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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

2.2 Les facteurs d’observances du traitement par Pression Positive Continue 75

2.2.2 Les facteurs psycho-sociaux de l’observance thérapeutique

2.2.2.2 Les croyances des patients

2.2.2.2.3 Les croyances de contrôle

Les construits théoriques relatifs aux croyances de contrôle sont nombreux et souvent confondus (Paquet, 2009, p. 8). Il est reconnu que pour qu’un individu agisse en faveur de sa santé, il est nécessaire qu’il considère cette dernière comme étant sous son contrôle (Paquet, 2009, Chap 6). Dans le contexte du SAOS, deux concepts ont été étudiés : le locus de contrôle

de santé et le sentiment d’auto-efficacité.

2.2.2.2.3.1 Le locus de contrôle en santé

Le concept de locus de contrôle trouve son origine dans la Théorie de l’Apprentissage

Social (ou SLT, Social Learning Theory) à partir de laquelle Rotter (1975) met en évidence l’existence de différences interindividuelles relatives à l’association perçue entre un renforcement (c’est-à-dire un résultat tel que tomber malade) et un comportement (Paquet, 2009, p. 9). Certains individus auront tendance à considérer que leur état de santé est sous leur responsabilité, dépendant de leur comportement, ces sujets ont ainsi un locus de contrôle

interne. Au contraire, certains individus associeront davantage leur état de santé à des sources externes, telles qu’ « autrui » (médecins, Dieu, etc.) ou encore le facteur « chance ». Il s’agit du locus de contrôle externe : les sujets se sentent alors peu responsables et autonomes en matière de santé. L’échelle MHLC Multidimensional Health Locus of Control, de Wallston, Strudler Wallston et DeVellis (1978) est une échelle générique qui permet de déterminer quel type de locus de contrôle (interne, autrui, chance) se retrouve préférentiellement chez un sujet.

Deux études, portant sur l’utilisation de l’appareil de PPC et ayant utilisé une échelle générique, ne trouvent pas de résultats significatifs (Tanahashi et al., 2012; Wild et al., 2004). Pourtant le locus de contrôle en santé a démontré sa pertinence dans d’autres contextes cliniques (Ogden, 2003, p. 59). Par exemple dans le contexte du diabète, Gillibrand et Stevenson (2006) montrent qu’un locus de contrôle interne est associé à une attitude favorable vis-à-vis du traitement, alors qu’un locus de contrôle externe par « autrui » est associé à un faible risque perçu vis-à-vis du diabète. Les auteurs ont utilisé une échelle

spécifique au diabète, contrairement aux études réalisées dans le contexte du SAOS, ce qui pourrait expliquer l’absence de résultats significatifs.

Néanmoins, la définition du locus de contrôle interne est analogue à la définition du

contrôle personnel, précédemment présenté dans le cadre du Modèle de l’Autorégulation, puisqu’il s’agit d’évaluer dans quelle mesure le patient croit exercer un contrôle sur sa maladie (Horne, 1997). En conséquence, il semble redondant de retenir ce concept.

2.2.2.2.3.2 Le sentiment d’auto-efficacité

Le concept d’auto-efficacité est issu de la Théorie Sociale Cognitive (TSC ou Social

Cognitive Theory) de Bandura (1977). Il s’agit des croyances d’un individu quant à ses aptitudes à s’organiser et à exécuter des performances (Bandura, 1977). Ainsi l’efficacité

personnelle correspond aux croyances relatives à la capacité de produire certaines actions, telle que l’utilisation régulière du traitement par PPC. D’après la Théorie Sociale Cognitive, les individus entreprennent des actions lorsqu’ils se sentent capables de le faire. Avec un fort sentiment d’efficacité personnelle, l’individu aura tendance à faire plus d’effort pour atteindre ses objectifs, alors qu’au contraire un faible sentiment d’auto-efficacité peut l’amener à une certaine résignation (Bandura, 1977). Selon ce modèle, le sentiment d’auto-efficacité modère les croyances relatives à des facteurs socio-structurels. Ces derniers font référence aux barrières et aux opportunités relatives aux conditions de vie, aux systèmes de santé, politiques, économiques ou environnementaux (Bandura, 1977, 2004). Lorsqu’un individu à un fort sentiment d’auto-efficacité, il porte peu d’importance aux barrières, en se focalisant sur les facilitateurs. Auto-efficacité et performances sont ainsi interdépendantes par un processus de rétroaction : un meilleur sentiment d’efficacité personnelle entraine de meilleures performances ; de meilleures performances renforcent le sentiment d’efficacité

personnelle. Il s’agit d’un cercle vertueux et sa réciproque est également retrouvée (Tarquinio & Spitz, 2012, p. 207).

Le sentiment d’efficacité personnelle a déjà été relevé dans le discours de patients observants, lors d’études qualitatives (Broström, Nilsen, et al., 2010; Sawyer et al., 2010). Ces patients déclarent, en effet, avoir réussi à dépasser certaines difficultés, en mettant en place des stratégies pour faciliter leur utilisation de l’appareil de PPC, contrairement aux patients non-observants (Sawyer et al., 2010).

Sage et al. (2001) font partie des premiers à avoir évalué le sentiment d’auto-efficacité chez les patients atteints de SAOS. À l’aide d’un questionnaire élaboré pour l’étude, ils ont

mesuré le sentiment d’efficacité personnelle après la première nuit avec l’appareil et observé les corrélations avec l’utilisation de l’appareil un mois après. Leurs résultats montrent une corrélation significative et positive entre le score d’auto-efficacité et la moyenne d’utilisation, mais aussi une corrélation significative et négative avec le nombre de jours de non-utilisation. En 2004, Wild et al. ont également évalué le sentiment d’efficacité personnelle avant traitement, à l’aide d’une échelle générique développée par Scharzer (1992), mais cette fois, les auteurs ne retrouvent pas d’association avec l’observance à trois mois.

Deux échelles d’auto-efficacité spécifique à l’utilisation du traitement ont été validées : celle de Stepnowsky, Marler, et al. (2002) et celle de Weaver et al. (2003). Ces deux échelles évaluent le sentiment d’auto-efficacité des patients face à certaines barrières qu’ils peuvent rencontrer. Ces difficultés sont de nature diverse : physiologiques (effets indésirables, rhinite), ergonomiques (inconfort, contrainte, encombrement) psychologiques (baisse de motivation, honte, claustrophobie), sociaux (partenaire) et économiques (coût de la prise en charge) (Stepnowsky, Marler, et al., 2002; Weaver et al., 2003). Au sein de cette liste, nous retrouvons des croyances relatives au traitement, ou encore à l’influence sociale, qui ne correspondent pas à la définition des facteurs socio-structurels de Bandura (2004) précédemment exposée (seuls les facteurs économiques correspondent à cette définition). Pour autant, chacune de ces échelles d’auto-efficacité obtient une cohérence interne satisfaisante (α de Cronbach >.66).

L’échelle de Stepnowsky est composée de cinq items, sur une échelle de Likert en cinq points. D’après les études l’ayant utilisée, l’auto-efficacité avant toute expérience du traitement ne permet pas de prédire l’observance du traitement à court terme (Aloia, Arnedt, Stepnowsky, et al., 2005; Stepnowsky, Bardwell, et al., 2002). Cependant, le sentiment d’efficacité personnelle est moins important avant usage, chez les patients qui abandonnent le traitement au cours de la première année (Kreivi et al., 2014). De plus, l’évaluation de

l’auto-efficacité après une courte période d’utilisation (1 semaine) semble être un déterminant direct de l’observance jusqu’à six mois de traitement (Aloia, Arnedt, Stepnowsky, et al., 2005; Stepnowsky, Bardwell, et al., 2002).

L’échelle de Weaver et al. (2003), la Self-Efficacy in Sleep Apnea (SEMSA), a été plus fréquemment utilisée. La SEMSA permet de mesurer les risques perçus, issus du Health

Belief Model, ainsi que les attentes de résultats et le sentiment d’auto-efficacité, les deux construits clefs du modèle de la Théorie Sociale Cognitive de Bandura (1977, 2004). La dimension auto-efficacité est mesurée à partir de neuf items, sur une échelle de Likert en

quatre points. Lorsqu’elle est évaluée chez des patients naïfs, sans expérience du traitement par PPC, le potentiel prédictif de cette croyance de contrôle n’est pas statistiquement retrouvé (Bakker et al., 2011; Baron et al., 2009; Olsen, Smith, Oei, et al., 2008; Sawyer, Canamucio, et al., 2011; Ye et al., 2012). Il semblerait néanmoins que le sentiment d’auto-efficacité, après une semaine d’expérience, permette de prédire l’observance à un mois de traitement (Sawyer, Canamucio, et al., 2011). D. Wallace et al. (2013) ont mené une étude rétrospective et transversale auprès de 248 vétérans américains appareillés depuis plus de quatre mois (M=1 an et 5 mois ± 1 an et 3 mois). Ils constatent que le score obtenu à la dimension auto-efficacité de la SEMSA est significativement associé à l’utilisation depuis le début du traitement par PPC. Pour finir, les résultats de l’étude de Ye et al. (2012) sont concordants avec la théorie de Bandura (1977, 2004) selon laquelle, les performances actuelles ont un impact sur le sentiment d’auto-efficacité. En effet, ces derniers auteurs ont évalué le sentiment d’efficacité

personnelle de 91 patients avant qu’ils ne commencent leur traitement (T1), puis une semaine après l’initiation (T2). La moyenne d’utilisation au T2 (environ 3h30) est significativement et positivement corrélée avec le sentiment d’auto-efficacité mesuré au T2, mais pas avec celui mesuré au T1.

Ainsi, le sentiment d’auto-efficacité a largement été étudié dans le contexte du SAOS, à travers différents outils, dont deux spécifiques au contexte clinique. D’une manière générale, il semble que l’auto-efficacité soit associée à l’observance du traitement par PPC. Les récentes recherches, étudiant l’utilisation de l’appareil de PPC à l’aide d’une typologie comportementale, mettent également en évidence qu’il s’agit d'un facteur important pour comprendre les différences interindividuelles face à l’observance thérapeutique (Babbin et al., 2015 ; Wohlgemuth et al., 2015). Cette conclusion rejoint celle retrouvée dans d’autres contextes cliniques, soulignant que sentiment d’auto-efficacité permet de prédire l’adoption de comportements sains (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014, p. 320). Néanmoins les premières expériences avec le traitement par PPC sont essentielles dans la construction de cette croyance de contrôle. Ceci rejoint la théorie de Bandura selon laquelle, l’expérience antérieure de réussite est une des sources du développement du sentiment d’auto-efficacité (Bandura, 1977). Parmi les autres sources de l’auto-efficacité, nous retrouvons également des facteurs sociaux, que nous allons dès à présent aborder.