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Intercommunalité et aménagement du territoire : un tournant majeur dès 2014 pour les communautés

5 La nouvelle donne du portage des projets urbains avec le renforcement de l’échelon intercommunal

5.2 Intercommunalité et aménagement du territoire : un tournant majeur dès 2014 pour les communautés

À partir de 2014, au début de notre travail doctoral, plusieurs lois majeures vont jouer un rôle central dans le confortement de l’intercommunalité en France en redessinant le périmètre des EPCI et leurs compétences.

Tout d’abord, la loi du 27 janvier 2014 de Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles (loi MAPTAM) crée un nouveau statut pour les métropoles afin de permettre aux agglomérations de plus de 400 000 habitants d’exercer pleinement leur rôle en matière de développement économique, d’innovation, de transition énergétique et de politique de la ville. Elle prévoit aussi de clarifier les conditions d’exercice de certaines compétences des collectivités territoriales en instaurant des chefs de file :

- La région pour le développement économique, les aides aux entreprises et les transports (le Sénat a ajouté la biodiversité, la transition énergétique, l’agenda 21).

- Le département pour l’action sociale, l’aménagement numérique et la solidarité territoriale. - Les communes pour la mobilité durable et la qualité de l’air.

Cette loi va favoriser le développement des métropoles au détriment des plus petites villes.

Puis, en 2015, la loi de Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) qui décide l’extension des périmètres des intercommunalités en triplant leur nombre minimum d’habitants, et fixe le seuil à 15 000 habitants incitant à la création d’intercommunalités plus grandes et plus puissantes. Elle supprime, par ailleurs, la clause générale de compétence96 pour les départements et les régions, ne la conservant qu’au seul bénéfice des communes (art. L2121-29 CGCT). Enfin, elle prévoit de nouveaux transferts de « compétences obligatoires » en urbanisme des communes membres vers les communautés de communes et les communautés d’agglomération (Figure 16) : elles « se voient transférée la compétence d’élaboration

des PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) sauf en cas d’existence d’une minorité de blocage qui est maintenue tel que prévu par la loi ALUR (au moins 25% des communes correspondant à 20 % de la population »(2016b). Ainsi, en mai 2017, sur les 1266 intercommunalités que comptent le pays, 540 ont la main en matière de Plans Locaux d’Urbanisme (Scordia, 2017).

96 Le maintien de la clause générale de compétence permet en effet aux collectivités territoriales d’intervenir hors du champ de compétences qui leur est reconnu par la loi, afin de répondre aux besoins des populations ou d’assurer le développement économique de leur territoire. La collectivité territoriale qui bénéficie de la clause générale de compétence dispose d’une capacité d’intervention générale, sans qu’il soit nécessaire que la loi procède à une énumération de ses attributions.

Figure 16 Répartition des compétences intercommunales selon les types d’EPCI (loi NOTRe)

Source : http://www.adcf.org/files/131220-Intercommunalite-mode-d-emploi-web.pdf p.5

Enfin, suite à la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de Programmation pour la Ville et la cohésion urbaine (dite loi LAMY), les communautés de communes ont la possibilité de prendre la compétence « politique de la ville » qui s’applique sur les « quartiers prioritaires » de leur territoire (Encadré 13).

Compétences obligatoires

Développement économique : zones d’activité économique et actions de développement économique ;

Aménagement de l’espace

Compétences optionnelles (1 à choisir parmi les 6 suivantes) :

• Protection et mise en valeur de l’environnement ; • Politique du logement et du cadre de vie ; • Voirie ;

• Equipements culturels et sportifs / équipements de l’enseignement préélémentaire et élémentaire ;

• Action sociale ; • Assainissement.

Compétences facultatives définies par les communes membres

Compétences obligatoires

Développement économique : zones d’activité économique et actions de développement économique ;

Aménagement de l’espace communautaire

Schéma de cohérence territoriale, zones d’aménagement concerté, organisation des transports urbains ;

Equilibre social de l’habitat : programme local de l’habitat, politique du logement ;

Politique de la ville : dispositifs de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale, dispositifs locaux de prévention de la délinquance ;

Compétences optionnelles (3 à choisir parmi les 6 suivantes) :

• Voirie et parcs de stationnement ; • Assainissement ;

• Eau ;

• Environnement : déchets, lutte contre la pollution de l’air et les nuisances sonores, maîtrise de la demande d’énergie ;

• Equipements culturels et sportifs ; • Action sociale d’intérêt communautaire.

Compétences facultatives définies par les communes membres Compétences pouvant être déléguées par le département :

A la demande de la communauté d’agglomération, celle-ci peut exercer pour le compte du département, différentes compétences en matière d’action sociale.

Encadré 13 La politique de la ville et ses réformes

La politique de la ville peut être « considérée comme une politique de lutte contre l’exclusion,

conduite dans un cadre territorial, en faveur de zones urbaines où la précarité sociale est forte, menée par l’État en partenariat contractuel avec les collectivités locales » (2010). Elle recouvre une

diversité d’interventions relevant de champs différents : urbanisme, aménagement urbain, emploi, insertion professionnelle. Cette politique, pilotée par l’État, est avant tout interministérielle. À l’échelle locale, celle-ci est régulée par les collectivités territoriales en lien avec les préfets et les bailleurs.

On peut identifier trois grands âges de la politique de la ville : le développement social des quartiers (années 1980), la mobilisation du droit commun par les Contrats de ville (années 90) et la rénovation urbaine (années 2000) et enfin la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine qui a réformé la politique de la ville.

Elle a introduit trois grands changements (Liquet, 2014) dans l’appréhension de la politique de la ville :

- La notion de quartier prioritaire. Ce sont « des territoires d'intervention du

ministère de la Ville, leur liste et leurs contours ont été élaborés par le Commissariat Général à l’Égalité des Territoires.» (2014a, p. 3). La nouvelle géographie prioritaire, portée

par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, rationalise, actualise et recentre la politique de la ville au bénéfice des territoires les plus en difficulté. Afin de déterminer les 1200 quartiers prioritaires, un seul critère est retenu : la concentration de la pauvreté, calculée à partir du revenu des habitants.

- Le Contrat de ville entre l’État et les collectivités « sur la base d’un projet de

territoire coproduit et partagé à l’échelle intercommunale » (art.1 2014b), pour une durée

de 6 ans. Les Contrats de ville fixent les objectifs « chiffrés énoncés à l’article 1 de la

loi (lutte contre les inégalités, garantir l’accès aux droits, etc.) la nature des actions à conduire et les modalités opérationnelles pour y parvenir » (Liquet, 2014, p. 4).

- La co-construction des projets avec les habitants. Un Conseil Citoyen est mis en place dans chaque quartier prioritaire afin de « conforter les dynamiques citoyennes existantes et de garantir les conditions nécessaires aux mobilisations citoyennes, en favorisant l’expertise partagée, en garantissant la place des habitants dans toutes les instances de pilotage, en créant un espace de propositions et d’initiatives à partir des besoins des habitants. ».

Le transfert de compétences « Politique de la Ville » (Figure 17) est « optionnel » mais la loi encourage fortement l’exercice de cette compétence à l’échelon intercommunal (Parnaix et Joinet, 2017) :

- En la faisant figurer dans la liste imposée parmi laquelle les communautés de communes doivent choisir d’exercer au moins une compétence.

- En la faisant apparaître parmi les compétences optionnelles ouvrant droit à la perception de la dotation d’intercommunalité. L’exercice de cette compétence optionnelle est pris en compte afin

de déterminer l’éligibilité de la communauté de communes à la dotation d’intercommunalité « bonifiée »97.

Depuis 2015, le Contrat de ville98 (cadre unique de l’intervention des pouvoirs publics dans les quartiers prioritaires) relève de la compétence de l’EPCI : il réunit l’État représenté par le préfet de département, le président de l’EPCI et les maires communes concernées.

Figure 17 Répartition de la compétence « Politique de la Ville » selon la loi LAMY

Source : Ségolène Charles

Les communautés de communes par l’acquisition (via les lois NOTRe et LAMY) de compétences obligatoires et optionnelles occupent donc aujourd’hui une place majeure dans l’aménagement de l’espace communautaire et apparaissent comme un échelon incontournable du projet urbain. Alors que ses acteurs techniques et politiques ainsi que son fonctionnement ont été largement étudiés par les politistes (Desage et Guéranger, 2011 ; Guéranger, 2008, 2016 ; Le Saout, 2012 ; Le Saout et Olive, 2007, 2007 ; Richard, 2014 ; Scordia, 2017 ; Vignon, 2010, 2010), l’intercommunalité est davantage délaissée par les chercheurs en urbanisme. Son impact vis-à-vis du projet urbain, d’un point de vue opérationnel reste, en effet, peu analysé. Les recherches se concentrent sur la question du projet urbain dans un contexte métropolitain (Ascher, 1998 ; Pinson, 1999b, Arab 2007 ou 2008), et interrogent peu les effets de l’échelon intercommunal dans un contexte de petite ville.

Pour autant, certaines idées sont évoquées à travers la littérature scientifique dans ce domaine. Il apparait, tout d’abord, que l’intercommunalité insuffle une réflexion pour les territoires au-delà des limites communales et permet, par ailleurs, des évolutions remarquées par la constitution de services techniques embauchant des professionnels de l’urbain : « elle permet de disposer de moyens d’action financier et humain, d’une

97 L’article L.5214-23-1 du CGCT prévoit que les communautés de communes, dont la population est comprise entre 3 500 habitants et 50 000 habitants, peuvent bénéficier d’une dotation d’intercommunalité « bonifiée » si elles exercent au moins quatre des huit compétences suivantes : développement économique, aménagement de l’espace communautaire, politique du logement social d’intérêt communautaire, collecte et traitement des déchets, développement et aménagement sportif de l’espace communautaire, assainissement. (Parnaix et Joinet, 2017). 98 Les collectivités des territoires concernés devaient signer les Contrats de ville avant la fin du premier semestre 2015.

équipe administrative professionnalisée et d’élus spécialisés travaillant en commissions qui sont au cœur du savoir-faire intercommunal qui ne peut être le fait d’un seul individu (comme très souvent le maire dans sa commune rurale) mais d’une entreprise en nom collectif, seul à même de traiter des dossier complexes » (Vignon, 2011, p. 145).

Elle facilite, aussi, les coopérations avec des agences d’urbanisme existantes ou la création de nouvelles constituées d’EPCI adjacents. Ce genre de configuration favorise le dialogue et les synergies au-delà des périmètres initialement définis (Beslay et al., 2001). Les acteurs de l’échelle municipale ont vu leur posture évoluer face à ce nouvel échelon.

Cependant, une municipalisation des intercommunalités est aussi reprochée : « les communes appartiennent à une

structure intercommunale mais chacune d’entre elles essaie de tirer des avantages de cette construction, la dimension intercommunale restant dans bien des cas encore à construire » (Aubelle et Gibert, 2016, p. 32). Par ailleurs, il est relevé

jusqu'à la fin des années 90 que « la plupart des élus locaux font de l’intercommunalité a minima, rarement de

l’intercommunalité de projet, et ne lâchent sur la solidarité territoriale que lorsqu’ils ne peuvent plus faire autrement » (Ascher,

1998). En effet, bien que l’intercommunalité soit censée favoriser le travail entre les élus, elle ne les oblige pas forcément à travailler en « mode projet » (Bonnet, 2016b). Il est aussi souligné aussi que l’intercommunalité peut « confisque(r) la démocratie » (Desage et Guéranger, 2011), comme nous le verrons ultérieurement.

Face à ce constat a été créée en 2010 la commune nouvelle comme « alternative au modèle intégratif des transferts

de compétences qui caractérise la construction intercommunale » (Aubelle et Gibert, 2016, p. 21). En effet, la

coopération intercommunale « (…) fut conçue comme le substitut d’une politique inachevée de fusion de communes » (Aubelle et Gibert, 2016, p. 19).

5.3 La « commune nouvelle » : fusionner afin d’acquérir des

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