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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

2.2 Les facteurs d’observances du traitement par Pression Positive Continue 75

2.2.2 Les facteurs psycho-sociaux de l’observance thérapeutique

2.2.2.4 L’expérience du traitement

Certains résultats de la littérature soulignent l’importance des premières expériences des patients avec le traitement par PPC dans l’élaboration des croyances (Aloia, Arnedt, Stepnowsky, et al., 2005; Stepnowsky, Bardwell, et al., 2002). Or la Théorie du

Comportement Planifié est un modèle d’intention, explorant peu les processus en jeu lors d’un changement de comportement. En effet, deux étapes apparaissent de manière explicite ou

20 Le principe de compatibilité correspond au fait d’explorer des croyances portant sur un seul comportement spécifique, défini par son action, son objet, son contexte et sa durée. Toute différence entre les mesures des croyances et la mesure du comportement correspond à un non-respect de compatibilité pouvant biaiser les résultats corrélationnels entre ces mesures.

21 L’implémentation d’intention est une stratégie thérapeutique d’autorégulation au cours de laquelle il est demandé aux individus de préciser leur plan d’action pour atteindre un but, en fonction de certaines situations. Cette stratégie a fait l’objet de méta-analyses qui soutiennent son efficience pour changer ou initier un comportement.

implicite dans l’ensemble des modèles de compréhension des comportements de santé : la phase motivationnelle et la phase volitionnelle (Tarquinio & Spitz, 2012, p. 198). La première phase fait référence à la formation de l’intention de changer, la seconde renvoie au maintien du comportement. Les postulats de certaines théories sont de considérer que l’initiation et le maintien ont des déterminants psychosociaux différents. Cependant la plupart des modèles théoriques assument le fait que ce sont les mêmes déterminants qui sous-tendent ces deux étapes (Conner & Norman, 2005, p. 348). Les dimensions d’attitudes, de normes subjectives et de contrôle comportemental perçu, de la Théorie du Comportement Planifié font référence à la phase motivationnelle. Il s’agit des déterminants de l’intention comportementale, seule variable volitionnelle. Il parait ainsi important d’étudier davantage le lien entre l’intention et l’observance du traitement par PPC.

2.2.2.4.1 L’intention d’être observant

L’intention comportementale fait référence à la disposition d’un individu à exécuter un comportement donné. Ceci comprend la planification, la décision et l’auto-instruction de faire des efforts pour réaliser un comportement (Fishbein & Ajzen, 2010, p. 39)22.

Afin d’explorer l’intention d’utiliser l’appareil de PPC auprès de patients, Stepnowsky, Marler et al. (2002) ont élaboré un questionnaire à partir du Modèle

Transthéorique du Changement de Prochaska et DiClemente (1982) qui décompose un changement de comportement en cinq étapes (dont trois étapes ante-action)23. D’après leurs

22 D'un point de vue théorique, le concept d’intention comportementale est à distinguer de la définition d’un

objectif selon Fishbein et Ajzen (2010, p38). Le premier concerne un comportement spécifique alors que le second peut correspondre à un comportement, mais aussi à un état de santé ou encore à une amélioration des performances. Par exemple, l’objectif pour un patient souffrant d’un SAOS pourrait être de retrouver de meilleures capacités de concentration au travail et pour ce faire, le comportement désiré est une utilisation régulière de l’appareil de PPC. Selon la Théorie Sociale Cognitive, la définition de buts, par les individus, a une fonction incitatrice et de guide pour la mise en place de comportements de santé (Bandura, 1998). Bandura (1998) distingue les objectifs distaux qui orientent un ensemble de comportements, des objectifs

proximaux spécifiques à une action. Ainsi selon Bandura (1998), contrairement à Fishbein et Ajzen (2010), l’intention comportementale est synonyme d’objectif proximal.

23 Ce modèle décrit cinq étapes du processus de changement : 1/ Une phase de pré-considération (pré-contemplation, pré-intention, pré-réflexion) : l’individu n’a pas l’intention de changer de comportement au cours des six mois à venir ; 2/ Une phase de considération (contemplation, intention, réflexion) : l’individu considère l’opportunité de changer, il commence à avoir l’intention de changer dans les six prochains mois ; 3/ Une phase de préparation : la personne a décidé de changer au cours du mois, elle a un plan d’action. De petites actions ont déjà pu être effectuées dans cet objectif de changement ; 4/ Une phase d’action : la personne modifie significativement son comportement ; 5/ Une phase de maintenance : passée la période d’action, le changement est maintenu durablement depuis plus de six mois. L’intention comportementale, telle que définie dans la TCP, correspond aux trois premières étapes (Godin, Lambert, Owen, Nolin, & Prud’homme, 2004)

résultats, cet outil, soumis au patient avant le traitement et une semaine après, ne permet pas de prédire directement l’observance à un mois. Aloia, Arnedt, Stepnowsky et al. (2005) ne retrouvent pas non plus de résultat significatif lors de l’évaluation avant usage du traitement. En conséquence, l’intention ne permet pas de prédire l’utilisation future. Néanmoins selon cette dernière étude, une forte intention exprimée à une semaine de traitement est significativement associée à l’observance effective après six mois. Ainsi d’après Aloia, Arnedt, Stepnowsky et al. (2005), plus le patient manifeste une forte intention en début de traitement, plus il sera observant à moyen terme. Ceci rejoint les résultats de Kreivi et al. (2014) qui ont utilisé une échelle visuelle de volonté, élaborée pour l’étude. Ils démontrent que les patients, ayant abandonné le traitement au cours de la première année de prise en charge, témoignaient d’une plus faible volonté de poursuive dès le début du traitement. Il est intéressant de souligner que d’après les résultats descriptifs de Kreivi et al. (2014), les patients ont toutefois une volonté d’utiliser le traitement initialement forte.

Ces trois études ont tenté d’évaluer si les dispositions au changement, dans lesquelles se trouve le patient avant même qu’il ne débute le traitement, permettaient d’anticiper l’observance à long terme. Il semblerait que cela ne soit pas le cas. Les résultats sont en effet probants uniquement après une semaine d’expérience et d’utilisation du traitement par PPC. Or, la plupart des modèles théoriques considèrent l’être humain « comme un être rationnel et

économe maximisant l’utilité d’un comportement en termes de résultats positifs » (Gebhardt, (2006) p. 27, cité par Tarquinio et Spitz, (2012) p. 201). Selon ce princeps, le comportement de soin est déclenché et maintenu si l’individu a, de prime abord, l’intention de le faire.

Le lien entre intention et comportement est depuis longtemps sujet à controverse. Il s’agit d’ailleurs de la principale critique portée à l’encontre de la Théorie du Comportement

Planifié (TCP) (Ogden, 2014, p. 73), remettant en question sa validité de critère (prédictive), véritable challenge reconnu par ses auteurs (Fishbein et Ajzen, 2010, Chap.9). Cette critique s’appuie notamment sur la mesure du comportement qui est fréquemment auto-rapportée. Cela concerne 63% des études sélectionnées lors de la méta-analyse d’Armitage et Conner (2001) et 86% des études sélectionnées par McEachan et al. (2011). Selon la méta-analyse d’Armitage et Conner (2001), la TCP explique 11% de variance supplémentaire lorsque le comportement est auto-rapporté en comparaison avec la mesure objective. Fishbein et Ajzen (2010, p. 48) admettent un possible biais de désirabilité sociale et préconisent, dans la mesure du possible, une mesure objective du comportement, ce qui est possible dans le contexte

clinique du SAOS24. Au-delà de cet aspect méthodologique, d’autres construits théoriques tendent à modérer le lien entre intention et comportement, tels que l’incitation à agir ou le

sentiment d’habituation.

2.2.2.4.2 L’initiation et le maintien du traitement

L’incitation à agir est issue du Modèle de Croyances de Santé (MCS, ou HBM :

Health Belief Model) et fait référence aux évènements nécessaires pour stimuler la décision de changer de comportement (Janz & Becker, 1984). Dans le contexte du SAOS, Olsen et al. (2010) ont développé un inventaire à partir d’indicateurs retrouvés dans la littérature, le Cues

to CPAP Use Questionnaire (CCUQ), composé de neuf items (alpha de Cronbach = .63). L’analyse factorielle de ce questionnaire met en évidence trois composantes : les incitations liées à la santé (« I was worried about the health consequences of my sleep problem » ; « I

was so tired all of the time »), les incitations liées au partenaire (« Partners encouraged me to

start CPAP ») ainsi que les incitations liées aux professionnels de santé (« My sleep physician

said that I should »). D’après leurs résultats descriptifs, les patients débutent le traitement en raison des recommandations du médecin (88.7%) et de leurs inquiétudes concernant les conséquences à long terme (83.9%). Ces résultats sont concordants avec les raisons rapportées par les patients ayant accepté le traitement par PPC dans l’étude de Simon-Tuval et al. (2009). Nous n’avons cependant pas retrouvé d’étude observant le lien entre les incitations à agir et l’observance dans le cadre du SAOS. Par ailleurs, Conner et Norman, (2005, p. 37) soulignent que l’incitation à agir est difficilement mesurable en l’absence de définition claire et opérationnelle. Telle que proposée par Olsen et al (2010), l’échelle fait en effet référence à une variété de facteurs psycho-sociaux déjà bien définis, tels que les normes subjectives présentées plus haut (cf. Chap. I : 2.2.2.3.3.2).

Le maintien d’une utilisation régulière nécessite que le patient intègre l’appareil dans sa vie quotidienne et que cela s’inscrive dans son rituel de coucher. Tanahashi et al. (2012) ont d’ailleurs observé que certaines habitudes de sommeil sont initialement différentes entre les patients observants (N=38) et les patients non-observants (N=50). Par exemple, les patients non-observants à six mois de thérapie rapportent une heure de coucher

24 Selon le modèle de la Théorie du Comportement Planifié, l’ensemble des dimensions que nous avons présentées sous-tendent l’intention comportementale (Fishbein & Ajzen, 2010, p. 39). Pour notre travail de thèse, nous nous basons sur cette théorie comme cadre conceptuel exploratoire. Notre travail de thèse n’a pas pour objectif de vérifier la validité de construit de ce modèle mais d’identifier les facteurs directs de l’observance.

significativement plus tardive (00h06 vs 23h24) et un sommeil plus court que les patients observants (6h12 vs 6h42). Ces habitudes de vie semblent ainsi freiner l’observance du traitement par PPC. Landis, Triandis, et Adamopoulos (1978) ont particulièrement travaillé sur le concept d’habitude, en soulignant que la volonté ou l’intention comportementale ont une importance relative en fonction du degré de nouveauté du comportement. Des comportements répétés, comme l’utilisation quotidienne du traitement par PPC, finiraient ainsi par devenir automatiques, sans intention particulière de la part de l’individu.

Broström et al. (2014) ont testé l’hypothèse selon laquelle, la force de l’habitude des patients concernant l’utilisation de l’appareil de PPC, permettrait de prédire l’observance. Ces auteurs ont développé une échelle en se basant sur la Self-Report Habit Index de Verplanken (2003). Ils ont soumis cette échelle, intitulée CPAP Habit Index-5, auprès de 117 patients, un score élevé signifiant un faible sentiment d’habitude (alpha de Cronbach = .915). D’après leurs résultats, la force de l’habitude évaluée à six moins de traitement est significativement associée à l’observance à 12 mois. Il serait intéressant d’explorer si l’habitude d’utiliser l’appareil de PPC s’installe plus précocement chez les patients et dans quelle mesure le potentiel prédictif observé par Broström et al. (2014) est retrouvé. En effet, les premières utilisations de l’appareil permettent de prédire l’observance à court et moyen termes (Aloia, Arnedt, et al., 2007; Aloia, Arnedt, Stepnowsky, et al., 2005; Budhiraja et al., 2007; Lewis et al., 2004; Nguyên et al., 2010; Popescu et al., 2001; Weaver, Kribbs, et al., 1997). Ces résultats se retrouvent dès les premières semaines et jusqu’à trois jours dans l’étude de Budhiraja et al. (2007). Les comportements antérieurs sont un indicateur important de la force

de l’habitude (Triandis, 1977, p. 10 cité par Ajzen, 2002), régulièrement identifiés comme le meilleur prédicteur du comportement futur lorsque le contexte est stable (Ouellette & Wood, 1998). Néanmoins un comportement est qualifié comme habituel à partir d’un autre élément : l’automatisation, c’est-à-dire un déclenchement comportemental demandant peu d'effort cognitif, sans en avoir conscience (Conner et Norman, 2005, p. 334). Dans le contexte du SAOS, la majorité des résultats retrouvés portent uniquement sur les comportements antérieurs, ne prenant pas en compte les processus d’automatisation. Comme le suggère Ajzen (2002), une mesure indépendante de l’habitude est en conséquence indispensable dans le but d’évaluer son influence sur le lien entre comportement passé et comportement futur.

2.2.2.5 De l’acceptabilité à l’acceptation du traitement par Pression