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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

2.2 Les facteurs d’observances du traitement par Pression Positive Continue 75

2.2.1.3 Les caractéristiques techniques et ergonomiques du traitement

L’appareil de PPC est une technologie de soin développée dans les années 1980. Au départ très encombrant et bruyant, la non-observance du traitement était aisément expliquée par ces éléments (McArdle, 1999). Depuis, des avancées techniques ont été effectuées permettant de diminuer ces inconvénients. Toutefois des facteurs de non-observance relatifs au traitement persistent. Dans cette partie, nous aborderons l’efficacité du traitement par PPC puis ses effets secondaires. Enfin, nous étudierons les adaptations techniques de l’appareillage puis les dispositifs de télémédecine, comme potentiels soutiens à l’observance thérapeutique.

2.2.1.3.1 L’efficacité du traitement par Pression Positive Continue

L’efficacité du traitement par PPC s’évalue principalement à partir de l’amélioration des indices objectifs de sévérité du SAOS, tels que l’IAH ou la désaturation en oxygène. Concernant la réduction de l’IAH, certaines études ne retrouvent pas d’influence sur l’observance thérapeutique (Nino-Murcia et al., 1989; Pépin et al., 1999). Cependant, une majorité d’études démontrent que l’observance est favorisée lorsque l’IAH résiduel est faible (Law et al., 2014; Meurice et al., 1994; Popescu et al., 2001; Valentin et al., 2011; Ye et al., 2012) et lorsque la saturation en oxygène est améliorée (Meurice et al., 1994; Nino-Murcia et al., 1989).

L’efficacité de la PPC correspond également l’amélioration de la symptomatologie ou la qualité de vie, objectivée par la différence des scores des échelles de mesure, obtenus entre avant et après traitement. Kribbs et al. (1993) sont les tout premiers à démontrer que les patients utilisant mieux l’appareil ont une amélioration plus importante de leur niveau

d’énergie. De la même manière, la qualité du sommeil rapportée est meilleure chez les observants (Tanahashi et al., 2012). L’amélioration de la somnolence diurne, mesurée par l’ESS semble impacter favorablement l’utilisation de l’appareil de PPC (Boyaci et al., 2013; Cartwright, 2008; Hollandt & Mahlerwein, 2003; Hussain et al., 2014; Lewis et al., 2004; Popescu et al., 2001). La diminution des symptômes de type dépressif est également corrélée avec l’utilisation du traitement par PPC (Lewis et al., 2004; Wells, Freedland, Carney, Duntley, & Stepanski, 2007).

Cependant bien des associations soient démontrées par ces études, des liens de causalités ne peuvent être affirmés qu’avec précaution. En effet, une utilisation plus importante du traitement par PPC entraine forcément plus de bénéfices : somnolence résiduelle et observance étant deux variables dépendantes. Toutefois cette limite d’interprétation concerne dans une moindre mesure l’IAH résiduel puisque ce dernier est rapporté au temps d’utilisation du traitement par PPC. Ainsi, la persistance d’évènements respiratoires au cours du traitement par PPC apparait comme un déterminant de non-observance.

2.2.1.3.2 Les effets secondaires du traitement

La liste des effets secondaires ou éléments étudiés comme tels est très importante. Le bruit de l’appareil ou encore l’inconfort du masque sont parfois confondus avec les effets secondaires, alors que nous aborderons ces facteurs comme caractéristiques ergonomiques. La claustrophobie est elle-aussi fréquemment considérée comme un effet indésirable du traitement ; or il nous semble plus opportun d’aborder ceci avec les troubles psychopathologiques associés que nous verrons dans une prochaine partie. Dans cette section, nous étudierons l’impact des effets secondaires sur l’observance thérapeutique en nous focalisant sur les réactions et les conséquences physiologiques indésirables entrainées par le traitement par PPC.

Bien que l’appareil de PPC puisse entrainer des problèmes de type ORL tels qu’une sécheresse de la gorge, de la bouche et du nez ainsi que des congestions nasales (Franklin et al., 2007; Kreivi et al., 2010; Nino-Murcia et al., 1989), selon plusieurs études la présence d’effets secondaires ne semble pas avoir d’influence sur l’observance (Drake et al., 2003; Hui et al., 2001; Kribbs et al., 1993; Pépin et al., 1999; Ye et al., 2012). Pourtant les effets secondaires sont souvent perçus par les professionnels de santé comme une cause impactant grandement l’utilisation de l’appareil de PPC, mais selon l’étude de Broström et al. (2009), ce

point de vue n’est pas partagé par les patients. Certains effets indésirables, tels qu’une irritation des yeux ou de la peau, peuvent être entrainés par des fuites d’air par le masque. Toutefois la présence de fuites ne semble pas être associée à l’observance thérapeutique (Kreivi et al., 2014; Law et al., 2014; Ye et al., 2012). Ainsi le seul effet secondaire qui apparait de manière régulière comme facteur de non-observance est la congestion nasale (Aloia, Arnedt, et al., 2007; Borel et al., 2013; Engleman, Martin, & Douglas, 1994; Kreivi et al., 2010), également rapportée comme facteur motivant l’arrêt du traitement (Galetke et al., 2011; Janson et al., 2000). Cette conclusion est soutenue par les résultats de Kreivi et al. 2010 qui prennent en compte la présence de problèmes ORL avant l’initiation du traitement. Ils montrent en effet que les non-utilisateurs du traitement par PPC rapportent davantage de congestion nasale que les patients observants, alors qu’aucune différence n’est retrouvée pour les autres effets secondaires étudiés (sécheresse de la bouche, de la gorge, du nez, etc.).

L’équipe de Broström en Suède, a élaboré un inventaire d’effets secondaires spécifique au traitement par PPC, Side-Effects to CPAP Treatment Inventory (SECI) (Broström et al., 2007; Broström, Årestedt, et al., 2010). Cet inventaire est composé de 15 propositions reprenant les effets secondaires physiologiques (rhinite, irritation des yeux, bouche sèche, etc.), mais aussi le manque de confort et des problèmes d’anxiété durant le traitement. L’analyse factorielle met d’ailleurs en évidence que les effets secondaires (facteur intitulé « Symptoms ») se distinguent des items relatifs à l’ergonomie et au vécu du traitement, regroupés par les auteurs sous l’intitulé « Device » (Broström, Årestedt, et al., 2010). Pour chacune des 15 propositions, les patients doivent indiquer la fréquence d’apparition, l’importance et l’impact de ce facteur sur l’observance. Cette étude de validation a été effectuée auprès de 329 patients appareillés depuis 39 mois (entre deux semaines et quinze ans). Les patients observants et non-observants, catégorisés à partir de leur utilisation effective quatre mois après l’évaluation des effets secondaires, obtiennent des scores aux composantes de la SECI significativement différents : les non-observants rapportant davantage d’effets secondaires. Cependant en 2014, la même équipe ne retrouve pas de résultats significatifs en associant dans l’analyse, la SECI à d’autres facteurs d’observance tels que l’habitude au traitement (Broström et al., 2014). De plus lors d’une étude de 2007, Broström et ses collaborateurs ont montré que la perception d’effets indésirables est dépendante de la personnalité. Ainsi malgré la possibilité de nombreux effets indésirables, leur influence sur l’observance du traitement par PPC n’est pas toujours retrouvée ou semble secondaire.

En cas d’intolérance ORL, l’humidification est proposée aux patients (Société de Pneumologie de Langue Française, 2010). Cependant, de la même manière que les données de la littérature sont contradictoires au sujet des bénéfices de l’humidificateur sur l’efficacité du traitement ainsi que sur la qualité de vie du patient (I. Smith & Lasserson, 2009), il semble que la mise en place de cet ajustement matériel n’améliore pas suffisamment l’observance thérapeutique (Borel et al., 2013; Zhu et al., 2018), et ceci contrairement à ce que démontraient de plus anciens résultats (Massie, Hart, Peralez, & Richards, 1999).

2.2.1.3.3 Configurations techniques de l’appareil

En début de traitement, la pression d’aire délivrée par l’appareil de PPC est « titrée », c’est-à-dire configurée pour chaque patient, afin d’empêcher au mieux l’apparition d’évènements respiratoires. Cette pression d’air est fréquemment fixée entre 6 et 15 cmH2O, en fonction des caractéristiques du SAOS du patient. Cette configuration technique reste très étudiée bien que, d’une manière générale, aucune association n’ait été montrée avec l’observance du traitement par PPC (Aloia, Arnedt, et al., 2007; Hollandt & Mahlerwein, 2003; Hui et al., 2001; Kreivi et al., 2010; Kribbs et al., 1993; Lewis et al., 2004; Morris et al., 2006; Nino-Murcia et al., 1989; A. Wallace & Bucks, 2013). Néanmoins, certaines études montrent une association directe entre la pression d’aire délivrée et l’observance (Kohler et al., 2010; Wild et al., 2004) ou encore une différence significative entre les patients observants et non-observants (Borel et al., 2013; Chen et al., 2015; Diaz-Abad et al., 2014; McArdle et al., 1999; Pelletier-Fleury et al., 2001; Popescu et al., 2001). La majorité de ces études montrent que l’observance est améliorée avec une pression importante. Cette conclusion est, dans un premier temps, contre-intuitive, car une forte pression semble plus difficile à supporter. De plus les résultats de Pelletier-Fleury et al. (2001) montrent au contraire qu’une pression d’aire supérieure à 12 cmH2O est un facteur de non-observance. Toutefois, il est important de rappeler que la titration de la pression d’air n’est pas un facteur indépendant puisque déterminée par l’IAH, la structuration du sommeil ou encore l’IMC et la circonférence de la nuque (Société de Pneumologie de Langue Française, 2010). Cette dépendance à d’autres facteurs pourrait expliquer ces résultats étonnants : une pression d’air plus importante signifiant, également et de manière indirecte, un SAOS plus sévère, nous ramenant ainsi aux conclusions précédemment exposées sur les indices de sévérité du SAOS comme facteur d’observance (cf. Chap. I : 2.2.1.2.1).

Une configuration alternative est parfois proposée aux patients : la pression autopilotée. Une PPC dite autopilotée permet d’adapter le niveau de pression délivrée en fonction des résistances des voies respiratoires (qui varient pendant le sommeil selon la posture, l’obstruction nasale, etc.) (Haute Autorité de Santé, 2014). Cette configuration obtient la même efficacité contre le SAOS que la pression fixe. Elle est principalement recommandée pour faciliter d’adaptation du traitement, mais contre-indiquée pour les patients ayant une insuffisance cardiaque, une BPCO, des apnées centrales ou une hypoventilation associée (Haute Autorité de Santé, 2014). Certaines études montrent une meilleure observance lorsque la pression de l’appareil de PPC est autopilotée (Aloia, Arnedt, et al., 2007; Aloia, Arnedt, Stepnowsky, Hecht, & Borrelli, 2005; Massie et al., 2003) ou lorsque la pression est modifiée en configuration autopilotée chez les patients non-observants (Pépin et al., 2009; I. Smith & Lasserson, 2009). Cependant d’après la méta-analyse de Bakker et Marshall (2011), la pression autopilotée améliore l’observance mais de manière non-significative.

En début de traitement, les changements de masque sont fréquents, afin de trouver le plus confortable pour le patient. Nous avons présenté les différents types de maques (nasal, facial, narinaire) en précisant que les données de la littérature ne permettent pas de se positionner en faveur d’un type de masque plutôt qu’un autre selon leur efficacité et leurs effets indésirables (Haute Autorité de Santé, 2014). Le choix du masque se fait ainsi principalement en fonction du confort du patient. En tant que facteur d’observance, l’impact du type de masque semble encore peu étudié (Chai-Coetzer, Pathinathan, & Smith, 2006). Certaines études ne montrent aucune différence en fonction du type de masque (H.-Y. Li et al., 2005; Nguyên et al., 2010; Valentin et al., 2011), contrairement à d’autres études dont les résultats ne concordent pas (Borel et al., 2013; Massie & Hart, 2003; Mortimore, Whittle, & Douglas, 1998). De plus à notre connaissance, seuls Borel et al. (2013) ont comparé simultanément les trois types de masques et d’après leurs résultats, les masques faciaux et narinaires sont associés à un fort risque de non-observance. Le masque nasal resterait ainsi à privilégier comme interface plus confortable et donc plus favorable à l’observance.

La mission première des prestataires de service médico-technique, tel qu’AGIR à dom.

Assistance, est de fournir aux patients un appareillage adéquat. Ainsi leur principal champ d’action concerne ces aspects ergonomiques et techniques. D’ores et déjà, en cas de plaintes d’effets secondaires, d’IAH résiduel important ou de constatation de fuites d’air ; les professionnels de santé proposent des ajustements techniques aux patients, tels que le changement de mode de pression (auto-titrée vs fixée), le changement de type de masque ou

encore l’ajout d’un humidificateur. Comme nous venons de le présenter, ces adaptations techniques permettent parfois d’améliorer l’observance, mais pas systématiquement ou même suffisamment. Cela suggère que si les facteurs techniques ou ergonomiques sont nécessaires, ils sont néanmoins insuffisants pour comprendre l’ensemble des difficultés d’observance thérapeutique.

2.2.1.3.4 Les interventions et les dispositifs de télémédecine

Avec l’émergence des nouvelles technologies d’information et de communication, des études relatives à la télémédecine ont apporté de nouvelles possibilités d’interventions pour les prestataires médico-techniques. Plusieurs technologies ont été étudiées dans le contexte du SAOS, cependant les résultats diffèrent quant à leur pertinence pour soutenir l’observance du traitement par PPC.

L’utilisation d’applications interactives par les patients, sur tablette ou smartphone, s’avère peu efficace pour soutenir l’observance ou améliorer la qualité de vie (Mendelson et al., 2014; Taylor, Eliasson, Andrada, Kristo, & Howard, 2006). Néanmoins les systèmes de télécommunication (appels automatisés et visiophonie) semblent favoriser l’observance du traitement par PPC (DeMolles, Sparrow, Gottlieb, & Friedman, 2004; C. E. Smith et al., 2006; Sparrow, Aloia, DeMolles, & Gottlieb, 2010). Par exemple, Sparrow et al. (2010) ont mené un essai randomisé sur une période de 12 mois, auprès de patients débutant le traitement par PPC. Le groupe de télémédecine, composé de 112 patients, recevait des appels automatisés chaque semaine durant le premier mois, puis une fois par mois. Le contenu de ces appels était basé sur une grille d’entretien motivationnel spécifique au SAOS, développée par Aloia, Arnedt, Riggs, Hecht et Borrelli (2004)10. Le groupe contrôle, composé de 122 patients, recevait également des appels automatisés à la même fréquence, le contenu portant cette fois sur la santé en général. Les caractéristiques sociodémographiques et médicales étaient identiques dans les deux groupes. Les auteurs ont montré un effet significatif de l’intervention de télémédecine. Après un an de traitement par PPC, le taux d’observance dans le groupe interventionnel était de 44.7% contre 34.5% dans le groupe contrôle. Certains systèmes de télécommunication semblent ainsi pertinents.

Un autre dispositif de télémédecine a été étudié dans le contexte du SAOS : la télésurveillance, également appelée télémonitoring. Il s’agit d’un modem de télétransmission,

associé à l’appareil de PPC, qui envoie des données d’utilisation et d’efficacité du traitement, quotidiennement et directement aux professionnels de santé. Ce dispositif permettrait aux professionnels d’intervenir rapidement en cas de difficultés et de personnaliser le suivi des patients (Paré, Jaana, & Sicotte, 2007). Néanmoins au cours d’un essai randomisé, Stepnowsky, Palau, Marler et Gifford (2007) ont comparé l’observance du traitement par PPC et l’amélioration de la symptomatologie du SAOS entre deux groupes de patients télé-surveillés (N=20) et non télé-télétélé-surveillés (N=20). D’après leurs résultats, aucune différence significative n’est observée entre les deux groupes : l’utilisation du traitement est identique, de même que son efficacité (IAH résiduel). Comme le soulignent les auteurs, ces résultats peuvent néanmoins être la conséquence du petit échantillon de cette étude pilote. En effet, les résultats de l’essai randomisé de Fox et al. (2012), comparant deux groupes plus importants (groupe télé-surveillé N=39 vs groupe non télé-surveillé N=36), démontrent une différence significative d’utilisation moyenne de l’appareil de PPC, à trois mois de prise en charge, en faveur des patients bénéficiant de la télésurveillance.

Selon la revue de la littérature de Paré et al. (2007), la télésurveillance semble bien acceptée par les patients dans de nombreux contextes de maladies chroniques, tels que le diabète ou l’hypertension. À notre connaissance, seule l’étude de Stepnowsky et al. (2007) a succinctement évalué le point de vue des patients atteints de SAOS, en recueillant leur satisfaction et leur niveau d’inquiétude quant à la télésurveillance. Selon leurs résultats, les patients sont très satisfaits de ce dispositif qui ne les inquiète pas particulièrement. En 2015, l’American Academy of Sleep Medicine souligne néanmoins la nécessité d’effectuer davantage de recherches sur la pertinence de l’utilisation des technologies de télémédecine dans le contexte du SAOS (Singh et al., 2015).

2.2.1.4 Intérêt des facteurs sociodémographiques, biomédicaux et