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3.2 Le senseur de phase

3.2.6 Estimation de la précision de mesure

Je montrerai dans la partie suivante qu’avoir en temps réel une estimation de la préci- sion des mesures de différence de marche permet d’optimiser la stabilisation des franges, en jouant sur les relations de clôture de phase qui relient les bases entre elles. C’est donc également la tâche du senseur de phase que d’estimer la précision sur ces différences de marche.

Origine du bruit sur les images

Pour ce faire, il est crucial de connaître parfaitement les caractéristiques du détecteur utilisé. En effet, deux sources principales sont à l’origine des imprécisions de mesures : le bruit de photons, et le bruit de lecture de la caméra. De plus, dans le cas de photo-diodes à avalanche telles que celles qui composeront le détecteur du suiveur de franges de GRAVITY (matrice de photo-diodes à avalanche infrarouge de SELEX, Finger et al. 2010), le bruit de photons peut être légèrement amplifié d’un facteur Fapd, proche de l’unité. Connaissant

itération t, j’estime donc, d’une part, la variance σt Q i

2 sur les intensités Qt

i en bande large

par :

σQ it 2 = Fapd2 Qti+ 10 σ2ron, (3.39) et d’autre part, la variance σt

q i,l

2 sur les intensités dispersées qt

i,l sur le canal spectral l

par :

σq i,lt 2 = Fapd2 qi,lt + 10 σron2 . (3.40)

La première partie de ces équations correspond à une estimation du bruit de photons amplifié par le facteur d’excès Fapd, la seconde correspond à l’estimation du bruit de

lecture de la caméra. Dans la première équation, le facteur 10 correspond au nombre de pixels additionnés pour obtenir les signaux Qt

i : cinq canaux spectraux, étalés sur deux

pixels de la caméra. Dans la seconde équation, le facteur 10 correspond au nombre d’images consécutives additionnées pour obtenir les signaux qt

i,l : cinq images ajoutées, également

étalées sur deux pixels.

Estimation du bruit sur le retard de phase

Pour estimer finement la précision sur les différences de marche, il faut tenir compte des imperfections instrumentales du recombinateur en optique intégrée, dont les transmissions sur chaque sortie ne sont pas toujours très équilibrées, et dont les déphasages en quadrature ne sont pas parfaitement de 90◦. Pour cela, j’utilise l’outil statistique des matrices de

covariance du bruit.

Ainsi, en négligeant les termes de covariance entre les intensités des pixels des images, je définie Σt

Q la matrice diagonale de covariance des intensités en bande large :

ΣtQ = diag(σtQ i2)i∈[1,N

p]. (3.41)

Je calcule alors la matrice de covariance Σt

F des flux incohérents et cohérents Ft grâce à

la P2VM en bande large par :

ΣtF = P2VM ΣtQP2VMT. (3.42)

Pour calculer la variance sur les phases différentielles ψt

b = arg

( Ct

b

)

des six bases b définies dans l’équation3.26, j’utilise le formalisme suivant, développé parWilliams et al.

(2006) (voir illustration en figure3.10).

Considérons pour l’instant un unique vecteur complexe ~C de phase ψ, de coordonnées

X = [ℜ( ~C), ℑ( ~C)] dans le repère complexe, et de coordonnées Y = [|C|, 0] dans le repère

(O, ~α, ~β), avec ~α en phase et ~β en quadrature avec ~C. Ces coordonnées se déduisent de X

par la relation :

Y = Θ(ψ)X, (3.43)

avec la matrice de rotation orthogonale :

Θ(ψ) = [ cos ψ sin ψ − sin ψ cos ψ ] . (3.44)

Connaissant la matrice de covariance ΣX du bruit dans le repère complexe, la matrice de

covariance ΣY du bruit dans ce repère s’estime alors simplement par la relation :

Figure 3.10 – Estimation de la précision sur la mesure de la phase d’un vecteur complexe : connaissant la dispersion σβ du vecteur sur l’axe β (grâce à la matrice de covariance dans le repère complexe et à la matrice de changement de repère) et sa norme |C|, on en déduit la précision de mesure sur la phase du vecteur : σψ= arctan|C|σβ.

Le bruit σψ sur la phase se déduit du second terme de la diagonale, σβ2, correspondant à

la variance du bruit sur l’axe ~β par la relation :

σψ = arctan

σβ

|C|. (3.46)

Ce formalisme se généralise facilement à une collection de vecteurs complexes selon

Williams et al. (2006). Pour estimer le bruit σP t δ = [ σP t δ b ]T b∈[1,Nb]

sur les différences de marche à la longueur d’onde moyenne, j’extrais la matrice Σt

C 12 × 12 inférieure droite de

Σt

F contenant les parties réelles et imaginaires des cohérences, et je calcule la matrice de

covariance Σt

Y du bruit dans le repère en-phase-quadrature de chaque cohérence complexe :

ΣtY = ΘtΣtCΘt T, (3.47)

avec la matrice Θt diagonale par bloc4 :

Θt= [ Ct St −St Ct ] , (3.48) où : Ct= diag(cos ψbt) b∈[1,Nb] , (3.49) et St= diag(sin ψbt) b∈[1,Nb] . (3.50)

J’estime ainsi le vecteur des écarts-types σP t

δ sur les différences de marche à partir du

vecteur σt 2

β des six derniers termes de la diagonale de la matrice ΣtY :

σP tδ = λ0 arctan ( σtβ |Ct| ) , (3.51) avec Ct= [Ct

b]Tb∈[1,Nb]le vecteur des cohérences complexes en bande large.

4. Il est à noter que la forme de Θt est légèrement différence de celle généralisée parWilliams et al. (2006), car elle est adaptée à la construction par bloc de la matrice Σt

Estimation du bruit sur le retard de groupe

L’estimation de la précision sur les mesures de différence de marche du retard de groupe se fait de façon similaire. À partir des variances σt

q i,l

2 des intensités estimées

(équation 3.40), je construis la matrice de covariance des intensités pour chaque canal spectral l :

Σtq l = diag(σq i,lt 2)i∈[1,N

p], (3.52)

et j’en déduit la matrice de covariance Σt

F l des flux incohérents et cohérents Flt :

ΣtF l= P2VMlΣtQP2VMTl, (3.53)

à partir des matrices P2VMl de chaque canal spectral.

Les 2 × 6 derniers termes diagonaux de cette matrice de covariance donnent une es- timation de la variance du bruit sur les parties réelles σt 2

ℜ[C] b,l et imaginaires σt 2ℑ[C] b,l

respectivement des cohérences complexes de chaque base b sur chaque canal spectral l. J’estime la variance du bruit sur les parties réelles σt 2

ℜ[X] b,l,l+1 et imaginaires σt 2ℑ[X] b,l,l+1

du produit spectral croisé Xt

b,l,l+1entre les canaux spectraux l et l + 1 respectivement par

les relations :

σℜ[X] b,l,l+1t 2 = ℜ[Cb,l+1t ]2σℜ[C] b,lt 2 + ℜ[Cb,lt ]2σℜ[C] b,l+1t 2

+ ℑ[Cb,l+1t ]2σt 2ℑ[C] b,l+ ℑ[Cb,lt ]2σt 2ℑ[C] b,l+1 (3.54)

σt 2ℑ[X] b,l,l+1 = ℑ[Cb,l+1t ]2σt 2ℜ[C] b,l+ ℑ[Cb,lt ]2σℜ[C] b,l+1t 2

+ ℜ[Cb,l+1t ]2σℑ[C] b,lt 2 + ℜ[Cb,lt ]2σℑ[C] b,l+1t 2 . (3.55)

Pour chaque paire de canaux spectraux adjacents (l, l + 1), je construis la matrice de covariance Σt

X l,l+1 par bloc des produits spectraux croisés correspondants :

ΣtX l,l+1=   diag(σℜ[X] b,l,l+1t 2 ) 0 0 diag(σt 2 ℑ[X] b,l,l+1 )  , (3.56)

de façon à estimer la matrice de covariance du bruit Σt

Y l,l+1des produits spectraux croisés

dans le repère en-phase-quadrature :

ΣtY l,l+1 = Θtl,l+1ΣtX l,l+1Θt Tl,l+1, (3.57)

avec Θt

l,l+1 la matrice des rotations d’angles égaux aux phases χtb,l,l+1 des produits spec-

traux croisés : Θtl,l+1= [ Ctl,l+1 Stl,l+1 −Stl,l+1 Ctl,l+1 ] , (3.58) où : Ctl,l+1= diag(cos χtb,l,l+1) b∈[1,Nb] , (3.59) et Stl,l+1= diag(sin χtb,l,l+1) b∈[1,Nb] . (3.60)

J’estime le bruit σt

δ l,l+1sur les différences de marche mesurées sur chaque paire de canaux

spectraux adjacents (équation3.32) en extrayant le vecteur σt

β l,l+1des six derniers termes

diagonaux de Σt

Y l,l+1, variances sur les axes de quadrature, par :

σδ l,l+1t = Λl,l+1 arctan   σt β l,l+1 Xl,l+1t  . (3.61)

Enfin, j’estime la précision σG t

δ sur les différences de marche (retard de groupe) calcu-

lées par l’équation3.33 par :

σG tδ = v u u t −1 ∑ l=1 Xb,l,l+1t 2 σδ l,l+1t 2 −1 ∑ l=1 Xb,l,l+1t . (3.62)

Bruit sur les différences de marche à corriger

Pour finir, étant donné que la différence de marche servant à calculer les commandes aux actionneurs correspond soit au retard de phase soit au retard de groupe selon la valeur de cette dernière (voir équation 3.38), j’associe de la même manière à cette grandeur une estimation du bruit correspondant, pour chacune des six bases b ∈ [1, Nb] :

σtδ b= { σP tδ b si −λ0 2 ≤ δbG tλ 0 2 σG t δ b sinon . (3.63)

Ces estimations instantanées du bruit sur les différences de marche permettent d’éva- luer la précision de leur mesure. Elle peut en effet varier significativement entre deux ité- rations, en fonction des variations de flux sur les télescopes et de la différence de marche résiduelle. J’utiliserai ces estimations du bruit de mesure dans la suite pour améliorer la stabilisation des franges.