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Futur Scénarios

3. Des outils à une philosophie de fabrique de la stratégie

3.4. La PSP, dispositif de gestion pour des stratégies collectives

La prospective, utilisée depuis plus de 50 ans dans les organisations, s’est adaptée aux entreprises dans lesquelles elle s’insère. Pour ses précurseurs, la prospective est une philosophie, un art, une attitude ou une « indiscipline intellectuelle » (Berger, 1964 ; Massé, 1973). D’abord utilisée au sein des grandes structures centralisées, des administrations ou des institutions tels que la Datar ou le Commissariat au Plan, la prospective se voulait très procédurale et normée. Aujourd’hui démocratisée et devenue plus accessible, elle est basée sur un mode de gestion transversal et participatif, afin de s’adapter aux nouvelles formes organisationnelles.

Qu’il s’agisse de la prospective, proche de la planification stratégique, ou de la prospective stratégique d’entreprise, elles offrent un cadre formalisé à ceux qui la mettent en place pour anticiper les changements et mettre en œuvre les actions stratégiques adaptées. Elle mobilise des outils spécifiques tels que la méthode des scénarios, l’analyse morphologique, l’analyse des jeux d’acteurs, des méthodes multicritères ou encore les arbres de compétences (Giget, 1998) ; et des dispositifs formalisés tels que des ateliers, des comités de pilotage (Roubelat, 2001) ou des comités techniques. Ces outils et ces dispositifs misent sur le travail, la réflexion et l’apprentissage collectifs des acteurs concernés. C’est pourquoi cette discipline formalisée a su s’adapter aux évolutions des modes gestionnaires des organisations et est devenue de plus en plus participative, favorisant une co-construction multi-acteurs. Elle évolue vers le jeu d’acteurs, avec des rationalités différentes et des niveaux hiérarchiques variés.

Afin d’identifier cette prospective d’entreprise mobilisatrice et axée sur la stratégie, nous parlerons dès lors de Prospective Stratégique Participative (PSP).

En conclusion, la PSP se pratique toujours collectivement. Elle mobilise et mutualise les intelligences individuelles et collectives en s’insérant dans un mode de management participatif et transversal. Elle fait appel aux techniques du management par projet. Elle permet à l’organisation de devenir plus apprenante et dynamise son évolution. Sa principale vertu est qu’elle favorise le développement des relations et des connaissances entre les acteurs à la fois grâce à son mode d’organisation (participatif) et aux outils, règles et dispositifs qu’elle met en place. Ses outils sont variés et

intègrent plusieurs niveaux de l’organisation. Les comités de pilotage et, le cas échéant, les comités techniques, constituent le socle d’organisation de la PSP. Ils sont complétés par la formation d’ateliers pour les exercices de brainstorming, et d’outils plus formels comme l’analyse morphologique, l’analyse structurelle, l’analyse des jeux d’acteurs ou des méthodes telles que Delphi. Ces outils sont assortis de règles de gestion concernant les modalités spécifiques de rencontres. Par exemple, lors d’une démarche de PSP étendue sur six mois, les comités de pilotage se réunissent une à deux fois par trimestre. La règle est de respecter les contraintes horaires et le lieu de réunion. La plupart des cas, l’entreprise qui est à l’initiative de la démarche de PSP organise et fixe ces règles aux autres membres invités à y participer. La PSP intervient dans l’organisation sur une longue période, pouvant s’étendre de quelques mois à quelques années. Le temps est prépondérant à plusieurs titres. Premièrement parce que la prospective en général est toujours étroitement liée aux notions de passé, présent et futur. Ensuite parce que l’apprentissage par la mobilisation collective est séquentiel. Enfin, parce que l’introduction d’un instrument de gestion dans une organisation crée un processus de changement plus ou moins long, par définition.

Cette PSP, cette réflexion prospective structurée dans un processus d’action collective, semble permettre aux organisations qui la mettent en place, de rentrer dans une dynamique permanente d’évolution, d’adaptation aux changements et d’innovation, grâce à un processus d’apprentissage, garant de leur évolution et, probablement, de leur pérennité. Cette démarche vise ainsi à donner une intelligibilité globale aux trajectoires parcourues. Son intérêt principal tient à ce qu’elle permet de penser la démarche stratégique ou prospective à la fois comme étant productrice de repères pour situer des actions diverses, mais aussi comme mode d’intervention sur ces actions elles-mêmes et sur leur dynamique.

Par ailleurs, par la prise en compte du long terme et des aspects multidimensionnels, la prospective modifie les paradigmes et les rigidités en place, et fait évoluer les organisations en exerçant son influence autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise (Roubelat, 1996). En effet, toute introduction d’instrumentation de gestion, de pratiques de gestion, provoque au sein de l’organisation des résistances de la part des acteurs concernés car elle bouleverse l’ordre du système existant. La

souhaitée par l’introduction d’une réflexion prospective par exemple, permet de développer de nouvelles logiques, de transformer celles qui existent et qui décrivent l’organisation (Hatchuel & Molet, 1986). Dès lors, la prospective stratégique d’entreprise peut être lue comme une méthode de management des organisations tournée vers une réflexion commune afin d’anticiper l’avenir et d’envisager des actions concrètes adaptées.

Figure 26 : la PSP, une perspective d’ancrage dans le management stratégique de l’innovation

Conclusion du chapitre

Dans le cadre de notre recherche, et afin de mieux comprendre les processus de changement engendrés par les innovations managériales dans les organisations, nous positionnons la prospective participative d’entreprise dans le champ du management stratégique, sous le vocable « PSP ».

La PSP est une démarche cognitive liée à la stratégie en même temps qu’elle est une méthode et un outillage gestionnaire. Autrement dit, pour BASF, la PSP constitue une innovation managériale, car il s’agit d’une méthode nouvelle. D’autre part, cette démarche est participative, tant en interne qu’envers les

Prospective stratégique

Management participatif

Prospective Stratégique Participative

Règles Dispositifs Outils Management Stratégique Relations Connaissances Innovation Organisationnelle Mixte

acteurs externes. En ce sens, elle affiche une stratégie ouverte vers l’extérieur. Dans la mesure où il est souvent nécessaire d’outiller une réflexion stratégique, la question de l’interaction avec l’environnement se pose.

Il existe différentes façons de concevoir l’environnement et de l’aborder : l’environnement comme entièrement extérieur ; les interactions entre entreprise et environnement car l’environnement n’est pas une donnée externe mais aussi une production de l’organisation ; les autres organisations qui adressent les questions sur l’interdépendance stratégique ; l’environnement dépendant de la promulgation de l’entreprise, au sens de la notion d’enactment de Weick (1979) car l’environnement n’est pas seulement produit, il devient ce qu’on imagine qu’il est. Même si l’on reconnaît la subjectivité d’une vision, elle déclenchera des actions qui risquent de produire cet environnement.

Dès lors, comment arriver à un degré d’enchâssement entre les méthodes et l’organisation ? Habituellement il y a une déconnexion entre organisation et prospective. Nos travaux proposent d’établir ce lien. Considérant que la PSP constitue un outil de conception, nous nous intéressons au chapitre suivant aux formes organisationnelles et aux innovations managériales qui constituent ses outputs. Nous tentons d’établir un lien entre PSP et écosystème d’affaires à travers une plateforme de conception, matérialisée dans notre cas par le Cercle. Ce lien pourrait probablement être faits également à travers d’autres outils comme les ateliers de conception innovants.