• Aucun résultat trouvé

Chapitre II. Méthodologies et Résultats

2.2 Étude Préliminaire relative au Questionnaire ACCEPTNEA

2.2.1 Étape 1 : Le recueil des indicateurs

Fishbein et Ajzen (2010) proposent une méthodologie rigoureuse afin d’élaborer un questionnaire spécifique à la Théorie du Comportement Planifié. Dans un premier temps, il est nécessaire de définir le comportement étudié en précisant l’action, la cible, le contexte et la temporalité de ce dernier. Ceci permet de respecter le principe de compatibilité entre les croyances recueillies et le comportement que l’on cherche à comprendre (Fishbein et Ajzen, 2010, p. 43), en l’occurrence ici « l’utilisation de l’appareil de PPC ». Nous avons retenu comme cible du comportement, le seuil d’utilisation minimum de quatre heures, ce dernier étant le critère d’observance généralement utilisé. Nous avons précisé l’action, « utiliser le

traitement chaque nuit », ainsi que la temporalité de l’action, « au cours du premier mois », afin d’obtenir un niveau de généralité intermédiaire (Fishbein et Ajzen, 2010, p. 31)36. Pour notre étude, le comportement étudié est ainsi formulé : « utiliser l’appareil de PPC au moins

quatre heures chaque nuit au cours du prochain mois ». Toujours selon Fishbein et Ajzen (2010, p. 327), il est nécessaire d’identifier les croyances comportementales, normatives et de

36 Nous n’avons pas précisé de contexte, car le traitement doit s’utiliser tous les jours, indépendamment du contexte (au domicile, chez des amis, au logement de vacances, etc.).

contrôles spécifiques à chaque comportement, lors d’une Étude Qualitative Exploratoire que nous présentons dans cette sous-section.

2.2.1.1 Méthodologie

Au cours de cette Étude Exploratoire, nous avons réalisé et analysé des entretiens semi-directifs, afin de recueillir les croyances saillantes spécifiques à l’utilisation de

l’appareil de PPC d’au moins quatre heures chaque nuit au cours du prochain mois.

2.2.1.1.1 Population

Nous avons présélectionné une liste de patients afin d’obtenir un échantillon apparié en fonction de la durée de leur prise en charge, de l’âge, du sexe et de l’observance au cours du dernier mois. Les critères d’inclusion étaient les suivants : personnes âgées entre 30 et 80 ans, francophones, appareillées depuis moins de dix ans. Toutes personnes ayant déjà fait l’expérience antérieure d’abandon du traitement, sous tutelle/curatelle ou suivant une oxygénothérapie associée ont été exclues. Contactés par téléphone, 15 patients (75%) présélectionnés ont accepté de répondre à nos questions lors d’un entretien : 5 nouveaux patients, 5 patients appareillés depuis moins de quatre mois et 5 patients appareillés depuis plus de quatre mois. Les caractéristiques des participants sont présentées dans le Tableau 4.

Tableau 4

Caractéristiques des patients de l’étude exploratoire qualitative (N=15)

Participants N=15 Nouveaux N=5 Moins de 4 mois N=5 Plus de 4 mois N=5 Caractéristiques M ±ET n (%) M ±ET n (%) M ±ET n (%) M ±ET n (%) Âge 55.7±11.4 52.0±11.3 64.0±8.4 51.0±11.2 Sexe (homme) 10 (66.7%) 4 (80.0%) 3(60.0%) 3(60.0%)

Situation maritale (couple) 10 (66.7%) 5 (100.0%) 3 (60.0%) 2 (40.0%)

En activité professionnelle 10 (66.7%) 4 (80.0%) 2 (40.0%) 4 (40.0%)

Indice d’Apnées Hypopnées 41.9±11.6 46.5±12.4 35.6±9.7 44.6±12.1

Indice de Masse Corporelle 29.9±5.2 31.9±5.8 27.1±4.5 30.7±5.1

Somnolence (ESS initial) 7.0±3.1 7.2±4.4 7.2±1.6 6.3±3.5

Taux d’observantsa,b 50.5% -- 40.0% 60.0%

Durée traitement (semaines) 64.4±124.1 0.0±0.0 10.3±7.2 182.9±165.6

Utilisation moyenne (heures)b 04h44±02h24 -- 4h11±2h12 5h18±2h43

2.2.1.1.2 Procédure et matériels utilisés

Les entretiens se sont déroulés dans les locaux de l’agence AGIR à dom. Assistance de Meylan, à la suite du rendez-vous des patients avec un professionnel de santé, excepté pour les nouveaux patients, pour lesquels nous souhaitions recueillir les croyances naïves. Les entretiens pour ce groupe se sont ainsi déroulés avant leur premier rendez-vous avec l’infirmière. Après signature du consentement éclairé (cf. Annexe C.1), nous avons effectué un entretien semi-directif en suivant la grille d’entretien proposée par Fishbein et Ajzen (2010, pp. 451-452), recueillant les croyances comportementales, normatives et de contrôle (cf. Annexe C.2). Les entretiens ont duré entre 10 et 25 minutes.

2.2.1.1.3 Analyses des données

Après avoir effectué une retranscription verbatim de l’ensemble des entretiens, nous avons utilisé le logiciel N.Vivo 10.0 pour procéder à l’analyse thématique. Nous avons créé une grille d’analyse a priori en nous basant sur la grille d’entretien (cf. Encadré 1). Les propositions significatives, c’est-à-dire les croyances comportementales, normatives et de

contrôle, exprimées de manière manifeste et explicite, ont été classées exclusivement dans un des thèmes de la grille d’analyse. Dans une seconde lecture, nous avons affiné chaque thème en créant des sous-catégories homogènes. Enfin, grâce au logiciel N.Vivo 10.0, nous avons repris chaque entretien afin de vérifier si les croyances saillantes étaient codées de manière exhaustive. Nous avons effectué par la suite une analyse fréquentielle afin d’identifier les croyances les plus fréquemment évoquées par les participants.

Encadré 1 : Grille d'analyse intégrée dans N.Vivo

2.2.1.2 Résultats

Les retranscriptions verbatim des 15 entretiens ainsi que les résultats détaillés sont disponibles en Annexe C.3 et C.4. Nous présentons, dans cette section, une synthèse des

• Avantages à utiliser l’appareil de PPC • Inconvénients à utiliser l’appareil de PPC,

• Référents injonctifs favorisant ou défavorisant l’utilisation de l’appareil de PPC • Référents descriptifs favorisant ou défavorisant l’utilisation de l’appareil de PPC • Éléments facilitant l’utilisation de l’appareil de PPC

indicateurs, recueillis à l’aide de cette Étude Qualitative Exploratoire. En effet l’ensemble des entretiens nous ont permis de recueillir de nombreux indicateurs pertinents dans la perspective de rédiger le Questionnaire ACCEPTNEA, bien que deux nouveaux patients ont donné des réponses très succinctes ne fournissant que peu d’information.

Nous avons relevé cinq croyances saillantes relatives aux avantages de l’utilisation de l’appareil de PPC : « une meilleure qualité de sommeil », « moins de fatigue », « une meilleure qualité de vie », « éviter le ronflement » et les « gains pour la santé ». Elles concernent principalement l’utilité perçue du traitement sur la réduction des symptômes, mais seulement deux patients ont évoqué le bénéfice de l’appareil de PPC en termes de prévention des troubles cardio-vasculaires. Six patients n’ont rapporté aucun avantage, il s’agissait notamment des nouveaux patients et des patients non-observants. Ainsi, d’une manière générale les avantages perçus sont principalement des croyances comportementales

instrumentales, liées à l’utilité perçue de l’appareil de PPC.

Les croyances rapportées au sujet des inconvénients de l’utilisation du traitement sont plus nombreuses et diversifiées que celles des avantages perçus (10 vs 5). Les principaux inconvénients rapportés concernent l’inconfort et la gêne occasionnés : « le port d’un masque sur le visage », la « gêne pour s’endormir » ou encore la « gêne pour respirer » avec la pression d’air insufflée par l’appareil de PPC ainsi que « l’entretien et la préparation du matériel » qui s’avèrent contraignants pour certains patients. Ces éléments font ainsi référence à la difficulté d’utilisation du traitement par PPC. Plusieurs patients ont également évoqué des émotions négatives engendrées par l’utilisation de l’appareil, telles que la « frustration », « l’angoisse » ou encore « la honte ». Enfin, les « effets indésirables », le « bruit » ainsi que « l’encombrement du traitement » ont été rapportés par peu de patients (moins de deux). Malgré cette liste de 10 inconvénients, sept patients n’en perçoivent aucun. À l’inverse des avantages perçus centrés sur les croyances instrumentales, les inconvénients rapportés sont majoritairement des croyances expérimentales relatives à la facilité d’usage perçue.

Peu de croyances normatives injonctives défavorables ont été rapportées : l’ensemble des 15 patients rapporte qu’aucun membre de leur entourage ne les décourage à utiliser l’appareil de PPC. Au contraire, selon ces résultats exploratoires, il semblerait que les référents normatifs favorisent l’utilisation de l’appareil de PPC. Les résultats concernant les référents descriptifs sont néanmoins plus mitigés : les patients rapportent à la fois des témoignages positifs et négatifs. Les référents injonctifs, évoqués par plus d’un patient, sont : « le conjoint », « les enfants », « les professionnels de santé » et « la famille ». Les référents

descriptifs sont : « la famille », « les amis », « les collègues de travail » et les « conjoints ». Ainsi, les principaux référents injonctifs et descriptifs diffèrent très nettement : le conjoint est le référent injonctif le plus cité par les patients (8 patients) alors que les référents descriptifs sont la famille et les amis (7 patients).

Les réponses données par les participants aux questions portant sur la présence de facilitateur ou de barrières pouvant impacter favorablement ou défavorablement l’utilisation de l’appareil de PPC concernent fréquemment la présence ou l’absence d’inconvénients, ainsi que la présence de bénéfices. Il s’agit ainsi de croyances comportementales. Les croyances de

contrôle, définies comme les éléments ou circonstances, indépendantes de la facilité d’usage ou de l’utilité perçue de l’appareil, sont in fine, peu évoquées. Quatre facilitateurs ont été précisés : « la capacité de l’individu à s’habituer au masque », la « présence de soutien matériel », « des circonstances reposantes » telles que des vacances, ainsi que la « prise de médicaments sédatifs ». Néanmoins ces trois derniers facilitateurs ont chacun été évoqués par un seul patient. Les barrières rapportées sont quant à elles, « les déplacements », c’est-à-dire le fait de dormir ailleurs que chez soi avec l’appareil de PPC (5 patients), « le fait d’être malade » et notamment enrhumé (4 patients), « la présence de troubles du sommeil » et « de trouble de l’humeur » (2 patients respectivement). Enfin, « les conditions climatiques », « une claustrophobie associée » et des « changements de mode de vie » ont chacun été exprimés par un participant. Les croyances de contrôle rapportées sont ainsi à la fois internes (par exemple : la capacité d’habituation) et externes (par exemple : le soutien social).

L’ensemble de ces croyances comportementales, normatives et de contrôle nous ont permis de rédiger une partie du Questionnaire ACCEPTNEA, tel que nous allons le présenter.