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3.2 Le senseur de phase

3.2.4 Estimation du retard de groupe

Explication qualitative

C’est pour pallier à cette indétermination que les franges sont dispersées par le spec- tromètre sur cinq canaux spectraux. Supposons dans un premier temps que les différences de marche entre les télescopes sont indépendantes de la longueur d’onde. Le pas des in- terférences étant défini par la longueur d’onde, on comprend donc qu’à une différence de marche donnée, les phases différentielles ψt

b,l= 2πδbt/λl des différents canaux spectraux à

la longueur d’onde λl seront toutes différentes sauf si la différence de marche est nulle.

De plus, cet écart de phase différentielle entre les canaux spectraux est proportionnel à δt b

(voir illustration en figure3.6). On voit donc intuitivement que l’on peut mettre à profit ce phénomène et déterminer précisément la différence de marche en comparant les différents canaux spectraux.

Algorithme d’estimation du retard de groupe

Cette estimation se fait de façon plus formelle et plus précise dans l’espace des phases. Pour cela, j’utilise le formalisme basé sur le calcul du produit spectral croisé, tel que décrit parPedretti et al.(2005) et dérivé des techniques d’interférométrie à deux longueurs d’onde (Polhemus 1973).

Ainsi, à partir des cohérences complexes Ct b,l = ℜ

[

Cb,lt ]+ iℑ[Cb,lt ] de chaque base b ∈ [1, Nb] et de chaque canal spectral l ∈ [1, Nλ], reconstruites grâce au vecteur de flux

estimé à l’équation 3.11, je calcule le produit spectral croisé Xt

b,l,l+1 entre deux canaux

spectraux adjacent l et l + 1, défini tel que :

Xb,l,l+1t = Cb,lt Cb,l+1tb ∈ [1, Nb] , l ∈ [1, Nλ− 1]. (3.27)

On voit grâce à l’équation3.20(dans sa version dispersée) que la phase χt

b,l,l+1de ce terme

se développe en :

Figure 3.6 – Illustration de franges dispersées : l’intensité est représentée en fonction de la différence de marche pour cinq longueurs d’onde différentes. À première vue, les paquets de frange semblent identiques, mais en fait les franges ont un pas légèrement différent pour chaque canal spectral représenté. On voit qu’à la différence de marche nulle (trait en pointillés au centre), les intensités sont maximales quelle que soit la longueur d’onde : c’est la frange blanche centrale. À une différence de marche de 5 µm, on voit que les états d’interférences sont très différents selon la longueur d’onde : à λ = 2, 0 µm (en rose) l’interférence se fait sur une frange sombre, alors qu’à

λ = 2, 4 µm (en bleu) elle se fait sur une frange brillante. La courbe noire représente les franges

non dispersées, somme des cinq canaux spectraux représentés. où : Xb,l,l+1t = Xb,l,l+1t exp ( iχtb,l,l+1), (3.29) avec σl et σl+1 les nombres d’onde moyens des deux canaux spectraux croisés. Ainsi, en

définissant la longueur d’onde de battement Λl,l+1telle que :

Λl,l+1= 1 σl− σl+1 (3.30) = λlλl+1 λl+1− λl (3.31)

avec λl et λl+1 les longueurs d’onde moyennes des deux canaux spectraux, j’estime la

différence de marche δt

b,l sur la base b pour chaque paire de canaux spectraux adjacents

par :

δb,lt = Λl,l+1 χ

t

b,l,l+1 l ∈ [1, Nλ− 1]. (3.32)

Enfin, je calcule l’estimation finale de la différence de marche δG t

b sur la base b ∈ [1, Nb]

(retard de groupe) par la moyenne pondérée de ces valeurs sur les différents spectres croisés : δbG t= −1 ∑ l=1 Xb,l,l+1t δtb,l −1 ∑ l=1 Xb,l,l+1t . (3.33)

Cette moyenne pondérée permet d’une part d’augmenter la précision de l’estimation par rapport aux estimations individuelles δt

b,l de chaque paire de canaux spectraux, et d’autre

part de tenir compte du spectre de la source et de l’instrument, qui peut induire des différences de flux entre les canaux spectraux et ainsi dégrader la précision de l’estimation

finale. De plus, le fait de moyenner les différences de marche individuelles plutôt que de sommer les produits spectraux croisés dans l’espace complexe puis d’en extraire la phase permet de tenir compte des différences de longueur d’onde entre chaque canal spectral et ainsi d’améliorer l’exactitude de l’estimation.

Enfin, on peut noter que les différences de marche δt

b,l sont estimées modulo Λl,l+1.

Compte-tenu de la résolution R = 22 du suiveur de franges de GRAVITY, les différences de marche finales sont donc estimées modulo ∼ 48 µm, de l’ordre de la longueur de cohérence des interférences dispersées (cf. équation 3.25). Ce domaine de validité de l’es- timation permet ainsi de mesurer la différence de marche sans ambiguïté, quelle que soit l’importance des fluctuations induites par le piston atmosphérique (de l’ordre de 10 µm rms) et par les vibrations (de l’ordre de 300 nm rms).

Comparaison de deux estimateurs de retard de groupe

Le choix de cet estimateur de retard de groupe résulte d’une étude que j’ai mené au préalable, dans laquelle j’ai comparé son efficacité à celle de l’estimateur de retard de groupe utilisé par le suiveur de franges de PRIMA (Sahlmann et al. 2009) et auparavant par la suiveur de franges de PTI –Palomar Testbed Interferometer– qui n’est actuellement plus opérationnel (Colavita et al. 1999).

Cet algorithme consiste à calculer par chaque base b la transformée de Fourier discrète des Nλ cohérences complexes dispersées Cb,lt . Le retard de groupe est alors défini par la

fréquence à laquelle le module de ce spectre est maximal (voir les références précédentes pour plus de détails).

Pour les comparer, j’ai effectué des simulations de suivi de franges utilisant ces deux algorithmes à partir de séquences de perturbations identiques, pour différents rapports signal-sur-bruit. La figure 3.7 présente les résultats de ces simulations numériques. On constate que l’algorithme basé sur la transformée de Fourier discrète est moins efficace que celui détaillé dans le paragraphe précédent. Les franges sont moins bien stabilisées à bas rapport signal-sur-bruit lorsque l’estimateur de retard de groupe est plus souvent sollicité qu’à bas rapport signal-sur-bruit, en raison de pertes de flux dans les faisceaux plus fréquentes.

Ainsi, dans la suite j’utiliserai exclusivement l’algorithme d’estimation du retard de groupe basé sur le produit spectral croisé.