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Conclusion du chapitre

Chapitre 2 : Conception de la stratégie et Ecosystèmes d’Affaires

2. L’écosystème d’affaires, entre réseau, communauté et plateforme

2.1. De la communauté d’acteurs au réseau stratégique d’entreprises

James Moore (1993, 1996) décrit les EA à travers une large communauté de partenaires qui englobe clients, fournisseurs, producteurs, concurrents et autres parties prenantes.

Il s’agit d’ : « une communauté économique supportée par l’interaction entre

les organismes du monde des affaires : des entreprises et des individus. Cette communauté économique va produire des biens et des services en apportant de la valeur aux clients, qui feront eux-mêmes partie de cet écosystème. Les organismes membres vont également inclure les fournisseurs, les producteurs, les concurrents et autres parties prenantes. A travers le temps, ils vont faire co-évoluer leurs compétences et leurs rôles, et vont tendre à s’aligner eux-mêmes sur la direction d’une ou de plusieurs entreprises centrales. Ces entreprises vont détenir un rôle de leader qui peut évoluer à travers le temps mais la fonction d’un leader de l’écosystème sera d’apporter de la valeur à la communauté car il va engager les membres à agir en partageant une vision pour adapter leurs investissements et trouver des rôles d’appui mutuels » (Moore, 1996).

d’intervenir à des degrés divers dans un processus de création de valeur collectif piloté par une entreprise. Les entreprises de l’écosystème partagent un destin stratégique à travers le développement d’un référentiel commun (Torrès, 2001), créant une ou plusieurs compétences centrales (Teece, 2007), grâce au principe de la co-évolution (Iansiti & Levien, 2004). L’écosystème, telle une structure à part entière, est dirigé par une (ou plusieurs) entreprise(s) leader, qui oriente(nt) les évolutions de ces compétences et instaure(nt) une dynamique partagée par les autres membres de l'écosystème d'affaires, faisant eux-mêmes éventuellement partie d’autres réseaux.

Les recherches sur les EA offrent une nouvelle voie d’exploration pour la compréhension des comportements stratégiques des entreprises mais constatent encore le manque de consensus ou de précisions en ce qui concerne la définition et le contour de ce concept (Peltoniemi, 2006 ; Gueguen & Passebois-Ducros, 2011 ; Koenig, 2012). La notion d’EA est en effet aussi bien utilisée dans les revues académiques, la presse économique spécialisée que par les entreprises. Cela en fait un concept riche, mais ambigu et sujet à de multiples représentations et interprétations selon les contextes dans lequel il est mobilisé. De ce fait, il n’est pas aisé d’envisager une représentation unique des EA et l’on s’interroge encore sur les spécificités réelles de cette forme d’organisation en réseau (Koenig, 2012).

D’un côté, l’accent est mis sur une communauté hétérogène et de l’autre, un réseau complexe, un réseau de réseaux. La focalisation est donc soit sur une entreprise leader envisagée dans son ensemble avec sa multiplicité d’acteurs (Moore, 1996), soit sur l’entreprise et sur le fonctionnement des plateformes et des mécanismes de connexion (Iansiti & Levien, 2004). Dans le premier cas, c’est la notion de communauté qui prévaut. Dans, le deuxième, c’est le réseau qui est central. Ces deux concepts sont souvent superposés mais ne recouvrent pas le même sens. Communauté et réseau se réfèrent tous deux à un ensemble et à des relations entre des organisations. Toutefois, la communauté unit des acteurs à cause de caractéristiques communes tandis que le réseau est davantage structuré et possède une dimension fonctionnelle. L’intérêt d’appartenir à un réseau s’inscrit dans la finalité poursuivie et, à cette fin, une structuration active peut exister. Les courants socio-psychologiques soulignent que la communauté met en avant l’importance des valeurs partagées, alors que le réseau correspond à l’ensemble des nœuds

interconnectés. Les forces directrices de la communauté sont de maximiser le contrôle social sur l’individualité tandis que celles du réseau sont de maximiser le contrôle individuel sur la socialité (Dal Fiore, 2007). Le réseau sera exploité par les acteurs à des fins personnelles. « Ainsi, la communauté se

caractérise par une force centripète qui rend homogène les acteurs malgré leur spécialisation tandis que le réseau se caractérise par une force centrifuge qui entraîne la différenciation de ses membres » (Daidj,

2011). Parmi les missions de cette communauté, on note la volonté d’imposer un standard ou une technologie sur plusieurs espaces d’opportunités qui permettront de générer de la valeur pour tous les membres de l’écosystème d’affaires.

Par ailleurs, si l’on peut appartenir à une communauté sans pour autant connaître les autres membres, c’est moins le cas du réseau. L’on peut difficilement construire un réseau sans concevoir l’existence d’une communauté de pratiques ou d’intérêts.

Dès lors, communauté et réseau caractérisent les EA (Varey & White, 2000 ; Torrès-Blay, 2000 ; Moore, 2006 ; Gueguen, 2009 ; Edouard & Gratacap, 2010) mais le point focal est différent selon la vision retenue. La focalisation sur le réseau renvoie à la vision d’une structure englobante indépendante d’une entreprise donnée, en d’autres termes, une vision centrée sur les activités. A contrario, la clé d’entrée par la communauté d’acteurs envisage comme point de départ de l’analyse les entreprises, en d’autres termes une vision centrée sur les stratégies des acteurs. Ainsi, l’EA apparaît tour à tour comme une structure qui englobe des entreprises et comme une structure qui émerge des stratégies des entreprises. L’EA peut ainsi se retrouver dans l’une ou l’autre de ces visions. « Si cette double perspective peut être

considérée comme une avancée dans la compréhension de la stratégie des firmes, d’un point de vue opérationnel cela n’est pas sans poser des difficultés afin de concilier le tout et une partie dans une analyse commune » (Gueguen & Passebois-Ducros, 2011, p. 137). Pour autant, la vision d’un EA se

Figure 19 : les trois représentations des écosystèmes d’affaires (Gueguen & Passebois-Ducros, 2011, p.138)

Habituellement, l’on distingue trois grandes classes qui peuvent être envisagées comme autant de façon de représenter les EA : une stratégie de mise en réseau, une communauté économique en lien avec les technologies de l’information et une co-évolution incluant les concurrents afin d’innover. Cette typologie permet de distinguer le réseau qui semble partir de l’intérêt d’une entreprise pour structurer un tout et la communauté qui a pour point de départ l’intérêt de l’ensemble, notamment à travers les valeurs partagées, afin de caractériser le rôle de l’entreprise (Dal Fiore, 2007 ; Gueguen & Passebois-Ducros, 2011). Cette vision n’exclut nullement l’idée qu’une communauté puisse servir, au final, l’intérêt d’une entreprise comme la possibilité d’envisager de façon globale un réseau.