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Chapitre I. Revue de la littérature et Problématique

2.1 Définitions et descriptions de l’observance thérapeutique

2.1.1 Le concept d’observance thérapeutique

De nombreux concepts sont utilisés pour rendre compte des différents comportements de soin des patients, tels que l’adhérence, la compliance, l’observance, l’acceptance ou encore la coopération (Bissonnette, 2008). La distinction entre ces différents concepts n’est pas aisée, c’est pourquoi nous allons exposer l’évolution de cette terminologie, avant de définir le concept retenu pour notre étude5.

2.1.1.1 De compliance à observance

Le premier terme, apparu dans la littérature médicale dans les années 1975, est celui de « compliance » (Vrijens et al., 2012). Selon la définition de Sackett et Haynes (1976), il s’agit de : « la mesure dans laquelle le comportement du patient coïncide avec la prescription

médicale » (cités par Vrijens et al., 2012). La compliance fait référence aux comportements effectifs du patient ; ceci comprend le fait de suivre correctement les prescriptions médicales et thérapeutiques, d’observer une hygiène de vie recommandée ou encore de réduire ou arrêter sa consommation de substances addictives (tabac, alcool, etc.). Le concept de compliance, d’origine anglo-saxonne, provient du verbe « to comply » qui se traduit littéralement en

français par « se conformer à ». Ce concept fait ainsi référence à une forme de soumission, de passivité du patient face aux comportements de soins. Rapidement en France, le terme de compliance, perçu comme trop péjoratif pour le patient, a été abandonné au profit du terme d’observance.

La définition de l’observance la plus communément relevée dans la littérature est celle proposée par Haynes et al. (1979) : « le degré auquel le comportement du patient (par rapport

à la prise du traitement, le suivi des régimes ou d’autres changements apportés au style de vie) s’accorde avec l’avis médical ou sanitaire » (cité par Ogden, 2014). Bien que cette définition soit initialement celle du terme anglo-saxon « compliance », en France une distinction importante est apportée entre ces deux termes, en relation avec le niveau de responsabilité du patient. En effet avec le concept d’observance, le patient est davantage considéré comme un acteur de sa santé et de sa maladie, qui initie ou non un comportement de soin (Lamouroux, Magnan, & Vervloet, 2005; Tarquinio & Tarquinio, 2007).

Il existe une seconde distinction entre ces deux concepts quant à la mesure du comportement de soin. Le concept de compliance permet de définir le comportement du patient par rapport à la norme médicale, en distinguant les patients qui suivent parfaitement la prescription par rapport à ceux qui ne la suivent pas parfaitement : les compliants et les non-compliants, autrement dit les « bons » et les « mauvais » patients. Le concept d’observance marque davantage de nuances en s’intéressant au degré auquel le patient suit les recommandations médicales. L’observance est ainsi un phénomène mesurable sur un continuum entre un extrême, « observants » et un autre extrême, « non-observants » (Lamouroux et al., 2005). En conséquence, le concept d’observance prend également en compte la dynamique des comportements. Les variations du comportement thérapeutique peuvent être déterminées aussi bien par des facteurs propres au patient que par des facteurs externes, comme des évènements de vie (Lamouroux et al., 2005).

Pour autant, la littérature scientifique internationale ne fait pas cette distinction entre ces deux concepts, l’observance étant une des traductions françaises du terme « compliance », le terme d’observance n’existe pas dans le vocabulaire médical anglo-saxon (Lamouroux et al., 2005).

2.1.1.2 Observance ou adhérence thérapeutique ?

Dans les années 1990, un nouveau concept apparait dans la littérature internationale. Il s’agit du terme anglo-saxon d’« adherence » (Vrijens et al., 2012), du verbe « adhere »,

c’est-à-dire « adhérer », « rejoindre ». Du point de vue international, le concept d’« adherence » reflète un changement fondamental dans l’approche et la compréhension d’un comportement de soin (Lutfey & Wishner, 1999). La principale distinction avec le concept de « compliance » porte sur le fait que l’« adherence » requiert l’accord et la participation du patient au sujet des recommandations (Lutfey & Wishner, 1999; World Health Organization, 2003), le plaçant ainsi davantage comme acteur de sa santé. Cette distinction, quant au rôle du patient, se retrouve également entre les concepts d’observance et de compliance ; de plus le terme « adherence » se traduit en français par observance. Néanmoins, le flou terminologique entre « adherence » et « compliance » persiste, comme en témoigne la définition d’ « adherence » proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui reste très similaire à celle de « compliance » : l’"adherence" se définit comme « la mesure dans

laquelle le comportement d'une personne - la prise de médicaments, la suite d'un régime, et/ou l'exécution de changements de style de vie, correspond aux recommandations convenues à partir d'un prescripteur de soins de santé » (World Health Organization, 2003). De plus, nous avons pu observer en mars 2019 que les termes de « compliance » et d’« adherence » sont encore considérés comme synonymes dans certaines bases d’indexation de la littérature6. Le mot anglais « adherence » se traduit littéralement en français par adhérence ou encore adhésion, entrainant une certaine confusion du fait que ces concepts, d’adhérence ou d’adhésion thérapeutique, font référence à d’autres objets d’étude dans la littérature française (Lamouroux et al., 2005). En effet, l’adhérence thérapeutique correspond à la « facette

cachée » de l’observance. Il s’agit de la dimension attitudinale du comportement de soin effectif. « L’adhésion fait référence à des processus intrinsèques tels que les attitudes et la

motivation des patients à suivre leur traitement » (Lamouroux et al., 2005). Cependant, cette distinction spécifiquement admise dans la langue française n’est pas retrouvée dans la littérature internationale, notamment depuis le consensus terminologique de l’ESPACOMP

(European Society for Patient Adherence, Compliance and Persistence) en 20097. En effet au niveau international, le concept « adherence » fait référence aux comportements objectifs et renvoie ainsi au terme français d’observance thérapeutique.

2.1.1.3 Observance et Persistance

Le concept de « persistance » apparait plus tard, dans les années 2000 (Vrijens et al., 2012). Ce concept s’intéresse particulièrement aux comportements de soin dans le cadre des maladies chroniques dont les traitements sont palliatifs. Le concept de persistance fait référence à la durée du comportement, entre l’initiation du traitement et son arrêt (Cramer et al., 2008). De la même manière que l’observance, cette notion porte sur les comportements mesurables et effectifs ; cependant elle exprime le nombre de jours durant lesquels le traitement a été pris correctement, sans dépasser d’écarts acceptables (Cramer et al., 2008). Ainsi l’étude du comportement effectif du patient par l’association des concepts d’observance et de persistance peut être complémentaire, bien que l’observance thérapeutique soit applicable à l’ensemble des maladies, même aiguës et transitoires.

2.1.1.4 L’observance thérapeutique d’une technologie de soin

Nous venons de voir que l’étude des comportements de santé se révèle complexe en raison des nombreux concepts qui tentent de les définir, mais aussi en raison du flottement taxonomique et terminologique de ces différents concepts, les premières initiatives de consensus portant uniquement sur la prise de médicament (Vrijens et al., 2012). Toutefois, pour qualifier le comportement qui nous intéresse plus particulièrement ici, c’est-à-dire « l’utilisation de l’appareil de PPC », nous avons choisi de retenir le terme d’ « observance » dont la traduction anglo-saxonne est « adherence ».

7 En 2009, lors du colloque de l’ESPACOMP (European Society for Patient Adherence, Compliance and Persistance) un comité, ayant pour objectif de trouver un consensus sur la taxonomie et la terminologie de ces différents concepts, a retenu la proposition du Dr Bernard Vrijens. Selon lui, l’« adherence to medications » correspond aux comportements effectifs des patients (Vrijens et al., 2012), se rapprochant ainsi de la notion française d’observance. Alors que, selon la proposition de Vrijens et al. (2012), la notion de «

adherence-related sciences », incluant les disciplines qui tentent de comprendre les facteurs et les conséquences de la non-adhérence médicamenteuse, renvoie en partie aux objets d’étude de l’adhérence thérapeutique telle qu’elle est définie en France. Ainsi d’après cette terminologie, qui a trouvé consensus au niveau international, le terme anglo-saxon « adherence » fait référence aux comportements objectifs et donc au terme d’observance thérapeutique ; en revanche, elle n’est pas synonyme des concepts français « d’adhérence » ou « d’adhésion thérapeutique » tels que définis par Lamouroux et al. (2005).

L’observance thérapeutique se définit comme « l’ensemble des comportements de

santé qui sont observés par le patient » (Lamouroux et al., 2005). Il s’agit ainsi de comportements visibles et donc objectivables et mesurables. Ce terme nous semble plus approprié que celui de compliance pour évoquer le comportement d’un individu dans sa dynamique et sa subjectivité (Lamouroux et al., 2005). La notion d’observance prend également en compte le rôle actif du patient, ce qui est particulièrement pertinent dans notre contexte clinique puisque le patient utilise le traitement par PPC seul à son domicile. De plus, dans la mesure où nous nous intéressons au comportement effectif des patients souffrant du SAOS et de ses variations au cours du temps, l’étude de l’observance, en prenant en compte les évolutions comportementales dans la durée, nous semble plus pertinente que celle de la persistance.

2.1.2 Les enjeux de l’observance et de sa mesure dans ce contexte