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4.2 Simulations du suiveur de franges de GRAVITY

4.2.5 Discussion sur ces simulations

L’efficacité du contrôleur Kalman

De manière générale, ces simulations me permettent de confirmer le fait que le contrô- leur Kalman est adapté à corriger les perturbations de différence de marche rencontrées par un suiveur de franges, et qu’il est particulièrement efficace pour corriger des vibrations instrumentales, contrairement aux intégrateurs classiques.

En effet, à haut rapport signal-sur-bruit, il est quasiment insensible au niveau de perturbation, quelle que soit l’importance des vibrations, et permet de stabiliser les franges à des résidus plus faibles qu’un intégrateur. Cependant, pour des magnitudes élevées, la tendance s’inverse car l’efficacité du contrôleur Kalman est limitée par la précision du modèle de perturbation sur lequel il est basé : dès lors que les différences de marche mesurées au préalable avec un intégrateur ne sont pas stabilisées à moins de λ/4, les vibrations n’y sont pas précisément identifiées. De même, la capacité de prédiction du contrôleur Kalman, qui pourrait être un avantage en présence de pertes de flux régulières, est fortement inhibée par les imprécisions du modèle, qui l’empêchent de calculer des commandes appropriées dans ces conditions.

J’ai cependant montré que ces phénomène peut être en partie limité en calculant le modèle à partir de mesures sur une étoile plus brillante. Cette méthode permet en effet de reconstruire les perturbations à partir de résidus plus stables et donc moins bruités. Le modèle qui en découle est alors plus en accord avec les vraies perturbations, notamment pour les vibrations. Les performances relatives du contrôleur Kalman sont alors d’autant meilleures que les vibrations sont fortes, en comparaison avec les intégrateurs.

Performances par rapport aux spécifications de GRAVITY

J’ai déjà évoqué dans le chapitre1que GRAVITY était entièrement dimensionné pour l’observation de l’environnement du trou noir super-massif au centre de notre Galaxie, et que l’étoile la plus brillante à moins de 2′′ de cette cible était IRS 16C, seule étoile

susceptible de servir de référence au suiveur de franges de GRAVITY pour étudier le centre galactique. Cette étoile de magnitude K = 9, 7 sert donc de base aux spécifications du suiveur de franges, à savoir :

« Pour des conditions médianes de turbulence sur le site du VLTI, en considé- rant un tip-tilt résiduel des faisceaux de 15 mas rms à l’entrée du recombina- teur, le suiveur de franges de GRAVITY doit être capable, par l’observation d’une étoile de magnitude K = 10 avec les UTs, de stabiliser les franges

1. à moins de 300 nm rms, sans tenir compte des vibrations instrumentales, en supposant qu’elles s’ajouteront aux résidus de façon incohérente (ob- jectif : 200 nm rms) ;

2. à moins de 350 nm rms, supposant que les vibrations au VLTI seront réduites à un niveau de 150 nm rms en différence de marche quand GRA- VITY sera opérationnel (objectif : 250 nm rms). »

Les simulations que j’ai présentées dans cette partie ont été réalisées de façon à être aussi fidèles que possible aux conditions réelles d’observation que rencontrera le suiveur de franges de GRAVITY. Les conditions de ces deux spécifications correspondent aux résultats présentés respectivement en haut à gauche et au milieu à gauche des figures 4.2

et 4.3. Les performances simulées pour une étoile de magnitude 10 sont regroupées dans le tableau 4.4.

Par ces simulations, je démontre donc que le contrôleur Kalman permet d’atteindre les deux spécifications du suiveur de franges de GRAVITY, lui donnant une marge de près de 70 nm rms et 40 nm rms sur les deux limites spécifiées. L’intégrateur avec contrôle sur les pistons limite également les résidus à moins de 300 nm rms en l’absence de vibrations, mais les deux intégrateurs échouent à stabiliser les franges au niveau demandé par la spécification en présence de faibles vibrations. Le contrôleur Kalman est donc d’un intérêt crucial pour permettre l’observation du centre galactique avec GRAVITY.

Cependant, je montre également que les résultats obtenus pour les conditions spécifiées sont à la limite des performances du contrôleur Kalman. Elles dépendent principalement de la réduction du niveau de vibrations actuel des UTs, sans quoi les franges ne pourront pas être stabilisées à moins de 830 nm rms à magnitude 10, et ne seront stabilisées à 350 nm rms qu’aux magnitudes inférieures à 9. De même une moins bonne stabilisation du tip-tilt ou une atmosphère plus turbulente diminuent systématiquement la sensibilité du suiveur de franges.

DDM résiduelle (nm rms)

Contrôleur Sans vibr. Vibr. spécifiées Vibr. actuelles

Intégrateur (×4) 279 411 830

Intégrateur (×6) 366 383 898

Kalman (Nm= 5 000) 228 308 986

Spécification 300 350 -

Objectif 200 250 -

Tableau 4.4 – Performances simulées du suiveur de franges pour une étoile de magnitude K = 10, avec 15 mas rms de tip-tilt résiduel des faisceaux, et 10 µm rms de turbulence atmosphérique, pour différents contrôleurs.

Enfin, ces résultats ont été obtenus en simulant une réponse instantanée des actionneurs de piston, tandis que la bande passante à 3 dB de ceux utilisés par GRAVITY est de 220 Hz. Ce paramètre aura relativement peu d’impact pour suivre les franges à magnitude 10 tel qu’attendu par les spécifications puisqu’une fréquence de boucle de 300 Hz au maximum est nécessaire pour collecter suffisamment de flux pour estimer les différences de marche avec précision. Par contre cette bande passante limitée atténuera les performances du suiveur de franges pour l’observation d’étoiles plus lumineuses, pour lesquelles une cadence plus élevée est en théorie optimale et permet d’augmenter la bande passante du contrôleur. On peut déjà estimer que les performances du suiveur de franges seront affectées pour des fréquences de boucle supérieures à ∼ 500 Hz, soit pour des magnitudes inférieures à 8–9 selon les conditions d’observation. De plus, aux basses magnitudes, il faudra également tenir compte de la réponse des actionneurs lors du calcul du modèle de perturbations : on a déjà eu un aperçu dans les précédentes simulations de l’effet d’un modèle ne se rapportant pas correctement aux véritables perturbations. Il sera donc important de déconvoluer la réponse des actionneurs avant l’identification des perturbations à partir des séquences en boucle pseudo-ouverte, pour ne pas sous-évaluer l’énergie des vibrations ou biaiser le modèle de la turbulence. Enfin, pour optimiser le calcul des commandes aux actionneurs dans le cas d’une fréquence de boucle élevée, il faudrait idéalement que la réponse des actionneurs soit prise en compte par le contrôleur Kalman lui-même, tel que décrit par