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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

2.2 Les facteurs d’observances du traitement par Pression Positive Continue 75

2.2.2 Les facteurs psycho-sociaux de l’observance thérapeutique

2.2.2.2 Les croyances des patients

2.2.2.2.2 Les croyances relatives au traitement par Pression Positive Continue

Dans cette partie, nous allons présenter les recherches dont l’objet d’étude porte sur l’appréciation par les patients du traitement par PPC. Les premières recherches ont étudié la satisfaction générale vis-à-vis de ce dernier. Celles-ci ont apporté de nouvelles perceptives puisqu’elles ont montré un lien entre la satisfaction du patient et l’observance du traitement (Hui et al., 2001; Kribbs et al., 1993; Popescu et al., 2001). Toutefois la satisfaction revenant à une opinion générale, cette dimension a été rapidement approfondie et précisée.

Un des tout premiers outils développés pour explorer précisément ce champ de recherche est celui de S. Smith et al. (2004) : l’Apnea Beliefs Scale (ABS). Néanmoins ce questionnaire n’évalue pas uniquement les croyances liées au traitement, mais aussi celles relatives à la maladie et à la santé (Poulet, 2009, p. 193). Cette hétérogénéité de construits rend difficile l’interprétation du score obtenu avec cet outil. L’équipe de Stepnowsky, Marler,

et al. (2002) a, quant à elle, élaboré un index de balance décisionnelle, issu du Modèle

Transthéorique du Changement de Prochaska et DiClemente (1982), permettant de mesurer la façon dont un individu pèse les coûts et les bénéfices d’un changement de comportement. Stepnowsky, Marler, et al. (2002), se basant sur une version existante dans le contexte de l’activité sportive, l’ont adapté à l’utilisation de l’appareil de PPC. Il faut préciser que les données psychométriques de cet outil ne sont pas précisées dans cet article. D’après les études l’ayant utilisé, la balance décisionnelle est fortement associée à l’utilisation antérieure de l'appareil de PPC (Stepnowsky et al., 2006). Elle permettrait également d’expliquer 17% de la variance d’utilisation à un mois lorsqu’elle est soumise après une semaine de traitement (Stepnowsky, Marler, et al., 2002). Toutefois le potentiel prédictif n'est plus retrouvé à trois mois ni à six mois de traitement (Aloia, Arnedt, Stepnowsky, et al., 2005). Tout comme l’étude de la satisfaction, l’index de balance décisionnelle est une mesure générale confondant

les avantages et les inconvénients perçus. Cet outil ne nous permet donc pas d’identifier précisément les croyances impactant l’utilisation du traitement, comme nous allons tenter de le faire dès à présent.

2.2.2.2.2.1 Les bénéfices perçus

Simon-Tuval et al. (2009) soulignent que l’acception du traitement se fait bien souvent par défaut, puisque les alternatives thérapeutiques sont perçues comme moins efficaces. Les patients acceptent ainsi de débuter le traitement qu’ils jugent bénéfique. De la même manière, l’arrêt du traitement par PPC est fréquemment justifié par les patients en raison de l’absence d’amélioration ressentie (Dickerson & Akhu-Zaheya, 2007; Janson et al., 2000; McArdle et al., 1999). D’après trois études qualitatives, les patients observants perçoivent davantage de bénéfices à utiliser le traitement, mais aussi plus d’inconvénients à ne pas l’utiliser (Ayow et al., 2009) ; ils identifient davantage les bénéfices (Sawyer et al., 2010) tels que la réduction des symptômes et des risques à long terme, éléments motivant l’utilisation de l’appareil de PPC (Broström, Nilsen, et al., 2010). Les patients non-observants, quant à eux, ne perçoivent pas la nécessité et les bénéfices du traitement par PPC (Ayow et al., 2009; Broström, Nilsen, et al., 2010). L’ensemble de ces résultats qualitatifs indiquent que la perception de bénéfices est un déterminant de l’observance ; or les résultats d’études quantitatives sont moins unanimes.

Quatre études mesurant l’impact des bénéfices perçus sur l’observance thérapeutique des patients atteints d’un SAOS, à l’aide de questionnaire, montrent des résultats contradictoires. Selon Stepnowsky, Marler, et al. (2002), la perception de bénéfices n’a pas d’effet direct sur l’observance à un mois de traitement. Alors qu’au contraire, Sage et al. (2001) ont observé une corrélation positive significative entre les bénéfices perçus et l’utilisation de l’appareil de PPC à un mois. Concernant l’observance à long terme, les résultats de Broström, Ulander, Nilsen, Svanborg et Arestedt (2011) sont en faveur d’une association entre bénéfices perçus et observance. Ils ont en effet évalué les bénéfices perçus de l’appareil de PPC (réduction des symptômes, amélioration de la qualité de vie, etc.) à l’aide d’une échelle élaborée pour cette étude, l’ACTI : Attitudes to CPAP Treatment

Inventory. Ils démontrent, qu’à deux semaines de prise en charge, un score supérieur à 10/25 (signifiant une attitude plutôt défavorable) permet de prédire l’abandon du traitement au cours des six premiers mois de traitement. Stepnowsky et al. (2006), en interrogeant 58 patients appareillés depuis deux ans, n’ont en revanche pas retrouvé d’association directe entre la

Ainsi, l’influence des croyances de bénéfices sur l’observance à court terme ou à long terme n’est pas retrouvée de manière constante dans la littérature. Néanmoins, comme le souligne Rauscher et al. (1991), lorsque les patients utilisent depuis longtemps leur traitement, il est probable qu’ils s’habituent à une certaine qualité de vie retrouvée ; le bénéfice peut en conséquence être de moins en moins attribué à l’utilisation du traitement. Cette hypothèse peut en partie expliquer ces résultats contradictoires.

La perception de bénéfices peut également être influencée par les attentes de résultats que l’on peut avoir vis-à-vis du traitement. Ce processus reconnu est démontré à partir des études portant sur l’effet placebo (Ogden, 2014, p. 300). L’adoption initiale du traitement par PPC étant associé à un fort bénéfice perçu avant usage (Shahrabani et al., 2014), il est alors pertinent d’émettre l’hypothèse que c'est davantage les attentes des patients qui influencent l’observance du traitement par PPC.

Six études ont testé cette hypothèse de manière prospective, en mesurant les attentes de résultats chez des patients naïfs (sans aucune expérience du traitement par PPC). Ces mesures ont été réalisées à l’aide de la SEMSA, Self-Efficacy in Sleep Apnea de Weaver (2003), évaluant les attentes de résultats à l’aide de neuf items formulés ainsi : « si j’utilise

l’appareil de PPC, je serai plus actif » (α de Cronbach = .85). Mis à part les résultats d'Olsen, Smith et Oei (2008), les études ne retrouvent pas de résultat significatif confirmant l’existence d’un lien direct entre les attentes de résultats et l’utilisation a posteriori du traitement par PPC (Bakker et al., 2011; Baron, Berg, et al., 2011; Baron et al., 2009; Sawyer, Canamucio, et al., 2011; Ye et al., 2012). Sawyer, Canamucio et al. (2011) ont répété la mesure après une semaine de traitement, les résultats restent non-significatifs quand il s’agit de prédire l’observance à un mois. Ainsi, les attentes de bénéfices ne semblent pas déterminer l’observance future. Alors que Bakker et al. (2011) suggèrent que cette absence de lien significatif est due à par une mesure trop précoce de l’attente de résultats, nous nous interrogerons davantage sur l’utilisation exclusive d’un même outil. En effet ce dernier ne prend pas en compte les différences interindividuelles concernant l’importance accordée, par les patients, à chaque attente vis-à-vis du traitement, ceci pouvant réduire la sensibilité de l’outil.

2.2.2.2.2.2 Les inconvénients perçus

Les difficultés rencontrées avec le traitement par PPC ne se limitent pas à la présence d’effets secondaires, présentés précédemment (cf. Chap. I : 2.2.1.3.2), mais comprennent

également le manque de confort. Cet inconvénient est fréquemment évoqué, avec le manque de bénéfice, comme une des principales raisons de l’abandon thérapeutique (Galetke et al., 2011; Tanahashi et al., 2012; Tyrrell et al., 2006). Selon les résultats d’Aloia, Arnedt et al. (2007), le manque de confort, évalué à partir d’un item, persiste à six mois de traitement pour 34% des patients « intermittents »17, et ce, de manière significativement différente en comparaison avec les patients « consistents ». Le manque de confort peut être induit par le bruit de l’appareil ou encore le port du masque.

Le bruit de l’appareil par PPC, autrefois facteurs d’abandon thérapeutique (Janson et al., 2000; McArdle et al., 1999), est aujourd’hui minimisé par les avancées techniques. En effet d’après deux récentes études, cette source d’inconfort ne semble plus associée à la non-observance thérapeutique (Aloia, Arnedt, et al., 2007; Franklin et al., 2007). Le port du masque est particulièrement difficile chez les sujets claustrophobes, comme exposé précédemment (cf. Chap. I : 2.2.2.1.3), mais il peut également perturber la qualité de sommeil des patients : l’endormissement est plus difficile, les mouvements sont moins libres et les réveils fréquents (Ayow et al., 2009; Dickerson & Akhu-Zaheya, 2007; Rauscher et al., 1991). Certains patients évoquent un sentiment de « double peine » ; la fatigue entrainée par le SAOS s’additionne aux difficultés de dormir avec le masque (Dickerson & Akhu-Zaheya, 2007). Ainsi les études qualitatives relèvent des difficultés pour utiliser l’appareil de PPC, mais peu d’études ont spécifiquement mesuré ces éléments comme facteurs d’observance à part entière, les confondant aux effets secondaires.

Des affects négatifs générés par l’utilisation de l’appareil de PPC, tels que la honte, la frustration ou encore un sentiment de perte de liberté, ont été recueillis auprès de patients au cours d’études qualitatives (Ayow et al., 2009; Broström, Nilsen, et al., 2010; Dickerson & Akhu-Zaheya, 2007; Sawyer et al., 2010; Tyrrell et al., 2006). À partir d’entretiens semi-directifs, Ayows et al. (2009) ont comparé le discours de quatre patients observants à celui de quatre patients n’utilisant plus le traitement par PPC (2 femmes dans chaque groupe). Ils ont effectué une analyse thématique, d’approche inductive, validée par une cotation inter-juge. Les auteurs rapportent que les non-utilisateurs ont un sentiment d’intrusion et de frustration avec l’appareil de PPC, qu’ils ont l’impression de perdre leur liberté. Les patients observants témoignent quant à eux du soulagement et de leur enthousiasme vis-à-vis du traitement qui

17 Les auteurs ont utilisé la classification de Weaver, Kribbs et al. (2003) en distinguant les patients « consistents » et « intermittents ». Pour rappel : les patients « consistents » utilisent le traitement par PPC plus de 90% des nuits, avec une moyenne de six heures. Les patients « intermittents » utilisent le traitement moins de 90% des nuits avec une moyenne de trois heures et demie par nuit.

leur permet de retrouver de l’énergie. En revanche, c’est l’arrêt du traitement qui procure un sentiment de soulagement chez les patients ayant abandonné la thérapie. Les patients observants témoignent davantage de culpabilité en cas de non-utilisation temporaire. Ces derniers évoquent également leur honte vis-à-vis du SAOS ainsi que leur souhait de ne plus être stigmatisés par la fatigue, par exemple au travail. Alors que pour les non-utilisateurs, l’abandon du traitement permet d’éviter la stigmatisation liée au port du masque, les moqueries telles que : « You feel like a monster. » (Ayow et al., 2009). D’après cette étude qualitative, le vécu émotionnel semble très différent entre les patients ayant maintenu le traitement et ceux l’ayant abandonné. Pour autant, d’autres études qualitatives observent moins de disparité, si ce n’est que les patients observants déclarent avoir persisté et dépassé ces freins émotionnels (Broström, Nilsen, et al., 2010; Dickerson & Akhu-Zaheya, 2007; Sawyer et al., 2010).

D’après les études de Simon-Tuval et al. (2009) et Shahrabani et al. (2014), l’adoption du traitement par PPC peut être freinée lorsque les patients anticipent les inconvénients de ce dernier. La crainte de manifestations indésirables, au-delà d’expériences négatives réelles, semble être une source du refus du traitement. Qu’en est-il en ce qui concerne l’observance du traitement ? Une approche quantitative permettrait de préciser dans quelle mesure ces croyances, concernant l’usage de l’appareil, peuvent être des facteurs d’observance indépendants des effets secondaires. De plus, les difficultés ergonomiques ou émotionnelles, associées à l’utilisation de l’appareil de PPC, devraient davantage être étudiées. Pour ce faire, le Modèle d’Acceptation de la Technologie semble approprié.

2.2.2.2.2.3 Le Modèle d’Acceptation de la Technologie

L’utilisation régulière de l’appareil de PPC demande au patient d’acquérir de nouvelles compétences pour l’entretenir, le préparer et l’installer correctement afin d’optimiser son efficacité sur sa qualité de vie et sa santé. Afin de comprendre l’observance thérapeutique, il semble ainsi nécessaire de comprendre le rapport que le patient entretient avec cette technologie de soin. C’est dans cette perspective que le Modèle d’Acceptation de la

Technologie (MAT ou TAM en anglais) de Davis (1986, 1989) a déjà été utilisé en psychologie de la santé.

Lors de son travail de thèse en management, Davis (1986) s’est inspiré de la Théorie

de l’Action Raisonnée de Fishbein (1967) pour développer un Modèle d’Acceptation de la

d’information et de communication en situation professionnelle (Davis, 1986, 1989; Davis, Bagozzi, & Warshaw, 1989; Yousafzai, Foxall, & Pallister, 2007b, 2007a), ce modèle a été utilisé dans le domaine de la santé, principalement pour comprendre l’adoption de la télémédecine (Gagnon, 2003; Gagnon et al., 2003; Holden & Karsh, 2010; Vance Wilson & Lankton, 2004). Ce modèle a également été étudié pour l’utilisation d’un dispositif médical. Par exemple, Shah, Barnett, Kuljis, Hone, Kaczmarski (2013) se sont basés sur ce modèle afin d’identifier les déterminants de l’utilisation d’un dispositif de mesure de coagulation sanguine, dans le contexte de troubles cardio-vasculaires. D’après leurs résultats, l’intention d’utiliser cette technologie de soin est principalement déterminée par l’attitude des patients vis-à-vis du dispositif. Selon le TAM, l’attitude est sous-tendue par deux croyances majeures : l’utilité perçue et la facilité d’usage perçue.

L’utilité perçue fait référence aux attentes de l’individu selon lesquelles l’utilisation de la technologie permettra d’améliorer ses performances, elle est ainsi analogue aux attentes de bénéfices telles que présentées plus haut. Toutefois, l’observance du traitement par PPC est un comportement de soin : l’utilisation du dispositif médical n’est donc pas seulement utile, il devient nécessaire pour la santé du patient. Les croyances de nécessité se définissent comme le rôle perçu des traitements pour prévenir des détériorations futures, avec une notion de dépendance (Horne, Weinman, & Hankins, 1999). Ainsi, en raison des résultats contradictoires retrouvés dans la littérature concernant l’influence des bénéfices perçus, il semble essentiel de l’étudier de manière plus précise en distinguant utilité et nécessité perçue du traitement par PPC.

La facilité d’usage perçue fait référence aux attentes de l’individu selon lesquelles l’utilisation de la technologie demandera peu d’efforts (Davis et al., 1989). Elle se décompose en trois catégories : les efforts physiques, les efforts mentaux et les efforts d’apprentissage que demande l’utilisation d’une technologie. Ce concept permet ainsi de rendre compte de l’ensemble des difficultés associées à l’usage du traitement, tout en distinguant les effets secondaires, l’inconfort et les expériences émotionnelles des patients face au traitement par PPC.

Les recherches, portant sur les croyances relatives au traitement par PPC, se sont classiquement intéressées à ses bénéfices et inconvénients perçus. Néanmoins, le traitement consiste en un appareillage et demande au patient une certaine autonomie. Cette particularité doit être prise en compte. Le Modèle d’Acceptation de la Technologie s’est auparavant montré

pertinent pour comprendre le rapport entre l’individu et la technologie dans le contexte de la santé (Holden & Karsh, 2010). Il semble ainsi tout à fait approprié pour approfondir la problématique de la non-observance du traitement par PPC.