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La relation étroite entre programmation et conception : les approches anglo-saxonnes des

1 Le projet urbain, entre approche typo-morphologique, socio-politique et urbanistique : quelle place

2.1 L'émergence des habitants dans le projet urbain à travers l'activité de « programmation »

2.1.2 La relation étroite entre programmation et conception : les approches anglo-saxonnes des

Dès les années 60, un ensemble de professionnels et chercheurs issus de différentes disciplines et différents pays anglo-saxons, se fédèrent et fondent le « Design Methods Movement » (DMM). S'appuyant sur les travaux d'Herbert Simon (1969), ils appréhendent l’activité de conception / « design » comme une démarche de définition d'intentions et de formalisation des réponses à une problème de transformation d'une situation existante vers une future, davantage désirée (Zetlaoui-Léger, 2013a). Ce mouvement ne se focalise pas

seulement sur la forme mais s'intéresse aux rapports entre « le dessein et le dessin » (Conan, 1995) et soulève la question du cycle de la conception.

Le DMM a pour origine les difficultés croissantes que rencontrent, dès les années 40, des architectes pour concevoir des équipements de plus en plus complexes : un certain nombre de bâtiments, pourtant primés par la critique architecturale, pose des problèmes à l’usage et sont démolis une dizaine d’années après leur construction60. Dans un contexte d’industrialisation, de développement des technologies et de forte croissance urbaine, un ensemble de professionnels issus de champs disciplinaires variés (architectes, artistes, psychologues de l’environnement…) se réunissent autour d’une problématique commune : « comment mieux

informer le processus de conception et réunir les informations pertinentes dès le début de la conception afin qu’elle puisse être adaptée aux usages ? ». Le DMM se structure grâce à une série de conférences organisées aux Etats-Unis et

Royaume-Uni autour du processus de conception : « leur préoccupation est de refonder le processus de design à partir

d’une réflexion sur la démarche de programmation comme système de gestion de données permettant de mieux préparer le travail de mise en forme » (Zetlaoui-Léger, 2011, p. 3). La conception est alors questionnée dans sa dimension

cognitive à travers les recherches fondatrices d’Herbert Simon (1969) sur la résolution de problèmes. Fondateur d’une science du design qu’il veut interdisciplinaire, il envisage le processus de conception comme une démarche de définition de problèmes (implicites à une demande formulée par un client) et de solutions (un résultat, un produit). En précisant les spécificités des problèmes de conception, ils invitent à s’éloigner d’un modèle mécanique et automatisable de l’activité de conception, tout en poursuivant les réflexions sur un raisonnant ayant pour but de structurer et résoudre un problème donné. Au début des années 70, Rittel et Webber (1973) mettent en évidence le caractère intrinsèquement mal définis au départ des problèmes de design - « wicked problems » - sur des sujets tels que la planification urbaine ; ils ne peuvent répondre à une logique de traitement analytique et linéaire rationaliste. Ces problèmes « épineux » ou « pernicieux », propres à la conception, font l’objet de plusieurs caractérisations (Vial, 2015) :

- Ils sont contextuels et uniques.

- Ils ne font pas l’objet d’une formulation définitive : l’urbaniste ne peut donc pas définir absolument une fin au processus de projet. Celui-ci s’arrête en fonction de considérations externes au projet (de temps, d’argent, de perte de motivations…).

- Les solutions proposées ne sont pas « bonnes ou mauvaises » mais davantage d’ordre « meilleures ou pires ».

- Ces solutions ne peuvent être décrites de manière exhaustive.

Une deuxième génération de travaux du DMM se développe à partir des années 70, en lien étroit avec les sciences sociales et les Environmental Studies, afin de mieux appréhender ces « wicked problems » (Rith et Dubberly, 2006). Ils s’attachent à une approche de la conception comme processus, avec l’homme comme

60 Le Pruitt Igoe Housing à Saint Louis ou l’immeuble de la firme CBS à New-York, deux projets ambitieux et primés apportent la démonstration qu’une définition approximative des besoins au départ provoque des désagréments en termes d’usage, de gestion et des coûts de fonctionnement élevés (Preiser, 1992).

finalité. Ils insistent sur la nécessité d’un dialogue entre les parties prenantes du projet (Vial, 2015), et notamment avec les utilisateurs, les usagers, les habitants (Zetlaoui-Léger, 2013).

Ces promoteurs d'une approche humaniste et environnementaliste du processus de projet, soulèvent ainsi rapidement la question de la participation. La compréhension des valeurs sociales et humaines occupe progressivement une place prépondérante dans leurs réflexions.

Dans le contexte des années 70, l’évolution des technologies et la transformation des processus de travail participent à une fragmentation de la société et interrogent les investigateurs du DMM. Henry Sanoff (1977), architecte et professeur, défend une expertise des usagers qui serait complémentaire à celles des architectes et planificateurs. La programmation apparaît alors comme une explicitation des valeurs, objectifs et attendus du projet, qui doivent être construits et partagés avec les usagers et utilisateurs finaux. Cette approche « interactive intégrée » du projet (Robinson et Weeks, 1983 ; Zeisel, 1984)61 initie une approche plus globale de la conception et l’envisage dans un processus d'articulation définition-résolution de problèmes, d'itération programmation-conception formelle, via l'évaluation, en identifiant le rôle que peut y jouer l'usager final. La distinction opérée entre programmation et conception spatiale dans le processus de projet, l’une portant sur les attendus de l’organisation cliente en termes d’activités et d’usages à développer, l’autre sur la façon d’envisager leur inscription formelle dans l’espace, est claire dans l’acception anglo-saxonne de la notion de Design. En travaillant sur la nature de l’activité de Design, les chercheurs et praticiens du « Design Methods Movement » dès les années 1960 ont analysé les spécificités et les relations mutuelles entre programmation et conception. En insistant sur l’importance du travail d’élaboration du problème (considéré au départ comme mal déterminé) et des attendus du projet que porte la programmation, ils insistent sur l’importance du dialogue avec l’organisation cliente financeur mais aussi avec les utilisateurs et usagers. En France, à l'exception des travaux du Centre Scientifique et Technique (CSTB) sur la programmation générative des projets à la fin des années 80 (Zetlaoui-Léger, 2015), les réflexions sur l’articulation, et plus encore sur les itérations entre programmation et conception émergeront bien plus tard, et sans forcément questionner la place que peuvent y tenir les habitants.

2.1.3 Le modèle français : d’une approche séquentielle vers une

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