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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

1.1 Le Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil

1.1.2 L’impact de cette maladie chronique sur la qualité de vie des patients

1.1.2.2 Les composantes psychologiques impactées par la maladie

1.1.2.2.2 Les conséquences sur le fonctionnement émotionnel

L’humeur interfère avec les processus de régulation émotionnelle4 : si l’on est d’humeur irritable, il sera plus difficile de gérer sa colère (Luminet, 2008). Ainsi, l’irritabilité de même que le sentiment de frustration sont les états émotionnels les plus fréquemment rapportés par les patients souffrant de SAOS de l’étude de Flemons et Reimer (1998). De plus, d’après les résultats de Bardwell, Berry, Ancoli-Israel et Dimsdale (1999), l’humeur

4 L’état d’humeur module le fonctionnement cognitif des individus, il facilite l’accès à certains contenus et réduit l’accessibilité à d’autres. Par exemple, un état d’humeur dépressif favorise l’accès aux souvenirs tristes au détriment des souvenirs joyeux. Les troubles de l’humeur se caractérisent par une inadéquation nette entre la tonalité émotionnelle et le contexte de l’individu (Delbrouck, 2013, p.456).

colérique, présente chez les patients apnéiques, semble associée à la fragmentation du sommeil. Le trouble de l’humeur le plus étudié dans le contexte du SAOS reste l’humeur dépressive, mais les troubles anxieux sont également très étudiés.

1.1.2.2.2.1 Les troubles dépressifs entrainés par le Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil

L’humeur dépressive, marquée par la tristesse, représente un des piliers de la symptomatologie dépressive, de même que le ralentissement psychomoteur (Pedinielli & Bernoussi, 2005, p. 24). Le patient se désintéresse de ses activités (de loisir ou professionnelles), de sa vie sociale et de sa santé. Dans une étude épidémiologique européenne, effectuée par entretien téléphonique, auprès de 18 980 participants tout-venant, de 1994 à 1999, la prévalence d’épisode dépressif majeur sur l’ensemble de l’échantillon était de 4.3% (817/18980), alors qu’elle s’élevait à 17.3% (148/856) chez les personnes déclarant un trouble respiratoire du sommeil selon la classification du DSM-IV (Ohayon, Carskadon, Guilleminault, & Vitiello, 2003). De plus, la revue de la littérature de Saunamäki et Jehkonen (2007) montre que la prévalence de troubles de l’humeur dépressive varie entre 7% et 63% dans un contexte de SAOS. D’après ces auteurs, les principales méthodes d’investigation se basent sur l’utilisation de questionnaires, dont les plus utilisés sont le Beck Depression

Inventory (BDI) (Beck, 1961) et l’Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) (Zigmond et Snaith, 1983).

En utilisant la composante de l’HADS qui évalue la présence de symptômes dépressifs tels que l’anhédonie (perte de plaisir) et l’asthénie (ralentissement psychomoteur), Sforza, de Saint Hilaire, Pelissolo, Rochat et Ibanez (2002) n’ont pas retrouvé de différence significative concernant l’humeur dépressive entre les patients atteints de SAOS et les ronfleurs, contrairement à d’autres études qui ont utilisé le BDI (Aloia, Arnedt, Smith, et al., 2005; Asghari, Mohammadi, Kamrava, Tavakoli, & Farhadi, 2012; Vandeputte & de Weerd, 2003). Le BDI évalue les quatre composantes de l’état dépressif à partir de 21 items : l’humeur dépressive, le ralentissement, les idées suicidaires et les manifestations somatiques (Pedinielli & Bernoussi, 2005, p. 22). Vandeputte et ses collaborateurs (2003) démontrent que les personnes, souffrant de pathologies réduisant la durée du sommeil telles que l’insomnie, manifestent davantage de symptômes dépressifs que les sujets souffrant d’hypersomnie. Ces résultats soulignent le lien entre la quantité de sommeil et l’humeur triste. De plus, cette même étude montre que 41% des patients ayant un diagnostic de SAOS ont un score supérieur à 10 à l’inventaire de dépression de Beck, signifiant un trouble de l’humeur bénin, et 1.6% ont

un score supérieur à 31, signifiant un risque de dépression sévère (Vandeputte et de Weerd, 2003).

En 2005, Aloia et ses collaborateurs ont tenté d’identifier les symptômes dépressifs particulièrement associés au SAOS. Une analyse factorielle du BDI (Beck, Steer, & Brown, 1996) a permis de dissocier la dimension somatique (symptômes somatiques et ralentissement psychomoteur) de la dimension cognitive (humeur dépressive et idées suicidaires). Les auteurs ont soumis l’Échelle de Somnolence d’Epworth (ESS) ainsi que la BDI auprès de 93 patients avant traitement ; ils ont également recueilli l’indice de sévérité du SAOS (IAH) et l’indice de masse corporelle (IMC) de chaque participant. Les résultats montrent que l’indice de sévérité du SAOS est indépendamment corrélé positivement à la dimension somatique et non à la dimension cognitive ; alors que l’IMC est indépendamment corrélé à la dimension cognitive et non à la dimension somatique (Aloia, Arnedt, Smith, et al., 2005). Autrement dit, plus le nombre d’apnées au cours de la nuit est important et plus les symptômes somatiques ainsi que le ralentissement psychomoteur sont significatifs, et ceci est particulièrement marqué chez les hommes. De plus, un surpoids important entraine davantage d’humeur dépressive, et ceci plus particulièrement chez les femmes (Aloia, Arnedt, Smith, et al., 2005). Dans une étude plus récente, si le lien entre IAH et symptômes dépressifs n’est pas retrouvé, le score obtenu à l’Échelle de Somnolence d’Epworth est cependant corrélé au score obtenu à l’inventaire de dépression de Beck, montrant ainsi que les patients les plus somnolents sont également ceux qui présentent le plus de troubles de l’humeur (Asghari et al., 2012).

Afin de comprendre les raisons de ces résultats contradictoires, il est nécessaire d’interroger la relation entre les troubles dépressifs et le SAOS. Selon la revue de la littérature de Schröder et O’Hara (2005), il s’avère que la prise de médicaments sédatifs ou hypotoniques, fréquemment prescrits dans le cadre d’une dépression, favorise le relâchement musculaire et ainsi augmente le nombre d’évènements respiratoires au cours du sommeil. Il apparait également que le sommeil d’une personne souffrant de troubles dépressifs est de fait déstructuré. En conséquence, comprendre le mécanisme sous-jacent de l’association entre dépression et SAOS se révèle complexe, d’autant plus que ces deux pathologies ont une symptomatologie très proche au regard de l’asthénie et de l’anhédonie. Toutefois dans un contexte de SAOS, deux principaux facteurs semblent responsables de la symptomatologie dépressive : la fragmentation du sommeil et la désaturation en oxygène. D’autre part, de plus en plus d’études s’intéressent au rôle d’une diminution fonctionnelle de la neurotransmission

sérotoninergique qui pourrait être le dénominateur commun de ces deux pathologies (Schröder & O’Hara, 2005).

Bien que l’association entre dépression et SAOS ne soit pas clairement établie dans la littérature (Saunamäki & Jehkonen, 2007; Schröder & O’Hara, 2005), la plainte d’humeur dépressive est régulièrement exprimée par les patients au cours des études qualitatives (Ayow, Paquet, Dallaire, Purden, & Champagne, 2009; Veale et al., 2002), mais aussi dans le cadre de recherches s’intéressant à la qualité de vie (Flemons & Reimer, 1998; Sforza, Janssens, Rochat, & Ibanez, 2003).

1.1.2.2.2.2 Les troubles anxieux entrainés par le Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil

Les troubles anxieux sont caractérisés par l’ingérence des émotions de peur qui empêche l’individu de participer ou de s’investir dans les tâches et les activités les plus banales (Delbrouck, 2013, p. 257), telles qu’utiliser son traitement par PPC. Selon la revue de la littérature de Saunamäki et Jehkonen (2007), la prévalence de troubles anxieux varie entre 11 et 70% dans un contexte de SAOS. Ces troubles anxieux sont principalement évalués à partir d’échelles telles que l’HADS, Hospital Anxiety and Depression Scale (Zigmond & Snaith, 1983).

L’HADS évalue, à partir de sa sous-dimension HAD-A composée de sept items, la présence de manifestations anxieuses, de la plus bénigne « se faire du souci » à son paroxysme « l’attaque de panique ». L’HAD-A évalue également la propension à l’irritabilité et à l’agitation psychomotrice retrouvées dans les tableaux cliniques des troubles anxieux. Selon l’étude de Sforza et al. (2002), la présence de troubles anxieux est identique entre les 44 patients souffrant de SAOS et les 16 autres participants qualifiés de « ronfleurs ». Dans une autre étude plus récente, d'Asghari et al. (2012), la présence de troubles anxieux a été évaluée à partir de l’Inventaire d’Anxiété de Beck, BAI (Beck, 1998), composé de 21 items évaluant principalement les manifestations somatiques de l’anxiété (tremblements, respiration difficile, etc.) Dans leur échantillon de 685 patients récemment diagnostiqués, la sévérité du SAOS, mesurée à partir de l’IAH, ne semble pas associée à la sévérité des symptômes anxieux. Toutefois, le score obtenu à l’Échelle de Somnolence d’Epworth est corrélé au score obtenu au BAI de Beck, démontrant que les patients les plus somnolents sont également les plus anxieux. D’autre part, la sévérité des troubles anxieux serait plus importante chez les hommes que chez les femmes (Asghari et al., 2012).

Les divergences observées au sujet de la prévalence de troubles anxieux, dans le contexte de SAOS, peuvent être attribuées aux variations du dispositif méthodologique de chaque étude (Saunamäki & Jehkonen, 2007), et ceci d’autant plus que l’évaluation des troubles anxieux se fait principalement par questionnaire, alors qu’une hypothèse psychopathologique ne peut se faire sans entretien clinique. Or dans les études d’approche qualitative analysant le discours des patients, la peur ou l’irritabilité sont évoquées comme conséquences du SAOS (Ayow et al., 2009; Veale et al., 2002).

En conclusion, le SAOS semble bien avoir des conséquences sur la composante psychologique de la qualité de vie des patients : avec un impact sur le fonctionnement cognitif ainsi qu’un impact sur l’humeur et l’anxiété des patients, principalement exprimées dans le discours de ces derniers.

1.1.2.3 La composante sociale impactée par le Syndrome d’Apnées