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La fille de Théo est dans le coma, couchée sur le lit d’une chambre d’hôpital et entourée d’appareils médicaux qui la maintiennent en vie. Théo et sa femme Edith sont venus lui rendre visite à 38mn 59s du film, dans une séquence limitée à un plan fixe plaçant

le lit en premier plan, les parents en plan rapproché taille, assis derrière, à côté de l’électrocardiogramme. L’ambiance sonore de la pièce est caractérisée par le bourdonne- ment d’un souffle, caractérisant la présence de la mort, similaire à celui du couloir de l’hôpital mais plus lourd et plus grave. Dès lors, la chambre dans laquelle dort la fillette semble être la source du bruit d’ambiance que nous entendons dans le couloir à un volume plus bas. Cette identité sonore de la faucheuse est par conséquent liée à Marita et son destin fatal.

Nous retrouvons ce bourdonnement lorsque Théo, seul dans la chambre, parle à Marita dans le coma, à 53mn 11s du film. Laura vient lui suggérer de mettre un peu plus de lumière. Il refuse catégoriquement, préférant une atmosphère feutrée pour sa fille. Comme pour la précédente, cette séquence est filmée en un plan, caméra toujours placée du même côté du lit. Le cadre est divisé en deux. D’un côté le père est penché sur Marita. Il donne le

dos à l’autre partie constituée de la porte de la chambre, d’où provient et d’où repart Laura. Théo, n’ayant d’yeux que pour sa fille, son opposition à l’espace de Laura et au médicament vitaminé qu’elle lui propose est ainsi marquée par le cadre, le positionnement du person- nage et ses réactions. Quant à l’espace attribué à la fillette, il n’est plus à l’écran. Marita est d’ores et déjà « partie » hors-champ, ce qui représente l’évolution scénique la plus significa- tive par rapport à la première séquence se déroulant dans la chambre.

C’est une musique diégétique, douce, planante et mélancolique, qui fait de nou- veau apparaître Marita dans le champ, qui lui « redonne vie » en quelque sorte, dans la séquence suivante de la chambre, située à 1h 06mn 26s du film, durant laquelle Laura rend visite à la fillette. L’infirmière entre dans la pièce, une tasse de thé à la main, un magnéto- phone portatif dans l’autre et elle dirige le cadre. La caméra située au pied du lit, la suit jusqu’à ce qu’elle s’asseye, filmée en ¾ face. Elle pose le magnétophone à côté de l’électrocardiogramme et appuie sur la touche « lecture ». A partir du moment où la mu- sique, constituée du piano et du murmure d’une voix lyrique alto fluette, sort de l’appareil, la caméra amorce un mouvement lent en se rapprochant de Laura, par travelling latéral et

panoramique, jusqu’à la capter en gros plan, de profil puis de ¾ dos, et laisser enfin appa- raître progressivement la fillette en second plan, devant elle. L’objectif se focalisant d’abord

sur Laura en premier plan, la mise au point se fait sur Marita qui devient, à ce moment, l’élément visuel lié au chant, comme si la musique la faisait renaître. En tout état de cause, c’est la musique qui la fait ressurgir dans le champ, donc exister à l’image. La source de musique passe progressivement du magnétophone ambulant à l’espace sonore du film dans sa globalité et confirme son caractère extradiégétique lorsque nous changeons de séquence sur la même mélodie.

Par une translation du visuel au son, la lumière chasse la mort dans la séquence où Laura ouvre les rideaux, à 1h 22mn 07s du film. Cette scène est divisée en deux axes caméra. Dans le premier, l’objectif est dirigé vers Laura debout entre le lit et la fenêtre cachée par les rideaux que Théo souhaitait voir fermés. Dans le second, la focale est dirigée vers Marita que nous avons précédemment vue revenir dans le champ grâce à la musique. La fillette inconsciente, filmée en gros plan, dort toujours dans l’ombre, un tube l’aidant vraisemblablement à respirer. Le regard de Laura prise en plan rapproché taille, passe alternativement de la petite fille aux rideaux. Finalement, elle se décide et les ouvre d’un coup sec, laissant les rayons du soleil pénétrer la pièce et éblouir Marita qui se met à gémir

dans une image dès lors surexposée, puis, par raccord dans l’axe, dans un plan plus large dans lequel nous voyons également le corps de la fillette bouger. La fin du bourdonnement sonore est synchrone avec l’intensification lumineuse soudaine, comme si la lumière chas- sait les funestes ténèbres caractérisées par le son. Prise de panique, Laura en gros plan referme aussitôt les rideaux. Le niveau de lumière s’amenuise significativement et le bour- donnement sonore revient, associant directement la sonorité de résonance grave du souffle aux ténèbres mais surtout, indirectement, à l’état de santé de Marita.

En effet, nous constatons que cette sonorité se sera amenuisée avec son décès, dans la séquence où Laura la prépare pour les funérailles, dans sa chambre d’hôpital, à 1h 25mn 27s du film, sous un bourdonnement de souffle moins fort qu’auparavant. Cette séquence se base sur deux axes et un insert de Marita de face, en plan rapproché poitrine. Dans le premier axe, Laura, debout entre le lit et quelques appareils médicaux, nettoie Marita. Dans le second, la caméra entre, se rapproche de Laura et, l’angle du mur s’écartant, nous laisse découvrir la fillette. Il s’agit de Marco qui entre dans la chambre et s’assied sur

un tabouret. Laura s’accoude sur le lit. Désormais dans un champ contre-champ dans lequel la caméra se rapproche similairement d’eux jusqu’à finir en plan rapproché poitrine respec- tif, tous deux regardent Marita. En fin de séquence, Marco s’en va et Laura reprend son travail, dans un cadre qui ne bouge pas et un dernier souffle, dernière vibration de l’âme de la fillette se faisant plus lointaine qu’auparavant.

Ce vrombissement disparaît totalement dans la dernière séquence durant la- quelle nous voyons Marita allongée en premier plan sur son lit de mort, sous une lumière verdâtre et un environnement général sombre, à 1h 30mn 31s du film. Théo, statufié, le regard dans le vide, est assis en second plan, à côté du lit, près de l’électrocardiogramme éteint, le visage éclairé par une source lumineuse plus neutre. Le plan est fixe et, surtout, au son, plus de bourdonnement sonore. L’esprit de cette petite fille aura été définitivement emporté. Comme les premières fois, cette séquence est filmée en un plan unique.

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