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4 Le montage des projets urbains participatifs dans un contexte de petite ville

4.4 L’élu et les marchés publics

La question des marchés publics, est un sujet crucial mais peu abordé dans la littérature scientifique sur la conduite des projets urbains. Celle-ci ne va pas de soi, surtout dans les petites villes ; et nous émettons l’hypothèse ici qu’elle contribue à la difficulté qu’ont les petites villes à développer les ingénieries d'études dont elles auraient besoin.

Un marché public peut se définir comme « un contrat administratif conclu à titre onéreux entre un opérateur public et

un opérateur économique pour répondre aux besoins de l’acheteur en matière de travaux, de fourniture ou de service ». Lorsque

l’élu met en œuvre un marché public, il doit respecter certains aspects : la liberté d’accès à la commande publique ; l’égalité de traitement des candidats ; la transparence des procédures. Afin de répondre aux

besoins des acheteurs publics, la législation prévoit trois types de besoins : les travaux, les fournitures et les services. Dans le cadre de notre thèse, nous nous intéresserons exclusivement au premier type de besoin : les travaux. Cette précision est importante car les règles diffèrent en fonction du type de besoin (Annexe 6).

La commande publique représente plus de 10% du PIB français et est souvent le poste de dépense le plus important, que ce soit en investissement ou en fonctionnement (Cossalter, 2016). Or, malgré l’importance de la commande publique pour les collectivités locales, les élus locaux ont une forte tendance à gérer cet « achat » de manière purement administrative, voire de déléguer totalement cette politique de l’achat à leurs services administratifs86. Patrice Cossalter dénonce la confusion courante entre l’acte d’acheter et le droit des marchés publics : « l’acte d’achat nécessite de nombreuses compétences en définition du besoin, en microéconomie, en

négociation… et accessoirement en droit des marchés publics. L’autre est un simple outil juridique édictant des règles, notamment dans le cadre de la mise en concurrence » (Cossalter, 2016, p. 17). Les dépenses courantes sont généralement

divisées en deux grandes parties : les dépenses relatives au personnel, et les dépenses relatives aux achats. La seconde est le plus souvent envisagée sous le prisme du code des marchés publics, uniquement par des juristes. Or les dépenses relatives à l’achat concernent environ 50% des dépenses des collectivités locales. Par ailleurs, le code des marchés publics depuis 2012 considère le commanditaire, y compris d'ouvrage, comme un « acheteur », ne faisant plus ainsi référence à la maîtrise d’ouvrage. Cette posture renforce cette vision technico-administrative et économique de la commande publique, quel qu'en soit l’objet.

Le terme de « commande publique » va au-delà de la notion de « marché public » : « ce terme regroupe bien sûr

les marchés publics, mais aussi les accords-cadres, et plus largement tous les contrats qui permettent directement ou indirectement à l’administration d’« acheter », de mettre en œuvre son besoin ». Le code des marchés publics porte sur le contenu

des contrats mais aussi sur les règles de passation.

Conformément à la constitution française, les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils

élus et dans les conditions prévues par la loi ». Le pouvoir de décider de conclure un marché appartient à l’assemblée

délibérante. Un élu seul ne peut avoir le pouvoir de conclure un marché que sous deux conditions (Cossalter, 2016) :

- Un texte législatif prévoit la possibilité d’accorder une délégation.

- L’assemblée délibérante a voté pour accorder la délégation prévue par les textes.

Pour les communes, la loi prévoit expressément un certain nombre de délégations à l’exécutif : le conseil municipal peut décider de déléguer au maire, pour la durée de son mandat, le pouvoir de conclure les marchés. Cette délégation n’est pas obligatoire et est décidé par le conseil municipal sur proposition du

86 Patrick Cossalter (Cossalter, 2016) propose quatre axes à prendre en compte dans l’élaboration du marché public et de la commande :

- Un choix politique et non administratif des procédures à utiliser ;

- Un choix politique et non administratif des critères de choix permettant de retenir l’offre la plus intéressante ; - Un travail de profondeur sur la simplification des documents utilisés par l’administration ;

maire87. Dans le domaine des marchés publics, l’exécutif peut se voir déléguer un certain nombre de pouvoir par l’assemblée délibérante :

- Décider de la procédure à mettre en œuvre. - Décider du type d’allotissement.

- Décider du dossier de consultation des entreprises, notamment des critères de choix. - Décider du lancement d’une procédure.

- De présider les commissions et les jurys.

- D’ouvrir les enveloppes contenant les candidatures. - De négocier (dans les procédures qui le permettent). - De décider de déclarer une procédure sans suite.

- De décider de proposer à son assemblée délibérante de l’autoriser à conclure un marché » (Cossalter, 2016, p. 66).

Dans la pratique, Patrick Cossalter (2016, p. 66) note que « s’il appartient à l’exécutif de décider les critères de choix,

généralement ces critères sont insérés dans les documents de consultation sans que l’élu ne le sache vraiment » ; « l’assemblée délibérante « prend » à l’exécutif un pouvoir qui lui appartient pourtant en propre. Ainsi, beaucoup d’administrations délibèrent pour autoriser le lancement d’une procédure, alors même que le conseil d’Etat considère qu’un tel pouvoir appartient à l’exécutif ».

Dans les petites collectivités, les élus sont peu en capacité d’appréhender les différentes procédures et leurs services dédiés à cet effet sont réduits, voire inexistants. Ainsi, « on fait systématiquement de la Procédure Adaptée

en dessous des seuils européens, systématiquement de l’Appel d’offres au-delà de ce seuil. Les textes de la commande publique ne sont pas binaires. La procédure négociée, qui est très souvent possible pour les marchés de travaux, est totalement « oubliée » dans la pratique. Ne parlons même pas du dialogue compétitif ou de la conception- réalisation » (Cossalter, 2016, p. 11).

87 « Le maire, peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (…) 4° de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres d’un montant inférieur à un seuil défini par un décret ainsi que toute décision concernant leurs avenants qui n’entraînent pas une augmentation du montant du contrat initial supérieur à 5% lorsque les crédits sont inscrits au budget » (Cossalter, 2016, p. 64).

Encadré 8 Les marchés « de gré à gré »

Les marchés de « gré à gré » sont des marchés négociés passés sans publicité et sans mise en concurrence. En dessous du seuil des 25 000 HT (depuis le 1er octobre 2015)1, l’acheteur pourra passer un marché sans formalités préalables : pas d’obligation de publicité ni de mise en concurrence.

Tableau 1 : Marchés publics et types de procédure (18 janvier 2018)

Type seuil Type d’achat Type de donneurs d’offre Marchés de gré à gré Procédures adaptées (MAPA) Procédures formalisées (Concours, AO…) Seuil type de procédure Travaux État et collectivités territoriales et leurs établissements publics Jusqu’à 25 000 HT Entre 25 000HT et 5 548 000 euros HT Au-delà de 5 548 000 HT

Source : Ségolène Charles

Nous verrons, à travers nos études de cas que, pour des micro-opérations urbaines, les élus mobilisent quasi systématiquement des procédures de gré à gré non renouvelables indéfiniment : pour une somme modeste, l’agence se retrouve alors à devoir affiner les besoins, faire un travail de programmation, mener une mission de participation et éventuellement une maîtrise d’œuvre Or, les délais proposés ne permettent pas de mener à bien avec précision ces tâches, comme cela pourrait être le cas dans un contrat à bons de commande ou un contrat avec accord-cadre, solution peu identifiée et non anticipée par les maîtres d’ouvrage de petite ville.

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