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De quelques fondements théoriques à la musique occidentale

Sur la notion de ton

« Pendant longtemps, on a donc appréhendé comme son musical tout son qu’on pouvait chanter en portant sa voix à une hauteur déterminée ; quant au reste, il était pensé comme bruiteux, même s’il n’était pas nécessairement bruyant, c’est-à-dire comme un son non musical, qu’on était obligé de tolérer – par exemple, en raison de l’imperfection de la facture des instruments –, mais sans s’y attarder » 106.

Par ce constat, Solomos fait référence à la notion de ton comme source de l’harmonie musicale occidentale, dont le musicologue allemand Johannes Lohmann date l’avènement à l’époque helléniste : « l’élément radicalement nouveau, qui n’est advenu que par la musique grecque – et grâce auquel, on n’y insistera jamais assez, a été fondé et rendu

possible quelque chose de tel que la « musique » au sens propre – […] désigné au premier

chef par le mot grec tóvoç [ton] » 107, dont le philosophe et mathématicien grec, Pythagore

(580 av. J.-C. – 495 av. J.-C.) serait à l’origine. Il précise que « la réalité proprement dite dans la musique grecque est le système des tonoi […] c’est un système de position, dans lequel seulement les valeurs abstraites idéales des niveaux de tons (dynameis) sont mises en position. Le tonos au sens technique constitue la réalité musicale proprement dite, et cela dès le début » 108. C’est ainsi qu’ « en remontant au fondement théorique de la musique

occidentale en amont de l’invention de la notation solfégique », Solomos retient « qu’il s’est produit une géométrisation progressive de la musique, dont l’acte de naissance est marqué par l’analyse pythagoricienne des intervalles musicaux en termes de proportions numériques obtenues grâce à l’étude des tensions d’une corde ainsi que par le Traité harmonique d’Aristoxène de Tarente qui introduit la notion de topos » 109.

105 SOLOMOS, Makis. op. cit., p. 114. 106 Ibid., p. 92.

107 LOHMANN, Johannes. Mousiké et Logos: Contributions à la philosophie et à la théorie musicale grecques.

Mauvezin : Trans Europ Repress, 1989, p. 44.

108 Ibid., p. 72.

A ce titre, la musicologue Marie-Elisabeth Duchez explique que « dans le chant grégorien des dix premiers siècles, […] pour guider efficacement l’exécution et l’apprentissage du chant, il a fallu élaborer une notion abstraite, la notion de hauteur de son, notion rationnelle quantifiable, absolument nouvelle alors, et dont les conséquences pour l’avenir de la musique furent considérables » 110. La philosophie grecque a pour finalité de

« rationaliser le surnaturel, d’y mettre un ordre humain », indique Solomos selon lequel, « apporter la raison, le logos en musique, c’est, précisément, délimiter, dans les sons, un aspect quantifiable, mesurable – la hauteur – grâce auquel on peut comparer les sons et les mettre en relation les uns avec les autres. Se construit ainsi l’édifice nommé Harmonie, ce qui n’y entre pas étant renvoyé au Chaos » 111.

Soulignons toutefois que la datation de l’émergence du ton est soumise à con- troverses. Des musicologues comme Andrew Barker ou Marina Scriabine (1911 – 1988) rappellent que des théories musicales existaient en Chine bien avant la Grèce antique : « qu’il s’agisse du Li-ki ou de Livre des rites, des Mémoires historiques de Seu-ma Ts’ien, la musique est toujours considérée comme harmonie, dans le sens de accord, union » 112. Par

ailleurs, la découverte de tablettes cunéiformes à divers endroits du Moyen Orient et, en particulier, la tablette hourrite révélant L’hymne de Nykkal, vraisemblablement la plus ancienne, datant d’environ 3400 ans, excavée à Ras Shamra (en Ougarit, près de Lattaquié, ville portuaire de Syrie) lors de la fouille menée par une mission archéologique française en 1955, laissent apparaître une théorie musicale babylonienne que la professeure en assyrio- logie Anne Draffkorn Kilmer 113, la musicologue blege Marcelle Duchesne-Guillemin (1907 –

1997) 114 ou, plus récemment, l’ethonomusicologue Richard Dumbrill 115, s’évertueront à

comprendre, chacun y allant de ses hypothèses de transcriptions en notation occidentale.

110 DUCHEZ, Marie-Elisabeth. La notion musicale d’élément « porteur de forme ». Approche historique et

épistémologique. Dans : MC ADAMS, Stephen et DELIEGE, Irène, La Musique et les sciences cognitives. [S. l.] : Editions Mardaga, 1 janvier 1989, p. 287.

111 SOLOMOS, Makis. op. cit., p. 93.

112 SCRIABINE, Marina. La musique et la Chine ancienne. Revue française de sociologie. 1962, Vol. 3, no 4,

p. 398‑406.

113 Cf. KILMER, Anne Draffkorn. The discovery of an ancient Mesopotamian theory of music. Place of publication

not identified : publisher not identified, 1971.

114 Cf. DUCHESNE-GUILLEMIN, Marcelle. Déchiffrement de la musique babylonienne: relazione svolta nella

seduta del 15 aprile 1977. Roma : Accademia nazionale dei Lincei, 1977 ; DUCHESNE-GUILLEMIN, Marcelle. A Hurrian musical score from Ugarit: the discovery of Mesopotamian music. Malibu, CA : Undena Publications, 1984.

Par conséquent, le ton, comme point de divergence originelle entre bruit et mu- sique, ne fait pas simplement référence à la hauteur d’un son, puisque la sensation de hauteur peut très bien être fournie par un timbre comme celui du vent dans un tunnel, du grincement d’une porte, d’un aspirateur ou de n’importe quelle sonorité périodique ou semi-périodique constituée d’harmoniques greffées à une fréquence fondamentale ou d’un bruit dit « gelé », à savoir composé de la répétition très rapide d’un même fragment sonore, donnant l’impression d’un son mélodique continu, comme Philippe Lalitte l’indique :

« Si l’on soumet un bruit blanc à une modulation périodique d’amplitude, le stimulus ob- tenu ne diffère pas spectralement d’un bruit blanc non modulé. Néanmoins, une sensa- tion de hauteur tonale est provoquée par un tel stimulus, celle-ci étant corrélée à la fré- quence de modulation. Ceci explique pourquoi il est possible d’entendre une hauteur à l’écoute d’un moteur d’automobile. La périodicité du moteur en action lui confère une hauteur tonale » 116.

D’ailleurs, dès 1913, Russolo note dans son manifeste futuriste L’art des bruits, au sujet « des bruits de machines », que « tous les bruits produits par les mouvements de rotation sont, dans leur élévation ou diminution de ton, constamment enharmoniques. Cette élévation ou diminution de ton est, naturellement, en liaison directe avec l’augmentation ou la diminution de la vitesse » 117.

Le ton, comme passerelle du bruit à la musique, implique ce que Duchez appelle une « spatialisation représentative du caractère morphophorique grave-aigu » 118, impliquant

une « carte », un « plan » ou, disons, une structuration logique de hauteurs de sons « qui fut déterminante pour la conception, la manipulation et la notation du son musical » 119 : « la

notion de hauteur n’est pas une donnée immédiate de la perception, mais une construction rationnelle à partir d’une perception privilégiée, celle du caractère musical préférentiel grave-aigu » 120. Comme Solomos le précise :

115 Cf. DUMBRILL, Richard J. The Archaeomusicology of the Ancient Near East. Victoria, B.C. : Trafford Publis-

hing, 14 septembre 2005.

116 LALITTE, Philippe. Aspects acoustique et sensoriel du bruit. Filigrane. Mai 2011, no 7,

p. http://revues.mshparisnord.org/filigrane/index.php?id=216.

117 RUSSOLO, Luigi. L’art des bruits. Lausanne : L’Age d’homme, 2001, p. 80.

118 DUCHEZ, Marie-Elisabeth. La notion musicale d’élément « porteur de forme ». Approche historique et

épistémologique. Dans : MC ADAMS, Stephen et DELIEGE, Irène, La Musique et les sciences cognitives. [S. l.] : Editions Mardaga, 1 janvier 1989, p. 293.

119 Ibid. 120 Ibid., p. 289.

« Ce qui intéresse les Grecs n’est pas la hauteur en soi, mais le concept d’intervalle et de

ton, dans son sens originel, qui inclut l’idée de tension – tension d’une corde notam-

ment : on sait que la théorie grecque est construite autour de l’instrument à corde. L’invention de l’intervalle et du ton pose la métaphysique du son musical, qui fera dire à certains spécialistes que les Grecs ont inventé la musique » 121.

En résumé, nous retiendrons les deux traductions françaises de la notion origi- nelle du terme tóvoç (ton), que propose l’archéologue et philologue française, Annie Bélis : « “espace” sonore, lorsqu’il désigne l’écart maximum entre deux sons, grave et aigu, que puissent produire une voix ou un instrument ; et “lieu”, lorsqu’il s’agit des limites du dépla- cement des sons mobiles du tétracorde, au sens où nous disons un “lieu” géométrique » 122.

Sur la distinction établie entre bruit et musique

« La sensation, irrégulièrement variable, que l’oreille éprouve dans le bruit, nous amène à supposer que l’ébranlement aérien correspondant doit être aussi d’une nature irrégu- lière et variable, et que, par contre, les sons musicaux sont dus à un mouvement égal, régulier, qui doit lui-même trouver son origine dans les ébranlements réguliers du corps sonore dont l’atmosphère transmet les secousses. […] Ce sont des vibrations, c’est-à- dire un mouvement de va-et-vient du corps sonore, et ces vibrations doivent être régu- lières, périodiques. Par mouvement périodique, nous entendons celui qui, dans des pé- riodes rigoureusement égales, repasse toujours exactement par les mêmes états » 123.

Par ces observations, le physiologue et physicien allemand, Hermann Ludwig Ferdinand Von Helmholtz (1821 – 1894), établit que « la sensation du son musical est causée par des mouvements rapides et périodiques du corps sonore ; la sensation du bruit, par des mouvements non périodiques » 124.

Pour rappel, un son périodique est défini par la vibration régulière d’un élément, tel une corde ou les parois d’un instrument à vent, sur une fréquence fixe située dans le

121 SOLOMOS, Makis. De la musique au son : L’émergence du son dans la musique des XXe-XXIe siècles. Rennes :

PU Rennes, 4 juillet 2013, p. 93.

122 BELIS, Annie. Aristoxène de Tarente et Aristote: le traité d’harmonique. [S. l.] : Klincksieck, 1 janvier 1986,

p. 135.

123 HELMHOLTZ, Hermann von. Théorie physiologique de la musique, fondée sur l’étude des sensations audi-

tives. Trad. par Georges GUEROULT et Auguste Desiré Bernard WOLFF. [S. l.] : Paris, V. Masson et fils, 1868, p. 10‑11. [Consulté le 9 décembre 2015]. Disponible à l’adresse : http://archive.org/details/thoriephysiolo00helm. ML 3820 .H44 1868.

champ de nos facultés de perception auditive, à savoir de 20 à, pour les oreilles les plus jeunes, environ 20 000 mouvements de va-et-vient par seconde dits hertz 125 (soit 20 Hz à

20 000 Hz), contractions et dilatations successives et identiques de l’environnement, qui se propagent jusqu’à nos oreilles. Un mouvement unique de compression-décompression est appelé « cycle » ou « période ». La continuité de ses oscillations forme une onde sonore dite « pure », représentée par une courbe soit sinusoïdale, soit dite typique 126, définie en fonc-

tion de son intensité, sa fréquence et sa phase.

Si le son est constitué par d’autres vibrations ou « partiels », il forme une onde désignée non plus comme « pure » mais comme « complexe ». Les partiels dont la fréquence est un multiple entier de la fréquence de l’onde fondamentale sont les harmoniques supé- rieures de cette dernière. Dans ce cas de figure, le son demeure périodique puisque la somme des harmoniques forme toujours des périodes fixes qui se répètent continuellement. C’est ainsi que les instruments mélodiques tout comme les sons voisés du langage articulé produisent des sons périodiques complexes.

En revanche, si les fréquences respectives des ondes pures qui composent l’onde complexe ne sont pas des multiples entiers de la vibration fondamentale, alors le son n’est plus en mesure de former une périodicité fixe et immuable. Il devient donc non périodique. Il désigne les sons dissonants ou, plus largement, les bruits qui sont par nature des sons complexes non périodiques.

Solomos note que « toute musique déborde de bruits, mais seule la musique d’aujourd’hui les revendique comme tels. Par le passé, les théoriciens cherchaient à les exclure du champ musical, se fondant sur l’opposition frontale entre bruit et musique. […] est pensé comme bruit ce qui n’est pas considéré comme musique » 127. C’est ainsi qu’au XIXe

siècle, le philosophe et musicologue autrichien, Eduard Hanslick (1825 – 1904), distingue clairement la musique du bruit :

« Le murmure du ruisseau, le clapotement de la vague, le mugissement de l'avalanche et de l'ouragan n’auraient-ils pas été l’occasion et le prototype de la musique humaine ?

125 « Unité de fréquence correspondant à une période par seconde (abrév. : Hz) », « du nom du physicien all.

Heinrich Hertz [1857-1894] », dans : HERTZ : Définition de HERTZ [en ligne]. [S. l.] : [s. n.], [s. d.]. [Consul- té le 9 avril 2017]. Disponible à l’adresse : http://cnrtl.fr/definition/hertz.

126 Généralement « carrée », « triangulaire » ou « en dents de scie », selon le type d’onde.

127 SOLOMOS, Makis. De la musique au son : L’émergence du son dans la musique des XXe-XXIe siècles. Rennes :

Les gazouillements, les sifflements, les fracas qui se produisent à tout instant autour de nous n’auraient-ils rien eu de commun avec notre matière musicale ? — Non, certes […]. Toutes ces manifestations de la nature sont exclusivement des bruits, c'est-à- dire des vibrations aériennes se succédant à intervalles irréguliers. Ce n’est que rare- ment, et d’une façon isolée, que la nature émet ce qu’on peut appeler un son [mélo- dique], c’est-à-dire le produit de vibrations régulières et mesurables ; et le son [mélo- dique] est le fondement de toute musique. Les bruits de la nature peuvent bien impres- sionner fortement ou charmer notre âme : ils ne nous acheminent point à la musique. Le chant des oiseaux lui-même, le plus riche phénomène sonore que nous trouvions dans la nature, n’a rien à voir avec les éléments de notre art, car il n'est pas réductible aux in- tervalles de nos gammes » 128.

Dans le même esprit, Helmholtz explique que :

« Pendant la durée d’un bruit, il se produit une rapide succession de sensations auditives différentes. Qu’on s’imagine successivement le bruit d’une voiture roulant sur le pavé, le murmure et le grondement d’une chute d’eau ou des vagues de la mer, le bruissement des feuilles dans la forêt. Ici, nous avons partout une succession rapide et irrégulière, mais facilement reconnaissable, de sonorités distinctes éclatant par secousses. Dans le gémissement du vent, la succession est lente, le son traîne lentement et monte peu à peu pour redescendre ensuite. Dans la plupart des autres bruits, la distinction des diffé- rentes sonorités qui se succèdent sans relâche, est plus ou moins bien accentuée […]. En revanche, une sensation musicale apparaît à l’oreille comme un son parfaitement calme, uniforme et invariable : tant qu’il dure, on ne peut distinguer aucune variation dans ses parties constitutives. Il lui correspond, par conséquent, une sensation simple et d’une nature régulière, tandis que, dans un bruit, de nombreuses sensations auditives sont ré- gulièrement mélangées, et se heurtent l’une à l’autre » 129.

Selon Solomos, le fondement de cette distinction tient, entre autres, « à la facul- té de l’auditeur, qu’ont cultivée de nombreuses traditions musicales à reconnaître, dans les sons périodiques – malgré la part de non-périodicité qu’ils contiennent –, un élément complexe : une hauteur de son, c’est-à-dire ce que l’on nomme une “note” » 130.

128 HANSLICK, Eduard. Du beau dans la musique. Essai de réforme de l’esthétique musicale. [S. l.] : Paris,

Brandus, 1877, p. 109‑110. [Consulté le 15 décembre 2015]. Disponible à l’adresse : http://archive.org/details/dubeaudanslamusi00hans. b3153830.

129 HELMHOLTZ, Hermann von. op. cit., p. 10. 130 SOLOMOS, Makis. op. cit., p. 92.

Une absence séculaire de recherche physique sur le son

Les raisons de cette distinction semblent d’ordre historiques, comme le docteur en histoire des sciences et techniques, spécialiste de l’acoustique, François Baskevitch, le constate : « lorsqu’on cherche les textes qui traitent de la nature physique du son, on est confronté à une première difficulté, c’est la faible place qui lui est accordée par les savants, de l'antiquité à la période moderne »131.

Comme le remarque le compositeur italien de musique contemporaine, Giacinto Scelsi (1905 – 1988) :

« La musique classique occidentale a consacré pratiquement toute son attention au cadre musical, à ce qu’on appelle la forme musicale. Elle a oublié d’étudier les lois de l’énergie sonore, de penser la musique en termes d’énergie, c’est-à-dire de vie, et ainsi, elle a produit des milliers de cadres magnifiques, mais souvent assez vides, car ils n’étaient que le résultat d’une imagination constructrice, ce qui est très différent de l’imagination créatrice. Les mélodies mêmes passent de sons en sons, mais les inter- valles sont des abîmes vides car les notes manquent de l’énergie sonore » 132.

De plus, comme Solomos le souligne :

« La métaphysique du son qui s’était construite avec les grecs autour de la notion d’harmonie postulait une essence du son qui, progressivement, s’est décantée dans la construction de la notion de hauteur, de note. Cette construction est métaphysique au sens littéral : la note y renvoie à autre chose qu’elle-même. Vécue comme langage de l’âme, la musique s’empara de et développa cette notion […]. L’acoustique helmo- holtzienne constitua le point d’aboutissement de cette construction : en postulant que le son musical est fondé sur l’identité (la répétition, la périodicité), Helmholtz tente d’accorder une existence physique à une abstraction mathématique » 133.

Rappelons toutefois qu’avant Helmholtz, le fondateur de l’acoustique musicale, Joseph Sauveur (1653 – 1716), fait ressortir les ondes stationnaires d’une corde en vibra-

131 BASKEVITCH, François. Les représentations de la propagation du son, d’Aristote à l’Encyclopédie [en ligne].

Histoire des Sciences et des Techniques. Nantes : Université de Nantes, 20 octobre 2008, p. 13. Disponible à l’adresse : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00423362/document.

132 SCELSI, Giacinto et KANACH, Sharon. Les anges sont ailleurs... Arles : Actes Sud, 9 juin 2006, p. 131. 133 SOLOMOS, Makis. op. cit., p. 168.

tion 134, et le mathématicien français Joseph Fourier (1768 – 1830) met en évidence la suite

des harmoniques d’un son mélodique en 1822, dans sa série de fonctions périodiques 135. En

outre, si Helmholtz « tente d’accorder une existence physique à une abstraction mathéma- tique », c’est pour mieux confirmer cette dernière, rendre palpable physiquement la pério- dicité du son mélodique telle qu’elle aura été découverte abstraitement, en précisant que :

« La première et la plus importante différence entre les sensations auditives, est celle qui existe entre les bruits et les sons musicaux. Le bourdonnement, le gémissement, le sifflement, du vent, le murmure de l’eau, le roulement d’une voiture sur le pavé, sont des exemples de la première espèce de sensation auditive, les sons de tous les instru- ments de musique donnent l’exemple de la seconde espèce » 136.

Le savant s’inscrit dans la logique adoptée par les périodes classique et roman- tique, excluant, en théorie, les bruits de la musique, comme Solomos le remarque : « La théorie musicale s’autonomise en s’affranchissant de l’acoustique. […] La tonalité atteint son niveau d’équilibre, la hauteur – et tout ce qui lui est lié : accords, fonctions tonales… – devenant reine » 137.

En somme, il y aurait autant de différence entre musique et bruit qu’entre un dessin architectural et un paquet de parpaings, les scientifiques ayant axé leurs études sur les plans, pas sur les parpaings. Or, bruits et parpaings relèvent de la physique, en l’occurrence et respectivement de l’acoustique et du matériau de construction. L’autre relève des mathématiques, en l’occurrence respectivement de la géométrie et de l’arithmétique, d’une part, et de la musique en soi, d’autre part.

Afin de dissoudre tout étonnement relatif au rapprochement entre musique et mathématiques, souvenons-nous simplement qu’à l’instar des arts libéraux du trivium 138, la

134 SAUVEUR, Joseph. Rapport des sons des cordes d’instruments de musique aux flèches des cordes: et

nouvelle détermination des sons fixes. Dans : ACADÉMIE DES SCIENCES (dir.), Histoire de l’académie royale des sciences: année M.DCCXIII. Paris : de l’Imprimerie Royale, 1739, p. 324‑350. Mémoires de l’Académie Royale.

135 Cf. FOURIER, Jean Baptiste Joseph. Oeuvres de Fourier: Publiées par les soins de Gaston Darboux. [S. l.] :

Cambridge University Press, 18 avril 2013.

136 HELMHOLTZ, Hermann von. Théorie physiologique de la musique, fondée sur l’étude des sensations audi-

tives. [S. l.] : Paris, V. Masson et fils, 1868, p. 10.

137 SOLOMOS, Makis. op. cit., p. 99.

138 [Dans les universités du Moyen Âge] Ensemble des trois premiers arts libéraux (grammaire, rhétorique et

dialectique) qui composaient le premier cycle des études universitaires dans les facultés des Arts ou la Philosophie. Mot latin signifiant « carrefour de trois voies ». Dans : TRIVIUM : Définition de TRIVIUM [en ligne]. [S. l.] : [s. n.], [s. d.]. [Consulté le 5 mars 2017]. Disponible à l’adresse : http://cnrtl.fr/definition/trivium.

musique intègre ceux du quadrivium 139, nom que Boèce (480 – 524) donne aux disciplines

mathématiques grecques inculquées aux romains durant le Haut Moyen Age, et que ce philosophe et politicien latin perpétue à travers son traité De institutione musica, ou Traité

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