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Chapitre 3. Méthodologie, design de la recherche et construction des questions de recherche

2. Les outils de la prospective

2.2. Les outils de prévision

Les prévisions sur les changements de technologie ou les prévisions technologiques (en anglais « technical forecasting ») sont des outils appliqués dans les entreprises pour des horizons de moyen et long termes. Elles tiennent compte de facteurs intellectuels, philosophiques, culturels, politiques et internationaux. Elles ont vocation à révéler les tendances du futur et reposent, comme les techniques quantitatives, sur des démarches et des méthodes spécifiques. Moins systématisées, « elles impliquent

beaucoup d’imagination et l’abandon d’idéologies ou d’idées fixes et prennent éventuellement en compte des évènements imprévisibles tels que la chance ou les accidents » (Ansion, 1990, p. 280).

Ansion distingue trois méthodes classiques de prévisions technologiques : l’analyse morphologique, l’extrapolation de tendances et les intuitions. Créée par l’astrophysicien Fritz Zwicky, connu pour ses analyses sur le moteur à réaction, la méthode morphologique consiste à lister toutes les possibilités pour développer une invention en excluant les combinaisons irréalisables, pour des raisons techniques ou organisationnelles, par exemple. L’extrapolation de tendances se base sur l’hypothèse intuitive que chaque chose se perpétue et que le passé se renouvelle. On dégage alors des tendances en usant d’expressions linéaires, exponentielles, quadratiques ou logarithmiques. Quant aux méthodes intuitives de prévision, elles n’obéissent à aucune règle particulière, autre que celle de laisser libre cours aux visions, à l’imagination et aux pressentiments des acteurs concernés.

L’analyse morphologique

Développée au cours de la deuxième guerre mondiale par F. Zwicky, l’analyse morphologique vise à explorer de manière systématique les futurs possibles à partir de l’étude de toutes les combinaisons issues de la décomposition d’un système. Elle consiste notamment à construire une grille morphologique, c’est-à-dire à décomposer le problème en dimensions (ou composantes) et sous-composantes. L’analyse morphologique est donc une méthode à finalité exploratoire. Elle permet d’imaginer ce que pourrait être un événement futur, ou bien d’identifier de nouveaux besoins jusque là ignorés. Elle vise à décomposer le problème étudié en sous-systèmes ou composantes aussi indépendantes que possible. Chaque composante peut prendre plusieurs configurations (hypothèses).

La méthode de Delphes (en anglais Delphi), nommée ainsi par Olaf Helmer en référence à l’oracle de Delphes, est une des plus anciennes de la prospective. Elle a pour but de mettre en évidence des convergences d’opinion et de dégager certains consensus sur des sujets précis, grâce à l’interrogation d’experts à l’aide de questionnaires successifs (en général trois). Elle est utilisée principalement dans le domaine de la prospective technologique pour aboutir à des convergences de points de vue d’experts concernant souvent les dates d’émergence des technologies nouvelles31 (Heraud & al., 1997). A la fin des années 1980,

la méthode Delphi est employée sous une forme nouvelle pour mener une réflexion prospective dans le domaine de la recherche appliquée sur le bruit (Chapuy & al., 1990).

Cette méthode qualitative, utilisée notamment pour la prospective stratégique, part du principe que des hommes et des femmes, par leurs compétences et leurs responsabilités vont exercer une influence sur l’environnement. Elle développe une forme d’interrogation structurée où l’on tente d’éliminer l’interaction entre les membres d’une commission, d’un groupe, d’un secteur, etc. On questionne individuellement une série d’experts. Les réponses numériques sont analysées et répertoriées selon des moyennes et des quartiles. On demande aux experts lors d’une deuxième interrogation, de revoir leurs positions ou de la confirmer en fonction du consensus qui semble se dessiner. Une dernière phase consiste à recommencer la deuxième étape avec les adaptations précédentes. Il s’ensuit une certaine convergence des arguments retenus. Ce passage filtré élimine des « facteurs tels que la mauvaise volonté, les excès ou les aversions personnelles, les effets oratoires habiles, les réactions en

chaîne » (Ansion, 1990, p. 283).

Ainsi, la méthode Delphi propose une structuration progressive des idées pour arriver à un consensus entre experts sur ce dont demain sera fait. Cette structuration tente de se faire dans la neutralité car il n’y a pas d’interaction directe entre les experts. « Seuls des échanges d’informations prédigérés sont organisés par l’intermédiaire d’un coordinateur central dont la tâche

est de faire respecter la plus grande objectivité possible » (Tarondeau & Huttin, 2001, p. 63). Les experts de Delphi sont des

parties prenantes impliquées dans la construction du futur et participent à l’évolution du présent. L’avenir repose en partie sur leur interprétation des phénomènes qui se déroulent sous leurs yeux. En effet, l’interprétation dépend de la perception et de la compréhension, qualités profondément subjectives influencées par des capacités cognitives obligatoirement restreintes.

Le principe de l’Abaque de Régnier

La méthode Abaque de Régnier est une technique formalisée de consultations d’experts faisant appel au jugement intuitif, particulièrement adaptée au recueil et au traitement d’informations qualitatives. Nous disposons de puissants moyens de calcul pour saisir et traiter l’information quantitative (données économiques et financières notamment), mais nous sommes souvent désarmés devant l’information qualitative (opinions, données incertaines, etc.) qui constitue une grande part de la base des études prospectives et stratégiques. Face à ces carences, l’Abaque de Régnier représente un outil de communication qui facilite la saisie et la gestion de l’information qualitative en s’appuyant sur une codification des procédures d’échange : une échelle du choix coloré. L’idée de base est de recueillir l’opinion des experts selon une échelle de sept couleurs : vert, vert clair,

orange, rouge clair, rouge, blanc et noir. Cette gamme colorée traduit toute la hiérarchie des opinions possibles, de très favorable (vert), à très défavorable (rouge), le noir signifiant le refus de prendre position et le blanc symbolisant l’incapacité de répondre.

En étendant la procédure à un groupe et sur un ensemble de propositions pour un sujet donné, il devient possible de construire une carte du problème à trois dimensions. Il y a les lignes (propositions ou items) et les colonnes (participants) et à l’intersection de celles-ci, les sept choix de l’échelle de décision. Contrairement à un tableau de chiffres, la perception de l’information est globale et immédiate, tout en respectant l’individu qui n’est pas dilué dans une moyenne statistique. Cette échelle colorée utilisée dans une configuration en tableau (en ligne les sujets soumis au vote), en colonne les réponses de chaque expert sur ces sujets) constitue le principe de l’Abaque de Régnier. Les plages de consensus/dissensus sont immédiatement visibles. Ce tableau coloré peut être facilement géré par informatique : histogramme par question, ordonnancements et classement des votes selon les différentes questions ou selon les experts, tris hiérarchiques, etc. La qualité d’une réponse ne vaut évidemment que par la qualité de formulation de la proposition. C’est pourquoi, comme le rappelle le Docteur François Régnier, « si la synthèse

colorée de l’Abaque accélère la communication, elle ne dispense pas d’investir le temps économisé en analyse préalable et minutieuse du vocabulaire du problème » (Régnier, 1989, p. 3).