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Résultats détaillés des simulations

4.2 Simulations du suiveur de franges de GRAVITY

4.2.2 Résultats détaillés des simulations

Je présente dans la figure 4.2 le fruit de ces simulations réalisées pour un niveau de perturbation atmosphérique moyen, c’est-à-dire avec un niveau de différence de marche de 10 µm rms, correspondant à un seeing de 1′′. Les fréquences optimales correspondantes

sont présentées en figure 4.4. La figure 4.3 ne présente quant à elle que les performances des intégrateurs et du contrôleur Kalman dont le modèle est identifié sur 5 000 points, sur une échelle de résidus plus petite.

Influence de la taille de la séquence en boucle pseudo-ouverte

Tout d’abord, on peut noter que de manière générale le contrôleur Kalman est d’autant plus efficace que la séquence en boucle pseudo-ouverte utilisée pour identifier le modèle de perturbation est grande. Cette constatation est d’autant plus vraie à fort niveau de bruit : grandes magnitudes, tip-tilt résiduel et/ou niveau de vibrations important, où l’on voit clairement le bénéfice d’un grand nombre de points pour calculer le modèle.

En effet, plus il y a de mesures dans la séquence en boucle pseudo-ouverte, meilleur est le rapport signal-sur-bruit du spectre de perturbations reconstruit, et meilleure est leur identification. Il est d’autant plus utile d’avoir un grand nombre de points dans le mo- dèle pour bien identifier les composantes des perturbations aux basses fréquences, comme certaines vibrations, ou pour améliorer le modèle de la turbulence sur un large domaine spectral.

Dans l’absolu, on ne peut cependant pas augmenter indéfiniment le nombre de points utilisé pour identifier le modèle de perturbations. Il a en effet une durée de validité li- mitée, en particulier pour les vibrations dont les caractéristiques varient lentement (sur des échelles de quelques secondes à quelques minutes), selon la force et la direction du vent, ou l’orientation des télescopes. Ainsi, utiliser des séquences trop longues en boucle pseudo-ouverte pourrait entraîner une mauvaise identification des vibrations (par exemple identifier une vibration très amortie au lieu d’une vibration très piquée dont la fréquence dérive avec le temps).

Quoi qu’il en soit, ces variations temporelles des perturbations ne sont pas prises en compte dans ces simulations. J’aurai l’occasion de reparler de l’influence de ce phénomène dans les parties 4.3et 4.4.

Figure 4.2 – Différences de marche résiduelles en fonction de la magnitude de l’étoile, obtenues pour chaque contrôleur, pour un niveau médian de piston atmosphérique (10 µm rms en différence de marche). Les simulations ont été réalisées sous deux niveaux de tip-tilt résiduel : 15 mas rms (gauche) et 20 mas rms (droite) par pupille ; et trois niveaux de vibrations différents : pas de vibrations (haut), faible niveau de vibrations de 150 nm rms par base (milieu), et niveau de vibrations actuel avec les UT allant de 240 à 380 nm rms selon la base considérée (bas). La droite horizontale en pointillés représente un niveau résiduel de 350 nm rsm, correspondant à la spécification du suiveur de franges de GRAVITY sur une étoile de magnitude K = 10.

Figure 4.3 – Gros plan de la figure4.2, présentant les différences de marche résiduelles obtenues avec les intégrateurs et le contrôleur Kalman basé sur un modèle de perturbations à 5 000 points.

Figure 4.4 – Fréquence de boucle optimale en fonction de la magnitude de l’étoile obtenue pour chaque contrôleur, avec les mêmes conditions d’observation que pour les figures4.2et4.3. Le palier à 1 kHz est une limite des simulations, la plage des fréquences simulées s’étendant entre 100 et 1000 Hz.

Influence du niveau de vibration

À haut rapport signal-sur-bruit (jusqu’à K ∼ 9), on voit très clairement l’intérêt du contrôleur Kalman par rapport aux intégrateurs : tandis que les résidus de différence de marche obtenus avec les intégrateurs sont dominés aux basses magnitudes par le niveau moyen de vibrations, le contrôleur Kalman y est lui quasiment insensible, stabilise les franges à 120 nm rms maximum à magnitude K = 6, et à moins de λ/10 jusqu’à K = 8, 5 (dans les conditions les plus défavorables). En l’absence de vibration, le contrôleur Kalman présente des performances très similaires aux intégrateurs, et corrige donc la turbulence atmosphérique aussi efficacement que les contrôleurs classiques.

Cet avantage du contrôleur Kalman en présence de fortes vibrations est bien entendu donné par son utilisation d’un modèle des perturbations, qui lui permet (lorsqu’elles sont correctement modélisées) de corriger de façon indépendante la turbulence atmosphérique et chacun des pics de vibration, en anticipant l’état de chacune de ces composante, tandis qu’un contrôleur intégral classique ne fait que les atténuer en fonction de leur fréquence et de sa bande passante.

À magnitude élevée, les performances des intégrateurs et du contrôleur Kalman dimi- nuent très rapidement. Cela est dû à la combinaison de deux causes :

– pour garder un rapport signal-sur-bruit raisonnable, la fréquence de boucle doit être diminuée pour collecter suffisamment de photons. Or réduire la fréquence a un impact direct sur la bande passante du système qui dès lors compense moins les hautes fréquences ;

– les variations de tip-tilt se traduisent par des pertes de flux régulières sur les ouver- tures. Or la perte d’un télescope fait non seulement perdre l’avantage de la redon- dance entre les mesures de différence de marche fournie par les relations de clôture de phase, mais gaspille un tiers du flux issu des autres télescopes dans une recom- binaison où le signal est de toute façon trop faible pour estimer avec précision le piston correspondant.

De plus, à bas rapport signal-sur-bruit, le contrôleur Kalman est moins robuste que les intégrateurs, même en présence de fortes vibrations. Cette inversion de tendance est due à l’utilisation d’un modèle de perturbation incorrect par le filtre Kalman. En effet, j’ai rappelé précédemment que ce modèle de perturbation est calculé à partir d’une séquence acquise au préalable en boucle fermée en utilisant un contrôleur intégral, qui sert de base pour reconstruire la séquence de perturbations correspondante en boucle pseudo-ouverte. Or si les franges ne sont pas stabilisées correctement lors de ces séquences préliminaires, la séquence de perturbation reconstruite n’est plus suffisamment représentative de la per- turbation réelle, et par conséquent le modèle utilisé par le contrôleur Kalman n’est plus approprié.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’algorithme Kalman est moins robuste que les intégrateurs dès lors que ces derniers stabilisent les franges à des résidus supérieurs à ∼ λ/4 (soit ∼ 550 nm). Ce niveau de stabilité correspond en effet à celui que l’on mesurerait en boucle ouverte pour une différence de marche aléatoire de distribution gaussienne, quel que soit son écart-type tant qu’il est supérieur à λ/4, comme l’explicite la figure 4.5. Ainsi, utiliser une séquence aussi peu stabilisée pour reconstruire les perturbations en boucle pseudo-ouverte a deux conséquences : elle conduit d’une part à un modèle à faible rapport signal-sur-bruit peu représentatif des perturbations. D’autre part, l’estimation incorrecte du bruit sur les différences de marche affectera directement le calcul du gain du contrôleur

Kalman, qui ne sera dès lors plus optimal puisque basé sur une statistique gaussienne erronée.

Figure 4.5 – Écart-type estimé de la phase d’une série aléatoire de nombres complexes suivant une distribution gaussienne de moyenne nulle, en fonction du véritable écart-type simulé. On voit que si un terme de phase n’est pas stable à moins de 180◦rms, son écart-type est filtré à une valeur

constante de ∼ 103◦ (soit λ/3, 5 en différence de marche) par la conversion en nombre complexe.

Simulation réalisée sur des séries de 10 000 nombres complexes de module unitaire.

Influence du tip-tilt résiduel

Pour des magnitudes brillantes, les deux niveaux de tip-tilt simulés ont peu d’influence sur les performances des contrôleurs. En effet, la fraction de temps à rapport signal-sur- bruit trop faible est très petite car le nombre de photons collectés par les télescopes est suffisamment important pour éviter les pertes de flux qui empêcheraient une estimation précise de la différence de marche sur les différentes bases.

À faible rapport signal-sur-bruit et à fort niveau de tip-tilt, les performances du suiveur de franges sont dégradées de façon similaire pour les intégrateurs comme pour le contrôleur Kalman. Alors qu’on s’attendrait à ce que le contrôleur Kalman soit plus robuste grâce à sa capacité de prédire l’état des perturbations par l’utilisation d’un modèle, il n’en est rien et il est tout autant affecté par les pertes de flux que les intégrateurs. Là encore, sa robustesse est limitée par l’imprécision sur l’estimation des perturbations en boucle pseudo-ouverte avec un intégrateur classique, qui n’est pas particulièrement robuste aux pertes de flux. De façon globale, l’augmentation du niveau de tip-tilt de 15 à 20 mas rms induit la perte d’une demi-magnitude en sensibilité du suiveur de franges, quel que soit le contrôleur utilisé.

Influence de la turbulence atmosphérique

Pour estimer la performance du suiveur de franges en présence de fort piston atmo- sphérique et analyser la robustesse des contrôleurs, j’ai réalisé des simulations identiques, mais avec un niveau de différence de marche atmosphérique de 15 µm. Considérant un modèle de turbulence de Von Kàrmàn avec une échelle externe de la turbulence de 100 m, cela correspond à un fort seeing de 1,7′′(Conan et al. 2000). La figure4.6présente le résul-

pointillés rappellent les résidus calculés avec 10 µm de turbulence atmosphérique. Une vue détaillée de ces résultats est présentée en figure 4.7 avec seulement les deux intégra- teurs et le contrôleur Kalman utilisant un modèle à 5 000 points. Les fréquences optimales déterminées par ces simulations sont présentées dans la figure 4.8.

À haut rapport signal-sur-bruit le suiveur de franges est peu sensible à cette forte turbulence : jusqu’à K ∼ 8, les intégrateurs et le contrôleur Kalman ne perdent qu’environ 30 nm rms en stabilité sur les différences de marche et corrigent donc encore parfaitement la turbulence et les vibrations.

À bas rapport signal-sur-bruit, la sensibilité du suiveur de franges est globalement réduite d’une demie à une magnitude par rapport aux conditions atmosphériques médianes, quel que soit le contrôleur utilisé.

Ces tendances sont similaires pour les deux niveaux de tip-tilt et trois niveaux de vibrations simulés.