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Une absence de contre-pouvoirs à l’échelle communale et intercommunale : une démocratie confisquée

5 La nouvelle donne du portage des projets urbains avec le renforcement de l’échelon intercommunal

5.4 Une absence de contre-pouvoirs à l’échelle communale et intercommunale : une démocratie confisquée

À l’échelle municipale, l’assemblée délibérative est le conseil municipal : la loi de 1884 le charge de régler «

par ses délibérations les affaires de la commune » (2016a). Il doit se réunir au moins une fois par semestre pour

émettre des délibérations sur tous les sujets d’intérêt local : « il vote le budget, approuve le compte administratif

(budget exécuté), il est compétent pour créer et supprimer des services publics municipaux, pour décider des travaux, pour gérer le patrimoine communal, pour accorder des aides favorisant le développement économique ». Or, Stéphane Cadiou dénonce

le déclin « (…) du rôle des assemblées délibératives qui ne se réunissent qu’un nombre réduit par an (…) et exercent peu leur

rôle normatif ». Il décrit aussi l’absence de débat sur les questions de la commune : « les assemblées s’apparentent plus à des chambres d’enregistrement où la longueur des séances tient davantage à l’étendue des arrêtés et délibérations à valider qu’à la vivacité des échanges » (Cadiou, 2009, p. 156). En effet, les dossiers soumis au vote sont le plus souvent

préparés à l’avance (en bureau ou en commission permanente) « (…) sans que les conseillers ordinaires disposent

du temps et de l’information nécessaires sans escompter infléchir les choix. ( …) ». D’un point de vue pratique, comme

l’indique le tableau ci-dessous (Figure 18), la rémunération des conseillers municipaux de communes de moins de 20 000 habitants (contrairement à celle du maire et de ses adjoints) est réduite et ne leur permet pas de consacrer un temps long aux débats menés sur leur commune.

Figure 18 Indemnités des conseillers municipaux réduites pour les conseillers et adjoints Tableau 7. Indemnités de fonctions brutes mensuelles

des conseillers municipaux au 1er juillet 2005 (en €) (1)

Taille de la commune Maire Adjoint Conseiller

Moins de 500 hab 618.99 240.31 De 500 à 999 hab 1128.75 300.39 De 1 000 à 3 499 hab 1565.68 600.78 (2) De 3 500 à 9 999 hab 2002.62 801.05 De 10 000 à 19 999 hab 2366.73 1001.31 De 20 000 à 49 999 hab 3277.01 1201.57 De 50 000 à 99 999 hab 4005.23 1602.09 De 100 000 à 199 999 hab 5279.63 2403.14 218.47 A partir de 200 000 hab 5279.63 2639.81 218.47

(1) Les indemnités des élus communaux peuvent être majorées dans certains cas, notamment dans les chefs-lieux de département, d’arrondissement et de canton (respectivement de 25, 20 et 15%) (2) Dans certains cas, de simples conseillers de communes de moins de 100 000 habitants peuvent

obtenir une indemnité (le total des indemnités allouées par la commune ne doit pas dépasser un certain plafond).

Source : Koebel 2005, p. 43

Enfin, « les conseillers peuvent, en séance plénière, poser des questions, voire exprimer des désaccords. Mais en pratique, leur

droit d’amendement est relativement restreint. En dépit de cette limite, l’opposition voit souvent l’opportunité de contester la politique menée par l’exécutif à l’occasion des séances plénières » (Cadiou, 2009, p. 156). On observe donc qu’à l’échelle

municipale, le conseil municipal peut difficilement jouer le rôle de contrepoids face au pouvoir que concentre le maire : « Il reste que l’agenda de la collectivité est bien entre les mains du chef de l’exécutif et de son état-major.

Les assemblées n’exercent pas véritablement de fonctions décisionnelles et délibératives, pas plus qu’elles ne jouent un rôle de contrôle de l’exécutif puisqu’elles ne disposent pas d’instruments de pression (du type motion de censure, question de confiance) »

(Cadiou, 2009, p. 157).

Le processus d’intercommunalité confortée par les lois récentes ajoute une dose de complexité. Le transfert des compétences vers les communes laisse l’élu municipal avec des compétences de plus en plus restreintes et questionne son rôle vis-à-vis de la participation citoyenne comme le précise Nicolas Ferran (2011) : « En France, la coopération intercommunale s’accompagne d’un transfert de charges et de compétences vers les EPCI

laissant la municipalité relativement dépourvue face aux enjeux de logement, déplacement… les politiques urbaines d’envergure sont de moins en moins portées à l’échelle communale et le temps des maires bâtisseurs des années 80-90 semble révolu ».

Alors qu’il a été défendu, pendant un certain temps, que l’intercommunalité soit passée d’un organisme de « gestion » à celui de « projet » (plus politisé) il semble davantage qu’on assiste moins au déplacement des logiques techniques qu’à leur déplacement (Guéranger, 2008). En termes techniques, Remy Le Saout et Maurice Olive (2007) mettent en évidence que, si l’intercommunalité n’est pas à l’origine de changement radical dans la direction général des services municipaux, elle participe à renforcer les écarts professionnels entre les directeurs. Les plus dotés d’entre eux profitent de cette intégration communautaire pour conforter leur positionnement dans l’exécutif et s’emparer des tâches les plus stratégiques : l’intercommunalité apparait comme un tremplin pour leurs horizons professionnels. A contrario, les directeurs de petites communes avec des compétences plus limitées ont tendance à se replier sur les tâches traditionnelles de la gestion communale.

D’un point de vue politique, « l’emprise croissante de l’intercommunalité de projet a eu pour effet de bouleverser la hiérarchie

des qualités et des compétences légitimes nécessaires à l’exercice d’une bonne gouvernance locale » (Vignon, 2011, p. 143).

L’intercommunalité engendre une technicisation du travail intercommunal, la compétence technique prend le pas sur celle politique. Alors que la légitimité de l’élu municipal a longtemps reposé sur sa notabilité, la présidence ou la vice-présidence d’une intercommunalité demande des savoirs spécifiques (Vignon, 2011) :

- Une connaissance technique des dossiers ainsi que la maîtrise du langage de ses spécialistes et experts ;

- Une expérience managériale avec l’image normative du « bon élu intercommunal comme décideur, moderne, responsable, gestionnaire avec une idéologie neutre » (Desage et Guéranger, 2011) ;

- Une maîtrise des enjeux de la diplomatie intercommunale afin de conserver un équilibre et créer une émulation entre les communes.

Les espaces politiques intercommunaux valorisent donc les compétences techniques des élus. Or, ce sont des compétences que les élus acquièrent surtout dans leur trajectoire personnelle ou professionnelle : ce phénomène participe à l’émergence d’une nouvelle élite politique issus de catégorie sociale élevée. Ainsi les postes les plus importants (président et vice-président) de l’intercommunalité ont tendance à être monopolisés par des élus « de moins en moins représentatifs socialement de ceux qu’ils sont censés représenter ». En conséquence, la distorsion que nous avons pu voir à l’échelle municipale sur le profil des maires est d’autant plus accentuée à l’échelon intercommunal. Comme le met en évidence Sébastien Vignon (2011) sur les communes rurales et périurbaines de la Somme (Figure 19), avant le renouvellement de 2008, l’écart de représentation (brut) des professions intermédiaires est de 2,3 points alors qu’au lendemain des élections, il est de 1,2 points.

Figure 19 Écarts de représentation des catégories socio-professionnelles d’origine des maires et responsables des EPCI issus de communes rurales et périurbaines de la Somme en 2008

(134 maires)

Source : Sébastien Vignon, 2011

L’intercommunalité crée donc une spécialisation politique de l’élu par l’évolution des critères de « bonne gestion » entre la commune et l’intercommunalité. Les politiques d’aménagement tendent finalement à instaurer une « démocratie d’expertise » (Vignon, 2010) au sein de l’intercommunalité : le processus de monopolisation des postes les plus importants par une communauté spécifique d’élus « confisque la démocratie » (Desage et Guéranger, 2011) selon plusieurs observateurs.

De leur côté, les experts mobilisés dans le cadre de projets urbains se trouvent ainsi à jongler ou à se perdre entre l’échelle intercommunale et l’échelle communale. Pour Vincent Aubelle (2011, 9), professeur en génie urbain et spécialiste de la coopération intercommunale, les groupements de collectivités territoriales « constituent une matière confidentielle auprès de la population mais aussi des acteurs qui n’ont pas participé aux processus de

création ». Selon lui, cette méconnaissance résulte de trois facteurs :

- Le premier facteur relève de l’intelligibilité de la construction. Le législateur fait souvent appel au vocabulaire culinaire pour définir les réformes relatives aux collectivités locales (« le mille-feuilles s’est

transformé en gloubi-boulga » (F. Massat 2010) ; « le mille-feuilles va être indigeste » (P. Roy 2010) ; « la simplification annoncée ne sera pas au rendez-vous d’un projet de loi qui crée la confusion et réunit tous les ingrédients du pudding territorial » (S. Pinel 2010).

- Le deuxième tient au fait que l’émergence de ces groupements de collectivités territoriales remet en cause l’organisation des pouvoirs établis depuis la révolution française : « Depuis 1980, la question

intercommunale concerne les rapports que les communes décident d’établir (ou non) avec ces structures » (Aubelle

2011, 10).

- Le troisième « découle de la logique constitutive qui a été privilégiée (…) cette fabrique de l’intercommunalité

emprunte des logiques identiques à celles retenues dans l’édification de l’Union Européenne (…) ». La coopération

intercommunale tout comme la question européenne inaugure une nouvelle géométrie des pouvoirs : « c’est l’Europe qui est en perspective, on ne peut plus rester dans le petit, dans le local à tout prix.» (Dibie, in Aubelle 2011, 39).

De même, pour Marion Paoletti (2017) et David Guéranger (2011), l’intercommunalité est un lieu où « la

démocratie est confisquée » : les habitants sont invités à élire au suffrage universel les listes des conseillers

communautaires mais ne participent à l’élection des membres du bureau. En effet, lors du débat relatif au renforcement de la simplification de la coopération intercommunale pour les communautés urbaines, l’Assemblée Nationale a voté un amendement arrêtant le principe de l’élection au suffrage universel direct des délégués communautaires. Le rapport sur l’avenir de la décentralisation remis au Premier Ministre le 17 octobre 2000 prônait pourtant la nécessité d’une réforme pour l’avenir de l’intercommunalité et la reconnaissance de sa légitimité démocratique : « Un amendement parlementaire au projet de loi relatif à la démocratie

de proximité, voté en première lecture à l’Assemblée Nationale en juin 2001, avait pris acte de cette proposition en adoptant l’inscription solennelle du principe d’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires pour 2007, avant d’être également rejeté » (Bernard-Gelabert, 2003, p. 15).

L’intercommunalité s’est généralisée et rationalisée par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010. À partir de janvier 2014, l’ensemble des communes sont regroupées. La loi dite « Valls », relative aux élections locales de mai 2013, a précisé les modalités d’élections, au suffrage universel direct, des conseillers communautaires issus des communes de plus de 1 000 habitants. Les citoyens des communes d’au moins 1000 habitants sont invités à élire au suffrage universel direct, conseillers municipaux et conseillers communautaires : la loi prévoit que « nul ne peut être conseiller communautaire s’il n’est conseiller municipal

ou conseiller d’arrondissement » (article L.273-5 du Code électoral)100. Les conseillers communautaires sont élus selon la technique du « fléchage » : les candidats éligibles figurent sur deux listes distinctes mais sont inscrits sur un même bulletin de vote. Le président de l’intercommunalité est lui directement élu par le conseil communautaire.

Face au pouvoir local, que concentre principalement l’exécutif par la personne du maire, les contre-pouvoirs sont minimes. À l’échelle municipale, l’opposition possède une place réduite si la majorité souhaite ne pas jouer le « jeu de la démocratie ». La plupart des décisions se réalisent en « Bureau » et les séances plénières tendent à se limiter à des espaces. À l’échelon intercommunal, l’appareil décisionnel apparaît relativement opaque pour les citoyens qui n’élisent pas les conseillers communautaires. Le processus de décision, à l’échelle politique, est une machine bien établie où le pouvoir semble se concentrer sur quelques élus aux origines socio-professionnelles bien spécifiques.

100 « Conseils communautaires : les règles de l’élection et de répartition des sièges entre communes, conseillers communautaires, municipales 2014 - Dossier d’actualité - Vie-publique.fr » 2014).

Or, l’avènement de la participation citoyenne dans le fonctionnement politique, et plus précisément dans le projet urbain, vient requestionner le processus de décision habituel et la place des élus dans le processus de projet : « Faire une place à la délibération et à la concertation avec les habitants dans la politique locale oblige enfin à concevoir

sur un nouveau mode l’action publique. Il s’agit d’accepter une complexification de la prise de décision » (Blondiaux, 2001).

Ainsi, cette complexité de la prise de décision est renforcée par une délégation de pouvoir encore davantage étendue.

Conclusion intermédiaire

Depuis les lois de décentralisation, les collectivités locales ont un rôle prépondérant dans les processus d’élaboration des opérations d’aménagement et de construction. Face à différents facteurs institutionnels et politiques (décentralisation, loi MOP), la maîtrise d’ouvrage publique s’est complexifiée requérant des compétences variées de la part des élus locaux.

En nous intéressant au rôle de l'élu local de petites villes dans un projet urbain, et à son attitude vis-à-vis de la participation citoyenne, nous avons pu observer qu’articuler dimensions politiques et formelles était indispensable, questionner l'élaboration et la prise en considération de la demande sociale des habitants, incontournable. Nous avons pu remarquer que, dès les années 1990, la logique du « projet urbain » s’était développée en opposition à celle du plan, héritée des Trente Glorieuses, comme un nouveau modèle d’action pour la fabrique urbaine. Celui-ci sous-tend une « construction d’une action collective dès la

formulation des problèmes et des solutions urbaines » (Arab, 2017, p. 2).

Dans le cadre de notre thèse, nous considérons le projet urbain comme « multidimensionnel, social, spatial, économique, également projet de vie » (Bonnet, 2001, p. 207). Nous l’envisagerons, par ailleurs,

comme répondant à diverses finalités, sociale, économique et environnementale, et pas seulement comme un objet d’aménagement ou une forme urbaine arrêtée (Arab, 2017 ; Ingallina, 2008). Nous l’appréhenderons comme un processus, posant la question du sens de la transformation d'un espace pour les acteurs qui portent des ambitions et des objectifs pour le territoire qu'ils habitent.

Cette approche du projet urbain conduit à prêter attention à l'exercice de la programmation.

Dans cette perspective, nous utiliserons les différents éléments que vous venons de présenter afin de qualifier les approches et pratiques de l'activité de conception (et donc aussi de programmation) que développent, de manière implicite ou explicite, les acteurs observés dans nos études de cas. Nous nous interrogerons sur l'appréhension par les maîtres d'ouvrage de petites villes de la programmation, identifiée par de précédentes recherches comme un support à la participation citoyenne (Zetlaoui- Léger, Fenker et Gardesse, 2015). Nous examinerons les modalités d'intervention des structures professionnelles mandatées qui les accompagnent, en les distinguant et les comparant aux sens que donnent à ces termes les acteurs que nous avons interrogés, et à la façon dont ils les traduisent dans leurs pratiques. La gouvernance participative apparaît comme un enjeu fondamental du projet et est préconisée par des structures telles que l’ADEME ou la MICQP, organismes de références pour les élus maîtres d’ouvrage et les praticiens du projet urbain. Nous analyserons dans quelle mesure des acteurs locaux engagés dans des projets urbains, avec l’élu comme maître d’ouvrage, perçoivent ces nouvelles directives et principes. Nous nous interrogerons, par ailleurs, sur la manière dont la programmation, prérogative en France de la maîtrise d’ouvrage, et donc en principe sous la responsabilité du politique et exercée

techniquement par des AMO ou des aménageurs, est identifiée par les maîtrises d’ouvrage et à travers quel type d’ingénierie.

Par ailleurs, la petite ville, entité entre l’urbain et le rural est « potentiellement à une échelle stratégique pour

l’aménagement du territoire. La petite ville peut, à la croisée des contraintes globales, développer des solutions innovantes, sources d’inspiration, complémentaires avec les dynamiques métropolitaines » (Van Cutsem et al., 2012, p. 7). Elle a longtemps

fait l’objet d’un délaissement, tant financier que d’accompagnement, à travers les programmes d’intérêt et les communautés scientifiques. Depuis les années 2000, on observe un regain d’intérêt pour la préservation de ces territoires, à travers différents programmes visant à accompagner petites et moyennes villes. Avec la décentralisation et l’instauration de la loi MOP, la maîtrise d’ouvrage publique s’est complexifiée, requérant des savoir-faire et des compétences spécifiques. Or les territoires périurbains et ruraux se caractérisent par « un déficit d’ingénierie : une maîtrise d’ouvrage publique plutôt faiblement constituée en termes

d’aménagement, voire inexistante ; une ingénierie publique plus faible que dans les métropoles, et une maîtrise d’œuvre/ ingénierie privée moins disponible à proximité immédiate du territoire ou au sein de ceux-ci » (Bonnet, 2016b, p. 8). La

maîtrise d’ouvrage est, en effet, une mission très peu pratiquée par l’élu de petite ville.

Dans un contexte peu étudié dans les approches opérationnelles de l’urbanisme, l’élu pilote avec des techniciens le projet urbain le plus souvent en tant que maître d’ouvrage occasionnel. Même s’il n’est pas le principal « sachant », il reste le chef d’orchestre du projet, garant du respect des niveaux de qualité qu’il a lui-même validés dans le programme (CEREMA, 2014). La sphère politique a tendance à être fortement dissociée de la sphère technique dans le projet urbain. Pourtant, les recherches depuis les années 70 ont mis en évidence le caractère imbriqué de ces deux sphères et leur ajustement au sein des instances de pilotage du projet urbain. Cette relation a été étudiée minutieusement par Joel Idt dans un contexte métropolitain et sur des projets d’aménagement parisiens conséquents où la participation n’est pas un enjeu fort. Notre thèse tend à compléter ce type d'approche en apportant un éclairage sur la relation élu / technicien dans le cadre d’un contexte de petite ville et de micro-opérations urbaines impliquant les habitants.

Joel Idt conclut son travail doctoral en précisant que, pour appréhender la relation élu/technicien, il serait intéressant d’étudier l’action des acteurs extérieurs à la maîtrise d’ouvrage du projet urbain : « Le fonctionnement

des relations entre élus et techniciens ne serait donc parfois compréhensible qu’en observant plus finement l’action de ces tiers extérieurs aux institutions : techniciens des bureaux d’études techniques extérieurs, cabinets d’architectes urbanistes, acteurs économiques, acteurs associatifs. Il serait intéressant en ce sens d’étudier plus systématiquement les cas de jeux à trois, en analysant la manière dont ces acteurs extérieurs aux institutions politico-administratifs se positionnent dans les relations entre élus et techniciens des institutions ». (2009, p. 523). Notre travail élaboré depuis une agence d’architecture et

d’urbanisme s'inscrit dans cette perspective.

La maîtrise d’ouvrage doit être appréhendée en lien avec le montage de projet. Bien que l’élu en soit le représentant politique, elle peut varier selon les contextes et la complexité du projet. Tous les projets urbains réalisés dans le cadre de missions publiques ne se caractérisent pas par une maîtrise d’ouvrage incarnée par la collectivité. C’est pourquoi nous envisagerons l’élu dans sa posture de maître d’ouvrage en lien avec les techniciens qui l’accompagnent dans le portage du projet urbain participatif.

Par ailleurs, au regard des évolutions du cadre réglementaire, la participation citoyenne apparaît comme un enjeu pour les concepteurs et le politique. Dans un contexte de petite ville, où les maîtrises d’ouvrage ont peu l’habitude d’engager des opérations d’urbanisme, nous nous interrogerons sur la manière dont elles définissent leurs attendus tout au long du projet et dans quelle mesure elles y associent les futurs usagers et habitants des lieux. L’élu de petite ville, lorsqu’il fait appel à un bureau d’études pour l’accompagner sur le projet urbain participatif, doit répondre aux exigences établies par le code des marchés publics. Sous-estimées par les élus, les différentes procédures de marchés publiques à leur disposition ont une influence importante sur la mise en œuvre du projet. Pour des micro-opérations urbaines, ils recourent le plus souvent à des missions de gré à gré permises au-dessous du seuil européen de 25 000 euros hors taxes. Cette procédure leur permet de solliciter de manière simple et rapide une expertise, sans être dans l’obligation de publier un avis d’appel à la concurrence. Or l’utilisation de cette procédure traduit bien souvent leur difficulté à préciser la commande et leur tendance à préférer désigner un expert sans avoir à argumenter leur choix. Nous serons ainsi attentifs au cadre financier et réglementaire dans lequel a été sollicitée à chaque fois l’Agence Prigent et les allers-retours qui s’opèrent avec la maîtrise d’ouvrage. Pour ce faire, nous nous intéresserons à la configuration la plus courante de maîtrise d’ouvrage : la maîtrise d’ouvrage en régie, où l’élu mobilise ses propres services pour assurer cette fonction et fait éventuellement appel à des assistances externes pour l'accompagner dans le projet. La maîtrise d’ouvrage en régie concerne généralement, dans les petites villes, des micro-opérations d'urbanisme ordinaire, du quotidien, qui peuvent être marquées aussi par de nouvelles ambitions, sans être cadrées par quelque référentiel ni moyen d'accompagnement particulier.

Cette configuration nous conduira à rendre compte et à analyser des situations de projet urbain où l’élu est directement et fortement impliqué en tant que maître d’ouvrage, où il est en discussion directe avec l’AMO ou le maître d’œuvre qu’il mobilise. Ce contexte facilitera la lecture du projet urbain et nous permettra de

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