• Aucun résultat trouvé

La « commune nouvelle » : fusionner afin d’acquérir des ressources supplémentaires

5 La nouvelle donne du portage des projets urbains avec le renforcement de l’échelon intercommunal

5.3 La « commune nouvelle » : fusionner afin d’acquérir des ressources supplémentaires

Fusion d’au moins deux communes, la « commune nouvelle » peut être créée à la demande d’au moins des deux tiers des conseils municipaux des communes d’un même EPCI (Aubelle et Gibert, 2016).

L’origine de la terminologie « commune nouvelle » renvoie au rapport de Jean-Louis Borloo « Vivre ensemble » de 1976 qui souhaitait instaurer une « démocratie locale authentique en France » (1976): « La Commission

n’a pas imaginé un système où la commune ne serait qu’une apparence ou un vestige (…) la commune nouvelle dont nous avons dessiné les tâches serait pour le citoyen si liée à sa vie quotidienne et à la qualité de cette vie qu’elle lui apparaîtra comme irremplaçable. (…) A certaines compétences d’apparence dont ils n’exercent, dans l’obscurité des procédures, qu’une partie, la Commission recommande de substituer de vraies compétences, touchant aux problèmes et aux besoins les plus pressants de l’homme et du citoyen de demain » (Aubelle et Gibert, 2016, p. 20). Cette disposition s’inscrit plus encore dans la

continuité de deux grandes tentatives de rationalisation de l’organisation des communes françaises (Aubelle et Gibert, 2016). Une première a eu lieu lors de l’établissement du cadastre en 1800 et 1850, où le relevé des

limites communales a été l’opportunité de réaliser des réunions et des séparations de communes. Une deuxième, en 1971 « a conduit à enregistrer des résultats beaucoup moins importants que ceux obtenus au cours de

l’établissement du cadastre » (Aubelle et Gibert, 2016, p. 18).

C’est Edouard Balladur, alors président du Comité pour la réforme des collectivités locales, qui va réintroduire, dans un rapport remis en 2009, la question de la commune nouvelle avec pour objectif la transformation des communautés de communes en communes nouvelles. La loi du 16 décembre 2010 a pour objectif de faciliter la fusion des communes tout en préservant « certains attributs essentiels des communes

fondatrices (nom de la commune, mairie, élus). La commune nouvelle doit permettre d’offrir de meilleurs services publics que les communes ne le font individuellement, voire même en développer de nouveaux » (Aubelle et Gibert, 2016, p. 13).

Ce dispositif a été jusqu’à 2014 relativement peu utilisé (seules 13 communes ont été créées en quatre ans) et ce pour trois raisons :

- Une première raison est juridique. La création d’une commune nouvelle ne pouvait être réalisée dans l’année qui précède un renouvellement des conseils municipaux « Compte tenu de la date de

promulgation, de la loi qui a permis d’instituer la commune nouvelle (décembre 2010) et de celle au cours de laquelle le renouvellement général des conseils municipaux est intervenu (2013), l’intervalle permettant de créer des communes nouvelles a été extrêmement réduit » (Aubelle et Gibert, 2016, p. 17)

- Une deuxième est politique. Avant la réforme des collectivités territoriales en 2012, la création des communes nouvelles faisait l’objet d’un encouragement financier conséquente (une majoration de 10% de la dotation globale de fonctionnement).

- Enfin, la dernière porte sur des dispositions d’ordre technique avec l’impossibilité de garantir le maintien de chacune des anciennes communes.

Au début de notre travail de thèse, le changement récent du périmètre de l’intercommunalité imposé par la loi NOTRe en 2015 et les incitations financières de la loi no 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes (dite loi Pélissard) a fait « l’effet d’un détonateur » auprès des maires de petites communes : 774 communes nouvelles ont été créées depuis 2010 dont 239 en 2018.

En effet, cette loi encourage la création de communes nouvelles par le maintien des dotations globales de fonctionnement sur trois ans. Si c’est un EPCI à fiscalité propre qui se transforme en commune nouvelle, elle prévoit une bonification de 5% de la dotation. Elle donne, par ailleurs, plus de places aux conseillers municipaux des anciennes communes. Ainsi, lors de la période transitoire entre la mise en place de la nouvelle collectivité jusqu’au renouvellement du conseil municipal, tous les élus municipaux constituent le conseil municipal transitoire. Les anciennes communes deviennent les communes déléguées et un maire délégué est élu par le conseil municipal de la commune nouvelle.

L’adoption par le Sénat en décembre 2018, de la proposition de loi de la sénatrice Françoise Gatel vise à créer un nouveau statut hybride de communes nouvelles dotées des prérogatives intercommunales. Ce texte permet à des communes nouvelles construites sur le périmètre d’une intercommunalité existante et

répondant aux critères de la loi (seuil de 15000 habitants…) d’adhérer ou non à une intercommunalité. Il a pour objectif, par ailleurs, d’éviter les baisses conséquences d’effectifs au sein des conseils municipaux fusionnés à l’issue des premières élections suivant la fusion. Le texte envisage, quoi qu’il arrive une diminution des effectifs après ce premier scrutin mais précise que le nouveau nombre de sièges devra être inférieur ou égal à un tiers des effectifs initiaux. L’objectif est d’accorder des marges supplémentaires afin d’inciter aux fusions : la perspective de passer soudainement de plusieurs centaines d’élus à quelques dizaines d’élus au sein des conseils municipaux freinait les désirs de regroupement de certains territoires.

Au-delà de ces encouragements financiers via un nouveau cadre législatif, Romain Pasquier (2017), politologue, distingue deux raisons et types de territoires porteurs de projets de fusion :

- Le premier cas consiste en un territoire communal ou intercommunal rural ou relativement périphérique qui cherche à fusionner afin d’acquérir des ressources supplémentaires. Il correspond à la situation de la commune C qui a remplacé les anciens établissements publics de coopération intercommunal (EPCI). Cette commune nouvelle fait elle-même partie d’une communauté d’agglomération qui fédère plusieurs communes nouvelles.

- Le second cas met en scène, au contraire, une commune ou intercommunalité centrale qui cherche à consolider ses ressources économiques et à se positionner dans le jeu de concurrence des territoires. Par exemple une communauté urbaine qui devient commune nouvelle afin de faire le poids face à d’autres communes structurantes du territoire.

Le projet urbain s'élabore donc dans un contexte institutionnel de plus en plus fragmenté par l'empilement des strates de gouvernance et la diversification des acteurs de l'urbain. L'organisation de la décision apparait dès lors d'autant plus comme une question déterminante (Bacqué et Gauthier, 2011) mais aussi comme une tâche impossible à rationnaliser. Face à ce constat, la commune nouvelle était censée « dépasser le débat stérile entre le maintien des communes ou leur rationalisation (…) : la question n’est pas celle d’un débat

aussi pauvre que stérile entre les tenants de la commune nouvelle et ceux de l’intercommunalité. Il s’agit d’une réflexion approfondie sur le bon niveau d’exercice des compétences » (Aubelle et Gibert, 2016, p. 13). La décentralisation a

confié davantage de pouvoir aux exécutifs territoriaux puis aux intercommunaux qui sont devenus « les

principaux maîtres du jeu politique local » (Cadiou, 2009, p. 155) en pesant sur les décisions communales. Ce

renforcement de l’échelon communal a pour conséquence « une concentration des pouvoirs au sein des

intercommunalités et les maires ont le sentiment de devenir les exécutants de décisions prises ailleurs »99. Même si certaines compétences comme celles du maire (lorsqu’il agit comme représentant de l’État et comme officier de police judiciaire) sont inaliénables, le transfert des compétences vers les intercommunalités laisse à l’élu municipal des compétences de plus en plus restreintes. Cette concentration pose, aussi, la question de son contrebalancement pour assurer le débat démocratique : « (…) or c’est ici que le bât blesse : les contre-pouvoirs apparaissent fragiles » (Cadiou, 2009, p. 154), que ce soit à l’échelle communale ou intercommunale.

5.4 Une absence de contre-pouvoirs à l’échelle communale et

Outline

Documents relatifs