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INTEGRER LA TENSION DANS LA LECTURE 195

Dans le document Inner tension of informational cohesion (Page 196-200)

1. La cohésion modélisée, une démarche générique établie, un graphisme aisé, tout va bien sur le papier, mais cela ressemble aux modèles systémiques, qui ne sont pas devenus une véritable théorie, car ils ne prennent pas en compte ni l'acte ni l'auteur de la modélisation. Un modèle de cohésion, qui reste extérieur au lecteur, tombe sous la critique de naturalisme énoncée par Ricœur, l'objet n'est pas saisi mais reste à distance. Cela rejoint la critique de la simulation du comportement, chère à l'intelligence artificielle (Alain Cardon). Or prédire n'est pas expliquer, l'intelligible saisit le mouvement de l'intérieur de la chose, quand le prédictif reproduit le comportement extérieur.

Si l'on veut comprendre, et non seulement simuler, encore faut-il assimiler la tension interne à la cohésion, la porter en soi, et la conduire au degré réflexif. Le degré réflexif, après le spatial et le temporel, intègre les changements subis par la forme et permet l'apprentissage. Le réflexif comme retour à soi, permet la conscience et tout jet d'attention suppose implicitement une source de tension (origine = jaillir), même si cette source n'est pas définie. Le degré réflexif conduit donc à comparer le statut du sujet selon notre vision de la tension à d'autres, celle de la métaphysique hindoue et celle présentée actuellement par Alain Badiou.

"La vie nous pose une question ironique :"et toi que fais-tu ?" " [Ricœur 09:182] “la pulsation … exercice rationnel de la raison qui sait se déborder et se connaît encore comme raison“ [Guitart 99:8]

Introduction

Quelle unité peut s'établir (se réfléchir) entre le modèle et le lecteur ? Comme l'a dit Whitehead [07:36] et René Guitart ensuite [99], l'écrit est une lecture pour soi-même et l'on apprend à lire en écrivant et réciproquement. La lecture est un geste qui nous lie au pôle ou raison d'être du texte; une tension commune unit auteur et lecteurs; celle-ci s'exprime en ouverture, en suspens, qui se pose ensuite.

Cependant l'acte de poser renvoie à son symétrique : comment soulever une question ? Cette question nous renvoie vers l'origine. Il s'agit de partir des contenus (monde du Quatre), de noter l'argumentation et le raisonnement (monde du Trois) pour s'interroger sur notre recherche (monde du Deux). Quelle est la question principale que nous nous posons ? Quels sont les critères, les valeurs que nous respectons ? Cette quête de l'origine nous conduit à nous interroger sur le sujet, sur les pôles primordiaux (monde du Un). Dans les termes du triple anneau, cette quête nous conduit à revenir vers le pôle central, à pénétrer dans l'anneau pulsant, et donc à entrevoir la vérité comme participation directe, à approfondir l'Un à la base de la cohésion.

Mais tout d'abord, voyons pourquoi on ne peut s'en tenir à des modèles graphiques, extérieurs, posés, pour rendre compte de la cohésion.

7.1 REFLEXION

La forme est en face de nous, comme ce texte, nous sommes aussi une forme, quelles sont leurs relations ? Quelle tension soutient notre lecture ? Quelle cohésion s'installe entre la structure du texte et notre champ cognitif ? C'est bien cet échange qui est désigné par le terme de réflexion. Aussi, nous allons réfléchir sur la forme et les intégrations successives, puis remonterons vers l'origine du jet de l'attention, vers l'intention et le sujet.

7.1.1 Critique du Naturalisme

Nous décrivons par des modèles diverses formes et donc la nature de la cohésion; celle-ci décrit comment des éléments divers tiennent ensemble. Mais cette cohésion doit aussi s'appliquer à notre enquête comme aux réponses apportées. Comment un dessin s'articule avec une forme, supposée existante à l'extérieur, comment le dessin est-il lié à nous, nous exprimant des gestes, des perceptions, etc. ?

Le naturalisme selon Ricœur [Ricœur 09] est de décrire comme un objet ce qui se passe dans la conscience, non que l'objectivité soit inutile, mais elle ne prend pas en compte le flux de conscience, l'intimité que requiert la question. On peut donc taxer un modèle de cohésion de naturaliste, si l'on suppose que la tension, la perception, se situe sur le papier, mais que l'attitude du l'auteur ou lecteur n'est pas interrogée ni soulignée.

Par souci de cohésion, nous sommes donc conduits à reprendre quelques points philosophiques, notamment les notions, questions qui se développent actuellement et qui sont liées à notre propos.

Alain Badiou [06:9] appelle matérialisme démocratique un monde basé sur la vie empirique, en ses termes cette vision du monde prétend : "il n'y a que des corps et des langages"; ces corps et langages peuvent se traduire en "éléments et relations" ou "systèmes et interactions". Alain Badiou critique donc une description de l'existant sans transcendance.

La vue intentionnelle suppose une source d'intention, sinon un sujet, du moins une volonté tendue. C'est un des manques de la systémique (en dehors de la systémique sociale [Lugan 93]) de ne pas se prendre en compte, de laisser de côté la modélisation et le processus. La vue intentionnelle requiert - pour être complète, non aplatie ou descriptive - non seulement, des buts sur le modèle, mais la prise en compte de la raison d'être de cet acte qui modélise.

En résumé

R7.1 Un modèle sans auteur et sans acte de création tombe sous la critique de naturalisme.

7.1.2 Intelligible ou prédictif

Alain Cardon [05:66] cite Prédire n’est pas expliquer [Thom 93]. L'approche équationnelle décrit un continuum temporel d'états, calcule avec l'équation d'évolution les tangentes et intègre en calculant l'énergie ou autres variables. Une simulation par agents est plus souple, plus riche. Oui, et ajoute Cardon, le modèle permet de comprendre. Mais le modèle est-il intelligible ?

Prenons un exemple d'un système massif d'agents, soit 6 10 23 agents qui s'agitent et réagissent aux chocs, ces agents pourront simuler la pression d'un gaz dans 22,4 litres, le mélange de divers gaz, mais aurons–nous appris quelque chose ?

Nous aurons une description fine de phénomènes moyennant certaines hypothèses, comme lorsque l'on décrit la formation de tourbillons de sable. Cette description est un préalable à la formulation de principes, de lois, mais la compréhension suppose non seulement une description, mais de l'abstraction pour repérer les traits pertinents (donc une visée) ou caractéristiques. Comme l'écrivait Einstein dans une lettre à Heisenberg, c'est la théorie qui dit ce que l'expérience peut observer" [Heisenberg 90:113]. Ainsi une simple description ne peut repérer les traits pertinents. Par exemple, dans un projet, si la valeur essentielle est le service du client, cela n'empêchera pas l'équipe d'aller déjeuner, de faire des pauses et d'appliquer des normes de programmation que le client n'a pas énoncées.

On peut dire que l'intelligible consiste en principes ou lois, mais l'on se heurte alors à la critique du platonisme, car en se concrétisant et en multipliant l'expérience, le principe se démultiplie, alors qu'il joue sur un autre niveau ou monde. Nous admettrons donc que intelligible, c'est saisir la logique (ou mouvement ou dynamique) interne.

On peut aussi soutenir que l'intelligible est le rapport entre des idées et des phénomènes, le lien entre les traits théoriques (principes, propriétés et contraintes imposées aux agents) et les résultats produits par la simulation.

Rappelons que théorie vient de “science de la contemplation“ [Robert 93].

La PNL (Programmation Neuro-Linguistique)[Sary 94:15] repère trois grandes prédominances sensorielles, car la pensée s'exprime par les sens (confirmé dans [Brisson et Fronterotta 06:84, 87]) et la PNL les a regroupés en trois :

- le Visuel pense de manière synthétique et voit les concepts

- le Kinesthésique utilise des métaphores pour sentir la solidité des raisonnements - l'Auditif écoute le dialogue qui se noue lors de chaque interaction

La troisième sorte s'exprime dans la recherche des facteurs structurant les phénomènes et ce décodage structurel cherche donc à prédire et reproduire les phénomènes observés. Il est souvent nécessaire de construire un langage abstrait pour saisir les ressorts de l'action dans le phénomène, puisque le langage naturel décrit les phénomènes "de bon sens" observés à l'échelle de l'individu humain. Mais une combinatoire abstraite reproduisant un phénomène ne suffit pas à comprendre. L'histoire des sciences en donne de nombreux exemples.

En 1869, Mendeleïev proposa son tableau périodique des éléments, ce qui a permis de chercher, puis d'en découvrir de nouveaux. Les propriétés chimiques des éléments dépendent de l'orbite électronique extérieure, celle-ci comporte deux ou huit électrons. Wolfgang Pauli a énoncé le principe d'exclusion en 1925 : il y a deux électrons de spin opposé dans un état énergétique (une couche électronique). Ce principe a été démontré par Dirac en 1930. L'observation extérieure du tableau a donc été expliquée seulement soixante ans après sa formulation.

A la fin du 19ème siècle, les physiciens s'intéressent au problème du corps noir; une

enceinte gazeuse, tel un four, est sombre à température ordinaire, puis devient rouge sombre, rouge clair puis bleu blanc selon les températures. Ce qui montre un échange d'énergie entre molécules de gaz et la lumière. Pour rendre compte de la courbe obtenue empiriquement, Max Planck introduisit dans l'équation une constante h, qui porte son nom. En 1905, Einstein comparant les équations et interrogeant l'interaction énergétique entre molécules ponctuelles et ondes lumineuses, postula l'existence de grains de lumière. Cette hypothèse fut étendue à la matière en tant que quanta d'énergie par Louis de Broglie en 1924. L'idée que le quantum (grain indivisible) était non un quantum de lumière, de matière ou d'énergie, mais un quantum d'action se diffusa dans les années 1930. Ici aussi la compréhension fut précédée par une approche combinatoire, une analyse de facteurs, mais la compréhension ne vint que des années plus tard.

La deuxième sorte d'intelligibilité se base sur l'analogie, utilise des métaphores, transposant des notions d'un domaine dans un autre. Mais "comparaison n'est pas raison", la métaphore ne prétend pas saisir l'essence ou la logique du phénomène, elle l'illustre, elle l'approche par un parallèle. Ainsi la théorie du chaos a été présentée au public avec l'effet papillon; une aile de papillon pourrait déclencher une tornade à des milliers de kilomètres de là. La théorie dite du chaos [Ruelle 99, Gleick 91] est liée aux phénomènes non linéaires. Une équation linéaire engendre un petit effet à partir d'une petite variation et un grand à partir d'une grande, on peut donc approximer un résultat. Une équation non linéaire peut, à partir d'une grande variation, ne produire aucun effet notable et, à partir d'une petite variation, engendrer un grand effet. Il en est ainsi des systèmes critiques [Bailly & Longo 06:113] et des circuits de décision : "une goutte peut faire déborder le vase", si elle est bien placée dans le bassin d'attraction. L'exploration conceptuelle par métaphore approche un phénomène mais ne l'explique pas, c'est pourquoi nous avons parlé, dès l'introduction de cette thèse (§ 0.1), d'intuition posée. Le photon se déplace selon une hélice mais ne justifie pas les spires, c'est la suspension, le monde du Deux et la découpe des arêtes de graphe en deux qui aboutissent logiquement aux spires.

L'intelligibilité est donc la saisie synthétique des concepts ou la perception de la logique interne aux phénomènes.

7.1.3 Les trois stades d'intégration de la forme

L'intégration d'une forme s'effectue en trois degrés : (1) une intégration dans l'espace qui répartit un stimulus ponctuel (sur un composant) et suscite une réponse globale, (2) une intégration dans le temps qui montre les qualités d'évolution, (3) une intégration réflexive ou sur soi qui, de l'apprentissage, conduit à la cognition.

1. La forme apparaît d'abord comme étendue (Descartes), l'occupation d'une partie d'espace. La tension se situe en une source, point focal de la forme; le cercle étant l'archétype de la forme, cette source est le centre spatial de celui-ci. La forme dessine une limite qui induit une opposition intérieur / extérieure.

Le temps peut aussi être une dimension descriptive, mais ici il repère des cycles, à l’extérieur de la forme, comme une succession de phases.

2. Le temps s’intègre avec la trace produite par un impact ; il n’est plus seulement une dimension descriptive extérieure à la forme. La qualité apparaît dans le devenir de la forme : l'adaptation comme évolution face à l'environnement, la cohésion comme modification de l'aménagement interne et le dynamisme comme évolution de la relation au but.

Cette évolution suppose un référentiel, le rapport au Même, et à l'Autre, comme ce qui change. Le Même est un élément fondamental de toute réflexion, c'est le début de l'abstraction qui décèle l'invariant (nature ou essence) dans le devenir. Le contraire du Même est l'Autre, non un autre dans l'espace mais ce qui a changé, ce qui se corrompt et dégénère (Aristote).

3. La réflexivité est une intégration supplémentaire de la forme, elle revient en son centre. La forme était statique, posée dans un premier temps, c'est le regard, l'écoute ou la prise du spectateur qui crée le rapport; elle évolue dans un second temps en un déplacement ou transformation externe; dans ce troisième temps, le mouvement est interne.

R7.2 La forme s’intègre en plusieurs stades, spatial, qualitatif, réflexif.

Les dialogues mentionnent aussi l'acte de poser … une hypothèse ou idée. C'est ici le domaine du sens, de l'argumentation qui dépasse la comparaison.

Nature du mouvement

L'adaptation est composée de petits cycles d'actions, ces mouvements peuvent s'étendre vers l'extérieur ou se contracter vers l'intérieur, tels des pseudopodes. La rotation, retour à soi par l'extérieur, semble l'archétype de ces boucles.

Le dynamisme est renouvellement du lien avec la raison d'être, le mouvement est alors pulsation : retour à soi par l'intérieur ou par le Même.

Quel peut être le mouvement de la cohésion ? La cohésion est à la fois radiale (logique le long d'un rayon) et latérale (rapport entre différents rayons); la cohésion latérale est explicitement une comparaison : l'évolution d'une logique ou cours des choses. Son mouvement peut alors être le composé d'une rotation et d'une pulsation.

Trois sens de lecture

Le cercle et son centre représentent diverses perspectives, conformément aux trois stades d'intégration de la forme.

Figure 7.1. Cercle et son centre

1. Le cercle représente d'abord, simplement, la disposition dans un espace.

2. Le cercle représente ensuite une surface qui amortit ou non un impact et qui, donc, en porte la trace. La qualité dénote l'éventuelle modification ou invariance de la surface.

3. Le cercle représente le passage de l'intension à l'extension, le centre n'est plus une source dans l'espace, mais la raison d'être ou intension.

Ces trois sens de lecture équivalent aux sens de lecture du carré (§ 5.4.4) lecture par le pourtour, par la surface incluse - qui donne la variance ou latéralité - et par l'acte transverse d'inscription.

1/ La figure dans l'espace ou existence

Le premier moment donne lieu à la forme, dont l'archétype est un cercle, nous l'avons vu au §1.3.2. Ce cercle a été suscité par l'impact du stimulus fondateur : le pourtour de la forme en est la rotation. La cohésion se définit comme la portée de cet impact dans l'espace : son rayon d'influence. Les spires représentent alors le rayonnement (§6.1.1).

La forme, au lieu d'être fugace, demeure et se prolonge dans le temps. La forme temporelle est un cycle et décrit une suite d'actions ou démarche. Ce fait a été décrit au §6.3; Mais ici, le temps reste une dimension où s'inscrivent des formes, une sorte d'espace extérieur; à ce stade, le temps n'est pas intégré dans l'évolution de la forme.

2/ Évolution dans le temps : les qualités

Le second moment s'inscrit dans le temps, c'est l'anticipation qui introduit la notion de but. La forme se définit à nouveau, ce qui permet d'en observer les changements. Globalement, la forme pulse donc entre raison d'être et effet, la rotation induite est le cycle de vie. Ceci aboutit à la définition intensionnelle de la qualité comme rapport entre raison d'être et activité. Les qualités apparaissent dans cette évolution.

Tout d'abord l'adaptation se met en évidence dans les cycles de la forme, le cycle de vie rassemblant ces divers cycles (R1.3), l'on retrouve, portée dans le temps, une variation. On peut ensuite superposer les divers cycles, en notant pour une même activité, le ralentissement par une extension radiale et l'accélération par une contraction. On obtient alors la figure classique de l'élasticité d'une amibe.

Figure 7.2. Adaptation, qualité vis-à-vis de l'extérieur

On le voit sur ce schéma : l'adaptation suppose une profondeur d'impact, en quelle mesure le système se modifie-t-il ? La réflexion ajoute aussi (ce qui se voit sur le dessin de droite) quel est l'angle, le report que produit cet impact ?

Puisque toute forme équivaut à un cercle, ces deux caractéristiques (rayon et angle) sont valables pour toute modification, tout impact, donc pour les trois qualités.

La cohésion repère l'évolution des rapports mutuels entre parties.

Figure 7.3. Cohésion, qualité vis-à-vis de l'intérieur

Le schéma de gauche montre l'écart des cycles ou composants par rapport à leur position d'origine en pointillés. Le schéma de droite montre la déformation des divers composants vers le centre, la périphérie ou vers le début ou la fin du cycle.

La cohésion a aussi son rayon, la longueur selon laquelle la logique se déploie et qui parfois est filtrée, déformée, arrêtée par une autre couche (métier). L'angle montre à quel point certaines logiques (méthodes, réflexions) sont déportées plus loin ou plus tard (selon que l'on parle dans le temps ou dans l'espace); le schéma de droite représente partiellement ces déformations et reports.

Le dynamisme repère l'évolution par rapport au pôle ou stimulus pulsant. Le rayon représente alors l'influence perçue (ou son retour) et non seulement celle qui s'exerce.

Le schéma de gauche montre que l'influx du stimulus central atteint chacune des parties, mais que les rayons d'influence des parties "alignées" sur le stimulus central n'atteignent pas la périphérie du cercle, c'est-à-dire du rayon d'influence de ce stimulus. Une forme est créée, mais ne perçoit pas – en partie – le pôle à sa fondation.

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