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4.3 Comparaison du contrôleur Kalman et du VTK

4.3.1 Présentation de l’algorithme VTK

Le VTK est un algorithme issu de la famille des contrôleurs actifs de vibrations, qui ont été largement étudiés lors des deux dernières décennies pour diverses applications dans l’industrie (Sievers & von Flotow 1992;Fuller & von Flotow 1995). Depuis la découverte que les vibrations des télescopes au VLT sont un problème majeur pour exploiter au mieux la résolution offerte par les UTs, cet algorithme a été successivement adapté au contrôle de vibrations longitudinales pour le suivi de franges au VLTI avec FINITO (Di Lieto et al. 2008), et au contrôle de vibrations en tip-tilt pour le système d’optique adaptative de l’instrument de deuxième génération du VLT MUSE (Muradore et al. 2012). Cependant, bien que le VTK soit implémenté au VLTI et qu’il puisse être utilisé avec les deux suiveurs de franges actuellement opérationnels, il n’est utilisé avec FINITO qu’occasionnellement sur demande de l’utilisateur, et n’a encore pas eu l’opportunité d’être utilisé avec le suiveur de franges de PRIMA.

Cet algorithme permet de corriger un jeu de vibrations dont on connaît grossièrement les fréquences propres au préalable à 1 Hz près, et fonctionne en parallèle à un intégrateur classique qui sert à compenser la turbulence atmosphérique à large bande. Pour chaque vibration ciblée, il génère une commande basée sur deux sinusoïdes en quadrature de phase à la fréquence de la vibration, et décalées d’une phase qui dépend à la fois du retard pur du contrôleur et du résidu de vibration mesuré. De plus, il utilise une boucle à verrouillage de phase pour mettre à jour la fréquence de la vibration à chaque itération, permettant ainsi de s’adapter à des variations temporelles des harmoniques (Wu & Bodson 2003). Enfin, lorsqu’une perte de flux est détectée, le signal généré est atténué progressivement jusqu’à ce que le rapport signal-sur-bruit soit suffisamment élevé pour permettre d’estimer à nouveau avec précision les résidus de différence de marche.

On peut déjà énumérer plusieurs différences d’architecture entre le contrôleur Kalman et l’algorithme VTK :

– le VTK ne peut apporter de correction que sur de fines bandes spectrales autour de fréquences prédéfinies. Il ne peut donc corriger que des vibrations et nécessite obligatoirement de fonctionner en parallèle avec un contrôleur bande large classique pour compenser la turbulence atmosphérique, tandis que le contrôleur Kalman peut traiter des perturbations sur des bandes larges comme sur des bandes étroites (vi- brations et turbulence) dans la mesure où elles sont correctement modélisées ; – le contrôleur Kalman pondère la correction de chaque perturbation de façon statis-

tiquement optimisée selon leur énergie et le bruit de mesure du système grâce à son vecteur de gain, tandis que le VTK calcule ses corrections directement sans tenir compte du rapport signal-sur-bruit sur les résidus de différence de marche ;

– le VTK peut adapter ses corrections à des variations temporelles des paramètres des vibrations (changement de fréquence ou d’amplitude), tandis que les corrections du contrôleur Kalman sont figées sur un modèle fréquentiel fixe, « photographie »

des paramètres du modèle autorégressif d’ordre deux des perturbations sur une une dizaine de secondes.

Les deux algorithmes ont aussi une similitude : tout deux ont besoin d’un a priori sur les perturbations qu’ils corrigent, par l’acquisition d’une séquence en boucle pseudo-ouverte pour le contrôleur Kalman, et en fixant manuellement le nombre de vibrations à corriger et leur fréquence à 1 Hz près pour le VTK (ce qui pourrait être automatisé par une acquisition en boucle pseudo-ouverte comme pour le contrôleur Kalman).

4.3.2 Description des simulations

Pour pouvoir comparer les deux algorithmes, j’ai donc adapté l’algorithme VTK en langage IDL, dans sa configuration actuellement utilisée au VLTI, avec l’aide et les conseils avisés de Nicola di Lieto et de Lorezo Pettazzi.

Simulation des images

La plupart des paramètres que j’ai utilisés dans ces simulations sont les mêmes que ceux décrits dans la partie précédente. Je ne vais donc présenter ici que les différences.

Seuls deux faisceaux recombinés sur une base ont été simulés. En effet, bien que FI- NITO (pour lequel le VTK est utilisé) permette de suivre les franges de trois télescopes, les différences de marche ne sont stabilisées que sur deux bases sur trois, en n’envoyant de commandes qu’à deux lignes à retard, et sans utiliser la relation de clôture de phase entre les trois télescopes pour améliorer le contrôle. Ainsi, les deux bases sont stabilisées aveuglement l’une de l’autre, comme si l’on utilisait indépendamment deux paires de té- lescopes et non un triplet. J’ai donc simulé la même architecture, en isolant seulement une base de ce schéma. Ainsi, tout le flux incohérent de chaque télescope est utilisé pour cette recombinaison (au lieu d’être divisé en trois dans le cas de GRAVITY pour être recombiné en trois bases).

Les franges sont échantillonnées sur quatre pixels en quadrature de phase, de la même façon qu’en partie 4.2, en utilisant les déphasages imparfaits de la base 1-2 (voir ta- bleau 4.3). Du bruit de photons amplifié d’un facteur FAP D = 1, 5 et du bruit de lecture

de 4√2 e−rms sont ajoutés à chaque image. Les simulations sont également réalisées dans la bande K à 2,2 µm. Cependant, pour simplifier la comparaison, les images sont calculées sur l’ensemble de la bande K, sans dispersion spectrale. Aucune estimation du retard de groupe n’est donc calculée, et les brusques sauts de franges risquent donc de ne pas être détectés. Cependant, on verra par la suite que cette architecture simplifiée permet malgré tout de comparer les algorithmes Kalman et VTK de plusieurs points de vue.

Enfin, je simule une fréquence de boucle de 2 kHz afin d’utiliser un cadencement du même ordre que celui utilisé au VLTI par l’algorithme VTK. La réponse des actionneurs est supposée instantanée et seul un pur retard de deux trames est simulé entre l’intégration des perturbations et l’application de la correction correspondante.

On peut déjà noter qu’en terme de flux, ces simulations dans une configuration sim- plifiée sont relativement comparables à celles réalisées dans la partie précédente : tandis que la fréquence de boucle élevée fait perdre un facteur 6,7 sur le nombre de photons collectés par rapport à une fréquence de 300 Hz (fréquence typique pour suivre les franges d’une étoile de magnitude 10 avec GRAVITY), l’utilisation de tout le flux d’un télescope sur une seule base augmente le flux incohérent d’un facteur 3, et l’utilisation de toute la bande spectrale sur un seul pixel diminue le bruit d’un facteur √5 au minimum (cas à faible rapport signal-sur-bruit où le bruit de lecture domine). Ces simulations sont donc

comparables en terme de sensibilité. En terme de performances, ces simulations à 2 kHz devraient conduire à des résultats plus optimistes, car la bande passante du contrôleur est alors plus élevée.

Algorithmes de suivi de franges

J’estime la phase des franges et le rapport signal-sur-bruit sur la visibilité par l’algo- rithme utilisé par le suiveur de franges de PRIMA et détaillé dansSahlmann et al.(2009). Dans cette configuration à seulement une base, le rapport signal-sur-bruit est simplement utilisé pour définir l’état du système : poursuite des franges, commandes figées, ou re- cherche de franges, où les transitions entre chaque état sont décrites par Sahlmann et al.

(2009) et Le Bouquin et al. (2008).

Je compare trois contrôleurs dans ces simulations : un simple contrôleur proportion- nel-intégral (PI), ce même contrôleur PI combiné à l’algorithme VTK, et le contrôleur Kalman.

Les gains KP et KIdu contrôleur PI simulés ici sont les mêmes que ceux utilisés avec

FINITO au VLTI. La commande en position U appliquée à l’actionneur à l’itération n est calculée en fonction de l’estimation de la phase résiduelle dépliée ¯φ par :

Un= KI

λ0

2πφ¯n+ KP

λ0

2πφ¯n−1+ Un−1, (4.6)

avec KP = 0, 063 et KI = 0, 007. La phase φ est dépliée d’éventuels sauts de 2π en la

supposant continue et variant de moins de π entre deux estimations :

¯ φn=      φn+ 2π si φn− ¯φn−1< −π φn− 2π si φn− ¯φn−1> π φn sinon . (4.7)

Lorsque l’algorithme VTK est utilisé, j’ajoute à cette commande des termes correctifs spécifiques aux vibrations. Ces corrections sont également calculées à partir de l’estimation de la phase ˚φ, filtrée au préalable par un filtre passe-haut de façon à isoler les composantes

haute-fréquence relatives aux vibrations. Un simple filtre du premier ordre est utilisé, filtrant le fréquences inférieures à 3 Hz, tel qu’utilisé par Di Lieto et al.(2008) :

˚

φn= φn− φn−1+ 0.99˚φn−1 (4.8)

Je calcule les corrections ajoutées pour chaque vibration comme décrit par Di Lieto et al.

(2008) en utilisant les mêmes paramètres que ceux utilisés au VLTI. Seul le retard pur du système est adapté à notre schéma à retard de deux trames.

Enfin, je calcule les commandes du contrôleur Kalman de la même façon que dans les parties précédentes, à ceci près qu’aucune répartition du bruit entre les bases n’est calculée, puisqu’une seule base est utilisée dans ce schéma. Le modèle des perturbations est calculé à partir d’une séquence de 5 000 images acquises en boucle fermée avec le contrôleur PI, à partir de laquelle la perturbation correspondante est reconstruite en boucle pseudo- ouverte.

Perturbations simulées

Dans la suite, j’ai réalisé les simulations de suivi de franges à partir de séquences de piston atmosphérique issues d’un modèle de von Kàrmàn avec une échelle externe de

l’atmosphère L0 = 100 m, telle que décrite dans le chapitre2. La turbulence est normalisée

à un écart-type de 12 µm rms (sauf dans la partie 4.3.6), ce qui correspond à un seeing de 1,3′′ selonConan et al.(2000). Les vibrations simulées seront décrites un peu plus loin

dans cette partie. Enfin, aucune perte de flux n’est simulée, excepté en partie 4.3.6où la robustesse des contrôleurs est spécifiquement étudiée.

Les résultats présentés ci-dessous sont là encore le fruit de dix simulations avec des séquences de perturbations différentes, afin de réduire l’incertitude sur la statistique des résultats. Les écarts-types présentés dans les différents tableaux présentent systématique- ment la médiane sur ces dix simulations, tandis que les spectres présentés dans les figures correspondent à une seule séquence de perturbations (la première de la série de dix).