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Récit du projet 118

Dans le document Inner tension of informational cohesion (Page 119-122)

Chapitre 4 STRUCTURATION CONCEPTUELLE 89

4.5 EXEMPLE D'UN PROJET 118

4.5.1 Récit du projet 118

Assemblage des acteurs

Il s'agit d'un projet de DVD international. Un diaporama a été conçu avec des disques vinyle et des images analogiques sur diapositives. Il a été transcrit sur CD en reprenant et nettoyant le son d'origine, voilà pour le passé. Le projet est alors de créer un DVD multilingue en utilisant le réseau relationnel. La finalité ou valeur centrale est de diffuser la Beauté et sa pratique qu'a soulignée l'artiste; cette Beauté inspire divers groupes de par le monde.

La première phase a donc été de contacter divers groupes et de leur envoyer le CD pour qu'ils voient le produit final visé. Divers groupes ont répondu en ce sens, d'autres non. Notamment un peintre suédois qui connaît l'auteur n'a donné aucune réponse. Il leur a été demandé leur accord, puis de traduire quelques textes, avant de chercher des voix et de les enregistrer.

Cela a donc supposé une valeur reconnue et une perception du même appel. L'argent ou le profit n'étaient pas une valeur et n'a donc entraîné aucun mécanisme de paiement (contrairement à la distribution des DVD gravés). La valeur centrale et les choix effectués apparaissent clairement dans ce projet, ces choix traduisent les perceptions; la tension pour mener le projet à bien a aussi nettement existé, le récit en rendra-t-il compte ?

- D'une part, divers groupes russes sont en conflit et prétendent posséder des copyrights.

- Ensuite, les tribunaux russes sont peu crédibles, un éditeur est mort en prison après que tous ses biens aient été saisis, cela bien sûr, avant tout jugement. - Le circuit commercial russe repose sur du troc et aucune somme ne peut être

retirée, donc cela se base sur la confiance entre des acteurs que nous ne connaissons pas.

- Le piratage d'œuvres numériques est un sport répandu en Russie, Biélorussie et Ukraine. Ce peut être une conséquence du faible niveau de vie et des circuits commerciaux peu fiables, mais cela les fragilise en retour.

La décision a été prise de ne pas tenter cette aventure en Russie. Ceci montre la limite d'attraction de la valeur : diffuser la Beauté. Les risques, qui sont des enjeux négatifs, étaient trop importants, on note ici un facteur de répulsion.

Ceci pose la question de la force d'attraction ou de sa limite (sélection). La tension qui sous-tend une valeur et lui donne sa force, est-elle repérable ?

Valeurs et attraits, perceptions et choix

Quatre langues ont donc été retenues : anglaise, espagnole, portugaise - brésilienne en réalité - et française. Le DVD étant unique, la couverture devait s'adresser à ces quatre publics qui, chacun, ont des couleurs nationales spécifiques. Le choix des teintes de la couverture a donc illustré le respect de cette diversité, soulignant cette valeur de partage. Les drapeaux sont sur la quatrième de couverture et un fond bleu a donc été choisi, par contraste les caractères sont en orangé, proche du jaune espagnol et rappelant le rouge des drapeaux du Brésil, du Royaume uni et de la France. Le titre a été choisi pour être compris par les quatre langues et un paragraphe de cinq lignes a été traduit dans ces langues, avec en blanc une mention technique (DVD-PAL 4:3 All zones), juridique et le prix, lesquels sont uniques et ne sont pas traduits.

Les textes en langue brésilienne ont été dits par des acteurs et enregistrés en studio, le son est donc impeccable. En Anglais, une voix masculine était étouffée, peu audible et ce groupe a donc suggéré, de lui–même, d'enregistrer une autre personne pour dire les textes. En français, la voix féminine est forcée, le recours à une autre personne ou à un autre studio a été envisagé, mais cette option n'a pas été validée. La voix féminine espagnole était aussi rauque et étouffée, ceci leur a été signalé et une autre voix plus nette a été préférée.

Pour ces voix, il y a donc eu perception et suggestion, en fonction de critères malaisés à formuler; la Beauté restant la valeur centrale, en comparaison de la difficulté de réaliser une autre option ou de la faire accepter. Les critères de réalisation d'une valeur sont donc un problème général, il se pose en lien avec la perception de celle-ci, son application ou jugement en situation et le choix.

Élaboration de la maquette

Une approche catégorielle, d'objets se définissant, s'est-elle manifestée ?

La valeur Beauté s'articule avec pureté, équilibre, abnégation qui comprend elle-même impersonnalité. La pureté se perçoit dans la maquette de couverture, qui s'est construite progressivement avec les quatre paragraphes de langues, les couleurs de caractères et les mentions en blanc. L'équilibre a concerné les paragraphes entre eux mais surtout l'importance du texte par rapport au fond. Dans la recherche de l'équilibre, aucune conception personnelle ou souci ne demeure, seule l'impression pure permet d'obtenir la justesse.

On notera ici qu'il y a plus d'élément subjectif, une plus fine description psychologique que le repérage des valeurs. Car les valeurs sont ce qui fonde un choix, alors que l’impression produite par un objet place à l'extérieur les actes, considérations et intentions des acteurs.

Peut-on dire également que l'équipe s'est définie (en boucle) ? Oui certainement, par le jeu de la présentation du prototype, par l'acquiescement à la tâche.

Pour graver le DVD, imprimer la couverture, monter le diaporama et le synchroniser avec les diverses bandes son, tout cela s'est effectué avec des professionnels, des devis et a entraîné un paiement.

Il est à noter cependant que des acteurs professionnels ont dit les textes au Brésil et n'ont pas été rémunérés. Le monteur s'est fait payer mais peu en regard du soin apporté au montage. Ainsi professionnel ne rime pas nécessairement avec la valeur Coût.

Le cycle industriel désigne ici un processus : la demande en entrée est figée et correspond au processus de l'organisation; la demande est validée puis chiffrée, ce qui aboutit à un devis. La seule dimension qui puisse varier est alors le délai, puisque la qualité et le coût sont fixés.

Les fournisseurs, utilisant un cycle industriel, évitent de porter un jugement sur le travail demandé; s'ils le font, c'est avec beaucoup de tact, ils émettent alors une réserve ou posent une question. Le cycle industriel suit donc approximativement un cycle linéaire en V.

Au contraire, un cycle artistique suppose une large variation dans l'élaboration du produit et donc une interaction forte entre le demandeur et le fournisseur. Les démarches agiles (Scrum, XP) en sont des exemples.

Conflits de valeur

Lors du montage de la bande-son, un arrêt de la musique s'est manifesté sur un lecteur de DVD, cette erreur était systématique à un endroit précis. Le monteur a d'abord mis en cause l'ancienneté du lecteur, puis s'est rendu compte qu'un fichier son était chargé à ce moment-là, ce qui saturait la bande passante sur certains appareils. Cette erreur corrigée, un deuxième arrêt s'est manifesté ailleurs alors qu'il ne se produisait pas avec la version précédente. L'ancienneté du lecteur a été rappelée, la version a été conservée en l'état et des tests supplémentaires ont été effectués avec des lecteurs récents.

Le bogue constaté était ici une erreur bloquante, et la valeur en cause est donc le professionnalisme du monteur, il a donc réagi en professionnel : avec le sérieux et avec la visée du temps passé, donc du coût.

Une deuxième opposition s'est fait jour sur la navigation des écrans : l'annexe et les crédits (mention des participants) n'étaient visibles qu'après le visionnage; on ne pouvait également changer de langue qu'en revenant au départ. Le monteur a admis que cette navigation n'était pas aisée et a modifié l'enchaînement des séquences. Il y a là un conflit de valeur entre la facilité et le coût. On peut préciser que le coût était bas, car le monteur s'associait au projet artistique. La question ici concerne donc l'ampleur du travail bénévole, ou l'influence de la valeur artistique par rapport à l'effort consenti. Deux perceptions sont associées ici et s'y ajoute la perception d'un rapport (comme le disait Merleau-Ponty), ce qui aboutit à un jugement.

L'emballage d'un produit est son interface avec le client et donc ce qui détermine en grande partie l'achat. Le projet comprend donc l'assistance au calage de l'impression de la couverture. À ce moment, on peut rectifier des erreurs, il existe de multiples nuances Pantone, et celles-ci peuvent glisser avec le temps; on peut modifier les pourcentages des teintes magenta, cyan ou jaune et donc modifier la couleur de la couverture (tout en partant du même fichier PDF). Lors de ce calage, on choisit ou non de modifier les couleurs. Il se produit alors un conflit manifeste : soit on accepte en se disant que l'on ne pourra mieux faire, soit on modifie des teintes, mais la machine et l'opérateur attendent, on ne peut donc insister trop et retarder la production qui est en flux tendu. Ce souci est d'autant plus net qu'assister au calage est une facilité qu'offre l'imprimerie et que d'autres refusent.

Un autre phénomène se remarque : l'opérateur apprécie l'attention portée à son travail et le soin accordé à l'œuvre visée; la valeur de la "belle ouvrage" est partagée et se perçoit dans cette recherche commune des teintes exactes à imprimer.

Il y a donc conflit entre un perfectionnisme (maladroit) et un réalisme (consensuel) qui décrit une tension plus profonde entre effort vers le but visé et appréciation du réel déjà présent. Concrètement, cette décision de signer le bon à tirer et donc d'accepter le

calage doit tenir compte que l'encre juste déposée sur la couverture va sécher, qu'elle se voit sous un néon (ce qui fausse la perception), que la lumière du jour est à 30 mètres et qu'y aller exige de se déplacer de 30 mètres, que la couverture sera ensuite pelliculée et qu'elle peut vieillir des années : les teintes vont donc jouer à l'avenir, l'opérateur est confiant, mais c'est vous qui décidez.

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