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1.2 L’interférométrie : une technique particulière

1.2.2 Observables interférométriques

Lorsqu’un objet étendu est observé, les images de l’ensemble des points qui le com- posent sont superposées. Mis à part quelques cas simples, il n’est pas trivial de retrouver l’information sur l’objet à la limite de résolution d’un interféromètre. La figure1.6présente l’exemple (simple) d’étoiles binaires de différente séparation observées avec un interféro- mètre à deux télescopes. Pour une séparation à la limite de diffraction de l’instrument, on distingue les deux composantes du couple dans l’image (une frange supplémentaire). Pour des séparations légèrement inférieures à la résolution de l’interféromètre, on voit cepen- dant que l’image est clairement différente de la réponse impulsionnelle puisque les franges sont brouillées. Ainsi, dans l’hypothèse où la distribution spatiale d’intensité de l’objet observé suit un modèle simple (étoile double, étoile simple étendue, . . . ), une mesure du contraste des franges permet de mesurer certaines caractéristiques de l’objet, pour peu que la précision de mesure soit suffisante.

Figure 1.5 – De gauche à droite : transmission de la pupille, réponse impulsionnelle, et coupe de la réponse impulsionnelle en θy = 0, parallèlement à l’axe ~u.

De haut en bas : pupille circulaire de diamètre D = 8 m ; deux ouvertures circulaires de diamètre

D, séparées d’une distance B = 25 m ; pupille circulaire de diamètre B.

Mesure de visibilité complexe

De façon plus formelle, on peut décrire l’image I d’un objet de distribution d’intensité

O par sa convolution avec la réponse impulsionnelle S de l’instrument :

I(~θ) = O()∗ S(θ~), (1.17)

où a ∗ b est le produit de convolution de a par b. Dans le cas précédemment décrit d’un interféromètre à deux ouvertures identiques, de réponse impulsionnelle individuelle S0,

séparées par un vecteur de base ~B (équation1.15), l’image à la longueur d’onde λ peut se décrire en deux composantes :

I(~θ) = 2 O()∗ S0 ( ~ θ) | {z } image incohérente + 2 O()∗ cos ( 2πB~ λ.~θ ) | {z } image cohérente . (1.18)

Figure 1.6 – Franges d’interférence simulée, pour des binaires de différente séparation, obtenues avec un interféromètre à deux télescopes (D = 8 m, B = 25 m, λ = 2, 2 µm). La séparation de la binaire est respectivement 0, 2λ/B, 0, 5λ/B, et λ/B (de gauche à droite). L’orientation de la binaire est alignée avec la base de l’interféromètre.

L’image incohérente correspond à la simple somme des images individuelles des deux ou- vertures (avec une résolution de λ/D), tandis que l’image cohérente contient l’information à haute résolution sur l’objet observé.

La mesure des informations caractéristiques de l’objet se fait facilement dans le plan des fréquences spatiales, en calculant la transformée de Fourier de l’image :

F[I](~ν) = 2 ( F [S0] (~ν) V (~ν) + 1 2V ( −B~λ ) +1 2V ( ~ B λ )) , (1.19)

avec V = F[O] la transformée de Fourier de la distribution d’intensité de l’objet, selon le théorème de Zernike–van Cittert, appelée visibilité complexe de l’objet. La mesure du contraste des franges fournit ainsi une mesure directe du spectre de l’objet à la fréquence spatiale ~B/λ.

Idéalement, connaissant la visibilité complexe de l’objet sur l’ensemble des fréquences spatiales ~ν ∈ R2, on retrouve la distribution d’intensité de l’objet dans ses moindres détails.

En pratique, une observation interférométrique avec deux télescopes ne fournit que l’infor- mation sur l’objet à une fréquence spatiale précise ( ~B/λ). Cependant, en augmentant le

nombre de mesures avec différents vecteurs de base, on peut échantillonner suffisamment le plan des fréquences spatiales pour pouvoir reconstruire la distribution spatiale d’intensité de l’objet O, soit par l’utilisation de modèles simplifiés (objet ponctuel, disque. . . ), soit par des algorithmes permettant de reconstruire une image à partir des données en utilisant un terme de régularisation contenant des informations a priori sur l’objet (objet plutôt

lisse, plutôt tranché. . . )(Thiébaut 2008).

Clôtures de phase

La traversée de l’atmosphère terrestre retarde l’onde collectée par un télescope par rapport aux autres, ce qui a pour effet d’ajouter un terme de phase inconnu au champ électrique de l’objet. Il est par conséquent impossible de retrouver la phase absolue des visibilités complexes V de l’objet, qui porte justement l’information déterminante sur la symétrie de l’objet, et est ainsi indispensable à la reconstruction d’une image à haute résolution de l’objet O. Ce phénomène est illustré par la figure1.7dans le cas simple d’un système binaire dont une étoile est quatre foix plus faible que l’autre. On y voit clairement que c’est la phase des franges qui donne l’information sur la symétrie de l’objet et non leur contraste. Si la mesure de la phase n’est pas fiable, il est impossible de savoir si l’étoile la plus lumineuse est à gauche ou à droite de l’image.

Figure 1.7 – Images de deux binaires à la limite de résolution d’un interféromètre à deux télescopes (D = 8 m, B = 25 m, λ = 2, 2 µm), pour deux rapports de flux différents. Gauche : image résolue de la binaire (télescope de diamètre B). Milieu : image par l’interféromètre. Gauche : Coupe centrale. Illustre le fait que c’est la phase des interférences (position des franges) qui donne l’information sur la symétrie de l’objet et non le contraste des franges.

Lorsqu’au moins trois ouvertures sont utilisées, il est possible de retrouver une partie de l’information sur la phase des visibilités complexes par le calcul des clôtures de phase (Jennison 1958). Cette grandeur est définie par la somme des phases des visibilités com- plexes mesurées sur trois bases formant un triangle fermé. Considérons trois télescopes notés n, m, et o, recombinés sur trois bases ~Bn,m, ~Bm,o, ~Bo,n, observant un objet de vi-

~

Bn,m correspond à :

ψn,m = Ψn,m+ φm− φn, (1.20)

où Ψn,m = arg(V ( ~Bn,m/λ)) est la phase propre à l’objet, et φn et φm des déphasages

induits sur l’onde au niveau des télescopes individuels (traversée de l’atmosphère, position relative des télescopes,. . . ). La clôture de phase Θn,m,oentre ces trois télescopes est définie

par :

Θn,m,o= ψn,m+ ψm,o+ ψo,n, (1.21)

et a la propriété d’être indépendante des termes de phases propres à chaque télescope individuel, qui s’annulent deux à deux :

Θn,m,o= Ψn,m+ Ψm,o+ Ψo,n. (1.22)

Cette observable a donc la propriété d’être indépendante des perturbations de l’atmosphère et est représentative uniquement des termes de phase propres à l’objet observé. Par cette mesure, on peut ainsi retrouver une partie de l’information sur la position du centre de luminosité d’un objet dans une image obtenue en combinant au moins trois télescopes.

Phase référencée

Une autre façon d’estimer la phase de la visibilité complexe de l’objet malgré le piston atmosphérique est d’observer simultanément une étoile de référence dont on connaît la distribution spatiale d’intensité, et qui se trouve dans la même portion de ciel que l’objet étudié.

En effet, si les deux objets sont vus avec une séparation inférieure à l’angle d’isopla- nétisme (∼ 10′′), ils subissent les mêmes perturbations en piston φ

n et φm vues par les

deux télescopes n et m d’une base. Connaissant la phase Ψref

n,m de la visibilité complexe de

l’objet de référence sur cette base, on peut estimer en temps-réel le déphasage induit par la turbulence atmosphérique en mesurant la phase ψref

n,m de son interférogramme :

φm− φn= ψn,mref − Ψrefn,m. (1.23)

Ainsi, en mesurant la phase ψn,m des franges de l’objet étudié simultanément à celle de

l’objet de référence, on peut en déduire directement la phase propre à l’objet sur cette base, relativement à celle de la référence :

Ψn,m = ψn,m− ψn,mref + Ψrefn,m. (1.24)

Comparée à la mesure de clôtures de phases, cette méthode a l’avantage de fournir une mesure par base, et non une mesure par triplet indépendant de télescopes : une mesure de phase référencée peut ainsi être mesurée avec seulement deux télescopes. Elle nécessite cependant l’observation simultanée d’une étoile de référence à proximité de l’objet étudié.