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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

2.2 Les facteurs d’observances du traitement par Pression Positive Continue 75

2.2.1.2 Les caractéristiques biomédicales du Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil

2.2.1.2.3 La qualité de vie et la symptomatologie

Le manque de symptomatologie initiale est parfois évoqué par les patients justifiant l’abandon du traitement par PPC (Galetke et al., 2011; Tyrrell et al., 2006). En effet, lorsque la maladie est peu symptomatique et perceptible pour le patient, l’acceptation du traitement peut être difficile. Cela a déjà été montré dans d’autres contextes cliniques tels que le cancer (Charavel, 2004). Ainsi, les motivations à consulter pour un dépistage du SAOS, investiguées dans deux études (Sage, Southcott, & Brown, 2001; Tanahashi et al., 2012), comprenaient les symptômes ressentis (somnolence, problème de concentration, difficulté de s’endormir), l’expérience d’évènements graves (accident de la route), mais aussi les personnes incitant à la consultation, telles que l’entourage (partenaire, amis, collègues de travail) et les professionnels (médecin généraliste). Sage et al. (2001) ont étudié le lien entre la quantité de motivations à consulter et la moyenne d’utilisation de l’appareil de PPC, les résultats ne montrent pas d’association. Tanahashi et al. (2012) ont émis une tout autre hypothèse, selon laquelle certains motifs de consultation pouvaient favoriser l’observance du traitement a

en relation avec chaque motivation à consulter étudiée. Ainsi, les raisons qui ont amené un patient à se faire dépister pour un SAOS ne semblent pas influencer l’observance future.

En partant du postulat que, plus le patient est impacté par une maladie, plus il sera motivé pour se soigner, l’état de santé initial des patients a été étudié comme possible facteur d’observance. Cette hypothèse est partagée avec les professionnels de santé qui pensent que les patients fortement symptomatiques auront une motivation initiale plus importante vis-à-vis du traitement par PPC (Karlsson, Elfström, Sunnergren, Fridlund, & Broström, 2015).

Le principal symptôme du SAOS est la somnolence diurne, entrainée par une mauvaise qualité de sommeil. Il s’agit du second critère de dépistage et de diagnostic du SAOS, principalement évalué à partir de l’Échelle de Somnolence d’Epworth [ESS ; Johns, (1991)] déjà présentée (cf. Chap. I : 1.1.1.6) . Le score de somnolence obtenu à cette échelle reste le facteur clinique le plus étudié, à partir de l’hypothèse que plus les patients souffrent de somnolence, plus ils auront tendance à être observant. Certaines études ont vérifié cette hypothèse en démontrant une association directe entre le score obtenu à l’ESS et la durée d’utilisation à court terme (Wild et al., 2004; Ye et al., 2012) et à long terme du traitement par PPC (Pelletier-Fleury et al., 2001). D’autres études ont également observé que le score à l’ESS était plus élevé chez les patients observants que chez les patients non-observants (Boyaci et al., 2013; Schoch et al., 2014) ou que chez les patients qui abandonnent le traitement (Galetke et al., 2011; McArdle et al., 1999). D’après les résultats de Schoch et al. (2014), le lien entre le score obtenu à l’Échelle de Somnolence d’Epworth et l’observance du traitement n’est pas linéaire : une meilleure observance est constatée chez les patients ayant un score entre 11 et 14 à l’ESS, signifiant une somnolence modérée. Avec un score de somnolence plus élevé, l’observance est plus faible. Les auteurs stipulent qu’en cas de somnolence sévère, cette dernière peut être entrainée par d’autres maladies, biaisant ainsi les bénéfices perçus du traitement par PPC et donc son utilisation (Schoch et al, 2014). D’une manière générale, le lien entre le score obtenu à l’Échelle de Somnolence d’Epworth (ESS) de Johns (1991) et l’observance du traitement n’est toutefois pas retrouvé dans la littérature (par exemple : Broström et al., 2014; Chen et al., 2015; Kreivi et al., 2014; Law et al., 2014).

Le SAOS impacte chacune des composantes de la qualité de vie : physique, psychologique et sociale. Au-delà de la somnolence, certains auteurs ont tenté d’évaluer la qualité de vie des patients comme facteur de non-observance. L’échelle la plus utilisée dans cette perspective est le FOSQ, Functional Outcomes of Sleep Questionnaire développé par Weaver, Laizner et al. (1997). Il s’agit d’un questionnaire de qualité de vie spécifique aux

troubles du sommeil, avec des performances psychométriques satisfaisantes (Billings et al., 2014). Le FOSQ évalue les conséquences d’une forte somnolence sur le niveau d’activité, la vigilance, la vie sociale, la productivité et l’intimité des patients souffrant de SAOS. D’après les études retrouvées dans la littérature, il semble qu’une mauvaise qualité de vie ne détermine pas l’utilisation du traitement par PPC à court terme (McFadyen et al., 2001; Olsen, Smith, Oei, et al., 2008) ou à moyen terme (Tanahashi et al., 2012). Les résultats de Ye et al. (2012) vont même à l’opposé de cette hypothèse puisqu’ils retrouvent une corrélation positive significative entre le score obtenu au FOSQ avant traitement et l’utilisation du traitement : les patients rapportant une meilleure qualité de vie initiale ont une meilleure utilisation de la PPC.

Du reste, l’équipe de recherche de Poulet et al. (2009) a observé que les patients observants expriment davantage de conséquences émotionnelles associées au SAOS. Cette équipe a utilisé un autre outil d’évaluation, le Nottingham Health Profile [NHP, Hunt, McEwen, Williams et Papp (1981)], qui est une échelle relative à la santé perçue incluant notamment la composante émotionnelle. Cette dernière fait référence à l’état émotionnel de l’individu (anxiété, découragement) par rapport à son état de santé. D’après leurs résultats, les patients observants rapportent davantage de conséquences émotionnelles que les patients non-observants (Poulet et al., 2009). L’état émotionnel peut également être associé à des troubles psychopathologiques, de type dépressif et anxieux, ces derniers seront abordés par la suite.

D’après notre revue de la littérature, la qualité de vie, mais aussi la symptomatologie initiale du patient, ne semblent pas déterminer l’utilisation ultérieure du traitement par PPC. Cette conclusion allant à l’encontre de l’intuition des professionnels de santé (Karlsson et al., 2015), nous souhaitons la nuancer. Classiquement, les symptômes sont des éléments perceptuels qui permettent au patient d’identifier et de comprendre sa maladie (Leventhal, Meyer, & Nerenz, 1980). Or dans le contexte du SAOS, la symptomatologie est insidieuse et commune à d’autres maladies : la fatigue et la somnolence pouvant être associées par les patients à une grande variété de facteurs. Il peut alors être difficile pour ces derniers d’associer ces symptômes à cette maladie. Peu d’études ont approfondi cette question de l’attribution des symptômes au SAOS. Skinner et al. (2013), ont listé le nombre de symptômes rapportés et associés au SAOS par des patients en cours de diagnostic. D’après leur résultat, l’acceptabilité du traitement avant l’initiation n’est pas influencée par le nombre de symptômes associés au SAOS, cependant à notre connaissance, ceci n’a pas encore été étudié comme facteur d’observance à court et moyen terme. Pourtant Sawyer, Deatrick, Kuna, & Weaver, (2010) ont mis en évidence cette association au cours d’une étude qualitative,

comparant le discours de patients observants à celui de patients non-observants. D’après leurs résultats, les patients les moins observants font peu d’associations entre leur état de santé et le SAOS ; seul le ronflement est évoqué comme une manifestation du SAOS, contrairement aux patients plus observants, qui ont une vision plus globale, évoquant la somnolence ou encore la perte d’intérêt et d’envie (Sawyer et al., 2010).

Au-delà de la sensation du symptôme ou de l’évaluation de la qualité de vie, il convient d’explorer si les patients attribuent au SAOS la qualité de leur état de santé. Ainsi dans la seconde section, portant sur les facteurs psychosociaux de l’observance thérapeutique, nous présenterons les recherches portant sur les croyances relatives au SAOS des patients.