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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

2.3 Intervenir pour améliorer l’observance

2.3.2 Les interventions d’éducation thérapeutique du patient

2.3.2.1 L’intérêt des référentiels théoriques en éducation thérapeutique du patient

2.3.2.1.1 Le programme ME-CPAP, basé sur le Modèle Transthéorique du Changement

Une des premières expériences d’ETP dans le contexte du SAOS est celle d’Aloia et

al. (2001), dont le référentiel théorique était le Modèle Transthéorique du Changement de Prochaska et DiClemente (1982). Ce modèle est le fruit d’une synthèse de 18 approches psychothérapeutiques (psychanalytique, psychodynamique, interpersonnelles, comportementaliste, etc.). À partir de cette synthèse, ces auteurs ont mis en évidence les

processus en jeu dans le déclenchement et le maintien de comportements (Prochaska & DiClemente, 1982). Le contenu du programme portait sur les concepts du modèle, notamment de balance décisionnelle et d’auto-efficacité, en évoquant par exemple avec le patient les avantages et les désavantages du traitement par PPC. Les sessions d’éducation étaient menées par un psychologue clinicien, au cours de deux entretiens individuels de 45 minutes, à une semaine d’intervalle. Le groupe contrôle de cette étude a également bénéficié de deux entretiens individuels, mais leur contenu portait sur l’institution (les questions relatives au SAOS et à son traitement étaient éludées par le psychologue). Les données sociodémographiques et médicales entre les deux groupes sont identiques. L’observance, recueillie à 1, 4 et 12 semaines après l’intervention, ne diffère pas entre les deux groupes en début de prise en charge ; c’est seulement au troisième temps, à 12 semaines, qu’Aloia et ses collaborateurs (2001) observent une différence significative. Sur la base de ces premiers résultats, l’équipe d’Aloia, du département de psychiatrie et comportements humains, de l’Université de Brown (Rhode Island) a développé un programme d’ETP intitulé « Motivational Enhancement Therapy for CPAP, ME-CPAP » (Aloia, Arnedt, Riggs, et al., 2004).

Ce programme se compose de deux entretiens individuels hebdomadaires, suivi d’un appel téléphonique. Le contenu de ces interventions s’appuie sur le Modèle Transthéorique du

Changement, mais aussi sur la Théorie Sociale Cognitive de Bandura (1977) en ciblant notamment les croyances relatives à la sévérité perçue de la maladie, au sentiment

d’auto-efficacité ou encore aux attentes de résultats. Pour ce programme d’ETP, Aloia et ses collaborateurs (2004) ont intégré les techniques d’entretien motivationnel, proposées par William Miller et Stephen Rollnick (2002). L’entretien motivationnel se définit selon Miller et Rollnick (1991) comme « une approche centrée sur la personne qui vise à amener à un

changement de comportement par l’augmentation de la motivation intrinsèque en aidant le client à explorer et à résoudre son ambivalence » (cité par Golay, Lagger et Giordan, 2013). Aloia et al. (2004) ont adapté cinq principes clefs de l’entretien motivationnel au contexte du SAOS :

- Développer la divergence : c’est-à-dire aider le patient à prendre conscience de la distance entre son comportement actuel de non-observance et ses objectifs tels que retrouver sa vitalité. Il s’agit de faire émerger des dissonances, afin d’augmenter de façon suffisante l’inconfort du patient pour entrainer une motivation à changer. (Aloia, Arnedt, Riggs, et al., 2004; Golay et al., 2013, p. 82)

- Manifester de l’empathie : c’est-à-dire montrer au patient que l'on comprend et qu’on accepte sans jugement ses ressentis et ses croyances, tels que son anxiété à utiliser l’appareil de PPC (Aloia, Arnedt, Riggs, et al., 2004; Golay et al., 2013, p. 81). - Éviter les argumentations et accepter l’ambivalence : il s’agit de faciliter l’expression

de l’ambivalence, notamment vis-à-vis de la gravité de la maladie, afin de l’éclaircir et de la résoudre, et ce, en évitant les tentatives de persuasion directe qui ont tendance à augmenter la résistance du changement (Aloia, Arnedt, Riggs, et al., 2004; Golay et al., 2013, p. 83).

- Rouler avec la résistance : c’est-à-dire « faire avec » plutôt que de la contrer. La résistance est une tentative du patient de récupérer le contrôle ; or il est important de soutenir son autonomie. En cas de rejet du diagnostic du SAOS, il s’agira par exemple d’en explorer les raisons plutôt que de tenter de convaincre le patient (Aloia, Arnedt, Riggs, et al., 2004; Golay et al., 2013, p. 84).

- Soutenir le sentiment d’auto-efficacité : il s’agit de renforcer, valoriser les capacités du patient à gérer correctement son traitement par PPC, dès les premiers succès et les premiers efforts fournis (Aloia, Arnedt, Riggs, et al., 2004; Golay et al., 2013, p. 85).

En plus de ces cinq principes clef de l’entretien motivationnel, les auteurs préconisent d’utiliser à chaque interaction avec les patients, six techniques d’entretien, également développées par Miller et Rollnick (1991) et regroupées sous l’acronyme FRAME (Aloia, Arnedt, Riggs, et al., 2004; Golay et al., 2013, p. 85) : Feedback, Responsability (libre arbitre), Advice, Menu (choix d’options), Empathy et Self-efficacy. Ce programme d’ETP est ainsi particulièrement détaillé dans l’article intitulé « Clinical Management of Poor

Adherence to CPAP: Motivational Enhancement » datant de 2004. Il a été repris et appliqué dans le cadre de plusieurs études interventionnelles (Aloia, Smith, et al., 2007; Aloia, Arnedt, Strand, Millman, & Borrelli, 2013; Lai, Fong, Lam, Weaver, & Ip, 2014; Roecklein et al., 2010; Sparrow et al., 2010). Cependant les résultats sont non-consensuels.

Roecklein et al. (2010) ne retrouvent pas de différence probante entre le groupe interventionnel et le groupe contrôle quant à la durée moyenne d’utilisation du traitement par PPC à deux semaines ainsi qu’à trois mois de prise en charge. Ils imputent ce manque de résultats significatifs au petit échantillon de leur étude (N=30). Au contraire, une autre étude, effectuée en Chine, démontre les bénéfices de ce programme pour soutenir l’observance (Lai et al., 2014). Enfin, Aloia et ses collaborateurs publient en 2013 leurs résultats quant à la mise

en application de leur programme ME-CPAP. Au cours d’un essai randomisé, ils ont évalué son impact en le comparant à deux autres groupes : une intervention d’information (groupe placebo) et le soin standard (groupe contrôle). 227 patients ont été recrutés, répartis dans les trois groupes et suivis pendant 12 mois ; in fine, le groupe contrôle était composé de 49 patients, le groupe d’information de 53 patients et le groupe d’entretien motivationnel de 47 patients. Les sessions d’interventions (d’information et d’entretien motivationnel) ont débuté à une semaine de traitement et se sont déroulées au cours du premier mois. Certaines caractéristiques démographiques diffèrent significativement entre les trois groupes : l’âge et le sexe. Le groupe contrôle comprenait plus d’hommes et des patients plus âgés que les deux autres groupes. Les résultats de cette étude ne démontrent pas de différence significative entre les trois groupes. L’observance a tendance à diminuer au cours de la première année pour l’ensemble des participants. Les auteurs ont toutefois constaté un effet de leur intervention en catégorisant les patients en trois classes, en fonction de leur moyenne d’utilisation au cours de la première semaine. L’intervention d’entretien motivationnel semble particulièrement bénéfique pour les utilisateurs « medium » (de 2h00 à 6h00 d’utilisation moyenne) et l’intervention d’information semble pertinente pour les « high » utilisateurs (plus de 6h00 d’utilisation). En revanche, les patients qui utilisent très peu l’appareil de PPC dès le début du traitement (moins de 2h00 par jour) ne tirent aucun bénéfice des interventions d’information ou des entretiens motivationnels. Or ce sont ces patients qui en ont le plus besoin.

Aloia et al. (2013) ont également étudié l’évolution de certaines croyances (balance

décisionnelle et auto-efficacité), cependant aucune différence significative n’a été constatée entre ces trois groupes. À partir de ces résultats, les auteurs soulignent que l’implication et la motivation initiale sont primordiales. De nouvelles recherches sont ainsi indispensables pour intervenir auprès des patients qui sont en grande difficulté dès le démarrage du traitement. Après avoir présenté le programme, ME-CPAP, le plus étudié dans le contexte du SAOS ; nous allons aborder de nouveaux programmes s’appuyant sur des théories différentes du

Modèle Thansthéorique du Changement.

2.3.2.1.2 Les programmes d’éducation thérapeutique étudiés dans ce