• Aucun résultat trouvé

Dans ce chapitre, j’ai identifié les trois principaux facteurs de perturbations que subira le suiveur de franges de GRAVITY : le piston atmosphérique et des vibrations instrumen- tales induiront des fluctuations des différences de marche sur les six bases de l’instrument, et des variations en tip-tilt des faisceaux provoqueront des pertes de couplages dans les fibres monomodes des recombinateurs de faisceaux, et génèreront des fluctuations de flux dans les franges d’interférence.

J’ai ensuite étudié la contribution spectrale et énergétique de chacune de ces pertur- bations typiques du site de Paranal, par l’analyse de mesures publiées dans la littérature. Enfin, à partir de ces étude, j’ai modélisé ces trois types de perturbations pour des condi- tions d’observation typiques du VLTI.

Ces modèles me permettent ainsi de reproduire des séquences temporelles de pertur- bations typiques de celles que le suiveur de franges de GRAVITY rencontrera. L’ensemble des simulations numériques que j’ai réalisées est basé sur ces modèles.

Chapitre 3

Algorithmes du suiveur de franges

de GRAVITY

J’ai analysé dans la partie précédente les différents types de perturbations que le sui- veur de franges de GRAVITY sera amené à compenser (turbulence et vibrations instru- mentales) ainsi que celles qui sont susceptibles de limiter sa performance (fluctuations des flux injectés). Dans ce chapitre, j’aborde le cœur du suiveur de franges : j’y détaille les al- gorithmes qui sont utilisés pour corriger au mieux ces perturbations dans l’environnement précédemment décrit.

Après une brève présentation de la structure globale de l’algorithme, j’en décrirai la partie consacrée à l’estimation des différences de marche entre les télescopes. Je détaillerai ensuite les deux différents types de contrôle permettant de calculer les corrections à appli- quer aux actionneurs en piston. Enfin, je décrirai les différents choix stratégiques à adopter en temps réel qui permettent d’adapter la réponse du suiveur de franges en fonction du diagnostic de l’état du système.

3.1

Architecture globale du suiveur de franges

Dans cette partie, je vais décrire le squelette global de l’algorithme de suivi de franges de GRAVITY, afin de permettre une bonne compréhension des différentes fonctions abor- dées dans les parties suivantes. Je vais tout d’abord décrire brièvement l’environnement informatique dans lequel évolue le suiveur de franges. Je présenterai ensuite les principales sous-fonctions qui structurent l’algorithme.

3.1.1 Environnement matériel du suiveur de franges

Le suiveur de franges n’est qu’un sous-système de la structure complexe de GRAVITY, instrument lui-même dépendant de l’architecture du VLTI. Dans ce jeu de poupées russes, il est bon d’identifier clairement la hiérarchie à laquelle est soumis le suiveur de franges : quels sont les éléments qui lui sont propres, quels sont les éléments sur lesquels il a le contrôle, et de quels éléments il dépend.

Éléments propres au suiveur de franges

La fonction première du suiveur de franges est d’appliquer des corrections à des ac- tionneurs en piston à partir d’une image des interférences d’une source de référence, dans

le but de stabiliser les différences de marche entre quatre télescopes. Il y a donc trois éléments que l’on peut considérer comme propres au suiveur de franges :

– un détecteur, dont la fonction est de détecter les franges d’interférence obtenues sur l’étoile de référence ;

– un calculateur temps-réel, qui calcule les corrections en piston appropriées à partir des informations déduites des franges ;

– quatre actionneurs en piston, qui appliquent les corrections calculées de façon à stabiliser les différences de marche.

Il est à noter que les actionneurs en piston sont des miroirs mobiles à la fois en tip- tilt et en piston. Leur orientation en tip-tilt, asservie de façon à stabiliser l’inclinaison des faisceaux grâce à la caméra de guidage de GRAVITY (voir chapitre précédent), est cependant indépendante de leur position en piston, et par conséquent leur fonction « tip- tilt » n’est pas prise en compte par le sous-système du suiveur de franges.

La transmission des images du détecteur au calculateur, et des commandes du calcu- lateur aux actionneurs se fait par des liens directs entre ces trois composants. Le schéma de principe de cette architecture est présenté en figure 3.1. À ce niveau, le calculateur temps-réel est une boîte noire, qui sera décrite ultérieurement.

Figure 3.1 – Schéma des éléments propres au suiveur de franges.

Hiérarchie dans l’environnement informatique de GRAVITY

En dehors de ces composants propres au suiveur de franges, ce sous-système commu- nique et utilise des ressources partagées avec d’autres sous-systèmes. La figure3.2présente la place du suiveur de franges dans l’environnement informatique de GRAVITY.

N’étant pas un instrument indépendant, le fonctionnement du suiveur de franges est assujetti à des commandes venant de l’OS – Operating System – de GRAVITY, maître d’œuvre informatique de tout l’instrument, qui articule l’opération de tous les sous-systèmes les uns par rapport aux autres, via un réseau privé consacré aux besoins de l’OS. En retour, le suiveur de franges doit publier certaines des grandeurs qu’il calcule, pour trois principales raisons :

– informer en permanence l’OS de GRAVITY de son état ;

– transmettre certaines de ces grandeurs à d’autres sous-systèmes en temps réel ; – permettre l’archivage de certaines grandeurs, qui seront utilisées ultérieurement par

le logiciel de réduction de données.

La communication de ces données publiques en temps réel se fait via une RMN –

Reflective Memory Network – un réseau dédié à ce type de transfert, permettant la com-

munication en temps réel de données entre plusieurs calculateurs à une fréquence de 1 GHz. Un système d’enregistrement sauvegarde systématiquement toutes les données transitant par ce réseau, permettant ainsi d’archiver ces mesures.

Les actionneurs en piston du suiveur de franges ont une course limitée à 30 µm (Pfuhl 2009). Des commandes de désaturation sont envoyées en continu aux lignes à retard du

VLTI, pour éviter une perte de stabilisation des différences de marche si l’un de ces ac- tionneurs arrive en bout de course.

Enfin, pour tout transfert de données internes qui n’ont pas besoin d’être publiques (données de calibration, variables temporaires . . . ), le suiveur de franges utilise de préfé- rence une base de données en ligne dynamique.

Figure 3.2 – Schéma de la hiérarchie du suiveur de franges dans l’environnement informatique de GRAVITY.

On peut noter qu’en pratique, GRAVITY et le VLTI ont chacun une RMN qui leur est propre, et que les commandes de désaturation des actionneurs doivent être transmises aux lignes à retard du VLTI via la RMN du VLTI, alors que toutes les autres données publiques ne transitent que par celle de GRAVITY.

3.1.2 Architecture globale de l’algorithme

Après avoir décrit les principaux composants propres au suiveur de franges et le cadre informatique dont il dépend, intéressons-nous maintenant à la structure de l’algorithme utilisée pour stabiliser les différences de marche.

D’un point de vue global, j’identifie trois fonctions indépendantes les unes des autres dans l’algorithme :

– la première, le senseur de phase, sert principalement à estimer les différences de marche entre chaque paire de télescopes à partir de l’image des franges interférences acquises par le détecteur ;

– la dernière, le contrôleur, sert à calculer les commandes en piston à envoyer aux actionneurs ;

– la fonction intermédiaire, la machine d’état, permet d’évaluer l’état du suiveur de franges à partir des estimations du senseur de phase, et adapte la réponse du contrô- leur en fonction de cette évaluation.

Physiquement, le suiveur de franges de GRAVITY est constitué de deux calculateurs temps-réel différents (architecture préconisée par l’ESO). Le senseur de phase est localisé dans le premier calculateur, la machine d’état et le contrôleur dans le second. Les données utilisées par les deux calculateurs sont transmises de l’un à l’autre via la RMN. La figure3.3

représente l’architecture globale de l’algorithme.

Dans les paragraphes suivants, je commencerai par détailler les parties de l’algorithme fonctionnant en boucle fermée (le senseur de phase et contrôleur), qui correspond à l’état

Figure 3.3 – Schéma de l’architecture principale de l’algorithme du suiveur de frange, dans l’environnement informatique de GRAVITY.

principal du suiveur de franges, celui qui permet de stabiliser les franges. Je décrirai ensuite la machine d’état et les états secondaires du contrôleur.