Donne beaucoup de coups Absence de véritable stratégie

5 Opposition interactive

Combinaison-réaction Opposant offensif-défensif

NEUTRE Garde haute, éloignée

Déplacements variés

6 Opposition exploitée

Opposant offensif dominant

Alterne, tourne.

Met en place des stratégies de touche.

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Si l’on envisage ces résultats dans leur globalité, soit au niveau du groupe-test, on peut en conclure que :

- Les résultats sont très divers d’une élève à l’autre (les scores vont de cinq pour Fanny en incertitude niveau 1 à neuf pour Eve en situation d’incertitude niveau 3).

- Les meilleurs résultats sont toujours obtenus dans l’assaut à incertitude de niveau 3, soit la situation la plus complexe. Aucune élève ne descend en dessous de sept (Ingrid 3+3+1). - Toutes les élèves augmentent leur score entre la situation d’incertitude niveau 1 et celle de niveau 3.

- Deux élèves progressent de trois points (Eve et Fanny). - Deux élèves progressent d’un point (Marielle et Ingrid).

A part Eve, toutes les autres sont en difficulté dans la situation intermédiaire (incertitude de niveau 2), où leurs scores sont inférieurs aux deux autres situations. Sachant qu’on peut considérer qu’il y a utilisation d’un savoir stratégique à trois points (seul cas où l’on peut observer une contre-attaque, donc un changement de rôle), sur neuf assauts pour chacune :

- une élève la manifeste sept fois sur neuf (Eve). - Les autres la manifestent trois fois.

Il s’avère donc que trois élèves sur quatre ne changent de rôles que dans le tiers des assauts qu’elles ont à gérer. Une seule parvient à le faire de manière quasi-systématique, Eve. C’est aussi elle qui fait état du meilleur niveau en combat libre, puisqu’elle est la seule à atteindre le niveau 4 (cf. tableau 5). C’est pourquoi son cas sera détaillé, et, puisqu’il appartient à la « loi générale », on en prendra un autre (Ingrid) qui lui se situe dans la « contingence ».

(26)

1.2.5. Résultats de l’étude sur deux cas d’élèves : Eve et Ingrid 1.2.5.1. Description des résultats d’Eve (CA)

Situations Elève INCERTITUDE NIVEAU 1 INCERTITUDE NIVEAU 2 INCERTITUDE NIVEAU 3 NIVEAU D’OPPOSITION Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3 EVE 1 2 3 3 3 3 3 3 3 4

Tableau 6 : tableau récapitulatif des résultats d’Eve

Dans les différentes situations proposées (tableau 6), Eve manifeste une importante progression dans les assauts libres (incertitude totale) par rapport aux assauts conventionnels (incertitude croissante). En combat libre, elle est la seule à atteindre un niveau 4 et peut être classée dans un «type d’opposition d’opportunité » à tendance offensive (cf. tableau 5). Ces résultats montrent qu’Eve est plus performante dans les situations avec incertitude que dans les situations sans incertitude : elle réussit mieux dans ces dernières, atteignant 100 % de réussite. On peut en déduire qu’Eve réussit beaucoup mieux en combat qu’en application de techniques.

1.2.5.2. Interprétation des résultats d’Eve

Le savoir enseigné était axé sur des savoirs stratégico-techniques, dans la mesure où les élèves ont eu à apprendre des techniques d’attaques pieds-poings, des blocages et des déplacements mais aussi leurs applications dans des situations d’assauts à deux. Dans cette optique, on peut résumer le profil d’Eve comme une élève qui a plus particulièrement bien intégré le versant stratégique : elle change de rôle 7 fois sur 9. Il s’agit maintenant de savoir d’où vient le savoir qu’elle manifeste. Si l’on se réfère à son entretien après cycle, elle dit elle-même «avoir eu du mal à se souvenir du kata et faire les mouvements dans le vide ». Par contre, le travail à deux l’amusait beaucoup et «dans le combat cela venait tout seul, je le

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faisais sans réfléchir». Il semblerait ainsi que les savoirs qu’Eve mobilise dans l’épreuve sont

appris puisqu’elle dit : « j’essayais de faire ce qu’on m’avait appris, un blocage, une

attaque…Et être à distance ». Considérant que le savoir appris est conforme au savoir

enseigné (continuité), ses résultats attestent qu’Eve est en adéquation par rapport à l’épreuve. Dans l’éventail des réponses détaillé précédemment, Eve peut donc être placée de la manière suivante : Savoir enseigné Epreuve CONTINUITE RUPTURE ADEQUATION

CA : EVE

RA INADEQUATION CI RI

Tableau 7 : résultat de l’étude du cas Eve dans l’éventail des réponses

Au regard de ses résultats, et ses entretiens le confirment, le savoir que manifeste Eve est directement issu du savoir enseigné, autrement dit en continuité avec ce dernier. Sa réussite dans l’épreuve marque son adéquation, ce qui fait dire en conclusion de l’étude de ce cas que savoir enseigné et savoir appris ont un rapport de continuité.

(28)

1.2.5.3. Description des résultats d’Ingrid (RA) Situations ELEVE INCERTITUDE NIVEAU 1 INCERTITUDE NIVEAU 2 INCERTITUDE NIVEAU 3 NIVEAU D’OPPOSITION Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3 INGRID 2 1 3 1 2 2 3 1 3 3

Tableau 8 : tableau récapitulatif des résultats d’Ingrid

Ingrid n’obtient que rarement trois points dans les situations tests et son total de points dans les situations avec incertitude (niveau 2 + 3 = 12) est très inférieur à celui d’Eve (18). Elle manifeste un changement de rôle trois fois sur neuf, soit dans un tiers des cas seulement. Dans l’épreuve, par contre, Ingrid atteint un niveau 3 en combat libre (tableau 5), qui correspond à une tendance offensive, et un type d’opposition « provoquée », un « attentisme actif ». Ingrid peut donc être définie comme « opposant défensif-offensif ».

1.2.5.4. Interprétation des résultats d’Ingrid

Les résultats d’Ingrid montrent qu’elle se rapproche du profil d’Eve, bien que cette dernière soit plus efficace en combat. Ses résultats en combat libre témoignent de son adéquation à l’épreuve, par contre ses résultats dans le test ne sont pas performants. Elle ne change pas systématiquement de rôle, ne manifestant pas par là un savoir stratégique. L’examen vidéo de sa production lors du test est très intéressant : Ingrid, à plusieurs reprises, s’arrête après avoir paré l’attaque, car elle utilise un blocage qui n’a pas été enseigné au cours du cycle. Elle a l’impression qu’elle ne fait pas, ou pas correctement, ce qu’on lui demande. Elle dira d’ailleurs : « j’avais l’impression de mal faire, c’est venu comme ça, j’ai pas

réfléchi, je crois ». Cela explique la différence entre sa performance au test et celle dans

l’épreuve. On ne peut pas de ce fait dire qu’Ingrid utilise un savoir appris au cours du cycle. Si elle l’utilise en combat, elle n’en a pas conscience et fonctionne sur un registre de ressources « adaptatives » : Ingrid est comme nous l’a confirmé son professeur un « profil

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particulier entre le savoir enseigné et le savoir appris : Ingrid a appris, mais adapte ce savoir au contexte auquel elle est confrontée.

Comme nous l’avons fait pour le cas d’Eve, nous allons maintenant pouvoir placer Ingrid dans le tableau de l’éventail des réponses :

Savoir enseigné Epreuve

CONTINUITE RUPTURE ADEQUATION CA

RA : INGRID

INADEQUATION CI RI

Tableau 9 : résultat de l’étude de cas d’Ingrid dans l’éventail de réponses

Contrairement au cas d’Eve, les résultats d’Ingrid sont dans la « contingence » car le savoir qu’utilise Ingrid est en rupture avec le savoir enseigné. En effet, en situation d’assaut, elle a été capable « d’inventer » un blocage, qui n’a pas donc pas été enseigné mais qui répond à l’exigence de la situation (ne pas être touché par l’attaque adverse). Elle réussit dans l’épreuve, ce qui marque son adéquation à celle-ci. On peut dire qu’Ingrid est dans un apprentissage « par » l’épreuve dans la mesure où il semble qu’elle apprenne de l’épreuve elle-même. Elle procède donc à une adaptation du savoir à utiliser dans l’épreuve par rapport au savoir enseigné. En conclusion de l’étude de ce cas, il s’avère que le rapport entre le savoir enseigné et le savoir appris est discontinu pour Evecar le savoir appris n’a pas été enseigné.

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1.2.6. Conclusion du DEA

Au terme de ce travail, il est apparu qu’il n’y a pas qu’un seul écart entre le savoir enseigné et le savoir appris, mais plusieurs, autant que de cas d’élèves, ce qui justifie le recours à l’étude clinique, et valorise le singulier. Le rapport entre le savoir enseigné et le savoir appris n’est pas linéaire. Le chercheur peut assister à l’émergence d’un rapport plus complexe qu’il ne l’était envisagé de prime abord : le savoir utilisé dans l’épreuve présente plusieurs facettes. Il peut en effet découler d’un acte d’enseignement mais être aussi appris au cours même de l’épreuve, par l’épreuve ou encore être issu d’un savoir déjà-là exploité au cours de l’épreuve par l’élève. Autrement dit, si le savoir utilisé est synonyme de savoir appris, ce dernier n’a pas toujours été enseigné. En effet, le critère pour vérifier qu’un savoir est appris est de vérifier son émergence dans une situation différente de celles proposées dans l’apprentissage. Dans notre cas, pour apprécier dans quelle mesure le savoir enseigné a été appris, nous nous sommes attachés à rendre compte de la capacité de l’élève à utiliser le savoir enseigné lors de l’épreuve de combat et non pas en assaut, c’est-à-dire en situation d’apprentissage. C’est donc la nature même de l’épreuve qui rend inefficace le savoir enseigné, dans le sens où il ne suffit plus à répondre à la contingence de l’épreuve. C’est cette dernière qui suscite l’émergence du savoir utilisé.

A partir de notre étude locale et contextualisée, trois formes de rapports entre savoirs enseigné et appris peuvent ainsi être mis en évidence :

1) l’élève utilise le savoir enseigné. Dans ce cas, savoir enseigné (SE), savoir utilisé (SU) et savoir appris (SA) se confondent. Le rapport entre savoir enseigné et savoir appris se définit alors en termes d’inclusion (cf. tableau 10).

2) L’élève utilise un savoir qui a été en partie enseigné. C’est le cas quand par exemple Eve utilise en priorité des aspects stratégiques en combat, en termes d’adaptation à l’adversaire, au détriment d’autres aspects plus techniques (reproduction de formes, d’enchaînements inadaptés au contexte). Dans ce cas, savoir enseigné et savoir appris sont en relation et le savoir utilisé est là un indicateur précieux de celle-ci.

3) En dernier lieu, l’élève utilise un savoir qui n’a pas été enseigné. Dans ce cas là, dans l’épreuve d’opposition, il « invente » une solution d’attaque ou de défense, qui lui permet de concrétiser son projet stratégique. Il y a séparation entre le savoir enseigné et savoir appris.

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1 2 3 FORMES D’UTILISATION DU SAVOIR PAR L’ELEVE SE SA SU SE SU SA SE SA SU

RAPPORT Inclusion Intersection Exclusion

Tableau 10 : tableau de synthèse des rapports entre savoir enseigné et savoir appris

Au final, plusieurs formes de rapports ont donc pu être identifiées (cf. tableau 10 ), ce qui fait d’ailleurs la richesse de l’enseignement et de l’apprentissage et le fait qu’il ne peut se répéter à l’identique, même si le contexte paraît similaire… Il apparaît que le savoir utilisé par l’élève introduit une nouvelle problématique dans la mesure où il permet d’établir la nature du rapport qu’il y a entre le savoir enseigné et le savoir appris. C’est par son intermédiaire que les traces du savoir que manifeste le sujet émergent. Dans cette optique, on peut faire l’hypothèse que ce concept, celui de savoir utile, va servir la recherche en didactique par son intérêt dans toute étude qui voudra rendre compte des relations entre savoir enseigné et savoir appris. Conscient des vides (kara…En japonais) que nous laissions, des points à approfondir, des questions restées en suspens (comme celle que nous développons dans le prochain chapitre, centrée sur les savoirs à enseigner en karaté en EPS), le prolongement de cette recherche de DEA a abouti l’année suivante par une inscription en thèse. Nous avons dans le prolongement de notre recherche de DEA déplacé la question du savoir utile et utilisé par l’élève à celui utilisé par l’enseignant. En partant de ce nouvel axe de recherche, notre connaissance du karaté nous a dirigé vers la pluralité des références dans les arts martiaux, et de là, à la notion de référence pour l’enseignant. Mais avant d’en arriver là, nous avons souhaité fixer notre réflexion et nos travaux de professeur d’EPS et de formateur en écrivant deux articles dans la Revue EPS. En effet, il nous semblait primordial, avant d’étudier les références d’autres enseignants, de proposer la nôtre.

(32)

1.3. Une question didactique insistante : « quels savoirs en karaté à l’école ?»

La question est éminemment didactique, car elle se pose en termes de savoirs dans l’enseignement du karaté en EP.S. Un premier élément de réponse a pu voir le jour par l’entremise de la Revue EPS, revue professionnelle écrite par des enseignants d’EPS essentiellement. Un article dont je suis le co-auteur avec D. Chaminade a été publié dans le numéro 300 de celle-ci (Heuser, Chaminade, 2003). David fut l’enseignant associé dans notre recherche de DEA, dont nous avons observé l’enseignement d’un cycle de karaté en EPS en lycée. C’est à partir de ce travail en commun que nous avons clarifié notre option didactique du karaté en EPS sous la forme d’un objectif transversal de « gestion du risque en sports de combat, par le moyen de l’organisation de l’incertitude dans l’opposition » (Heuser, Chaminade, 2003, 2006). Mon expertise professionnelle, en tant que professeur de karaté et formateur à l’Ecole des Cadres fait état d’un constat d’observation que l’enseignement du karaté a très peu évolué au cours de son histoire; un peu comme si le respect des anciens Maîtres et de leurs traditions interdisaient aux enseignants de cet art martial de faire évoluer leurs pratiques pédagogiques et didactiques. Le savoir combattre, en tant que savoir stratégique tel que le définit G. Vergnaud comme « étant impliqué dans la maîtrise de situations complexes » (Vergnaud, 1994) que nous assimilerons à toutes les situations où l’élève se retrouve en situation d’opposition, n’est pas, dans la tradition de l’enseignement des arts martiaux, un savoir enseignable de prime abord, sans que l’élève (le disciple ?) ait parcouru un certain « chemin », autrement dit, sa voie, son « do » japonais. Cela va à l’encontre d’une conception moderne occidentale de l’enseignement, où une option didactique pourrait faire acquérir des savoirs opérationnels. Nous noterons d’ailleurs que ce problème n’est pas spécifique au karaté puisqu’on le retrouve par exemple en judo, comme l’expose très clairement D. Loizon dans sa thèse sur « l’étude de la variabilité didactique dans l’enseignement du judo » (Loizon, 2004). Cette recherche en didactique a pour objet de mettre en évidence les différents savoirs qu’enseignent les professeurs de judo en club et en EPS. L’analyse des variables didactiques a été utilisée dans ce cas comme outil d’analyse et a permis de montrer que les savoirs techniques et stratégiques étaient au cœur des situations d’apprentissage et qu’ils étaient indissociables. La transmission d’autres savoirs dans les communications didactiques est également mise en évidence : réglementaire et sécuritaire, ainsi que culturel et éthique (Margnes, 2002). Le but de la pratique du karaté est certes avant tout le combat ce qui n’exclut pas que l’on apprenne aussi d’autres savoirs qui serviront dans

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la gestion du combat proprement dit (contrôle de soi, respect de l’adversaire par exemple). C’est pourquoi j’ai orienté mon précédent travail de recherche de DEA sur le rapport entre savoir enseigné et savoir appris par l’élève confronté à un cycle de karaté, où il s’avère que dans ce qu’il apprend, tout n’a pas été enseigné. Le rapport entre le savoir enseigné et le savoir appris n’est donc pas linéaire et cette étude fait émerger la notion de savoir utilisé par l’élève. En effet, celui-ci peut utiliser tout ou partie du savoir enseigné, mais aussi utiliser un savoir qui n’a pas été enseigné. Le savoir utilisé par l’élève introduit donc une nouvelle problématique dans le rapport au savoir dans la mesure où il permet d’inférer la nature du rapport qu’il y a entre le savoir enseigné et le savoir appris : c’est par son intermédiaire qu’émergent les traces du savoir que manifeste le sujet. Comme nous l’avons déjà démontré, le savoir appris peut émerger du savoir enseigné, ou du sujet dansl’épreuve elle-même.

1.4. Emergence et précision de la problématique de thèse

Cette nouvelle perspective m’a permis de revenir sur les trois temps de la transposition didactique développés par Chevallard et de transférer la question du savoir utilisé par l’élève au savoir utilisé par l’enseignant en classe (Chevallard, 1985). Néanmoins, ce passage du sujet élève au sujet enseignant s’est vite révélé dépasser la notion de savoir car l’enseignant enseigne des savoirs issus de champs divers : son expertise de pratiquant, son expérience d’enseignant, sa conception de l’activité à enseigner, son histoire personnelle. Très vite, c’est la notion de référence qui s’est imposée pour organiser ces différentes influences. D’ailleurs, on peut se demander si les références vont être les mêmes suivant que l’on se situe dans la phase préactive (la planification), la phase interactive (l’épreuve d’enseignement avec les élèves) et la phase post active (après la séance quand l’enseignant en fait le bilan) du fait de la spécificité de chacun de ces temps qui ne fonctionnent pas de manière linéaire.

(34)

2. Présentation de la thèse

Dans le but d’analyser notre problématique de recherche et de développer notre thèse sur la référence enseignante, une première grande partie sera consacrée au cadre conceptuel auquel cette étude se réfère et à la connaissance de l’activité. Dans celle-ci, nous examinerons :

- le cadre conceptuel de cette recherche en didactique, comprenant notamment les travaux de l’Equipe Didactique Clinique (EDiC, ex. AP3E), qui ont ouvert la voie à ce type de questionnement.

- La connaissance de l’activité karaté, au travers de l’analyse de ses différentes références, historique, culturelle, didactique et scolaire. Cette dernière faisant un état des lieux des travaux sur l’enseignement du karaté en EPS.

La seconde partie de la thèse sera consacrée au cadre méthodologique comprenant tout d’abord des analyses préalables avec une enquête préliminaire et une pré-étude de cas, puis la méthodologie de recueil et de traitement des données des études de cas.

La troisième partie présentera les résultats des études de cas, dont la première est traitée de manière longitudinale, les deux autres étant des études de cas croisées.

Enfin, une conclusion générale viendra clôturer notre travail et envisagera des perspectives à celui-ci selon trois axes : la recherche, la formation des enseignants et l’enseignement du karaté.

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PREMIERE PARTIE

CADRE CONCEPTUEL ET

CONNAISSANCE DE

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Introduction

Dans cette première partie, nous allons nous attacher à développer les options conceptuelles de la thèse. Afin de bien les situer dans un champ de recherche, nous proposerons en premier lieu de présenter les travaux de l’équipe dans laquelle nous situons nos travaux de recherche en didactique clinique de l’EPS. Nous examinerons ensuite successivement les différents concepts de la didactique, et notamment la transposition didactique comme outil de recherche ainsi que le concept de savoir et les différentes notions de rapport aux savoirs. Enfin, nous nous attacherons au concept de référence, ce qui nous permettra après l’avoir défini, d’annoncer nos questions de recherche et la problématique de celle-ci. De plus, comme nous serons ensuite amenés à traiter de la pluralité des références en karaté, la transition sera plus logique.

Dans un deuxième temps, nous allons ainsi proposer l’analyse la plus exhaustive possible de l’activité karaté, selon les références possibles que le professeur d’EPS peut utiliser dans le cadre de l’enseignement du karaté en EPS. Ces références peuvent être de trois ordres, non exclusifs les uns des autres :

- historique (l’enseignement du karaté comme à son origine, le « te » qui représentait une pratique de combat unique ainsi que son évolution hors de ses terres d’origines). - Sportive avec le développement du karaté en compétition.

- Didactique avec une réflexion sur l’enseignement du karaté en club.

- Scolaire afin d’étudier comment cette activité est enseignée ou peut l’être à l’école. Nous préciserons que la référence institutionnelle (les textes officiels) sera abordée dans cette dernière partie.

Nous allons dans cette optique établir un état des lieux sur cet ensemble de références qui font office de « savoir de référence » (Chevallard, 1991). Les ouvrages et leur auteurs qui peuvent servir eux-mêmes de référence seront évoqués au fur et à mesure des prochains chapitres.

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1. Options conceptuelles spécifiques utilisées en didactique

clinique de l’EPS

1.1. La didactique clinique de l’EPS : présentation des travaux de l’équipe de recherche AP3E (Analyse des Pratiques d’Enseignement et leurs Effets sur les Elèves) du DiDiST (Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques), équipe du CREFI-T (Centre de Recherche Education Formation Insertion – Toulouse) EA 799, (ex : LEMME, Laboratoire d’Etudes des Méthodes Modernes d’Enseignement)

En EPS, discipline scolaire, les contenus sont transposés des pratiques sociales de référence ayant chacune leur propre logique, leurs évolutions et leurs enjeux de formation. Par ailleurs, l’environnement didactique de l’EPS comporte des particularités (lieux et espaces mouvants et spacieux, découpage temporel spécifique et contraignant, pratiques extra scolaires des élèves, etc.) qui pèsent sur le fonctionnement didactique. Du savoir enseigné au savoir appris, les écarts constatés (Heuser, 2001) témoignent aussi de la distance qui existe entre les pratiques sociales et les pratiques scolaires. « C’est cette complexité qui est appréhendée par les recherches menées par l’équipe de recherche d’ « Analyse des Pratiques d’Enseignement et de leurs Effets sur les Elèves » (AP3E). Elle met en avant les limites des cadres et théories didactiques classiques pour rendre compte de certains phénomènes relatifs à la transmission- appropriation de savoirs. Nous entrons alors dans un domaine d’investigation plus intime prenant en compte la singularité des sujets dans leurs rapports aux savoirs et dans des questionnements sur leurs interrelations. « C’est ce parti pris, cette volonté de redonner aux sujets enseignants et apprenants une place centrale dans la relation didactique qui caractérise la dimension clinique des travaux didactiques de l’AP3E ». (Carnus, in Terrisse, à paraître en 2009).

Une des premières thèses qui au LEMME (Laboratoire d’Etudes des Méthodes Modernes d’Enseignement), laboratoire de didactique de l’Université Paul Sabatier dans lequel ces recherches ont été menées, initie et renforce cette orientation est celle de Marie France Carnus. Dans sa thèse, intitulée « Analyse didactique du processus décisionnel de

l’enseignant d’EPS en gymnastique. Une étude de cas croisés » (Carnus, 2001), elle met en

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l’enseignement de l’ATR (Appui Tendu Renversé) fluctuent en permanence, du fait de la dynamique de la classe, et que, d’autre part, certains enseignants modifient les contenus d’enseignement « à leur insu ». Ce n’est peut être pas une découverte en soi, car les professeurs d’EPS connaissent ces processus, mais ils n’avaient pas un statut de produit de recherche, notamment en didactique de l’EPS. Dans le prolongement de ces travaux, M.F. Carnus cherche à décrire et à comprendre les écarts entre les contenus à enseigner et les contenus réellement enseignés au travers du passage de l’intention à la décision. Son projet est d’apporter une autre compréhension de l’activité décisionnelle de l’enseignant, en tant que sujet singulier, assujetti et divisé dans et par son inconscient, théorie du sujet que nous allons pouvoir utiliser pour nos études de cas.

La seconde thèse soutenue dans ce groupe est celle de Jean-Paul Sauvegrain, qui s’intéresse au savoir appris par les élèves dans un cycle de lutte : « Analyse didactique de la

décision de l’élève : étude de cas sur l’utilisation du savoir dans un cycle de lutte en EPS ». (Sauvegrain, 2001). A l’autre extrémité de la chaîne transpositive, J.-P. Sauvegrain interroge l’écart entre le savoir enseigné et le « savoir combattre » réellement mobilisé par les élèves dans l’épreuve du combat en cours d’EPS. En suivant les savoirs transmis par l’enseignant, la recherche s’intéresse à des cas d’élèves singuliers et repère les différentes « façons de faire » permettant au « lutteur apprenti » de résoudre le problème rencontré en combat, ce qui permet de rendre compte des savoirs appris. L’intérêt de ce travail pour notre thèse n’est pas évident car J.P. Sauvegrain n’est pas focalisé sur l’analyse des pratiques enseignantes. Pour autant, il interroge comme nous le faisons les écarts aux savoirs, même si ce n’est pas au même niveau dans la chaîne transpositive.

La troisième thèse est celle d’Eric Margnes. Elle porte sur l’analyse du savoir transmis en judo par deux formateurs d’UFRSTAPS (cf. glossaire) : « L’intention didactique dans

l’enseignement du judo, des choix culturels d’ordre éthique et technique. Etude de cas de situations didactiques – leurs mises en scène pour des débutants dans la formation initiale en STAPS– » (Margnes, 2002). L’intérêt de ce travail réside dans sa tentative réussie de

constituer une grille d’analyse de cette activité, différenciant deux conceptions du judo et deux modes de traitement de cette activité. Eric Margnes rend ainsi compte, à partir d’entretiens et d’observations directes de séances, des intentions didactiques qui apparaissent influencées par ces deux conceptions possibles de l’activité judo (le judo traditionnel et le judo sportif) ainsi que par deux conceptions de son enseignement à des débutants (l’approche

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formelle et l’approche fonctionnelle). Son travail nous a notamment donné une typologie des savoirs fonctionnellement bien adaptée en karaté, bien que constituée en judo.

La quatrième thèse est celle de Denis Loizon. Elle porte sur l’analyse des variables manipulées par des enseignants de judo, en club et en EPS : « Analyse des pratiques

d'enseignement du judo : identification du savoir transmis à travers les variables didactiques utilisées par les enseignants en club et en EPS », (Loizon, 2004). La conclusion de ce travail

montre que, comme dans la thèse d’Eric Margnes, des savoirs de nature très différente sont transmis dans ces séances, ce qu’il est aussi possible d’observer en karaté relativement à la pluralité des savoirs enseignés. Elle fait apparaître, surtout, que, pour ces enseignants, la compréhension de l’enseignement du judo passe par des « filtres », qui sont pour le chercheur autant de moyens d’analyse des déterminants de sa pratique professionnelle. La plupart de ces filtres, conceptuels, intentionnels et décisionnels sont en rapport avec la pratique antérieure de l’enseignant en tant que judoka. Nous retrouvons cette problématique dans nos études de cas, qui montrent aussi le poids de cette pratique antérieure du karaté par les enseignants d’EPS.

La thèse d’Isabelle Jourdan ne porte pas sur l’analyse des pratiques, mais sur l’étude longitudinale du rapport au savoir des étudiants de première année d’IUFM, qui deviennent professeurs stagiaires, puis « primo-entrants » dans leur premier poste : « L’évolution du

rapport au savoir comme « révélateur » de la logique de professionnalisation : six études de cas en formation initiale en EPS à l’IUFM Midi-Pyrénées » (Jourdan, 2005). L’utilisation de

la notion de rapport au savoir sert ici à rendre compte de leur logique de professionnalisation. C’est bien une étude clinique, « au cas par cas », qui observe un parcours singulier de chacun des sujets analysés. Sans vouloir réduire cette analyse à ce résultat, l’étude montre bien combien chacun a une logique qui lui est propre, qui peut se caractériser et se retrouver chez d’autres professeurs débutants. Cette logique propre, singulière, de chaque cas est un point que nous retrouvons aussi dansnotre travail actuel.

D’autres travaux développent cet axe de didactique clinique. Ainsi sont développées par Pablo Buznic des études sur les enseignants débutants en comparant, chez le même professeur stagiaire, deux enseignements contrastés : celui d’une APSA dont elle est spécialiste, la danse et celui d’une APSA qu’elle n’a jamais pratiquée, la lutte. Fidèle à l’orientation clinique, une étude de cas d’une enseignante débutante observée dans deux activités différentes : la lutte (qu’elle ne connaît pas) et la danse (dont elle est spécialiste) rend

Figure

Tableau 1 : les quatre phases de la méthodologie d’ingénierie didactique dans mon mémoire
Tableau 2 : tableau synthétique du savoir enseigné par l’enseignant collaborateur D
Tableau 3 : « l’éventail des réponses » d’après Terrisse (2000)
Tableau 4 : résultats individuels aux situations test
+7

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