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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

2.3 Intervenir pour améliorer l’observance

2.3.1 Les interventions d’information du patient

L’information médicale est un droit reconnu par la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 :

« Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus »

(Ministère de la Santé et des Solidarités, 2002)

Informer le patient est ainsi un impératif légal, mais ceci permet surtout au patient de comprendre ce qui se passe dans son corps, de se représenter sa maladie (Leventhal, 1997), et ainsi de gérer sa prise en charge et son traitement. L’information a donc une fonction organisatrice essentielle pour les individus, et sans doute fondamentale pour l’observance des traitements, et ce, indépendamment du contexte clinique. En effet, un manque de

compréhension relative aux recommandations médicales affecte les comportements de soins des patients (Ogden, 2014, p. 81). Dans ce sens, la littératie en santé est un facteur cognitif de plus en plus étudié pour comprendre la non-observance dans le cadre des maladies chroniques. La littératie est « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la

vie courante […] en vue d’atteindre des buts personnels » (Organisation de coopération et de développement économiques, 2000, p. 10). Selon la méta-analyse de Miller (2016), la

littératie en santé est corrélée positivement et significativement à l’observance des patients. À notre connaissance, seule l’étude de Bakker et al. (2011) s’est intéressée à l’impact de la

littératie en santé dans le cadre du SAOS. Évaluée à partir du questionnaire « Rapid Estimate

of Adult Literacy in Medicine » [REALM, Murphy et al. (1993)] auprès de 125 patients, un haut score en littératie de santé ne semble pourtant pas favoriser l’observance du traitement par PPC.

Néanmoins, afin de transmettre au mieux de l’information aux patients souffrant de SAOS, différents supports et contenus ont été étudiés. Nous allons en faire la revue afin d’identifier les éléments d’information essentiels à l’observance du traitement par PPC.

2.3.1.1 L’intérêt des supports d’information

Les supports d’informations peuvent être de nature variée : livret d’information, vidéo d’éducation, etc. Il est admis que les documents écrits prolongent l’information orale délivrée par les professionnels de santé (Carretier, Delavigne, & Fervers, 2010). Dans le contexte médical, l’association d’informations orales et écrites se révèle généralement plus efficace qu’une transmission orale simple (Johnson & Sandford, 2005) qui peut être incomprise ou oubliée par les patients (Makaryus & Friedman, 2005). L’étude de Chervin et al. (1997) montre que la transmission d’une information écrite semble soutenir l’observance des patients. Cependant cette conclusion n’est pas retrouvée par Meurice et al. (2007) qui ont évalué au cours d’un essai randomisé l’impact de la transmission d’un document écrit en complément d’une éducation orale. À partir de leurs résultats, les auteurs concluent que les procédures mises en place en France, basées principalement sur un transfert d’information orale au cours d’un échange avec le patient, sont suffisantes. Néanmoins, ils nuancent leur propos en raison de leur échantillon singulièrement observant et suggèrent une approche ciblant les personnes à risques d’être non-observantes pour réévaluer l’impact d’une information renforcée par un guide d’information (Meurice et al., 2007).

Un autre support d’information particulièrement étudié dans le contexte du SAOS est le support vidéo. Les premières études ayant évalué la transmission d’informations par support vidéo sont celles de Hoy et al. (1999) et Likar, Panciera, Erickson et Rounds (1997) ; toutes deux démontrent une amélioration de l’observance post-intervention significative en faveur de ce support. Pour autant, des études plus récentes de retrouvent pas de différence intergroupe (Basoglu, Midilli, Midilli, & Bilgen, 2012; Gulati, Ali, Davies, Quinnell, & Smith, 2017; Lewis, Bartle, Watkins, Seale, & Ebden, 2006). Par exemple, Basoglu, Midilli, Midilli et Bilgen (2012) ont mené un essai randomisé, dont la seule variable manipulée était la diffusion d’une vidéo d’information. Les caractéristiques sociodémographiques et médicales étaient identiques entre ces deux groupes, hormis le score de somnolence supérieur de deux points dans le groupe contrôle. À un mois de prise en charge, le taux de patients observants était de 77.3% pour le groupe vidéo (N=66) contre 62.7% dans le groupe contrôle (N=67). Cette différence n’est cependant pas significative.

Au cours de leur revue de la littérature, Engleman et Wild (2003) ont constaté des méthodologies très hétérogènes, combinant plusieurs outils et formats d’information, qui rend difficile toute conclusion scientifique sur l’apport d’un support spécifique. Dans une perspective clinique, ils recommandent toutefois l’utilisation de supports variés relatifs au SAOS et à l’appareil de PPC, afin de recouvrir l’ensemble des préférences individuelles des patients, tout en soulignant l’intérêt particulier d’un document écrit pouvant être relu et transmis au conjoint et à la famille (Engleman & Wild, 2003).

2.3.1.2 Les contenus d’une information pertinente dans ce contexte

clinique

Que l’information soit orale, écrite ou via support vidéo, il est nécessaire d’identifier les contenus essentiels à transmettre aux patients souffrant de SAOS afin de soutenir l’observance. Engleman et Wild (2003) ont émis de premières recommandations en ciblant les causes et les conséquences du SAOS ainsi que sur le fonctionnement de l’appareil de PPC. Ils suggèrent également de s’appuyer sur les graphiques et les rapports d’examen de polygraphie pour expliquer précisément aux patients les différents indicateurs de sévérité du SAOS (IAH, désaturation en oxygène) ainsi que leur association avec leurs symptômes et les risques cardio-vasculaires à long terme (Engleman et Wild, 2003).

À notre connaissance, seule l’étude de Broström, Strömberg et al. (2008) rend compte précisément des besoins en information dans le contexte du SAOS. Ces auteurs ont mené une

enquête exploratoire, multicentrique et par voie postale, auprès de 350 patients et de 105 professionnels, afin de comparer leurs croyances relatives aux besoins en information. Pour ce faire, ils ont élaboré un inventaire intitulé, Informational Needs of CPAP-Inventory (INC-I), explorant six thèmes d’information : 1/ les mécanismes physiologiques du SAOS, 2/ les facteurs de risque, 3/ les conséquences sur le sommeil, 4/ les conséquences sur la santé, 5/ le fonctionnement du traitement par PPC et son efficacité, ainsi que 6/ les ajustements possibles en cas d’effets indésirables du traitement. Pour chaque thème, trois indicateurs sont évalués : 1/ l’importance de l’information, 2/ la capacité de comprendre et apprendre l’information ainsi que 3/ l’impact de l’information sur l’observance du traitement. Broström, Strömberg et

al. (2008) rapportent une cohérence interne satisfaisante pour cet inventaire (alpha de Cronbach compris entre .76 et .84). D’après leurs analyses, toutes les thématiques sont importantes à transmettre selon les professionnels de santé ; les mêmes résultats sont retrouvés pour les patients, hormis pour le thème « conséquences du SAOS sur le sommeil », considéré comme important par seulement 29% des patients. Néanmoins tous les éléments d’informations sont considérés par les patients comme vecteur d’observance ; contrairement à 50% des professionnels selon lesquels les informations relatives aux facteurs de risque et au mécanisme physiologique du SAOS n’ont pas d’effet majeur sur l’utilisation du traitement par PPC (Broström, Strömberg, et al., 2008). Cette étude met en évidence un certain décalage entre les croyances des professionnels et les besoins exprimés par les patients, permettant ainsi de cibler les contenus d’information nécessaire à transmettre à ces derniers. L’élaboration d’un document d’information ne se réduit toutefois pas au simple énoncé d’informations utiles, mais nécessite également la prise en compte de la dimension émotionnelle (Haute Autorité de Santé, 2008).

L’influence qu’aura l’information sur le comportement du patient dépend en effet de la réaction émotionnelle que le discours suscite chez le lecteur, comme soutenu par le Modèle de

l’Autorégulation de Leventhal (1980, 1997). D’après la revue de la littérature de Girandola (2000), de nombreuses études ont montré qu’une information axée sur un message de perte, à tonalité négative, a un effet persuasif pour amorcer un changement de comportement (Girandola, 2000). Cet effet persuasif de la peur sur le comportement semble se retrouver dans le contexte du SAOS. Selon l’étude de Trupp, Corwin, Ahijevych et Nygren (2011), les patients ayant bénéficié d’un message au contenu négatif (N=29) ont une meilleure observance que les patients ayant reçu un message au contenu positif (N=26). Néanmoins cet effet a uniquement été évalué sur l’observance à court terme (1 mois). De plus, à l’appui des

travaux de Coulter, Entwistle et Gilbert (1999), la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande un discours avec une dimension émotionnelle positive, rassurante, encourageante, optimiste et constructive pour l’élaboration d’un document d’information (Haute Autorité de Santé, 2008), à l’opposé des résultats de Girandola (2000). La revue de la littérature donne, dans une certaine mesure, un éclairage face à ces contradictions. Il semblerait que les effets persuasifs des messages négatifs ne soient pas systématiques, mais principalement efficaces pour des comportements de dépistage, alors que des messages positifs sont à privilégier pour promouvoir les comportements de prévention tertiaire (O’Keefe & Jensen, 2009; Rothman, Bartels, Wlaschin, & Salovey, 2006). Ces résultats sont toutefois en contraction avec ceux de Trupp et al. (2011), favorables à un message négatif alors que l’utilisation du traitement par PPC est un comportement de prévention tertiaire. Au vu de ces contradictions et du manque d’étude spécifique au contexte du SAOS, il est difficile d’identifier formellement une tonalité émotionnelle à privilégier dans les supports d’information, pour étayer l’observance du traitement par PPC.

Wozniak, Lasserson et Smith (2014) ont réalisé une méta-analyse à partir des études interventionnelles effectuées dans le contexte du SAOS. D’après leurs résultats, les interventions éducatives, dont l’objet principal est le transfert d’information, ont un effet sur l’observance, mais cet effet reste faible d’un point de vue clinique, ce qui suggère que cette stratégie est bénéfique mais non suffisante. Cette interprétation est soutenue par une étude récente, menée en Chine, par l’équipe de soins infirmiers de Wang (Wang, He, Wang, Liu, & Tang, 2012). Ces auteurs ont mené un essai randomisé en quatre groupes, chacun comprenant 38 patients : 1/ un groupe contrôle, 2/ un groupe d’éducation, 3/ un groupe de relaxation musculaire progressive et 4/ un groupe combinant l’éducation et la relaxation musculaire progressive. Les caractéristiques sociodémographiques et médicales sont identiques entre les quatre groupes. À un mois de thérapie, l’effectif de patients observants est significativement plus important dans le groupe éducation que dans le groupe contrôle, toutefois cette différence ne se retrouve pas à deux et trois mois de prise en charge. De plus, en comparant les résultats obtenus pour chaque groupe thérapeutique face au groupe contrôle, le groupe combinant éducation et relaxation obtient une meilleure observance (Wang et al., 2012). Ceci met en évidence l’intérêt de programmes d’éducation thérapeutique.