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1 L’élu local de petite ville et la participation citoyenne : un sujet d’actualité scientifique et politique

1.2 L’élu local et la participation citoyenne : un sujet peu abordé par la littérature scientifique

1.2.1 L'élu local face à l'injonction à la concertation citoyenne

En France, jusqu’au milieu des années 1970, l’implication des habitants dans les projets urbains s'exprime principalement par le terme « participation » tandis que celui de « concertation » possède une connotation plus institutionnelle et trouve sa déclinaison à travers des procédures comme la ZAC qui n’impliquent a

priori pas la population. La notion de « concertation » renvoie à des négociations entre des acteurs

institutionnels et économiques locaux autour d'un programme de valorisation foncière par une opération d'aménagement (Zetlaoui-Léger, 2013). À partir du milieu des années 70, se développe une législation visant à davantage associer les citoyens aux projets, « mettant en jeu les libertés individuelles (comme celle de la propriété) ou

ayant un impact environnemental important » (Zetlaoui-Léger 2007, p. 173). Elle impose le terme de

« concertation » dans le vocabulaire courant des acteurs politiques et professionnels pour évoquer l'idée d'associer des habitants à un projet, quel qu'en soit le niveau effectif. Loïc Blondiaux (2004) distingue deux grandes séquences législatives à cet égard :

- Au début des années 90, une série de textes emblématiques pose les grands principes de la consultation, de l’information et de la concertation avec les habitants mais ces lois n’en sont restées qu’à l’énonciation de grands principes.

- À partir de la fin des années 90, des mesures plus contraignantes sont introduites. Les textes promulgués (lois Aménagement du Territoire et Développement Durable (Voynet, 1999), Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU, 2000), Démocratie de Proximité (Vaillant, 2002) convergent pour introduire l’implication des citoyens dans la production de leur cadre de vie, en amont et tout au long des projets (Zetlaoui-Léger et al., 2013). Ces lois font naître de nombreuses

15 Enquête 2018 - Les maires de France : entre résignation et incertitude, Observatoire de la démocratie de proximité, Novembre 2018.

16 Derrière ce chiffre se dissimulent des situations très contrastées selon la taille de la commune, l’âge du maire, son ancienneté électorale ou encore la perception du sens politique donné à son action locale. Ainsi, les maires des communes de moins de 500 habitants sont 55 % à envisager l’abandon de leur mandat, contre 28 % pour les maires des communes de 5 à 10 000 habitants et 9 % pour ceux des communes de plus de 30 000 habitants.

instances citoyennes (conseils de quartiers, conseils de développement…) sans pour autant que soient précisées les modalités du dialogue entre décideurs et citoyens, ni leurs modalités de prise en considération dans l'élaboration des décisions. En 2002, la France ratifie la convention d’Aarhus de 1998 affirmant le droit à l’information et à l’accès à la justice en matière d’environnement du citoyen, ainsi que sa nécessaire participation au processus décisionnel le plus en amont possible. La Charte de l’Environnement promulguée par le Parlement français en 2005 reprend ce principe dans son article 7, et est introduite en préambule de la Constitution en 2008.

- Le vocabulaire institutionnel sur la participation évolue encore avec la loi « Lamy » du 21 février 2014 qui ambitionne de rétablir le dialogue entre les institutions et les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Compte tenu de l'affaiblissement qu'a connu la notion au cours des dernières décennies, elle promeut celui de « co-construction » en envisageant un copilotage des Contrats de ville et des projets urbains avec des Conseil citoyens.

Les préconisations en faveur du développement de la participation en France, qu'elles émanent de certains acteurs politiques, des milieux associatifs, voire des chercheurs, s'expriment souvent par la nécessité de davantage impliquer les citoyens « d’en bas » (Blondiaux, 2008), ou les « sans voix » qui sont professionnellement désocialisés et/ou qui n'ont pas le droit de vote (Carrel, 2006). Depuis le début des années 2000, les démarches participatives ne procèdent de nouveau plus seulement d'une réponse à une injonction réglementaire, ou de contestation de projets urbains peu mis en débat. Elles relèvent aussi de prises d’initiatives émanant de mouvements spontanés de porteurs de micro-projets ou de projets urbains ou architecturaux, en lien notamment avec des enjeux de développement durable considérés dans toute leur transversalité (Zetlaoui-Léger et al., 2013)17. On observe une « contre-démocratie » émanant du citoyen, constituée d’un « ensemble de pratiques de surveillance, d'empêchement et de jugement au travers desquelles la société exerce

des pouvoirs de correction et de pression » (Rosanvallon, 2006)18. Avec l’évolution de la législation, la multiplication des initiatives citoyennes, la participation devient progressivement « (…) un passage obligé dans le parcours de

l’élu local » (Ballan, Baggioni et Duch, 2009, p. 85), car, par son statut de représentant local19, l'élu joue un rôle majeur dans la prise de décision en urbanisme. Mais il l'exerce dans un contexte contemporain de crise de légitimité du politique, alors qu'il a peu été habitué à impliquer les citoyens à l'élaboration des décisions, du fait de codes de l'exercice du pouvoir très marqués par la verticalité en France. La mise en place de démarches participatives suppose donc pour nombre d'élus et de techniciens qui les accompagnent, d'opérer un « changement de paradigme » vis-à-vis de la culture politique et professionnelle dont ils ont hérité (Zetlaoui- Léger et al., 2015a, p. 225). Qu’il anticipe ou refuse cette posture sur la scène publique, l’élu local est

17 Notamment en faveur de nouveaux enjeux croisant considérations environnementales, économiques et sociales. 18 Elle suppose une volonté de contrôler les représentants et de les contraindre à respecter leurs engagements

(surveillance). Elle induit, par ailleurs, que les citoyens peuvent obliger les gouvernants à renoncer à certains projets (pouvoirs de sanction et d'empêchement) ; la souveraineté populaire se manifestant alors par le rejet ou le refus. Enfin, on assiste à la montée en puissance du peuple-juge et de la judiciarisation du politique (jugement).

19 « Ils sont élus dans le but d’agir pour l’intérêt local. Ils sont membres des organes délibérants de ces collectivités » (« Elus locaux | Collectivités locales », 2016).

conscient du « risque politique » (Blondiaux, 2008, p. 75) de la participation et craint souvent l’incertitude et les effets non maîtrisables de celle-ci.

1.2.2 L’urbanisme participatif principalement étudié du point de vue de la

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